Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– M. Bernard X…,
contre l’arrêt n° 6 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, 2e section, en date du 15 janvier 2015, qui, dans l’information suivie contre lui du chef d’escroquerie en bande organisée, a prononcé sur sa demande d’annulation d’actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 26 novembre 2015 où étaient présents : M. Pers, conseiller doyen faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, M. Soulard, Mme Dreifuss-Netter, M. Steinmann, Mme Chaubon, MM. Germain, Sadot, Mmes Schneider, Farrenq-Nési, Zerbib, conseillers de la chambre, Mmes Harel-Dutirou, Chauchis, Guého, Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Lagauche ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER et de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN, SOLTNER et TEXIDOR, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LAGAUCHE, les avocats des parties ayant eu la parole en dernier ;
Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 7 avril 2015, prescrivant l’examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’en juillet 1990 et janvier 1991, M. et Mme X…, par l’intermédiaire de plusieurs sociétés dont ils avaient le contrôle, ont acquis la quasi totalité des actions de la société Adidas avec le concours financier de la société de banque occidentale (SDBO), filiale du Crédit lyonnais, qui a reçu mandat, en décembre 1992, de revendre ces parts au prix de 2, 085 milliards de francs, au plus tard le 15 février 1993, en consacrant le prix de vente au remboursement du financement initial ; que le 12 février 1993, huit sociétés, dont une filiale du Crédit lyonnais, se sont portées acquéreurs et le même jour ont consenti à un tiers une option d’achat de ces mêmes actions au prix de 3, 498 milliards de francs, l’option étant levée le 22 décembre 1994 ;
Qu’à partir de 1993, le Crédit lyonnais se trouvant en difficulté, l’Etat est intervenu pour le soutenir, qu’une opération de » défaisance » a été mise en place par l’intermédiaire de la création de l’Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR), celui-ci, sous la tutelle du ministre de l’économie, étant chargé de gérer le soutien financier de l’Etat au Consortium de réalisation (CDR), lui-même devant acquérir un ensemble d’actifs du Crédit lyonnais, de garantir à ce dernier le recouvrement de créances, de recevoir, gérer et, le cas échéant, liquider les actifs du Crédit lyonnais ; que le CDR, ayant pour actionnaire unique l’EPFR, a donné une garantie générale au Crédit lyonnais, le CDR ayant lui-même reçu de par la loi une garantie de l’EPFR, c’est à dire de l’Etat ;
Qu’à compter de novembre 1994, les époux X… et les sociétés de leur groupe ont fait l’objet de mesures de redressement puis de liquidation judiciaire, que des mandataires judiciaires ont engagé des actions en justice reprochant à la SDBO et au Crédit lyonnais, assisté par le CDR, d’avoir soutenu abusivement les sociétés du groupe X… et de s’être approprié la plus-value réalisée lors de la revente des actions Adidas ; qu’après une tentative de médiation en 2004 qui n’a pas abouti, la cour d’appel de Paris, par arrêt du 30 septembre 2005, a condamné la SDBO et le Crédit lyonnais à payer aux mandataires liquidateurs une indemnité de 135 millions d’euros au titre du préjudice financier et un euro au titre du préjudice moral ; que, par arrêt du 9 octobre 2006, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a cassé cet arrêt ;
Qu’après la saisine de la juridiction de renvoi, les mandataires judiciaires ont proposé au CDR de recourir à un arbitrage par courrier du 30 janvier 2007, réitéré le 1er août suivant, pour mettre un terme au litige et aux procédures qui en dérivaient ; qu’avec la décision du gouvernement de donner son accord de principe, à travers le conseil d’administration de l’EPFR, à un arbitrage, les conseils d’administration du CDR, puis celui de l’EPFR, se sont prononcés en septembre et octobre 2007 en faveur de cette procédure ; que, par lettre du 28 septembre 2007, le Crédit lyonnais, par son directeur général, s’est déclaré fort réservé sur le principe même de l’arbitrage, qu’un compromis d’arbitrage a été signé le 16 novembre 2007 ; que l’arbitrage a été autorisé le 20 novembre 2007 par ordonnance du juge commissaire et le compromis a été homologué par jugement du tribunal de commerce du 18 décembre suivant ; qu’ont été choisis comme arbitres MM. C…, D…et E…;
Que la sentence a été rendue le 7 juillet 2008 à l’unanimité des arbitres retenant une violation par le Crédit lyonnais de l’obligation de loyauté et de l’interdiction de se porter contrepartie et condamnant le CDR à verser aux mandataires judiciaires des sociétés du groupe X… la somme de 240 millions d’euros, au titre du préjudice financier, avec intérêts au taux légal et à ces mêmes mandataires se substituant aux époux X… la somme de 45 millions d’euros au titre du préjudice moral, qualifié d’une très lourde gravité ; que trois autres sentences du 27 novembre 2008 ont fixé le montant des intérêts dus et des frais de liquidation (105 et 13 millions d’euros) ; qu’après compensation avec une créance hypothécaire du CDR et ajout des intérêts, le CDR devait verser 304 millions d’euros, la sentence faisant ainsi droit à l’essentiel des demandes des liquidateurs ;
Que les conseils d’administration du CDR et de l’EPFR ont renoncé le 28 juillet 2008 à tout recours en annulation de la sentence et un protocole d’exécution a été signé le 16 mars 2009 ;
Que le 10 mai 2011, le procureur général près la Cour de cassation a demandé l’avis de la commission des requêtes de la Cour de justice de la République en faisant état d’un courrier du 1er avril 2011 d’un certain nombre de parlementaires s’interrogeant sur les conditions du recours à l’arbitrage et sur la validité de celui-ci, et retenant contre le ministre la qualification d’abus d’autorité ; que le 4 août 2011, la commission des requêtes a émis un avis favorable à la saisine de la commission d’instruction de la Cour de justice de la République pour instruire contre Mme Christine F…, ministre en exercice à la période de la prévention, des chefs de complicité de faux par simulation d’acte et complicité de détournement de fonds publics, concluant qu’il existait des indices graves et concordants d’une action concertée en vue d’octroyer aux époux X… et à leurs sociétés les sommes qu’ils n’avaient pu obtenir devant les tribunaux judiciaires ou par médiation ;
Que le 16 août 2011, le procureur général a pris des réquisitions aux fins d’informer et de saisine de la commission d’instruction de la Cour de justice de la République en reprenant les chefs de qualifications retenues par la commission des requêtes ;
Que, parallèlement, après un contrôle en 2009 et 2010 de la gestion du CDR et de l’EPFR, le procureur général près la Cour des comptes, en application des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale, a adressé le 9 juin 2011 un courrier au procureur de la République de Paris signalant qu’étaient apparus des faits pouvant recevoir une qualification pénale et l’informant que le ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière retenait que les faits pouvaient revêtir la qualification d’abus de pouvoirs de l’article L. 242-6, 4°, du code de commerce et visait M. G…en sa qualité de président du conseil d’administration du CDR ;
Que l’enquête préliminaire confiée à la brigade financière le 22 juin 2011 a porté sur les faits révélés par le procureur général de la Cour des comptes, a consisté en un examen des documents transmis et en de nombreuses auditions et a été retournée au procureur de la République le 17 septembre 2012 ;
Que dans le cadre de l’information ouverte le 18 septembre 2012 des chefs d’usage abusif des pouvoirs sociaux et de recel de ce délit :
– une commission rogatoire a été délivrée le 5 octobre 2012 à la brigade financière, également saisie par la commission de l’instruction de la Cour de justice de la République ;
– une copie du dossier de la Cour de justice de la République a été versée au dossier de l’instruction le 30 octobre 2012, comprenant, notamment, des commissions rogatoires des 6 février et 6 avril 2012 adressées aux autorités judiciaires monégasques et aux autorités compétentes du Grand Duché du Luxembourg ainsi que les pièces d’exécution en retour, portant sur l’identification des comptes bancaires des époux X… et de la SNC GBT et les justificatifs de mouvements sur ces comptes égaux ou supérieurs à 100 000 euros ;
– le 3 janvier 2013, les juges d’instruction par une ordonnance de soit-communiqué, visant le réquisitoire aux fins d’informer du ministère public près la Cour de justice de la République, ont sollicité la délivrance de réquisitions supplétives qui ont été prises le 23 janvier suivant contre personne non dénommée des chefs de faux par simulation d’acte, détournement de fonds publics, complicité et recel de ces délits ;
– les 8 et 30 janvier 2013, le président de la commission d’instruction de la Cour de justice de la République a adressé d’autres éléments au juge d’instruction versés à la procédure, ainsi que des scellés et pièces les 25 février et 6 juin 2013 ;
– le 24 mai 2013, la brigade financière a reçu un soit-transmis du juge d’instruction la saisissant des faits relevant du réquisitoire du 23 janvier 2013 ;
– une commission rogatoire a été délivrée aux autorités judiciaires du Luxembourg le 28 juin 2013 faisant référence à la commission rogatoire de la Cour de justice de la République du 6 avril 2012 et formulant une demande détaillée sur des éléments différents et complémentaires aux fins, notamment, de saisie pénale de sommes au crédit d’un compte bancaire de la société SREI (propriété de la GBT Holding) ;
– le 27 mai 2013, M. E…, arbitre, a été placé en garde à vue (en exécution de la commission rogatoire du 5 octobre 2012 et du réquisitoire supplétif du 23 janvier 2013) ;
– le 28 mai 2013, M. I…, avocat de M. X… lors de l’arbitrage, a été placé en garde à vue ;
– le 29 mai 2013, les juges d’instruction ont adressé une ordonnance de soit-communiqué au parquet sollicitant ses réquisitions ou son avis sur l’éventualité d’une mise en examen de M. E…du chef d’escroquerie en bande organisée et par des réquisitions du même jour, le parquet a sollicité cette mise en examen de M. E…de ce chef et son placement sous contrôle judiciaire ;
– à l’issue de sa première comparution du 29 mai 2013, M. E…a été mis en examen pour escroquerie en bande organisée au vu des réquisitoires introductif et supplétifs des 23 janvier et 29 mai 2013 et interrogé au fond les 22 octobre et 5 novembre 2013, a été mis également en examen pour faux et usage (concernant la déclaration d’indépendance du 16 novembre 2007) au vu d’un réquisitoire supplétif du 21 octobre 2013 ;
– le 31 mai 2013, la Brigade financière a été informée, par un soit-transmis du juge d’instruction, qu’elle était saisie de l’infraction d’escroquerie en bande organisée en vertu du réquisitoire du 29 mai 2013 ;
– le 10 juin 2013, MM. Jean-François G…(président du conseil d’administration du CDR) et Stéphane H…(directeur de cabinet de Mme F…) ont été placés en garde à vue et le 12 juin ont été mis en examen, M. G…des chefs d’escroquerie en bande organisée et d’usage abusif des pouvoirs sociaux et M. H…du chef d’escroquerie en bande organisée ;
– le 24 juin 2013, M. X… a été placé en garde à vue, garde à vue qui a duré 96 heures, et le 28 juin suivant a été mis en examen du chef d’escroquerie en bande organisée ;
– le 25 juin 2013, M. I…a été placé, à nouveau, en garde à vue, et le 28 juin suivant, a été mis en examen du chef d’escroquerie en bande organisée et placé sous contrôle judiciaire ;
Que, le 24 décembre 2013, l’avocat de M. X… a déposé au greffe de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris une requête en nullité d’actes de la procédure ;
Que MM. X… et I… ont déposé des questions prioritaires de constitutionnalité, qui ont été transmises à la Cour de cassation par arrêts du 15 mai 2014, portant sur les articles 706-88 et 706-73, 8° bis, ajouté par la loi du 17 mai 2011, du code de procédure pénale ; que ces questions ont été renvoyées au Conseil constitutionnel par arrêt du 16 juillet 2014 de la chambre criminelle de la Cour de cassation ; que, par décision du 9 octobre 2014, le Conseil constitutionnel a retenu, notamment, que l’article 706-73, 8° bis, portait une atteinte à la liberté individuelle et aux droits de la défense non proportionnée au but poursuivi et devait être déclaré contraire à la Constitution et que les dispositions ajoutées à l’article 706-88 du code de procédure pénale par la loi du 27 mai 2014 n’ont pas mis fin à l’inconstitutionnalité du 8° bis de l’article 706-73, que le Conseil constitutionnel a prévu que la prise d’effet de l’inconstitutionnalité était reportée au 1er septembre 2015, qu’à compter de la publication de la décision, la garde à vue telle que prévue par l’article 706-88 n’est plus applicable aux faits d’escroquerie en bande organisée mais que les mesures de garde à vue prises avant la publication de la présente décision ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité ;
Que, par arrêt du 15 janvier 2015, la chambre de l’instruction a dit sa saisine recevable, n’y avoir lieu à annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure examinée jusqu’à la cote D 3030 et fait retour du dossier aux juges d’instruction saisis pour la poursuite de l’information ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ensemble des articles 113-3, 197-1, 199, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
» en ce que l’arrêt attaqué précise l’ordre dans lequel les parties et témoins assistés ont été entendu et indique que les avocats des personnes mises en examen et des témoins assistés ont eu la parole en dernier ;
» 1°) alors que l’avocat d’un témoin assisté ne peut être entendu par la chambre de l’instruction que s’il conteste un non-lieu ou s’il présente une requête en nullité ; que la chambre de l’instruction a entendu l’avocat de l’un des témoins assistés ; qu’en cet état, cet avocat ayant été entendu en dernier comme les personnes mises en examen, la chambre de l’instruction a méconnu les articles 113-3 et 197-1 du code de procédure pénale ;
» 2°) alors qu’il se déduit de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des principes généraux du droit que, devant la chambre de l’instruction, la personne mise en examen ou son avocat doivent avoir la parole les derniers ; que l’arrêt mentionne que les avocats des mis en examen et des mis en examen ont eu la parole en dernier ; que ces mentions ne permettent pas à la Cour de cassation de s’assurer que le principe ci-dessus rappelé a été respecté » ;
Attendu que l’arrêt mentionne que les avocats des personnes mises en examen et des témoins assistés ont eu la parole en dernier ;
Attendu qu’en cet état, et dès lors que, selon l’article 173, alinéa 3, du code de procédure pénale, le témoin assisté qui peut, dans les mêmes conditions que l’une des parties, saisir la chambre de l’instruction d’une requête en annulation d’actes de la procédure, produire un mémoire et prendre la parole devant celle-ci quel que soit l’initiateur de la procédure en nullité, se trouve dans une situation identique à celle des personnes mises en examen, ces dernières ne sauraient se faire un grief de ce que les avocats des témoins assistés aient eu, au même titre que leurs propres avocats, la parole en dernier ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 68-1 et 68-2 de la Constitution, des articles 17 et 19 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, 170, 171, 174, 198, 206, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a rejeté le moyen de nullité de la saisine de la Cour de justice de la République qui a transmis des pièces de sa procédure aux magistrats instructeurs saisis de la procédure sur laquelle la chambre de l’instruction était appelée à se prononcer ;
» aux motifs que les dispositions de l’article 17 de la loi organique, obligent le procureur général près la Cour de cassation à prendre ses réquisitions, au vu de l’avis conforme de la commission des requêtes, que tel a bien été le cas, puisqu’il a été requis par celui-ci qu’il plaise à la commission d’instruction de la Cour de justice de la République informer par voies de droit sur des faits ci-dessus énoncés à l’égard de Mme Christine F…, née le 1er janvier 1956 à Paris, en sa qualité, à la date des faits, de membre du gouvernement, ministre chargée de l’Economie, sous la qualification retenue par la commission des requêtes de complicité de faux par simulation d’acte et complicité de détournement de fonds publics, prévus et réprimés par les articles 121-7, 432-15 et 441-1 et suivants du code pénal ;
» 1°) alors qu’en vertu des articles 17 et 19 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993, sur la Cour de justice de la République, la commission d’instruction informe en vertu d’un réquisitoire du procureur général près la Cour de cassation, qui ne peut lui être soumis qu’ensuite d’un avis conforme de la commission des requêtes qu’il a saisi à cette fin ; que, le 10 mai 2011, le procureur général près la Cour de cassation a saisi la commission des requêtes aux fins d’avis pour des faits constitutifs d’abus d’autorité susceptibles d’avoir été commis par la ministre de la justice, laquelle aurait abusé de ses pouvoirs pour faire accepter au CDR et à son associé l’EPFR, un arbitrage portant sur des éléments dont le CDR n’avait pas à répondre, qui plus être en méconnaissance du droit public et du droit de l’arbitrage et par une renonciation à former un recours contre cette sentence ; que, la commission des requêtes a rendu un avis favorable à la saisine de la Cour de justice de la République pour des faits qualifiés de complicité de faux par simulation d’acte et détournement de fonds publics, faits visés dans le réquisitoire introductif adressé à la commission d’instruction ; qu’en cet état, la chambre de l’instruction, qui estime que la saisine de la commission d’instruction était régulière, sans répondre au mémoire en nullité qui invoquait l’irrégularité de saisine de la commission d’instruction, par un réquisitoire qui s’il reprenait les faits et qualifications visées dans l’avis de la commission des requêtes, était lui-même fondé sur un avis irrégulier, en tant qu’il portait sur des faits et qualifications pénales distincts de ceux qui étaient invoqués dans la demande d’avis, la chambre de l’instruction a privé son arrêt de base légale ;
» 2°) alors qu’il résulte des termes mêmes de la demande d’avis du procureur général qu’il saisissait la commission des requêtes d’une méconnaissance par la ministre des règles applicables en matière d’arbitrage et des dispositions légales sur les limites des fonctions du CDR constitutifs d’abus d’autorité réprimé par les articles 432-1 et 432-2 du code pénal ; que la commission des requêtes a émis un avis favorable à la saisine de la Cour de justice de la République en visant des faits constitutifs de faux par simulation d’actes et détournement de fonds publics, visant ainsi non seulement l’irrégularité de l’arbitrage, mais au-delà son caractère purement fictif, et ainsi des faits distincts de ceux en cause de la demande d’avis ; qu’ainsi, l’avis de la commission des requête n’étant pas conforme à la demande présentée par le procureur général près la Cour de cassation, le réquisitoire au fins d’informer reprenant les faits et qualifications visés dans cet avis était nul, par violation des articles 17 et 19 de la loi organique du 23 novembre 1993 ; qu’en ne constatant pas cette nullité, la chambre de l’instruction a méconnu les articles précités » ;
Attendu que, pour rejeter le moyen de nullité d’actes de la procédure, tiré de l’irrégularité de la saisine de la Cour de justice de la République qui a transmis les éléments d’information recueillis dans son dossier aux juges d’instruction chargés de la présente procédure, l’arrêt retient, notamment, que la commission des requêtes de la Cour de justice de la République a été saisie d’office par le procureur général, le courrier de parlementaires auquel ce dernier fait référence dans sa demande d’avis ne constituant pas une plainte au sens de l’article 13 de la loi organique du 23 novembre 1993, et que le procureur général a pris des réquisitions aux fins d’informer devant la commission d’instruction de la Cour de justice de la République sur les faits énoncés à l’égard de la ministre concernée sous la qualification pénale retenue par la commission des requêtes ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, et dès lors que devant la Cour de justice de la République, dans la phase de mise en mouvement de l’action publique, l’opportunité des poursuites et la qualification pénale des faits dénoncés relèvent de la seule compétence de la commission des requêtes, la chambre de l’instruction, qui s’est prononcée dans la limite de la procédure d’instruction dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, 68-1 et 68-2 de la Constitution, de l’article 18 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, des articles 11, 81, 170, 171, 174, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a refusé d’annuler les communications des pièces de la procédure pendante devant la commission d’instruction de la Cour de justice de la République aux juges d’instruction saisis de la procédure qui lui était soumise ;
» aux motifs qu’il y a également lieu de rappeler que la Cour des comptes ayant procédé en 2009 et 2010 au contrôle des comptes et de la gestion du Consortium de réalisation (CDR) et de l’Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR) pour les exercices 2007 et 2008, avait décidé de la saisine de la Cour de discipline budgétaire pour des infractions à la réglementation budgétaire et comptable, et qu’il existait une présomption de commission du délit d’abus de pouvoirs au préjudice du CDR, ainsi que de recel de ce délit, faits qu’il lui appartenait de porter à la connaissance du procureur de la République de Paris, en application de l’article 40 du code de procédure pénale ; que, plus particulièrement, la note de la juridiction financière, après avoir repris l’historique de la défaisance du Crédit lyonnais ainsi que des contentieux entre le Consortium de réalisation (ci-après « CDR ») et le groupe X…traitait de la décision d’entrer en arbitrage, qui a opposé le CDR aux liquidateurs des sociétés du groupe X…, ainsi qu’aux époux X… ; que cette décision a été soumise au vote du conseil d’administration du CDR le 17 septembre 2007 et le 2 octobre 2007 ; que, le 10 octobre 2007, elle a également été présentée au vote du conseil d’administration de I’EPFR, actionnaire unique du CDR ; qu’à l’issue des votes favorables des organes sociaux de ces structures, la procédure d’arbitrage a été mise en place ; que ces faits et griefs dénoncés par la Cour des comptes, par la CDBF et par son ministère public le 9 juin 2011, en application de l’article 40 du code de procédure pénale, auprès du procureur de la République de Paris, ont été le fondement de l’enquête préliminaire ordonnée par le parquet de Paris le 22 juin 2012, puis du réquisitoire introductif du 18 septembre 2012 ; que ces faits constituent un seul et même socle, un même ensemble, recevant des qualifications pénales adaptées à chaque protagoniste concerné, le second volet de ladite procédure tenant sa raison d’être du fait de la mise en cause de personnes, non membres du gouvernement au temps de la prévention, lesquelles, en conséquence, allaient devoir faire parallèlement l’objet d’une procédure diligentée par d’autres magistrats ; que ces deux procédures ne sont distinctes et parallèles qu’en raison de dispositions procédurales spécifiques tenant à la qualité des personnes mises en cause, mais qu’elles concernent un même ensemble de faits, qu’ainsi les pièces émanant de la Cour de justice de la République pouvaient venir alimenter la présente procédure, sans forme particulière, le CPP ou la loi organique n’en prévoyant aucune, que les différents envois successifs objets de versements à la présente procédure, quelles qu’aient été leurs dates de versement, seront déclarés réguliers et en particulier les envois des 30 octobre 2012, 8, 30 janvier, 20 mars, 6, 26, 27 juin, 23 septembre, 16 octobre et 18 décembre 2013 ;
» 1°) alors qu’en vertu de l’article 18 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, sauf prévision spéciale, les dispositions du code de procédure pénale s’applique à la procédure applicable devant la commission d’instruction de la Cour de justice de la République ; que celle-ci est tenue par le secret de l’instruction ; qu’elle ne peut communiquer les pièces de sa procédure à un autre magistrat instructeur, que pour autant que celui-ci lui en ait demandé communication, au vu de leur utilité dans le cadre des poursuites dont il est saisi, en vertu de l’article 81 du code de procédure pénale ; qu’en l’espèce, le président de la commission d’instruction de la Cour de justice de la République a communiqué « spontanément » plusieurs pièces de la procédure pendante devant ladite Cour au juge d’instruction en charge de l’information ouverte au tribunal de grande instance de Paris ; qu’en estimant qu’aucune disposition n’interdisait une telle communication spontanée, quand l’article 11 du code de procédure pénale prévoit expressément le secret de l’instruction, aucune disposition spécifique ne permettant à la commission d’instruction de lever ce secret, et quand la commission d’instruction n’est pas habilitée à déterminer elle-même quelles pièces pourraient être utiles au magistrat instructeur, lui seul disposant de ce pouvoir en vertu de l’article 81 du code de procédure pénale, la cour d’appel a méconnu les articles précités ;
» 2°) alors que, et à tout le moins, en vertu de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ; que la commission d’instruction de la Cour de justice de la République, qui ne doit instruire que sur les faits mettant en cause un membre du gouvernement est tenu par le secret de son instruction, lui interdisant de communiquer les pièces de la procédure à toute personne n’y collaborant pas, serait-ce un magistrat saisi des mêmes faits ou de faits connexes, sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs ; qu’en jugeant le contraire, la chambre de l’instruction a violé le principe de séparation des pouvoirs ;
» 3°) alors que tout arrêt de la chambre de l’instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu’en estimant que la communication de pièces par la commission d’instruction de la Cour de justice de la République pouvait être légalement opérée dès lors qu’en fait, la procédure devant la Cour de justice de la République et celle dont étaient saisis les magistrats instructeurs du tribunal de grande instance de Paris n’étaient distinctes qu’en raison de l’implication d’un ministre dans des faits qui étaient, par ailleurs, identiques ; que la cour d’appel a ainsi méconnu l’existence de deux procédures distinctes, du fait du principe de la séparation des pouvoirs, privant sa décision de base légale ;
» 4°) alors que les procédures ne portant pas exactement sur les mêmes faits, dès lors que la commission d’instruction était saisie de faits constitutifs de complicité de faux par simulation d’arbitrage et détournement de fonds publics et le magistrat instructeur de faits constitutifs d’abus de pouvoirs par le président du CDR et recel, et aucunement d’un simulacre d’arbitrage, comme elle le rappelait, l’instruction en estimant qu’étaient en cause en réalité une seule procédure portant sur les mêmes faits et que dès lors la communication de pièces de la procédure de la Cour de justice de la République était régulière, la chambre de a privé sa décision de base légale » ;
Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que des pièces de la procédure pendante devant la commission d’instruction de la Cour de justice de la République ont été versées dans la présente procédure, dès lors qu’aucune disposition constitutionnelle ou légale n’interdit la communication de pièces de la procédure de la commission d’instruction dans une autre procédure dont sont chargés des juges d’instruction et qui sont de nature à éclairer ces derniers sur les faits dont ils sont saisis, une telle communication ne portant atteinte ni au secret de l’instruction ni au principe de la séparation des pouvoirs ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 55 de la Constitution, 23 de la Convention relative à l’entraide judiciaire entre Etats membres de l’Union européenne du 29 mai 2000, de la déclaration du Luxembourg conformément à l’article 23 de ladite Convention, de la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959, des articles 170, 171, 173, 174, 206, 198, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
» en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la requête en annulation de la communication aux magistrats instructeurs des pièces renvoyées en exécution de commissions rogatoires internationales délivrées au Luxembourg et à la Principauté de Monaco par la commission d’instruction de la Cour de justice de la République et des pièces qui en étaient la suite nécessaire ;
» aux motifs que le requérant estime avoir intérêt à faire annuler les constatations illégalement recueillies par la commission d’instruction de la Cour de justice de la République à l’étranger, obtenues par la délivrance de trois commissions rogatoires des 6 février et 6 avril 2012 au Luxembourg, la troisième à Monaco, en date du 6 février 2012, et ce en faisant application de l’arrêt du 6 septembre 2011 de la chambre criminelle de la Cour de cassation, selon lequel une personne peut se prévaloir de la nullité d’un acte concernant un tiers, dès lors que cet acte a pu porter atteinte aux intérêts du demandeur ; que, les 6 février et 6 avril 2012, la commission d’instruction a prononcé deux arrêts portant commission rogatoire internationale à l’intention des autorités judiciaires monégasques, au visa de la Convention européenne d’entraide judiciaire pénale du 20 avril 1959, de la Convention relative au blanchiment… saisie des produits du crime du novembre 1990, de la Convention européenne d’entraide judiciaire pénale entre les Etats membres de l’Union européenne du 29 mai 2000, demandes destinées à disposer des documents relatifs aux opérations découlant de la sentence arbitrale du 7 juillet 2008 et plus particulièrement à propos de deux versements effectués :
– le 5 septembre 2008 pour 197, 8 millions d’euros ;
– le 18 ou 20 mars 2009 pour 107, 6 millions d’euros, par le mandataire judiciaire, sommes correspondant au paiement, pour la première du préjudicie matériel et du préjudice moral avec compensation des créances détenues par la SDBO, et pour la seconde au paiement des intérêts sur le préjudice matériel, et consécutivement à ces paiements, que des virements ont été effectués par ce mandataire en faveur des époux X… et de la SNC Groupe B. X…, sommes à leur tour, objets, les 9 juillet pour 15 000 000 euros, et le 16 décembre 2009 pour 21 000 000