Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 février 2009, 08-83.704, Inédit

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Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 février 2009, 08-83.704, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

– X… Roland,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 9e chambre, en date du 16 avril 2008, qui, pour banqueroute, l’a condamné à 10 000 euros d’amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 626-2 et L. 626-3 du code de commerce, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré Roland X… coupable de banqueroute par détournement d’actif et, en répression, l’a condamné à une amende de 10 000 euros ;

 » aux motifs que les premiers juges, après rappel de la procédure et des termes de la prévention dirigée contre Roland X…, ont exactement relaté l’ensemble des faits de la cause ; qu’en substance, il lui est reproché le délit de banqueroute par détournement d’actifs pour avoir, étant dirigeant de l’entreprise SAS Patton, placée en redressement judiciaire le 6 juin 2004, puis en liquidation judiciaire le 5 juillet 2004, détourné un véhicule Ferrari 360 Modena ; que par jugement du tribunal correctionnel de Melun du 3 octobre 2007, le prévenu était déclaré non coupable et relaxé ; qu’il était interjeté appel de cette décision par M. le procureur de la République qui, à l’appui et aux termes de sa requête d’appel, expose :  » en relaxant Roland X…, le tribunal me paraît avoir méconnu les éléments de fait contenus dans le dossier qui démontrent l’existence du détournement du véhicule de l’actif de la SAS Patton ; en effet, l’enquête de police judiciaire a établi que la carte grise du véhicule était au nom de la société, que son entretien et son assurance étaient pris en charge par la société, que le financement de l’achat du véhicule au prix de 810 000 francs était intervenu de la manière suivante : deux chèques tirés sur la société Patton de 80 000 et 50 000 francs, reprise d’un précédent véhicule Ferrari appartenant à la société Patton à hauteur de 280 000 francs, apport personnel de Roland X… à hauteur de 400 000 francs ; la comptable, Mme Y…, et l’expert-comptable de la société, M. Z…, ont précisé que le financement par la société Patton à hauteur de 410 000 francs n’était assorti d’aucune contrepartie ; l’expert-comptable a ajouté que sur le plan comptable, le véhicule avait été considéré comme un apport en nature de Roland X… dans la société et que, dès lors, il appartenait à la société dans sa totalité ; ainsi, au vu de ces éléments, la propriété du véhicule au bénéfice de la SAS Patton ne saurait être utilement contestée, la disparition de la comptabilité étant à ce stade indifférente, et Roland X… ne pouvait prétendre ignorer le montant financier à l’origine de l’acquisition, de l’entretien et de l’assurance du véhicule ; j’ai donc l’honneur de solliciter que soit requise l’infirmation du jugement de relaxe et la condamnation de Roland X… du chef de banqueroute par détournement d’actif  » ; que Roland X… fait déposer par son conseil des conclusions par lesquelles :  » Roland X… demande à la cour d’appel de céans de : vu l’infraction reprochée, confirmer le jugement du 3 octobre 2007, rendu par le tribunal de commerce de Melun ayant prononcé la relaxe d’avoir dissimulé le véhicule Ferrari F 360 Modena, fait constitutif de banqueroute, débouter Me A…, ès-qualité de liquidateur, de sa constitution de partie civile  » ; qu’il convient de constater qu’en l’absence d’appel de Me A…, partie civile en première instance, la cour est saisie de la seule action publique ; que sur les faits, il est principalement exposé à l’appui des conclusions de relaxe que le prévenu a participé au moyen d’un crédit personnel à l’acquisition de ce véhicule et que pour le surplus du paiement, il aurait été retenu en débit du compte courant d’associé et ce au titre d’une prime annuelle dont Roland X… aurait pu bénéficier ; sur ce, considérant que figure au dossier le bon de commande du véhicule en cause ; que ce document précise que l’acquéreur, à savoir  » SA Patton (Roland X…)  » ainsi que l’adresse :  » RNG 77240 Cresson « , adresse du garage de la société Patton et non du domicile personnel de Roland X… ; que ce même document précise  » remise professionnelle 5 %  » ; que le véhicule en cause (prix total TTC après remise de 810 000 francs) devait être réglé par reprise d’un précédent véhicule Ferrari appartenant à la société Patton : 280 000 francs, deux chèques tirés sur le compte de la société Patton de 80 000 francs et 50 000 francs, et l’apport personnel de Roland X… à hauteur de 400 000 francs ; qu’il résulte des documents produits par le garage Pozzi, concessionnaire Ferrari et vendeur du véhicule, que celui-ci faisait l’objet de factures d’entretien réglées par la société Patton ; que M. Z…, expert-comptable de la société Patton, déclarait que dans le cadre de l’opération de fusion des sociétés du  » groupe X… « , la voiture en cause avait été considérée comme un apport en nature, que notamment le commissaire aux apports avait recommandé une dépréciation de la valeur de cet apport qui ne correspondait plus à son prix d’achat ; que dans ces conditions, Roland X… était dans l’obligation de tenir le véhicule à la disposition des organes de la liquidation ; que l’hypothèse d’une part de propriété personnelle n’est nullement démontrée en l’espèce en l’absence de tout justificatif de propriété ; qu’il résulte des éléments de la procédure que le véhicule Ferrari a été dissimulé dans les locaux professionnels du fils de Roland X… où il était découvert par les services de police au cours de l’enquête ; que la Cour, infirmant le jugement déféré, déclarera Roland X… coupable du délit de banqueroute ;

 » alors, d’une part, que le détournement d’actif implique un acte de disposition et, partant, se distingue de la dissimulation d’actif, de sorte que les éléments constitutifs du délit de banqueroute par détournement d’actif sont différents de ceux du délit de banqueroute par dissimulation d’actif ; que, dès lors, en déclarant, dans le dispositif de sa décision, Roland X… coupable de banqueroute par détournement d’actif, tout en se déterminant par la circonstance que le véhicule Ferrari litigieux aurait été dissimulé dans les locaux professionnels du fils de Roland X…, la cour d’appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés ;

 » alors, d’autre part, que le délit de banqueroute par détournement d’actif suppose un acte de disposition volontaire à l’égard d’un élément d’actif de la société objet de la procédure collective ; qu’en déclarant Roland X… coupable de banqueroute par détournement d’actif, concernant le véhicule Ferrari litigieux, sans relever l’existence d’un acte de disposition imputable au prévenu, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 626-2 du code de commerce ;

 » alors enfin que la dissimulation d’actif comme le détournement d’actif supposent que le bien objet de l’infraction ait fait l’objet d’une soustraction frauduleuse ; que dans ses conclusions d’appel, Roland X… a expressément fait valoir que si le procès-verbal du 20 décembre 2005 indique d’une part que les enquêteurs se sont transportés au 48, RN6 à Vert Saint Denis, siège du garage Volvo dirigé par le fils du prévenu, d’autre part que le véhicule litigieux y a été appréhendé et mis à la disposition de Me C…, commissaire priseur, il résulte d’une lettre adressée le 30 juin de la même année à Roland X…, par Me B…, mandataire judiciaire, que ce dernier souhaitait  » voir conservé le véhicule Ferrari dépendant de l’actif de la SAS Patton au sein de votre établissement concession Volvo à Vert Saint Denis, dans lequel le véhicule a toujours été entreposé « , de sorte que non seulement le liquidateur connaissait parfaitement, dès l’origine, le lieu où ledit véhicule était garé, mais encore que le stationnement et la conservation du véhicule en ce lieu avaient été expressément exigés par le liquidateur, lequel n’a par ailleurs rencontré aucune résistance ni difficulté pour l’appréhender ; qu’en cet état, le prévenu a soutenu qu’aucun fait matériel de dissimulation frauduleuse ne pouvait lui être reproché, le lieu de stationnement du véhicule litigieux étant connu, dès l’origine, des organes de la procédure ; que, dès lors, en se déterminant par la seule circonstance qu’il résulte des éléments de la procédure que le véhicule Ferrari a été  » dissimulé  » dans les locaux professionnels du fils de Roland X… où il était découvert par les services de police au cours de l’enquête, pour en déduire que l’infraction visée à la prévention est constituée, sans rechercher, ainsi qu’elle y était pourtant invitée par les conclusions d’appel du prévenu, si l’existence et le lieu de stationnement du véhicule litigieux n’étaient pas connus, dès l’origine, des organes de la procédure, et s’il ne correspondait pas au lieu d’entrepôt tel qu’il avait été ordonné par Me B… lui-même, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 626-2 du code de commerce  » ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que la société Patton, dont Roland X… était le dirigeant, a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce du 5 juillet 2004 ; que celui-ci a été poursuivi du chef de banqueroute pour avoir détourné un élément d’actif, en l’espèce un véhicule Ferrari, entreposé dans le garage de son fils ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de cette infraction, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte que le prévenu a volontairement omis de remettre ce véhicule aux organes de la liquidation comme il en avait l’obligation, la cour d’appel, qui a répondu aux arguments péremptoires contenus dans les conclusions et caractérisé, en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit de banqueroute par dissimulation d’actif, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 626-2 et L 626-3 du code de commerce, 131-12, 131-13, 132-11, 132-20 et 132-24 du code pénal, 2, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

 » en ce que l’arrêt attaqué, qui a déclaré Roland X… coupable de banqueroute par détournement d’actif, l’a condamné à une amende de 10 000 euros ;

 » alors que, conformément au principe de la personnalisation judiciaire des peines, consacré par l’article 132-24 du nouveau code pénal, le juge fixe le quantum de la peine d’amende en fonction des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur, ainsi que des ressources et des charges de celui-ci ; qu’ainsi en infligeant au prévenu une amende de 10 000 euros sans fournir le moindre motif susceptible de justifier le choix d’une telle sanction, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision  » ;

Attendu que le demandeur ne saurait faire grief à la cour d’appel d’avoir prononcé à son encontre une amende sans expliquer sur ses ressources et ses charges, dès lors que si, au terme de l’article 132-24 du code pénal, les juges doivent tenir compte de ces éléments, ce texte ne leur impose pas de motiver spécialement leur décision à cet égard ;

Qu’ainsi le moyen ne peut être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Rognon conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


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