Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juillet 2020, 18-24.320, Publié au bulletin

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Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juillet 2020, 18-24.320, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

MF

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 8 juillet 2020

Cassation partielle

M. CATHALA, président

Arrêt n° 712 FS-P+B

Pourvoi n° H 18-24.320

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 JUILLET 2020

Mme M… O…, domiciliée […], a formé le pourvoi n° H 18-24.320 contre l’arrêt rendu le 12 septembre 2018 par la cour d’appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l’opposant au groupement d’intérêt économique (GIE) AG2R Réunica, dont le siège est […], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme O…, de Me Le Prado, avocat du groupement d’intérêt économique (GIE) AG2R Réunica, et l’avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l’audience publique du 17 juin 2020 où étaient présents M. Cathala, président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Lyon, 12 septembre 2018), Mme O… a été engagée le 2 juin 2003 par la société Bayard Retraite Prévoyance, aux droits de laquelle vient le groupement d’intérêt économique (GIE) AG2R Réunica, en qualité de gestionnaire carrières.

2. La salariée a, le 26 septembre 2015, pris acte de la rupture de son contrat de travail et, le 23 octobre 2015, saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir dire que sa prise d’acte produisait les effets d’un licenciement nul et condamner le groupement d’intérêt économique AG2R Réunica à lui payer des sommes à titre de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur les deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel et, en conséquence, de dire que sa prise d’acte s’analysait comme une démission et de la débouter de ses demandes en paiement d’indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement nul et de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat, alors :

« 1°/ que lorsque la personne invoquant un harcèlement sexuel à son encontre établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon elle un tel harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ; que, pour débouter Mme O… de ses demandes au titre du harcèlement sexuel, la cour d’appel a retenu que « l’analyse des pièces susvisées montre donc que les agissements imputés à M. W… reposent sur les seules déclarations de Mme O…, lesquelles ne sont pas suffisantes pour établir des faits permettant de présumer l’existence du harcèlement sexuel considéré » ; qu’en statuant ainsi, cependant que, pris dans leur ensemble, le courriel de M. W… invitant la salariée à déjeuner et insistant, en dépit de ses refus, pour qu’ils aient un rendez-vous privé, les courriels de dénonciation des agissements de harcèlement sexuel de M. W… adressés à l’employeur, aux délégués du personnel, à une déléguée syndicale, à l’inspecteur du travail et au procureur de la République, ainsi que le procès-verbal d’audition de plainte pour harcèlement sexuel du 24 juillet 2015, dont elle constatait l’existence, laissaient présumer l’existence du harcèlement sexuel invoqué, la cour d’appel a violé les articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ subsidiairement, qu’en se déterminant de la sorte, cependant que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même étant inapplicable à la preuve des faits juridiques, l’adminicule de preuve mis à la charge de la salariée pouvait être rapporté par la dénonciation des agissements de M. W… que Mme O… avait faite à l’employeur, à plusieurs reprises, ainsi qu’aux délégués du personnel, à une déléguée syndicale, à l’inspecteur du travail, aux services de police et au procureur de la République, la cour d’appel a, derechef, violé les articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°/ plus subsidiairement, qu’en l’espèce, l’échange de courriels du 9 octobre 2009, intitulé par M. W… « privé », mentionne explicitement « est-ce que tu veux on mange ensemble midi. Réponde par mail et supprime », ce à quoi l’exposante avait répondu « à midi je mange avec Q… », M. W… insistant alors en ces termes « OK, mais j’ai prendre une rendez-vous avec toi », ce que la salariée avait une fois de plus poliment décliné en lui répondant « suis pas loguée car je fais de l’interlocution », M. W… revenant néanmoins une nouvelle fois à la charge, en ces termes « oui, j’ai compris ; et pour la rendez-vous », ce à quoi Mme O… a préféré ne pas répondre ; qu’après avoir constaté que « l’échange de courriels du 9 octobre 2009 est relatif à une proposition de repas faite par M. K… W… pour le midi même, refusée par Mme M… O…, au motif qu’elle était déjà engagée à l’égard de quelqu’un d’autre », la cour d’appel a retenu « qu’une telle proposition, courante entre collègues de travail, n’est pas caractéristique par elle-même d’agissements de nature sexuelle » et que « le reste de cet échange, écrit par M. K… W… en français approximatif, est trop peu explicite pour en tirer une quelconque conclusion quant au comportement de l’intéressé » ; qu’en statuant ainsi, cependant qu’il résultait des termes de cet échange que M. W… avait insisté pour prendre un rendez-vous « privé » avec Mme O…, et ce, dans une volonté de discrétion incompatible avec des relations courantes entre collègues et manifestement destinée à obtenir le rendez-vous en question à l’insu de l’épouse de l’intéressé, également salariée de l’entreprise, ce qui ne laissait aucun doute quant à la nature des rapports envisagés par M. W…, la cour d’appel a violé le principe faisant interdiction au juge de dénaturer les documents de la cause. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des dispositions des articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail que pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement sexuel, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

6. La cour d’appel, par une appréciation souveraine des éléments de preuve et de fait qui lui étaient soumis, a, d’une part constaté que certains des éléments de fait invoqués par la salariée comme étant susceptibles de constituer un harcèlement sexuel n’étaient pas établis et, d’autre part estimé, sans dénaturation et exerçant les pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 1154-1 du code du travail, s’agissant des autres faits qu’elle a examinés dans leur ensemble, qu’ils ne permettaient pas de présumer l’existence d’un harcèlement sexuel.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La salariée fait grief à l’arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat et, en conséquence, de dire que sa prise d’acte s’analysait comme une démission et de la débouter de ses demandes en paiement d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que tenu d’une obligation de sécurité de résultat quant à la santé physique et mentale de ses salariés dont il doit assurer l’effectivité, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires à leur assurer des conditions de travail qui ne nuisent pas à leur santé ; qu’il incombe à l’employeur, dès lors que cela est contesté par le salarié dont il est objectivement établi une dégradation de son état de santé, de prouver qu’il a respecté son obligation de sécurité, en prenant en temps utile les mesures prévention et de protection nécessaires ; qu’à cet égard, la seule circonstance que le harcèlement moral invoqué par le salarié ne soit pas retenu ne suffit pas, en soi, à justifier du respect par l’employeur de son obligation de sécurité ; que, pour débouter Mme O… de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat, la cour d’appel a énoncé – après avoir retenu que la salarié n’établissait pas l’existence d’éléments laissant présumer qu’elle eût été victime de harcèlement sexuel ou moral – que, « dès lors, il n’y a pas lieu d’examiner si un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat est à l’origine de ce harcèlement sexuel et moral invoqué » ; qu’en statuant ainsi, quand l’absence – supposée – de harcèlement, n’était pas en soi de nature à justifier du respect par l’employeur de son obligation de sécurité, ni réciproquement à écarter tout manquement de sa part à cet égard, la cour d’appel a violé l’article 1353 du code civil, ensemble les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 et l’article L. 4121-2 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

9. L’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte des textes susvisés, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L. 1152-1 du code du travail et des agissements de harcèlement sexuel instituée par l’article L. 1153-1 du même code et ne se confond pas avec elle.

10. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, l’arrêt retient que dès lors que les seules déclarations de la salariée ne sont pas suffisantes pour établir des faits permettant de présumer l’existence du harcèlement sexuel et que celle-ci n’établit pas l’existence de faits qui, pris dans leur ensemble, seraient de nature à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral à son égard, il n’y a pas lieu d’examiner si un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est à l’origine de ce harcèlement sexuel et moral invoqué.

11. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. La cassation du chef de dispositif relatif au manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif relatifs à la prise d’acte et aux demandes en paiement d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du troisième moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que la prise d’acte de Mme O… s’analyse comme une démission et déboute Mme O… de ses demandes en paiement d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et manquement à l’obligation de sécurité, l’arrêt rendu le 12 septembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ;

Remet, sur ces points l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne le groupement d’intérêt économique (GIE) AG2R Réunica aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le groupement d’intérêt économique (GIE) AG2R Réunica et le condamne à payer à Mme O… la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme O….

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté Mme M… O… de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel et d’AVOIR, en conséquence, dit que la prise d’acte de Mme M… O… s’analysait comme une démission et débouté la salariée de ses demandes en paiement d’indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement nul, de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat, ainsi que de sa demande en paiement des sommes de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles en première instance et de 3.000 € en cause d’appel ;

AUX MOTIFS QUE, sur l’exécution du contrat de travail : Mme M… O… fait valoir : – qu’elle a été victime d’agissements de harcèlement sexuel et moral dans le cadre de son travail et que le GIE AG2R Reunica a manqué à son obligation de sécurité de résultat quant à ces faits ; – qu’elle a été victime de harcèlement sexuel de la part de M. K… W…, autre salarié de la société ; que bien qu’elle ait informé sa hiérarchie depuis décembre 2014 des agissements considérés et que le directeur des ressources humaines ait reconnu en avoir eu connaissance le 30 juin 2015, l’employeur n’a répondu qu’en août 2015 à sa dénonciation des faits ; qu’au surplus, le GIE AG2R Reunica n’a pas réagi de manière adaptée à la situation, n’ayant pas pris de mesures immédiates pour la préserver et ayant tardé à saisir le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions du travail (CHSCT) ; qu’enfin, l’enquête dudit comité n’a pas été diligentée de manière sérieuse ; – qu’elle a été également victime de harcèlement moral ; que suite à la révélation du harcèlement sexuel dont elle était victime à Mme I… L…, sa supérieure hiérarchique, elle a été agressée par Mme D… U… épouse de M. K… W…, sous la responsabilité de laquelle elle réalisait une mission de hotline téléphonique, dite « call »; que Mme I… L… étant une amie proche de Mme W…, sa hiérarchie a refusé qu’elle soit assistée lors des entretiens auxquels elle a été convoquée suite à cette agression et a tenté de la déstabiliser ; qu’au surplus, Mme I… L… n’a pas donné suite à ses demandes de chaise adaptée à ses problèmes de vertèbres ; – que les attestations produites par l’employeur ne permettent pas de prouver l’absence des faits dénoncés par elle ; que l’employeur ne démontre pas non plus avoir pris de mesures sérieuses en matière de risques psycho-sociaux ; que compte tenu des éléments susvisés, sa prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul ; – qu’en outre, elle n’a connu aucune évolution professionnelle ou salariale depuis le 1er janvier 2008, à la différence d’autres salariés ayant une expérience et des qualités professionnelles équivalentes ou inférieures ; que ce fait caractérise une exécution déloyale du contrat par l’employeur ; que le GIE AG2R Reunica fait valoir : – que les agissements de harcèlement sexuel dont Mme M… O… se plaint ne reposent que sur sa seule déclaration et ne sont pas corroborés par les personnes citées par elle comme témoins de ces faits ; qu’au contraire, de nombreux salariés attestent du comportement respectueux dont faisait preuve M. K… W… à l’égard des autres membres de l’entreprise ; que si Mme M… O… a eu des difficultés relationnelles et des désaccords avec sa hiérarchie, les témoignages qu’elle produit ne prouvent pas non plus qu’elle aurait été victime de harcèlement moral ; qu’elle a satisfait à son obligation de sécurité de résultat, dans le domaine de la prévention du harcèlement moral et sexuel ainsi que dans le traitement des faits dénoncés par la salariée ; – que Mme M… O… ne s’est pas rendue à la convocation du CHSCT en charge d’une enquête sur les agissements dénoncées par elle, préférant prendre acte de la rupture du contrat le lendemain de la date à laquelle elle aurait dû être entendue par le comité ; – que Mme M… O… a bénéficié d’augmentations de rémunération et que son salaire se situe dans la moyenne de ceux de ses collègues de même niveau, de telle sorte qu’elle a exécuté loyalement le contrat sur ce point ; que Mme M… O…, qui travaillait sur le site AG2R Reunica de Lyon, dont Mme C… N… était responsable, a intégré à compter du 13 octobre 2010 une nouvelle équipe dirigée par Mme I… L… ; qu’elle a été en congé de maternité de juin 2012 à janvier 2013 puis d’avril 2013 à janvier 2014 ; que, quant au harcèlement et à l’obligation de sécurité de résultat : aux termes de l’article L. 1153-1 du code du travail dans sa rédaction applicable, « aucun salarié ne doit subir des faits : 1°) Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; 2°) Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers » ; qu’aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; que l’article L. 1154-1 du code du travail dispose que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ; qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; qu’à l’appui des faits de harcèlement sexuel, Mme M… O… produit les éléments suivants : – un échange de courriels entre M. K… W… et elle du 9 octobre 2009 ; – différents écrits rédigés par elle : courriels des 9 décembre 2014, 29 juin 2015, 2, 3, 23 et 31 juillet 2015, courrier du 17 août 2015, une réponse à une enquête « qualité de vie au travail » de l’employeur de mai 2015 ; – deux courriers de son avocat en date des 31 août et 17 novembre 2015 ; – des courriers de M. R… S…, responsable département ressources humaines au GIE AG2R Reunica en date des 6 août et 25 septembre 2015 ; – des arrêts de travail, des certificats médicaux ainsi qu’une fiche d’aptitude médicale ; – un procès-verbal d’audition de plainte en date du 24 juillet 2015 ; qu’il ressort des pièces susvisées que : – Mme M… O… s’est plainte auprès de son employeur et des services de police de propos et de gestes déplacés de la part de M. K… W…, autre salarié de la société, décrits de la manière suivante : – le 14 janvier 2014, M. K… W… a proposé à Mme M… O… de lui faire un quatrième enfant, « une fille » alors qu’elle a des garçons, et lui a indiqué avoir des problèmes sexuels avec son épouse ; – fin octobre 2014, elle a croisé M. K… W… à l’accueil, ce dernier lui déclarant: « va-t’en de là car je ne sais pas ce que je vais te faire » en simulant le fait de lui attraper le visage avec la main ; – début novembre 2014, lors d’un arrêt de l’ascenseur, où elle se trouvait avec M. Y… H… et Mme YW… F…, M. K… W… est entré dans l’ascenseur, s’est placé derrière elle et lui a caressé le bas du dos. Choquée, elle s’est adressée à ses collègues en ces termes : « il est fou ce K….

II m’a touché le bas du dos » ; que M. Y… H… s’est alors adressé à Mme YW… F… en ces termes : « tu vois YW… t’es pas la seule à qui il fait ça ! » ; que, manifestement gênée, cette dernière n’a pas répondu, et est partie sans ne rien dire ; – le 1er décembre 2014, alors qu’elle était avec Mme I… L…, en train d’attendre l’ascenseur, M. K… W… est sorti de celui-ci ; qu’en la croisant, il lui a attrapé le fessier, et particulièrement choquée, elle est restée tétanisée devant l’ascenseur ; – Mme M… O… a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail successifs : du 7 au 14 novembre 2014 pour syndrome anxiodépressif, dorsalgie et contracture musculaire invalidante, du 10 au 14 décembre 2014 et du 22 au 23 janvier 2015 ; – Mme M… O…, qui prend un traitement anti hypertenseur depuis décembre 2014 suite à une péricardite, a été adressée par son médecin traitant à un confrère en vue d’une psychothérapie de soutien, le médecin faisant état de ce que l’intéressée présentait un syndrome anxiodépressif en réaction avec des mauvaises relations à son travail (harcèlement de sa supérieure) ; – le 1er juillet 2015, le médecin du travail, qui a vu la salariée à la demande de celle-ci, l’a déclarée apte mais a mentionné « il serait hautement souhaitable qu’elle puisse travailler dans un autre service dans les meilleurs délais, par exemple au service « entreprises » où un poste serait paraît-il bientôt vacant – la situation sera réévaluée à la rentrée » ; que les propos et gestes déplacés reprochés par Mme M… O… à M. K… W… ne sont corroborés par aucun témoignage ; que par ailleurs, l’enquête décidée le 17 septembre 2015 par le CHSCT et diligentée en octobre et novembre 2015 fait apparaître que Mmes F…, L… et M. Y… H…, cités par Mme M… O… comme présents lors de certains faits, ont indiqué à la délégation du comité, chargée de l’enquête, qu’ils n’avaient pas été témoins d’agissements particuliers éventuellement répétés ou encore d’un comportement irrespectueux (propos, allusions, gestes impudiques, pression), pouvant s’apparenter à du harcèlement sexuel de la part de M. K… W… à l’égard de Mme M… O… ; que, si la salariée conteste le sérieux de l’enquête du CHSCT, elle ne produit aucun élément de nature à contredire ce que les salariés précités ont déclaré au CHSCT ; que l’échange de courriels du 9 octobre 2009 est relatif à une proposition de repas faite par M. K… W… pour le midi même, refusée par Mme M… O…, au motif qu’elle était déjà engagée à l’égard de quelqu’un d’autre ; qu’une telle proposition, courante entre collègues de travail, n’est pas caractéristique par elle-même d’agissements de nature sexuelle ; que le reste de cet échange, écrit par M. K… W… en français approximatif, est trop peu explicite pour en tirer une quelconque conclusion quant au comportement de l’intéressé ; qu’enfin, les documents médicaux ne contiennent aucun élément à l’encontre de M. K… W… ; que l’analyse des pièces susvisées montre donc que les agissements imputés à M. K… W… reposent sur les seules déclarations de Mme M… O…, lesquelles ne sont pas suffisantes pour établir des faits permettant de présumer l’existence du harcèlement sexuel considéré ; qu’à l’appui des faits de harcèlement moral, Mme M… O… produit les éléments suivants : – différents écrits rédigés par elle : des courriels datés des 1er avril, 8 septembre 2014, 9 octobre 2014, 2, 9 décembre 2014, 20 janvier 2015, 29 juin 2015, des comptes rendus retraçant l’incident qu’elle a eu avec Mme W… début décembre 2014, l’entretien qu’elle a eu avec Mme C… N… le 14 janvier 2015 à la suite de cet incident ainsi que l’entretien qu’elle a eu avec Mmes N… et W… quant à cet incident ; – un plan de l’étage où elle travaille ; – un courriel de Mme P…, déléguée syndicale, en date du 15 janvier 2015 rappelant à Mme C… N… le droit que Mme M… O… a d’être accompagnée par un représentant du personnel lors d’un entretien quelle qu’en soit la nature ; – deux attestations établies respectivement par Mme VS…, ancienne salariée de la société et M. X…, compagnon de Mme M… O… ; – une photographie de Mme I… L… avec trois autres salariés, dont Mme E… et Mme G…, compagne de M. A…, étant précisé que l’employeur verse aux débats les témoignages de Mme E… et M. A… ; – une étude du Docteur B…, intitulée « pour en finir avec le déni et la culture du viol » ; que, si Mme VS… témoigne qu’elle a quitté son emploi au sein de la société en raison du harcèlement moral de Mme I… L…, elle ne donne aucun élément d’information sur la date des faits dont elle aurait été victime et ne fait aucune allusion à Mme M… O… ; que, par ailleurs, il n’y a pas lieu de retenir le témoignage de M. X…, compagnon de Mme M… O…, qui ne relate pas de faits personnellement constatés au sein de l’entreprise, mais reprend seulement les dires de sa compagne ; que les autres pièces font apparaître que Mme M… O… ne s’entendait pas bien avec sa supérieure hiérarchique, Mme I… L…, et a demandé à deux reprises à celle-ci de changer d’équipe par courriels des 2 décembre 2014 et 29 juin 2015 ; que le fait que Mme I… L…, amie de Mme W…, n’aurait pas volontairement attribué une chaise adaptée aux problèmes de dos à Mme M… O… malgré les demandes de celle-ci, aurait tenté de déstabiliser Mme M… O… lors d’un entretien d’évaluation du 1er décembre 2014 et que Mme C… N… aurait également participé à cette déstabilisation lors d’un entretien du 14 janvier 2015 ne repose que sur les déclarations de la salariée ; qu’or, les écrits de Mme M… O… révèlent eux-mêmes une distorsion d’appréciation des faits entre Mmes N… et L… d’une part et la salariée d’autre part ; que, par ailleurs, suite au courriel de Mme P…, déléguée syndicale, en date du 15 janvier 2015, Mme M… O… ne démontre pas qu’elle n’a pas pu se faire assister par un représentant du personnel lors de ses entretiens avec sa hiérarchie lorsqu’elle le souhaitait ; qu’au vu de ces éléments, Mme M… O… n’établit pas l’existence de faits qui, pris dans leur ensemble, seraient de nature à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral à son égard ; que, dès lors, il n’y a pas lieu d’examiner si un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat est à l’origine de ce harcèlement sexuel et moral invoqué ; que, Mme M… O… sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre et le jugement infirmé sur ce point ; que, sur la rupture du contrat : la prise d’acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu’il reproche à l’employeur, mode unilatéral et autonome de rupture de la relation contractuelle, entraîne la cessation immédiate du contrat de travail ; que la prise d’acte produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse si les faits invoqués par le salarié à l’encontre de son employeur sont justifiés et suffisamment graves pour justifier la rupture aux torts de l’employeur, soit à l’inverse ceux d’une démission ; que la preuve des faits qui fondent la prise d’acte incombe au salarié ; que la Cour a dit que Mme M… O… n’établissait pas la réalité de faits laissant présumer un harcèlement sexuel ou moral ; que la prise d’acte de Mme M… O… n’est donc pas justifiée par les faits allégués, et doit être analysée comme une démission et non un licenciement nul ; qu’en conséquence, Mme M… O… sera déboutée de ses demandes en paiement au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents ainsi que de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

qu’elle sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul et le jugement infirmé sur l’ensemble de ces points ;

1) ALORS QUE lorsque la personne invoquant un harcèlement sexuel à son encontre établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon elle un tel harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ; que, pour débouter Mme O… de ses demandes au titre du harcèlement sexuel, la cour d’appel a retenu que « l’analyse des pièces susvisées montre donc que les agissements imputés à M. W… reposent sur les seules déclarations de Mme O…, lesquelles ne sont pas suffisantes pour établir des faits permettant de présumer l’existence du harcèlement sexuel considéré » ; qu’en statuant ainsi, cependant que, pris dans leur ensemble, le courriel de M. W… invitant la salariée à déjeuner et insistant, en dépit de ses refus, pour qu’ils aient un rendez-vous privé, les courriels de dénonciation des agissements de harcèlement sexuel de M. W… adressés à l’employeur, aux délégués du personnel, à une déléguée syndicale, à l’inspecteur du travail et au procureur de la République, ainsi que le procès-verbal d’audition de plainte pour harcèlement sexuel du 24 juillet 2015, dont elle constatait l’existence, laissaient présumer l’existence du harcèlement sexuel invoqué, la cour d’appel a violé les articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2) ALORS, subsidiairement, QU’en se déterminant de la sorte, cependant que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même étant inapplicable à la preuve des faits juridiques, l’adminicule de preuve mis à la charge de la salariée pouvait être rapporté par la dénonciation des agissements de M. W… que Mme O… avait faite à l’employeur, à plusieurs reprises, ainsi qu’aux délégués du personnel, à une déléguée syndicale, à l’inspecteur du travail, aux services de police et au procureur de la République, la cour d’appel a, derechef, violé les articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3) ET ALORS, plus subsidiairement, QU’en l’espèce, l’échange de courriels du 9 octobre 2009, intitulé par M. W… « privé », mentionne explicitement « est-ce que tu veux on mange ensemble midi. Réponde par mail et supprime », ce à quoi l’exposante avait répondu « à midi je mange avec Q… », M. W… insistant alors en ces termes « OK, mais j’ai prendre une rendez-vous avec toi », ce que la salariée avait une fois de plus poliment décliné en lui répondant « suis pas loguée car je fais de l’interlocution », M. W… revenant néanmoins une nouvelle fois à la charge, en ces termes « oui, j’ai compris ; et pour la rendez-vous », ce à quoi Mme O… a préféré ne pas répondre ; qu’après avoir constaté que « l’échange de courriels du 9 octobre 2009 est relatif à une proposition de repas faite par M. K… W… pour le midi même, refusée par Mme M… O…, au motif qu’elle était déjà engagée à l’égard de quelqu’un d’autre », la cour d’appel a retenu « qu’une telle proposition, courante entre collègues de travail, n’est pas caractéristique par elle-même d’agissements de nature sexuelle » et que « le reste de cet échange, écrit par M. K… W… en français approximatif, est trop peu explicite pour en tirer une quelconque conclusion quant au comportement de l’intéressé » ; qu’en statuant ainsi, cependant qu’il résultait des termes de cet échange que M. W… avait insisté pour prendre un rendez-vous « privé » avec Mme O…, et ce, dans une volonté de discrétion incompatib


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