Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 12 avril 2016, 14-87.124, Inédit

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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 12 avril 2016, 14-87.124, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

– M. Etienne X…,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 15 octobre 2014, qui, pour dénonciation calomnieuse, l’a condamné à 3 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 1er mars 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Barbier, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BARBIER, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU, MARLANGE et DE LA BURGADE, de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général VALAT ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de procédure que M. X… a été cité du chef de dénonciation calomnieuse pour avoir signalé au président de l’autorité des marchés financiers, par lettre du 24 janvier 2010, le délit de diffusion d’informations fausses ou trompeuses commis par la société Olympique lyonnais groupe et son président, M. Jean-Michel Y…, résultant de la diffusion d’un document relatif à l’introduction en bourse au cours de l’année 2007 de ladite société comportant des mentions fausses relatives aux perspectives de construction du nouveau stade de l’agglomération lyonnaise ; que le tribunal a retenu le prévenu dans les liens de la prévention ; que celui-ci ainsi que le ministère public ont interjeté appel ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, l’arrêt relève que le document relatif à l’introduction en bourse au cours de l’année 2007 de la société Olympique lyonnais groupe n’emporte nulle sous-estimation délibérée des risques que comportait la construction du nouveau stade de l’agglomération lyonnaise, ce dont M. X… avait connaissance, en sorte que la lettre adressée par celui-ci à l’Autorité des marchés financiers était calomnieuse à l’endroit de M. Y… ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles 226-10 et 226-31 du code pénal, des articles 459, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

 » en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable des faits de dénonciation calomnieuse, puis est entré en voie de condamnation à son encontre avant de statuer sur les intérêts civils ;

 » aux motifs que ces faits résident, en l’espèce, dans l’accusation d’avoir sciemment diffusé dans le public, par le biais du document de base, des informations trompeuses, en sous-estimant les difficultés de réalisation du projet et ce, dans le but « de favoriser l’entrée en bourse du groupe », ce qui implique qu’il ne suffit pas pour démontrer que les faits dénoncés ne sont pas faux, d’établir qu’ils se sont éventuellement révélés inexacts, l’élément de mauvaise foi prêté au responsable du document de base étant l’élément déterminant de l’agissement dénoncé ;

 » alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que le prévenu faisait valoir dans ses conclusions régulièrement déposées que la lettre ouverte du 24 janvier 2010 a été rendue publique par une conférence de presse et qu’elle représentait un instrument de la libre expression d’un homme politique vis-à-vis d’un projet d’intérêt général impliquant l’agglomération lyonnaise et l’ensemble des citoyens, bénéficiant ainsi de la protection de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme ; qu’aussi bien, en déclarant le prévenu coupable de dénonciation calomnieuse sans répondre à ce moyen péremptoire invoqué par le prévenu dans ses conclusions, la chambre des appels correctionnels n’a pas légalement justifié son arrêt  » ;

Attendu que les juges, qui étaient saisis de faits de dénonciation calomnieuse et non de diffamation publique, n’avaient pas à répondre à l’argumentation du prévenu tendant à justifier les faits qui lui sont reprochés par la libre expression d’un homme politique vis-à-vis d’un projet d’intérêt général ;

Qu’en effet, des faits de dénonciation calomnieuse ne sauraient être justifiés par le droit d’informer le public défini par l’article 10, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, lequel, dans son second paragraphe, prévoit que l’exercice de la liberté de recevoir et de communiquer des informations comporte des devoirs et des responsabilités et qu’il peut être soumis par la loi à des restrictions ou des sanctions nécessaires à la protection de la réputation des droits d’autrui ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et L. 621-9-1 du code monétaire et financier, des articles 226-10 et 226-31 du code pénal, des articles 459, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

 » en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable des faits de dénonciation calomnieuse, puis est entré en voie de condamnation à son encontre avant de statuer sur les intérêts civils ;

 » aux motifs que comme l’a retenu le tribunal et le soutiennent les parties civiles et le ministère public, les termes de la lettre adressée au « président » de l’autorité des marchés financiers, invitant expressément ce dernier, après avoir fait état de ce que « même avec les précautions d’usage, la date de 2007 pour l’acquisition de terrains n’était pas réaliste » à s’interroger et donc à rechercher « si le responsable du document de base (M. Y…, président-directeur général d’OL groupe) n’a pas sciemment sous-estimé les difficultés de réalisation pour favoriser l’entrée en bourse… » tout en précisant les textes du code monétaire et financier incriminant et réprimant la sous-estimation précédemment évoquée, ne peuvent être interprétés comme une simple demande d’information ou de réponse à une interrogation légitime de la part d’un élu, petit actionnaire de surcroît ; que ces propos visent en effet à dénoncer, sous une forme faussement interrogative, à l’autorité compétente, pouvant et devant éventuellement y donner suite, la diffusion d’informations préalablement présentées comme « irréalistes », dans un document, dont M. X… n’ignore pas, puisqu’il rappelle les textes applicables, qu’il ne présente pas « qu’une valeur indicative » mais bien impérative devant nécessairement, au cas où les indications s’avéreraient effectivement trompeuses, entraîner l’engagement de « procédures de mises en cause de la responsabilité de la partie civile » comme il le souligne lui-même à la fin de la lettre ;

 » alors que des poursuites en dénonciation calomnieuse ne peuvent être engagées que si le classement, l’absence de réaction, est intervenu après enquête effective sur les faits dénoncés ; que le prévenu faisait valoir dans ses conclusions régulièrement déposées que la lettre ouverte du 24 janvier 2010 « n’est jamais parvenue à une autorité habilitée à prendre des décisions de poursuites » puisque le prévenu ne l’a pas adressée « au secrétaire général de l’AMF, autorité nommé de manière autonome par le gouvernement avec des pouvoirs propres à côté de ceux du président, et seul habilité en vertu de l’article L. 621-9-1 du code monétaire et financier, à décider de l’ouverture d’une enquête » ; qu’en déclarant le prévenu coupable de dénonciation calomnieuse au moyen d’une lettre ouverte adressée au « président » de l’AMF, cependant, que le secrétaire général de l’AMF est la seule autorité de poursuite et qu’aucune procédure d’enquête en manquement n’a été diligentée par celui-ci, la chambre des appels correctionnels a méconnu les textes susvisés  » ;

Attendu quel’arrêt relève que la dénonciation adressée au président de l’Autorité des marchés financiers l’a été à une autorité compétente au sens de l’article 226-10 du code pénal ;

Attendu qu’en statuant de la sorte, et dès lors que le président de l’Autorité des marchés financiers était susceptible de donner une suite à la dénonciation en la communiquant au secrétaire général de ladite autorité, la cour d’appel a justifié sa décision ;

Qu’ainsi, le moyen ne saurait être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles 226-10 et 226-31 du code pénal, des articles 459, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

 » en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable des faits de dénonciation calomnieuse, puis est entré en voie de condamnation à son encontre avant de statuer sur les intérêts civils ;

 » aux motifs que ces faits résident, en l’espèce, dans l’accusation d’avoir sciemment diffusé dans le public, par le biais du document de base, des informations trompeuses, en sous-estimant les difficultés de réalisation du projet et ce, dans le but « de favoriser l’entrée en bourse du groupe », ce qui implique qu’il ne suffit pas pour démontrer que les faits dénoncés ne sont pas faux, d’établir qu’ils se sont éventuellement révélés inexacts, l’élément de mauvaise foi prêté au responsable du document de base étant l’élément déterminant de l’agissement dénoncé ;

 » alors que le prévenu faisait valoir dans des conclusions régulièrement déposées qu’à supposer que la lettre du 24 janvier 2010 soit considérée comme une dénonciation au sens de l’article 226-10 du code pénal, les faits portés à la connaissance de l’AMF sont exacts et que sur une lettre de trois pages, la seule phrase qui a ouvert un débat, « il y a lieu de s’interroger si le responsable du document de base (M. Y…, président directeur général d’OL Groupe) n’a pas sciemment sous-estimé les difficultés de réalisation pour favoriser l’entrée en bourse », se rattache à « l’élément moral » du délit supposé et non pas à « l’élément matériel » ; qu’en déclarant le prévenu coupable de dénonciation calomnieuse au moyen d’une lettre ouverte adressée au président de l’AMF par les motifs précités qui ajoutent à la loi d’incrimination sur la dénonciation calomnieuse l’obligation pour la personne poursuivie de ne pas se tromper sur l’intention délictuelle de l’infraction, sur « l’élément moral » supposé de la personne dénoncée, la chambre des appels correctionnels a méconnu les textes susvisés  » ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 465-2 du code monétaire et financier, 223-1, 223-2 et 632-1 du règlement général de l’AMF, des articles 226-10 et 226-31 du code pénal, des articles 459, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

 » en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable des faits de dénonciation calomnieuse, puis est entré en voie de condamnation à son encontre avant de statuer sur les intérêts civils ;

 » aux motifs que ces faits résident, en l’espèce, dans l’accusation d’avoir sciemment diffusé dans le public, par le biais du document de base, des informations trompeuses, en sous-estimant les difficultés de réalisation du projet et ce, dans le but « de favoriser l’entrée en bourse du groupe », ce qui implique qu’il ne suffit pas pour démontrer que les faits dénoncés ne sont pas faux, d’établir qu’ils se sont éventuellement révélés inexacts, l’élément de mauvaise foi prêté au responsable du document de base étant l’élément déterminant de l’agissement dénoncé ;

 » alors que le prévenu faisait valoir dans ses conclusions régulièrement déposées que l’infraction d’informations fausses ou trompeuses ou le manquement au sens du code monétaire et financier n’impose pas la démonstration que l’émetteur ait connaissance de la fausseté et que « l’AMF considère que la condition relative à l’existence d’un élément intentionnel est remplie dès lors qu’il ne peut démontrer que des circonstances particulières l’ont privé de l’exercice partiel ou total de ses fonctions, justifiant qu’il ait légitimement ignoré le caractère fallacieux de l’information concernée » ; que le prévenu soutenait aussi que la mauvaise foi de l’émetteur pouvait être établie par l’absence de publicité des retards pris sur le dossier dès qu’il en a eu connaissance conformément au règlement général de l’AMF ; que le prévenu soulignait également que l’AMF avait rappelé, dans sa recommandation « sur les facteurs de risque », « qu’il convient d’éviter des développements trop généraux et trop standardisés qui pourraient être appliqués à toute une série d’émetteurs, sans vraiment refléter la réalité et surtout les spécificités des risques auxquels l’émetteur est confronté », comme c’était le cas dans les précautions d’usage reproduites dans la lettre ; qu’en déclarant le prévenu coupable de dénonciation calomnieuse au moyen d’une lettre ouverte adressé au président de l’AMF, au motif que l’élément de mauvaise foi prêté au responsable du document de base est l’élément déterminant de l’agissement dénoncé, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cet agissement satisfaisait aux exigences du code monétaire et financier, du règlement général de l’AMF et de la recommandation de l’AMF sur les facteurs de risque, la chambre des appels correctionnels n’a pas légalement justifié son arrêt  » ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des droits de la défense, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles 226-10 et 226-31 du code pénal, des articles 459, 485, 512, 513, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

 » en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable des faits de dénonciation calomnieuse, puis est entré en voie de condamnation à son encontre avant de statuer sur les intérêts civils ;

 » aux motifs que M. X… soutient que les faits qu’il a portés à la connaissance de l’AMF sont exacts, en soulignant qu’en l’espèce il revient à la juridiction d’apprécier la pertinence des accusations ; qu’il expose que les terrains qui devaient être acquis dans le courant de l’année 2007, selon le document de base, ont été acquis avec cinq ans de retard et que le stade, dont la mise en service est mentionnée comme devant intervenir « au plus tard en début de saison 2010/ 2011 » est toujours en construction ; que la prévention de dénonciation calomnieuse suppose uniquement que les faits dénoncés soient inexacts sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur l’intention délictueuse de la personne dénoncée ; qu’en tout état de cause, contrairement à ce qu’invoquent les parties civiles, il ressort des éléments qu’elles versent, tous postérieurs au 9 janvier 2007, notamment, de l’étude du cabinet Algoé du 23 janvier 2007, que l’acquisition du terrain n’était envisagée, après obtention du permis de construire, qu’au cours du troisième trimestre 2008 et que des réserves étaient déjà émises sur la capacité à tenir l’objectif de fin 2010 ; que la mise en révision du plan local d’urbanisme (PLU), qui n’est pas indiqué dans le document de base, était considéré comme le point le plus sensible de même que la reconnaissance d’intérêt général d’un stade supposant une modification de la législation ; qu’il était d’autant plus difficile d’envisager une acquisition en 2007 que le choix des sites n’était pas arrêté, selon les déclarations du représentant de l’Olympique Lyonnais, M. Thierry Z…, bien que selon ce dernier « une acquisition à court terme » aurait été envisagée, sur la seule base d’un accord tacite entre l’OL groupe et la Courly, représentée par M. Gérard A…, soit sur la base d’un accord secret, illicite ; que le permis de construire qui devait être déposé en décembre 2007 ne l’a pas été à cette date et qu’il n’existait encore aucun contentieux ; que le document de base ne mentionne, de manière erronée, explicitement que la nécessité d’obtenir un permis de construire alors que le Grand Lyon avait établi une liste des principales procédures administratives ; qu’il y a donc bien eu sous-estimation des difficultés de l’opération, les allégations présentées dans le document de base ne s’étant jamais réalisées, étant observé que la date de livraison du stade, dont le prix annoncé de 270 millions atteint à ce jour 405 millions d’euros, est encore retardée pour le premier trimestre 2016 ; qu’enfin une nouvelle augmentation de capital a été nécessaire par l’intermédiaire d’obligations convertibles en actions, diluant le capital d’origine à tout moment ; que sa démarche doit donc être considérée comme pertinente, au sens de l’alinéa trois de l’article 226-10, ce que confirme un changement dans la communication financière du groupe et les éléments précisés dans les documents de référence ultérieurs ; qu’enfin la lettre querellée étant postérieure de plus de trois ans au document de base, les faits portés à la connaissance de l’AMF étaient prescrits et n’étaient donc pas susceptibles de poursuites ;

 » 1°) alors que le prévenu dénonçait, dans ses conclusions régulièrement déposées, les intentions de M. Y… de favoriser l’entrée en bourse sans indiquer clairement l’état réel d’avancement du dossier de Grand stade, et faisait valoir que toutes ses preuves de sérieux étaient postérieures à l’introduction en bourse, le 9 janvier 2007, à savoir l’étude Algoé du 23 janvier 2007, la réunion du comité de pilotage du 12 mars 2007, le sondage 2 décembre 2007, que l’étude Algoé donnait des dates plus lointaines pour l’acquisition des terrains que celles issues du document de base d’entrée en bourse, que la date d’acquisition des terrains ne pouvait pas reposer sur un accord tacite et secret entre l’Olympique Lyonnais et M. A… président du Grand Lyon, que l’accord secret avait été démenti par le Grand Lyon et que, par suite, M. Z…, secrétaire général de la société, a menti aux services de police, que, de manière erronée, le « document de base » mentionnait uniquement de manière explicite la nécessité d’obtenir un permis de construire, cependant, que la nécessité de réviser le plan local d’urbanisme était connue à la date d’introduction en bourse, que sur l’élément intentionnel de l’émetteur, son président était coutumier des effets d’annonce qui ne se vérifient pas et qu’enfin, cette présentation du projet anormalement favorable a été une réussite avec la levée « de 88, 4 millions d’euros environ », un prix qui « valorise le groupe à 312 millions d’euros » ; qu’en déclarant le prévenu coupable de dénonciation calomnieuse au moyen d’une lettre ouverte adressée au président de l’AMF, dont l’inexactitude est d’avoir, sous forme interrogative, émis l’hypothèse que M. Y… aurait « sciemment sous-estimé les difficultés de réalisation pour favoriser l’entrée en bourse », sans rechercher, comme elle y était invitait, si la mauvaise foi de l’émetteur ne ressortait pas de cette longue énumération d’éléments, la chambre des appels correctionnels n’a pas légalement justifié son arrêt au regard du principe et des textes susvisés ;

 » 2°) alors que l’interrogatoire du prévenu est une formalité dont l’omission ne devient une cause de nullité que s’il est établi que le prévenu n’a été appelé à se défendre au cours du débat oral ; qu’il ressort du compte rendu d’audience réalisé par la presse (cf. article « Le Progrès de Lyon ») que le prévenu a, lors de son interrogatoire, été interrompu par la présidente de la chambre des appels correctionnels dans son intervention lorsqu’il évoquait les éléments tendant à démontrer la capacité de M. Y… à présenter l’Olympique Lyonnais et la réalisation de son projet de stade, sous un jour faussement favorable et ce, de manière réitérée ; qu’en statuant ainsi cependant que le prévenu n’a manifestement été à même de se défendre au cours du débat oral, la chambre des appels correctionnels a méconnu le principe et les textes susvisés  » ;

Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles 226-10 et 226-31 du code pénal, des articles 459, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale et défaut de motifs ;

 » en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable des faits de dénonciation calomnieuse, puis est entré en voie de condamnation à son encontre avant de statuer sur les intérêts civils ;

 » aux motifs que M. X…, élu local d’autant plus averti des problèmes liés à la réalisation du Grand stade qu’il a été l’un des opposants à son implantation sur les communes de Décines-Charpieu, site finalement choisi, et a soutenu à ce titre les nombreux recours administratifs (56 selon les parties civiles) qui ont été exercés, ne peut prétendre avoir adressé ce courrier, de bonne foi, alors qu’il connaissait parfaitement les réserves émises dès l’introduction en bourse et l’accumulation, pendant les trois années postérieures à cette introduction, des difficultés qui ont été évoquées dès l’origine ; que la médiatisation qu’il a voulu donner à cette plainte, dont il a déclaré au cours de l’enquête qu’il l’employait « pour un usage à but politique », confirme que cette dénonciation n’a été faite que dans un but autre que celui d’alerter l’autorité compétente d’infraction au code monétaire et financier, alors que M. X…, bien que connaissant parfaitement la réalité des obstacles rencontrés, ne disposait d’aucun élément sérieux pour évoquer une sous-estimation, trois ans auparavant, de ces difficultés ;

 » alors que, pour établir la mauvaise foi du prévenu de dénonciation calomnieuse, la juridiction correctionnelle doit s’appuyer sur des éléments exacts au moment de la dénonciation, sans se contredire avec ses propres constatations ; qu’en déclarant le prévenu coupable de dénonciation calomnieuse par l’intermédiaire d’une lettre ouverte adressée au président de l’AMF, et que l’intention délictuelle été établie, par la qualité d’élu du prévenu déposant des recours administratifs, cependant qu’à la date des faits, le prévenu n’avait déposé aucun recours et que ce n’est qu’en sa qualité d’avocat qu’il a postérieurement défendu des expropriés, par sa connaissance des réserves, tout en relevant, d’une part, les interrogations du prévenu sur les réserves, dans la lettre ouverte, par l’accumulation d’événements imprévus mais annoncés dans le document de base, d’autre part, les événements imprévus et les réserves sans que les événements imprévus soient mentionnés dans les réserves, par la motivation politique du prévenu, la chambre des appels correctionnels n’a pas légalement justifié son arrêt au regard des textes susvisés  » ;

Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation du principe d’interprétation stricte de la loi pénale, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, des articles 111-4, 226-10 et 226-31 du code pénal, des articles 459, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ; manque de base légale et défaut de motifs ;

 » en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable des faits de dénonciation calomnieuse, puis est entré en voie de condamnation à son encontre avant de statuer sur les intérêts civils ;

 » aux motifs que ces faits résident, en l’espèce, dans l’accusation d’avoir sciemment diffusé dans le public, par le biais du document de base, des informations trompeuses, en sous-estimant les difficultés de réalisation du projet et ce, dans le but « de favoriser l’entrée en bourse du groupe », ce qui implique qu’il ne suffit pas pour démontrer que les faits dénoncés ne sont pas faux, d’établir qu’ils se sont éventuellement révélés inexacts, l’élément de mauvaise foi prêté au responsable du document de base étant l’élément déterminant de l’agissement dénoncé ;

 » alors que le prévenu faisait valoir, dans ses conclusions régulièrement déposées, qu’à supposer que la lettre du 24 janvier 2010 soit considérée comme une dénonciation au sens de l’article 226-10 du code pénal, les faits portés à la connaissance de l’AMF étaient exacts et prescrits, démontrant ainsi que le prévenu n’avait pas d’intention d’obtenir de l’AMF une sanction administrative ; qu’en déclarant le prévenu coupable de dénonciation calomnieuse au moyen d’une lettre ouverte adressée au président de l’AMF par les motifs précités qui ajoutent à la loi d’incrimination sur la dénonciation calomnieuse que les poursuites peuvent avoir lieu même si le fait n’est pas de « nature à entraîner des sanctions », la cour d’appel a méconnu le principe et les textes susvisés  » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu’intentionnel, le délit de dénonciation calomnieuse dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D’où il suit que les moyens, dont le cinquième, pris en sa seconde branche, reste à l’état de pure allégation, s’agissant du déroulement de l’audience, et qui se bornent pour le surplus à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;

Sur le huitième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5, 8, 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et 34 de la Constitution, des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, et 226-31 du code pénal, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, perte de fondement juridique ;

 » en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable des faits de dénonciation calomnieuse, puis est entré en voie de condamnation à son encontre avant de statuer sur les intérêts civils ;

 » alors que le 3e alinéa de l’article 226-10 du code pénal, qui dispose qu’« en tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci », dans la mesure où d’abord, il porte sur le droit d’expression des citoyens, ensuite, il ne définit pas clairement le sens du mot « pertinence », enfin, il permet dans tous les autres cas sans aucune limite, même lorsqu’il n’existe pas de préjudice, de poursuivre et de condamner une personne, sans nécessité, méconnaît les articles 5, 8, 10 et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et à l’article 34 de la Constitution ; qu’en conséquence, la déclaration de son inconstitutionnalité qui sera prononcée après renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct et motivé, privera l’arrêt attaqué de tout fondement juridique  » ;

Attendu que, par arrêt du 12 mai 2015, la chambre criminelle a dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à la constitutionnalité de l’article 226-10 du code pénal ;

D’où il suit que le moyen est devenu sans objet ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 000 euros la somme globale que M. X… devra payer à M. Y… et la société Olympique lyonnais groupe au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze avril deux mille seize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

ECLI:FR:CCASS:2016:CR01335


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