Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– La société Sonolub, partie civile,
contre l’arrêt de la cour d’appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 16 décembre 2015, qui l’a débouté de ses demandes après relaxe de M. Stéphane X…du chef d’abus de biens sociaux ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 4 mai 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. d’Huy, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller D’HUY, les observations de la société civile professionnelle FRANÇOIS-HENRI BRIARD, la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LE BAUT ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 246, L. 242-30, L. 242-6, 3°, L. 249-1 du code de commerce, préliminaire, 2, 591 à 593 du code de procédure pénale, 1382 du code civil, défaut de motifs, contradiction de motifs, manque de base légale et violation de la loi ;
» en ce que l’arrêt attaqué a relaxé M. X… et a débouté en conséquence la société Sonolub de toutes ses prétentions ;
» aux motifs que des débats et de la procédure, il n’est pas contestable que le 10 novembre 2004, la société Sonolub en la personne de M. X… qui était à la fois, directeur administratif et financier et directeur général délégué à cette époque a passé commande auprès de la société Garap, partenaire habituel de l’entreprise, d’une centrifugeuse de type SD 74 référencée AFF 248, suivant les nouvelles normes ATEX pour une valeur de 227 240 euros TTC et qu’elle a procédé au règlement de cette somme par quatre chèques émis et signés par le prévenu les 18 novembre 2004, 6 janvier 2005, 15 juin 2005 et 2 novembre 2005, alors que cette société possédait deux autres centrifugeuses acquises en 2000 et 2003, qu’il en est de même de la mention portée dans la comptabilité de la société Sonolub selon laquelle la centrifugeuse acquise en 2000 avait fait l’objet d’une mise au rebut le 2 novembre 2006 ; que cependant, les investigations menées par les enquêteurs au sein de Sonolub ou E2SE n’ont pas permis d’établir avec certitude que cette centrifugeuse a bien été construite et ou livrée ; qu’en effet, si M. Franck A…, actionnaire et gérant de Garap, prétend que le matériel serait resté dans les locaux de l’entreprise jusqu’en janvier 2006 avant d’être pris en charge par un transporteur non habituel de la société pour être livré dans un hangar situé à Tourville-la-Rivière, il n’apporte pas la preuve de la réalité de cette livraison ; qu’il produit à l’appui de sa thèse, la copie d’un courrier destiné à une société de transport, en date du 8 juin 2015, pour un devis concernant une centrifugeuse pour Sonolub et un courriel émis par M. Didier Z…, en date du 15 juin 2005, dans lequel ce dernier indique que M. X… allait lui communiquer une adresse de livraison différente de celle de Sonolub, mais ces éléments sont insuffisants pour établir avec certitude la livraison ; qu’il en est de même de la réalité de la construction ; qu’en effet, l’ancien directeur technique de Garap, M. Z…, indiquait qu’à cette époque la société n’était pas capable de réaliser ce type de matériel répondant aux normes ATEX ; que les documents produits par M. A… pour justifier de ce que Garap pouvait au moins répondre aux normes ATEX sans pour autant recevoir la certification globale ne sont pas probants pour établir avec certitude qu’à cette époque Garap avait la capacité de répondre à une telle démarche ; que la cour rappelle aussi que la société E2SE qui, selon la partie civile, aurait bénéficié de la centrifugeuse détournée a été constituée en octobre 2006, soit près d’un an après le dernier versement et plusieurs mois après la livraison du matériel à Tourville-la-Rivière selon M. A… ; qu’il est indéniable que cette société a réuni d’anciens salariés de Garap et de Sonolub et qu’elle s’est positionnée sur le même secteur que Garap entraînant pour cette dernière une perte d’activité sensible ; qu’effectivement l’épouse de M. X… est détentrice de parts sociales, et que vraisemblablement ; elle n’est que le prête nom de son mari mais ces constatations ne sont pas pertinentes en elles-mêmes pour établir le délit reproché au prévenu ; que la cour constate aussi que les investigations menées n’ont pas permis de retrouver la trace de ce matériel au sein de la société E2SE ou dans d’autres entreprises qui auraient pu acquérir en seconde main cette machine ; que la comparaison faite par des salariés de Garap par rapport aux photographies repérées sur le site internet de E2SE en juillet 2007 est inopérante sachant que seul le bâti sous forme de pièce de fonderie est caractéristique du modèle Garap, que la facture produite par la partie civile de la société Soprotec du 28 février 2007 portant « sur une modification piquage sur châssis en rai 6001 » est insuffisante pour établir avec certitude que M. X… aurait demandé à cette société de peindre le châssis de la centrifugeuse AF248 de bleu en vert, surtout que M. Pascal B…, le technicien qui aurait réalisé cette opération n’a pas reconnu le prévenu comme étant la personne qu’il avait rencontrée et que les explications données sur l’intitulé inexact de la facture, à savoir piquetage ou lieu de peinture, ne sont pas suffisamment circonstanciées ; qu’au surplus, M. Z… indique dans une attestation versée par l’avocat du prévenu en première instance que les feuillets portant mention « Ascalia/ offre H1878 » trouvés lors la perquisition menée au sein des locaux E2SE, concernent une offre de Garap à Ascalia en date du 24 mars 2006 pour la fourniture d’une centrifugeuse de type SD74 et que cette centrifugeuse comportant le tarif de pièces dénommées ALIM A. 248, BOL A248, TRANS A248, MECA A248, LIMI A248, références s’approchant de celles de la centrifugeuse litigieuse, a été livrée par Garap à Ascalia au cours de l’année 2007, l’intéressé précisant que ces informations étaient en sa possession pour l’étude de la reprise de Garap suite à la proposition de cession du 29 décembre 2006 des associés représentant 85 % des parts (à savoir la famille A… et Mme C…), élément non contesté par les parties et qui laisse supposer éventuellement que la centrifugeuse disparue aurait pu faire l’objet d’une vente par Garap, en raison des ses difficultés financières de l’époque ; que la cour rappelle aussi que la plainte de la société Sonolub en mai 2008 s’inscrit dans un contexte particulier suite au licenciement pour faute grave du prévenu le 20 juillet 2007, (l’intéressé ayant fait l’objet d’une mise à pied conservatoire dès le 29 juin 2007) ; que dès le 16 octobre 2007 M. X… a saisi la juridiction prud’homale pour contester ce licenciement, que l’audience sur le fond a eu lieu le 30 mai 2008, et que finalement le conseil des prud’hommes, par jugement du 24 octobre 2008 a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, octroyant à M. X… la somme de plus de 260 000 euros ; qu’il obtiendra aussi par arrêt de la chambre sociale de la cour d’appel de Rouen du 27 avril 2010 une somme de 146 878, 49 euros au titre d’indemnité conventionnelle de licenciement suite à une omission de statuer de la part de la juridiction prud’homale ; que la partie civile, pour caractériser les faits reprochés au prévenu, s’est appuyée sur l’attestation de M. A…, actionnaire et gérant de Garap du 8 avril 2008 dont la teneur montre que la constitution de la nouvelle société E2SE lui avait causé un tort considérable par perte de marchés avec Sonolub et que cette société rencontrait des difficultés financières en 2005, soit une perte de 92 007 euros sur un chiffre d’affaires prévisionnel de 800 000 euros ; qu’ainsi, même si M. X… ne semble pas avoir pris d’initiative pour obtenir des éclaircissements de la part de Garap quant à livraison de la machine commandée et payée intégralement dès novembre 2005 avant sa mise à pied fin juin 2007, cette constatation devant être replacée dans le contexte de l’époque du fait que compte tenu de son départ précipité de l’entreprise, comme le rappelle le jugement des prud’hommes, il ne lui était plus possible de rechercher dans les locaux des documents pouvant attester de réclamation faite en temps utile, il n’en reste pas moins que les pièces de la procédure et les débats n’ont pas permis d’établir avec certitude que le prévenu aurait commis un abus de bien social au préjudice de Sonolub et au profit de E2SE, surtout que la date de livraison supposée était antérieure à la date de création de la société dans laquelle son épouse détient des parts sociales ; qu’en conséquence, il convient d’infirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et d’entrer en voie de relaxe à l’égard de M. X… du chef de prévention, sans qu’il soit nécessaire pour la cour d’évoquer les autres moyens soulevés par le prévenu ; que, sur l’action civile, si la constitution de partie civile de la SA Sonolub est recevable en la forme, compte tenu de la relaxe prononcée, il y a lieu de débouter la partie civile de ses demandes ;
» 1°) alors que, nonobstant la relaxe du prévenu, la partie civile peut obtenir l’indemnisation des préjudices résultant de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits faisant l’objet de la poursuite ; qu’en jugeant que « compte tenu de la relaxe prononcée, il y a lieu de débouter la partie civile de ses demandes », sans rechercher si les éléments de fait de la prévention ne caractérisaient pas à tout le moins la commission par M. X… d’une faute civile engageant sa responsabilité à l’égard de la société Sonolub, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;
» 2°) alors, en tout état de cause, que la relaxe du prévenu n’interdit pas à la partie civile d’obtenir l’indemnisation des préjudices résultant de la faute civile démontrée à partir et dans la limite des faits faisant l’objet de la poursuite ; que le fait d’acheter une centrifugeuse pour le compte de son employeur et de la faire livrer dans un entrepôt ne lui appartenant pas pour, en définitive, en perdre la trace constitue une faute civile ; qu’en l’espèce, M. X… a commandé une centrifugeuse à la société Garap pour le compte de la société Sonolub ; qu’il a payé ce matériel avec quatre chèques de la société Sonolub avant de perdre toute trace de cette centrifugeuse, celle-ci n’ayant jamais été livrée dans les locaux de la société demanderesse ; que pareil comportement constitue une faute civile ayant causé directement un préjudice à la société Sonolub ; qu’en déboutant, néanmoins, cette dernière de toutes ses prétentions, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen » ;
Attendu que la cour d’appel ayant relaxé le prévenu, elle ne pouvait que débouter la partie civile de ses demandes ;
Qu’il s’ensuit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que la société Sonolub devra payer à M. X… au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale, pour le demandeur au pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quatorze juin deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
ECLI:FR:CCASS:2017:CR01327