Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Johnny,
– LA SOCIÉTÉ MISTRAL HOLDING, parties civiles,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, 2e section, en date du 25 juin 2009, qui, dans l’information suivie, sur leur plainte, contre personne non dénommée, du chef de présentation de comptes annuels infidèles, a confirmé l’ordonnance ayant constaté la prescription de l’action publique rendue par le juge d’instruction ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Vu l’article 575, alinéa 2, 3° et 6°, du code de procédure pénale ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 198, alinéa 1er, et 199, alinéa 3, du code de procédure pénale ;
« en ce que la chambre d’instruction n’a pas déclaré irrecevable le mémoire déposé devant elle par Jacques X…, témoin assisté, et a entendu son conseil ;
« alors que n’étant pas une partie à la procédure, le témoin assisté n’a que les droits expressément énoncés par les dispositions régissant son statut, parmi lesquels ne figure pas le droit de faire des observations, écrites ou orales, devant la chambre de l’instruction ; qu’ainsi, en ne déclarant pas irrecevable le mémoire déposé par Jacques X…, témoin assisté, et en entendant le conseil de celui-ci, la chambre de l’instruction a statué à l’issue d’une procédure irrégulière, violant les articles 198, alinéa 1er, et 199, alinéa 3, du code de procédure pénale » ;
Attendu qu’en application de l’article 197-1 du code de procédure pénale, l’avocat du témoin assisté est admis à faire valoir devant la chambre de l’instruction, saisie de l’appel d’une ordonnance de non-lieu, des observations qui peuvent être formulées tant oralement que par écrit ;
D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 81, alinéas 9 et 10, 82-3 et 207 du code de procédure pénale, ensemble violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ;
« en ce que l’arrêt attaqué a infirmé partiellement l’ordonnance, le témoin assisté étant irrecevable à demander au Juge d’instruction de constater la prescription de l’action publique, et l’a confirmé pour le surplus en ce qu’elle constatait la prescription de l’action publique ;
« aux motifs que le témoin assisté n’avait pas qualité, en application des dispositions de l’article 82-3 du code de procédure pénale, pour solliciter du juge d’instruction qu’il constate la prescription de l’action publique ; que la demande était irrecevable et que l’ordonnance rendue par le juge d’instruction doit être infirmée de ce chef ; que le juge d’instruction était saisi par réquisitions écrites du 9 mars 2009 aux mêmes fins ; que l’ordonnance constatant la prescription de l’action publique a été rendue au visa de ces réquisitions ; que le juge d’instruction avait ainsi obligation de statuer sur ces réquisitions dont il était valablement saisi ; que la partie civile soutient en conséquence à tort que l’ordonnance serait entachée de nullité pour avoir statué sur une demande irrecevable ;
« 1) alors que n’étant pas partie à la procédure, le témoin assisté est irrecevable à demander au juge d’instruction de constater la prescription de l’action publique ; que dès lors les juridictions d’instruction du premier comme du second degré, saisies d’une telle demande, ne peuvent sans excéder leurs pouvoirs, statuer au fond, nonobstant l’irrecevabilité, et constater que l’action publique est prescrite ; que la chambre de l’instruction qui a refusé d’annuler l’ordonnance entreprise et l’a partiellement confirmée en ce qu’elle constatait la prescription de l’action publique, a excédé ses pouvoirs et violé l’article 82-3 du code de procédure pénale ;
« 2) alors que les réquisitions du ministère public prises au vu d’une demande irrecevable de constatation de la prescription qui n’ont pas fait l’objet d’une déclaration au greffier du juge d’instruction ni d’une communication à la partie civile et qui reviennent sur la position contraire expressément prise antérieurement, ne peuvent valablement saisir le juge d’instruction ; qu’ainsi, en confirmant au fond l’ordonnance du juge d’instruction constatant la prescription au motif que le Juge d’instruction aurait été valablement saisi par de telles réquisitions, l’arrêt attaqué a violé les articles 81, alinéas 9 et 10, et 82-3 du code de procédure pénale, ainsi que le principe du contradictoire et les droits de la partie civile » ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6 du code de commerce, 6, 8, 203, 592 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction en ce qu’elle constatait la prescription de l’action publique ;
« aux motifs que le ministère public fait valoir que la prescription était acquise, les comptes de l’exercice 2009 ayant été présentés à l’assemblée générale des actionnaires le 23 juin 2000 et ceux de l’exercice 2000, lors de l’assemblée du 12 juin 2001 ; que la partie civile observe que le ministère public a néanmoins requis, en toute connaissance de cause, l’ouverture d’une information, la question de la prescription ayant préalablement fait l’objet d’échange et en particulier d’une note de la partie civile invoquant la connexité avec les faits visés dans la plainte déposée à Marseille le 12 septembre 2003 ; qu’il est soutenu que le revirement du parquet constituerait une violation du droit à un procès équitable posé par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ; que cependant si le ministère public avait requis le 7 février 2006 des vérifications sur les procédures en cours à Marseille et à Nanterre, avant de requérir le 24 avril 2006 l’ouverture d’une information, sa décision a été prise au vu des éléments communiqués par la partie civile ; qu’il y a lieu de relever que cette décision a été prise avant que ne soit rendu, le 31 mai 2006, un arrêt de la chambre de l’instruction d’Aix-en-Provence confirmant le non-lieu et plus généralement avant débat contradictoire sur la connexité des faits ; que les réquisitions prises par le ministère public le 9 mars 2009 sont intervenues après recueil par le juge d’instruction d’éléments utiles au débat sur la prescription de l’action publique ; qu’il n’a ainsi pas été porté atteinte au droit de la partie civile à un procès équitable ; que l’infraction dénoncée n’a pu porter préjudice aux parties civiles qu’autant qu’elles étaient actionnaires, c’est-à-dire jusqu’à la date de signature du protocole du 16 septembre 2000 ; qu’il importe de relever que les comptes que les parties civiles qualifient d’inexacts lui ont été communiqués antérieurement à cette date, ainsi qu’elles l’admettent dans leurs écritures ; que les conditions de signature du protocole, la longueur des négociations préalables, l’assistance dont ont bénéficié les parties civiles, permettent de conclure qu’elles avaient, au plus tard dès cette date, révélation des faits qu’elles estimaient constituer des délits, dans des conditions leur donnant la possibilité de mettre en mouvement l’action publique ; que la date du 16 septembre 2000 doit en conséquence être retenue comme point de départ de la prescription, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les contestations sur les tenues des assemblées générales des actionnaires de la société CMA-CGM et la publication au BODAC ; que les parties civiles font valoir que l’acte interruptif de prescription accompli dans une procédure distincte pour l’une des infractions connexes produit les mêmes effets pour toutes les autres même si les poursuites ont été exercées séparément ; que si elles ne relèvent aucune connexité avec les faits ayant donné lieu à une information à Nanterre, elles estiment qu’il n’en est pas de même concernant les faits d’escroquerie et d’abus de confiance dénoncés à Marseille ; qu’il est ainsi incontestable que la production des bilans et des comptes prévisionnels est un point qui avait été abordé par la partie civile lors de son audition le 23 mai 2005 et dans le rapport établi par William Y…, versé à la procédure le 17 août 2005 ; que cependant l’information ouverte à Marseille avait pour seul objet le non-règlement de la dernière échéance de cinq millions de dollars résultant de la transaction conclue le 16 septembre 2000 ; que, pour ce motif, le juge d’instruction de Marseille a refusé d’entreprendre des investigations sur le caractère inexact des comptes qui auraient déterminé le consentement à la transaction, s’agissant de faits extérieurs à sa saisine ; que les diligences et les prises de position des parties civiles dans une procédure sans lien connexe ne peuvent avoir eu un effet interruptif de la prescription ;
« 1) alors que le point de départ de la prescription du délit de présentation de comptes inexacts doit être retardée lorsqu’il y a eu des dissimulations dans la présentation des comptes ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué relève que les comptes litigieux ont été connus des parties civiles au plus tard le 16 septembre 2000 ; qu’en fixant le point de départ de la prescription à cette date sans rechercher si des dissimulations dans les comptes n’avaient pas retardé le jour auquel les parties civiles avaient pu prendre connaissance de l’inexactitude des comptes, la chambre de l’instruction n’a pas donné de base légale à sa décision ;
« 2) alors que, lorsque des infractions sont connexes ou indivisibles, un acte interruptif de la prescription concernant l’une d’elles a nécessairement le même effet à l’égard des autres ; que toutefois les pouvoirs du juge d’instruction étant limités aux seuls faits dont il est saisi, il ne peut étendre ses investigations à d’autres faits même connexes ; qu’en l’espèce, l’escroquerie ayant donné lieu à la plainte du 12 septembre 2003 et la présentation de comptes inexacts, visée par la seconde plainte, constituaient un ensemble indivisible de manoeuvres frauduleuses tendant à évincer, à moindre coût, Johnny X… et sa société, Mistral SAL, du capital de la CMA-CGM ; qu’ainsi, en déclarant prescrits les faits de présentation de comptes inexacts sans avoir recherché s’il n’existait pas une indivisibilité ou une connexité entre ces faits et l’escroquerie dénoncée en 2003 de telle sorte que l’information poursuivie à Marseille aurait interrompu la prescription à l’égard des premiers faits, et au seul motif inopérant que le juge d’instruction de Marseille avait refusé de faire des investigations sur le caractère inexact des comptes parce qu’il n’était pas saisi de ces faits, la chambre de l’instruction a privé sa décision de base légale » ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 27 janvier 2006, Johnny X… et la société de droit libanais Mistral holding dont il est actionnaire et dirigeant, ont porté plainte et se sont constitués parties civiles des chefs de présentation, publication et diffusion de comptes annuels infidèles et complicité ; qu’ils exposaient que le prix des actions de la société CGM-CMA, cédée, suivant protocole du 16 septembre 2000, par la société Mistral holding à la société La Teuillère, contrôlée par Jacques X…, avait été sous-évalué, les comptes des exercices 1999 et 2000 de la société CGM-CMA, établis sous la responsabilité de Jacques X… et ayant servi de base à cette évaluation, ne reflétant pas la situation exacte de cette société ; que, le 18 février 2009, Jacques X…, témoin assisté, a déposé une demande aux fins de constatation de la prescription ; que, par ordonnance du 12 mars 2009, le magistrat instructeur a fait droit à cette demande ;
Attendu que, pour infirmer partiellement cette ordonnance, déclarer le témoin assisté irrecevable à solliciter du juge d’instruction qu’il constate la prescription de l’action publique, et confirmer cette ordonnance en ce qu’elle constate la prescription, la chambre de l’instruction prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, dépourvues d’insuffisance comme de contradiction, dont il résulte qu’à la date de la plainte avec constitution de partie civile, l’action publique était prescrite, et dès lors que la prescription peut être constatée d’office par le juge de l’instruction en tout état de la procédure, la chambre de l’instruction, qui a répondu aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Canivet-Beuzit conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.