Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Vu la connexité joint les pourvois n° N 15-15. 481 à H 15-15. 545 ;
Sur le premier moyen commun aux pourvois :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Douai, 30 janvier 2015), que la société 3 Suisses France faisait partie du groupe 3 Suisses International lequel était détenu à 51 % par le groupe de droit allemand Otto ; que le groupe 3 Suisses International était structuré en quatre domaines d’activité dont le commerce à destination des particuliers exercé par la société Commerce BtoC, laquelle contrôlait plusieurs enseignes et sociétés dont la société 3 Suisses France ; qu’à partir du mois de décembre 2010, la société 3 Suisses France a réuni son comité d’entreprise en vue de la présentation d’un projet de réorganisation emportant la fermeture des espaces boutiques et le licenciement économique de l’ensemble des salariés qui y travaillaient ; que soixante cinq des salariés licenciés en janvier 2012 dans le cadre de ces fermetures ont contesté la validité de ces licenciements pour insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi et demandé la condamnation in solidum des sociétés 3 Suisses France, 3 SI Commerce, anciennement dénommée 3 SI BtoC, et Argosyn, anciennement dénommée 3 Suisses International ;
Attendu que les sociétés font grief aux arrêts de les condamner in solidum à verser aux salariés une indemnité au titre de la nullité du licenciement alors selon le moyen :
1°/ que hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l’égard du personnel employé par une autre société de ce groupe, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; que la fixation, par la direction d’un groupe, de la stratégie d’ensemble du groupe et des objectifs des différentes entités qui le composent ne prive pas les filiales de ce groupe de toute autonomie dans la définition et la mise en oeuvre de leur politique commerciale et, plus généralement, dans la gestion de leur activité économique ; qu’en se bornant en l’espèce à relever, pour affirmer que la société 3 Suisses France ne disposait d’aucune autonomie dans la définition de sa politique commerciale, que le groupe fixait sa vision, sa stratégie et présentait au conseil d’administration ses objectifs et ses plans à trois ans pour l’ensemble des enseignes du groupe, ce qui est insuffisant à faire ressortir une immixtion de la direction du groupe dans la gestion économique de la société 3 Suisses France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
2°/ que la centralisation des fonctions supports des différentes filiales opérationnelles d’un groupe au sein d’une société holding et la conclusion de conventions d’assistance technique entre ces filiales opérationnelles et la société holding n’ont pas pour effet de transférer la gestion économique et sociale de ces filiales à la société holding, ni par suite de créer une situation de co-emploi ; qu’en se bornant à relever, pour caractériser une immixtion des sociétés 3 Suisses International et 3 SI BtoC dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France, qu’un contrat de prestation de services administratifs et d’assistance technique, conclu avec la société 3 Suisses International et mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC, prévoyait la fourniture d’une assistance à la société 3 Suisses France dans différents domaines moyennant rémunération et que des services relevant auparavant des différentes enseignes de la division « B to C » ont été centralisés au sein de la société 3 SI BtoC entraînant le transfert des équipes informatiques, ressources humaines et comptables au sein de cette société, sans constater qu’au-delà de la simple assistance technique prévue au contrat, les sociétés 3 Suisses International et 3 SI BtoC se seraient substituées à la société 3 Suisses France dans la gestion économique et sociale de cette dernière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
3°/ qu’en se bornant à relever que les services prévus au contrat d’assistance technique conclu avec la société Argosyn et mis en oeuvre par la société 3 SI Commerce consistaient notamment en « l’assistance et la coordination en matière de stratégie et de développement », en une « assistance à la mise en place et au développement d’outils de prévision économique et de suivi budgétaire ainsi qu’en la mise en place d’un secrétariat général compétent en matière de ressources humaines et notamment de recrutement, formation, mobilité », la cour d’appel n’a fait ressortir ni que ce contrat aurait excédé un domaine purement technique, ni qu’il aurait conduit à déposséder la société 3 Suisses France de toute autonomie dans les domaines économique et social ; qu’elle a en conséquence privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
4°/ qu’une société appartenant à un groupe ne peut être considérée co-employeur des salariés d’une autre société du même groupe qu’en cas d’immixtion générale et permanente de la première dans la gestion sociale de la seconde ; qu’en se bornant à relever que le contrat d’assistance mis en oeuvre par la société 3 SI BtoC conduisait au transfert des équipes ressources humaines en son sein, que le directeur des ressources humaines de la société 3 SI BtoC avait indiqué disposer d’un « pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant du domaine (B to C) dont la société 3 Suisses France » et vouloir centraliser l’organisation du recrutement afin de disposer d’une vision globale des postes à pourvoir, ce qui est insuffisant à faire ressortir une prise en main générale et permanente, par la société 3 SI BtoC, de la gestion sociale de la société 3 Suisses France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
5°/ qu’une société appartenant à un groupe ne peut être considérée co-employeur des salariés d’une autre société de ce groupe qu’à la condition que soit caractérisée une immixtion générale et permanente de la première dans la gestion sociale de la seconde ; qu’en l’espèce, les sociétés exposantes faisaient valoir qu’après la création de la société 3 SI BtoC et la centralisation des services support en son sein, la société 3 Suisses France avait conservé sa propre direction des ressources humaines qui procédait seule notamment au recrutement des salariés, aux licenciements et à la gestion des relations sociales, comme en attestaient des contrats de travail et lettres de licenciement, notamment de cadres supérieurs, signés par la seule directrice des ressources humaines de l’entreprise, des accords collectifs d’entreprise négociés et conclus par cette même directrice et des procès-verbaux de réunions du comité d’entreprise auxquelles cette directrice avait seule participé, en qualité de représentant de l’employeur ; qu’étaient également versés aux débats les rapports d’entretien d’évaluation, notamment de cadres de l’entreprise, établis par des cadres de direction de la société 3 Suisses France ; qu’en affirmant que la société 3 Suisses France était totalement dépossédée de son pouvoir de recrutement et, plus largement, qu’elle n’était plus autonome dans la gestion sociale, sans s’expliquer sur ces éléments qui étaient de nature à faire ressortir que la société 3 Suisses France assurait la direction quotidienne de son personnel et la gestion des relations sociales, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que la mise en place de procédures harmonisées ou d’outils de gestion visant à homogénéiser les pratiques au sein d’un groupe, qui procède de la simple coordination des actions économiques des sociétés appartenant à un même groupe, ne crée pas une situation de co-emploi ; qu’en relevant encore, pour attribuer la qualité de co-employeur à la société 3 SI BtoC et à la société 3 Suisses International, la mise en place d’un « système d’information intéressant les ressources humaines » concernant les enseignes les plus importantes du groupe dont la société 3 Suisses France, et la diffusion, par le secrétaire général du groupe, d’un support d’entretien annuel d’évaluation destiné à mutualiser, homogénéiser et harmoniser les meilleures pratiques d’entretien, la cour d’appel s’est fondée sur des motifs radicalement inopérants, privant sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
7°) qu’en se bornant à relever, s’agissant de la gestion économique de la société 3 Suisses France, que les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 Suisses France étaient gérés par le service comptabilité clients et bancaire de la société 3 SI BtoC, et que le service juridique de la société 3 Suisses International est intervenu, à deux reprises, dans la gestion de difficultés d’ordre juridique intéressant la société 3 Suisses France, la cour d’appel n’a pas caractérisé une immixtion générale et permanente des sociétés 3 Suisses International et 3 SI BtoC dans la gestion économique de la société 3 Suisses France et a, en conséquence, encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
8°/ que dans leurs conclusions d’appel, les sociétés 3 Suisses France et 3 SI BtoC soulignaient que la société 3 Suisses France avait conservé sa propre direction financière, qu’elle établissait elle-même des bons de commandes et était destinataire des factures des produits commandés, y compris pour des approvisionnements d’un montant particulièrement élevé ; que, pour le justifier, elle produisait plus d’une centaine de factures et bons de commandes ; qu’en évoquant le rôle du service comptabilité clients et bancaire de la société 3 SI BtoC sur les approvisionnements de la société 3 Suisses France, sans s’expliquer sur ces éléments établissant que la société 3 Suisses France restait maîtresse de ses approvisionnements, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 455 du code de procédure civile ;
9°/ qu’en relevant encore, pour affirmer que les sociétés 3 SI BtoC et 3 Suisses International doivent être considérées comme co-employeurs de la société 3 Suisses France, l’existence d’une « confusion » ou d’une « distinction malaisée » entre la société 3 SI BtoC et la société 3 Suisses International, la cour d’appel s’est encore fondée sur des motifs impropres à faire ressortir une situation de co-emploi de chacune de ces sociétés avec la société 3 Suisses France, privant encore sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
10°/ que ne caractérise pas une situation de co-emploi le fait que le capital d’une société soit détenu pour l’essentiel par une autre société, qu’elles aient leur siège social à la même adresse et que leurs équipes dirigeantes soient composées pour partie des mêmes personnes ; que ne caractérise pas non plus une situation de co-emploi le fait qu’une société mère apporte assistance à sa filiale, notamment lors de la mise d’une réorganisation impliquant un licenciement collectif ; qu’à supposer adoptés les motifs des premiers juges, en relevant encore que le capital de la société 3 Suisses France est détenu directement par la société 3 SI BtoC et indirectement par la société 3 Suisses International, que les trois sociétés ont le même siège social, qu’elles ont des équipes dirigeantes en partie communes et que les sociétés 3 SI BtoC et 3 Suisses International ont apporté assistance à la société 3 Suisses France à l’occasion de la fermeture des espaces boutiques et des recherches de reclassement, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d’appel a relevé qu’au moment de la réorganisation, la société 3 SI Commerce anciennement dénommée Commerce BtoC se confondait totalement avec la société 3 Suisses International, dont elle n’était qu’une émanation et n’avait pour objet que de faciliter la transformation de la société 3 Suisses France et des autres sociétés du domaine en de simples » business unit » relevant directement du groupe, que la distinction de la société Commerce BtoC avec la société 3 Suisses international était particulièrement malaisée comme en atteste le fait que les contrats d’assistance, mis en oeuvre par la société Commerce BtoC, avaient été conclus avec la société 3 Suisses international ; que cette réorganisation a conduit à une immixtion de la société BtoC dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France par le transfert de ses équipes informatiques, comptables et surtout de ressources humaines notamment dans la formation, la mobilité et le recrutement ; qu’ainsi au cours d’une réunion du comité d’entreprise le 10 novembre 2010, tant le directeur général de la société 3 Suisses France et membre du comité de direction BtoC que le directeur des ressources humaines de la société et du domaine BtoC rappelaient que ce dernier disposait d’un pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant de ce domaine dont la société 3 Suisses France ; que ce même directeur mentionnait au cours de cette réunion que l’organisation du recrutement était centralisée afin qu’il puisse disposer d’une vision globale de tous les postes à pourvoir dans le domaine, la société 3 Suisses France étant totalement dépossédée de son pouvoir de recrutement ; qu’il qualifiait de cabinet de recrutement le service ressources humaines BtoC, devenu le seul interlocuteur par l’effet d’une délégation de fait dans ce secteur par la société 3 Suisses France afin que son dirigeant ne s’occupe plus désormais que de l’opérationnel ; qu’en outre la société Commerce BtoC, prenait en charge tous les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 Suisses France au moyen de son service comptabilité clients et bancaire dont le contrôle s’exerçait jusqu’aux feuilles de caisse mensuelles que les responsables des espaces 3 Suisses France devaient transmettre régulièrement à ce service ; qu’enfin, c’est le service juridique de la société 3 Suisses international qui a substitué la société 3 Suisses France dans ses démarches auprès du parquet à l’occasion des poursuites pénales engagées contre des hôtesses prévenues de détournement d’argent au préjudice de la société 3 Suisses France et a été amené à intervenir pour dénoncer les contrats conclus avec les retoucheuses à l’occasion de la fermeture des espaces ;
Qu’en l’état de ces constatations, la cour d’appel a ainsi caractérisé, au delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activité et de direction se manifestant par une immixtion des sociétés 3 Suisses International devenue Argosyn et Commerce BtoC devenue 3 SI Commerce dans la gestion économique et sociale de la société 3 Suisses France ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société 3 Suisses France et la société 3 SI Commerce aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer aux soixante-cinq salariés la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour les sociétés 3 Suisses France et 3 SI Commerce, demanderesses aux pourvois n° N 15-15. 481 à H 15-15. 545 ;
Il est fait grief aux arrêts attaqués d’AVOIR condamné in solidum les sociétés 3 SUISSES FRANCE, 3 SI COMMERCE, anciennement dénommée 3 SI BtoC, et ARGOSYN, anciennement dénommée 3 SUISSES INTERNATIONAL, à verser à chaque défendeur aux pourvois une indemnité au titre de la nullité du licenciement et une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU’« en application de l’article L 1221-1 du code du travail que, hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur à l’égard du personnel employé par une autre, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ; qu’il résulte notamment des informations communiquées au comité d’entreprise lors de sa réunion du 29 septembre 2011 que la société 3 SUISSES France faisait partie, par le biais du groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL, du groupe de droit allemand OTTO organisé au travers de trois domaines d’activité, le commerce dit multi-canal (« multichannel retail »), les services financiers et les services aux entreprises ; que celui-ci détenait 51 % du capital social du groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL, la majeure partie du reste du capital social appartenant à la société FIPAR, elle-même détenue par le groupe de la famille Mulliez ; que le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL était lui-même structuré en quatre domaines d’activité, dont en particulier le domaine BtoC (« business to consumer » dénommé commerce à destination des particuliers) composé des enseignes grand public des entreprises suivantes : 3 SUISSES FRANCE, Blancheporte, Becquet, Arianta, Helline, Witt International, Venca, 3Pagen, Saint Brice et Unigro ; qu’à la tête de la société 3 SUISSES INTERNATIONAL avait été nommé par les sociétés OTTO et FIPAR un directeur exécutif dont la mission consistait à piloter la marche du groupe et son développement ; que le 1er janvier 2014, la société a fait l’objet d’une cession de ses activités e-commerce BtoC et Services au e-commerce, regroupées dans une entité détenue à 100 % par le groupe Otto ; qu’elle est désormais articulée en deux entités une holding et le groupe Argosyn ; que la société 3 SUISSES France ne disposait d’aucune autonomie dans la définition de sa politique commerciale puisque, selon le projet de transformation et de modernisation de la société, le groupe fixait sa vision, sa stratégie et présentait au conseil d’administration ses objectifs et ses plans à trois ans et ce pour l’ensemble des enseignes du groupe ; que la confusion d’intérêts, d’activités et de direction tant avec la société BtoC qu’avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL est mise en évidence par la conclusion avec cette dernière le 28 octobre 2009, avec effet à compter du 1er janvier 2010, d’un contrat de prestation de services administratifs et d’assistance technique ; que les motifs exposés dans le contrat pour le justifier sont l’importance de l’activité de la société et le montant de ses charges en matière de prestation de services et d’assistance particulière auprès de ses filiales, nécessitant l’établissement d’une refacturation ; que ce contrat excédait un domaine purement technique ; qu’en effet, aux termes de l’article 1 er relatif à la définition des prestations de services, celles-ci consistaient en premier lieu en l’assistance et la coordination en matière de stratégie et de développement ; qu’elles comprenaient également le contrôle de gestion consistant en une assistance à la mise en place et au développement d’outils de prévision économique et de suivi budgétaire ainsi qu’en la mise en place d’un secrétariat général compétent en matière de ressources humaines et notamment de recrutement, formation, mobilité ; que cette assistance proposée et mise en oeuvre par la fonction support de groupe, attribuée à la société Commerce B to C créée à la même date, conduisait à une véritable immixtion de cette dernière société dans la gestion économique et sociale de la société 3 SUISSES France notamment, puisqu’elle entraînait le transfert des équipes informatiques, des équipes ressources humaines et des équipes comptables de l’ensemble des sociétés du domaine, dont la société 3 SUISSES France, en son sein ; qu’à l’occasion de la réunion extraordinaire du comité d’entreprise, le 17 décembre 2009, Khélaf X…, administrateur de la société et exerçant les fonctions de directeur des ressources humaines, avait annoncé le regroupement des activités informatiques et des activités ressources humaines au sein du domaine dénommé BtoC dont il allait prendre la direction, tous les directeurs étant en outre rassemblés au sein d’un comité de direction BtoC ; que lors de la réunion du même comité, le 10 novembre 2010, tant Laurence Y…, directeur général de la société 3 SUISSES France et membre du comité de direction B to C, que Khélaf X…rappelaient qu’en sa qualité de directeur des ressources humaines de la société et du domaine BtoC celui-ci disposait d’un pouvoir permanent pour agir dans toutes les sociétés relevant de ce domaine dont la société 3 SUISSES France ; que ce dernier mentionnait au cours de cette même réunion que l’organisation du recrutement était centralisée afin qu’il puisse disposer d’une vision globale de tous les postes à pourvoir dans le domaine, la société 3 SUISSES France étant totalement dépossédée de son pouvoir, de recrutement ; qu’il qualifiait de cabinet de recrutement le service ressources humaines BtoC, devenu seul interlocuteur par l’effet d’une délégation de fait dans ce secteur par la société 3 SUISSES France afin que son dirigeant ne s’occupe plus désormais que de l’opérationnel ; que dans ce cadre s’inscrit également la mise en place d’un système d’information intéressant les ressources humaines à compter du 1er juillet et du 1er octobre 2010 concernant les enseignes les plus importantes du groupe dont 3 SUISSES France ; que de même la société Commerce BtoC, dont Laurence Y…était également la salariée, prenait en charge tous les problèmes de nature contractuelle, administrative et financière rencontrés par la société 3 SUISSES France au moyen de son service comptabilité clients et bancaire ; qu’ainsi Patrick Z…, responsable de ce service, s’occupait notamment du paiement des factures, était même destinataire de devis intéressant la livraison de matériels qui devaient être soumis à sa signature ; qu’à cette occasion il lui arrivait de prendre directement attache avec les responsables des espaces boutiques ; que ce contrôle s’étendait jusqu’aux feuilles de caisse mensuels que les responsables d’espaces devaient transmettre régulièrement à ce service ; que la société Commerce BtoC, devenue 3SI BtoC, à la suite d’un changement de dénomination en 2012, puis 3 SI Commerce, se confondait totalement avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL, dont elle n’était qu’une émanation comme le démontre tout d’abord le pourcentage du capital détenu par cette dernière ; qu’ayant repris le patrimoine de la société VAD Holding dont elle était l’associés unique, à l’occasion de la dissolution de cette dernière, elle a été introduite dans le domaine homonyme BtoC, peu après la constitution de celui-ci, aux côtés des sociétés détentrices d’enseignes ; qu’elle avait pour seule vocation de centraliser des services relevant jusque-là de chaque société durant la période de transition initiée avec la mise en place du plan de sauvegarde de l’emploi et de faciliter la transformation de la société 3 SUISSES France et des autres sociétés du domaine en de simples « business unit » relevant directement du groupe reposant désormais sur deux piliers, le commerce et les services, comme le fait apparaitre la brochure intitulée Vision 2020, dans lesquels elle serait intégrée ; que Khélaf X…, devenu ultérieurement directeur des ressources humaines du groupe, précisait, au cours de la réunion du comité d’entreprise du 10 novembre 2010, que la société BtoC ne réalisait pas de chiffre d’affaires en tant que tel mais procédait à une refacturation des coûts auprès des enseignes résultant de la centralisation des services ; que la distinction de la société Commerce BtoC avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL était particulièrement malaisée, même par ses dirigeants, Khélaf X…, qualifiant cette société de sous-holding pour la gestion des actifs, comme le rapporte le procès-verbal de la réunion du comité d’entreprise du 17 décembre 2010 ; que lors de la réunion précédente du comité d’entreprise, celui-ci reconnaissait par ailleurs l’existence d’opérations de mutualisation entre le groupe 3 SUISSES INTERNATIONAL et la société BtoC ; que par ailleurs les contrats de prestation de service avec la société 3 SUISSES FRANCE ont été mis en oeuvre par la société Commerce BtoC alors qu’ils avaient été conclus avec la société 3 SUISSES INTERNATIONAL ; que l’immixtion résultant d’une telle confusion est également établie par l’échange de courriels entre Yannick A…et Samia B…, juriste dépendant de la dernière société, ce dernier ayant substitué la société 3 SUISSES FRANCE dans ses démarches auprès du parquet à l’occasion des poursuites pénales engagées contre des hôtesses de l’Espace Rivoli prévenues de détournement d’argent au préjudice de la société 3 SUISSES France et ayant été destinataire du jugement du tribunal correctionnel ; que le même service juridique a été amené à intervenir pour dénoncer les contrats conclus avec les retoucheuses à l’occasion de la fermeture des espaces ; qu’une note du 14 novembre 2011 à destination notamment de la société 3 SUISSES France, réduite à une simple enseigne, émanant du secrétaire général du groupe 3 SI expose le nouveau support et son guide d’accompagnement commun en matière d’entretien annuel d’évaluation destiné, selon les propres termes utilisés, à mutualiser, homogénéiser et harmoniser les meilleures pratiques d’entretien pour l’année 2011 ; qu’il résulte de ces éléments que les sociétés 3 SI Commerce et 3 SUISSES INTERNATIONAL doivent bien être considérées comme co-employeurs de l’intimée » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « Concernant la société COMMERCE BtoC ; que le siège social des deux sociétés Commerce BtoC et 3 SUISSES France est fixé à la même adresse au 12 rue de la centenaire à CROIX; que la société Commerce BtoC détient 92, 76 % du capital de la société 3 SUISSES France ; que la société 3 SUISSES France exerce une activité de vente au détail de toutes marchandises par tous moyens notamment à distance, internet, magasins, identique à celle figurant dans l’objet de la société Commerce BtoC, créée en janvier 2010 laquelle regroupe également les fonctions supports (DSI, DRH, finances) au sein de plusieurs enseignes dont 3 SUISSES France ; que le rapport du cabinet d’expert comptable SYNDEX de juin 2011 précise à cet égard : « la nouvelle organisation des services centraux consiste en une mise en commun de moyens, avec une société, Commerce BtoC qui devient une sousholding et qui pilotera l’ensemble des aspects RH, comptable, informatique, en abritant des centres de services partagés en lien avec un responsable opérationnel dans chaque BU. » ; que l’extrait Kbis de la S. A. 3 SUISSES France au ler novembre 2011 mentionne Madame Laurence Y…en qualité de directeur général, Monsieur Eric C…en qualité de président du conseil d’administration et d’administrateur, Monsieur Khelaf X…en qualité d’administrateur tandis que l’extrait Kbis de la société Commerce BtoC au 23 septembre 2011 mentionne Monsieur Eric C…comme président du conseil d’administration et directeur général et notamment Monsieur Stéphane D…E… et Monsieur Eric C…comme administrateurs ; que, par ailleurs, Monsieur X…, administrateur au sein de la société 3 SUISSES France se révèle également occuper les fonctions de directeur des ressources humaines de la société Commerce BtoC et de DRH du domaine BtoC, en charge des questions et relations sociales et intervient en ces deux dernières qualités lors d’une réunion du comité d’entreprise de la société 3 SUISSES France du 10 novembre 2010 ; qu’il ressort des propos tenus par Madame Y…, directeur général de la société 3 SUISSES France lors de la réunion extraordinaire du Comité d’Entreprise de 3 SUISSES France du 10 novembre 2010 sur la mutualisation des services comptables et leur transfert au sein de la société Commerce BtoC, qu’elle est « salariée par la société Commerce BtoC », « comme toute l’équipe dirigeante » précise Monsieur X…; que l’existence d’un lien de subordination du directeur général de la société 3 SUISSES France à l’égard de la société Commerce BtoC induit une confusion de direction entre les deux sociétés, laquelle confusion s’est vue par la suite confirmée avec la désignation de Monsieur Eric C…comme PDG de la société 3 SUISSES France ainsi qu’il ressort du relevé d’information de société. com du 29 novembre 2012 fourni par la société 3 SUISSES INTERNATIONAL ; que le salarié produit un échange de courriels de mars et novembre 2011 dont il ressort des liens direct entre la Direction des ressources humaines de la société Commerce BtoC et les responsables des espaces 3 SUISSES et des espaces-boutiques 3 SUISSES ; qu’il ressort de la copie de courriels des 10 et 14 mars 2011, une demande formulée par le service RH de la société Commerce BtoC en vue de la communication par la société 3 Suisses France des entretiens annuels des responsables de magasin ; qu’est produit également un courriel de Madame Myriam F…du 12 septembre 2011 dont il ressort une recherche de solution de reclassement effectuée par le service des ressources humaines de Commerce BtoC ; que le responsable du service comptabilité clients et bancaire de la société Commerce BtoC est chargé au 21 novembre 2011 de régler tout problème contractuel, administratif et financier pour 3 SUISSES ; que la société Commerce BtoC pour justifier son intervention dans ces domaines produit trois conventions de prestations de service conclues avec la société 3 SUISSES France le 10 septembre 2012 :- matière de ressources humaines, notamment par la prise en charge, directement ou pour le compte de la société 3 SUISSES France des activités suivantes :. la production et la gestion de la paie et de l’administration du personnel,. la formation et le développement des compétences,. le conseil en recrutement,. le conseil du service social,- dans le cadre de la direction des systèmes d’information, par l’organisation, le développement et la recherche du système informatique permettant à l’ensemble des enseignes :. de maintenir leur différence commerciale tout en permettant un développement nécessaire,. d’optimiser les coûts informatiques en créant et gérant des équipements et des services d’intérêts communs,. de s’appuyer sur des moyens sûrs et évolutifs permettant de sécuriser l’avenir.- en matière de comptabilité par le traitement de l’ensemble des opérations de back office comptable de la société 3 SUISSES France : véritable centre de compétences comptable et financier, il a pour vocation de fournir une information financière (générale et analytique) fiable et sécurisée aux contrôleurs de gestion des Business Unit (Enseignes) et de répondre aux besoins comptables et fiscaux, dans un souci d’expertise et de réduction des coûts ; que pour autant, ces contrats de prestations de service en prévoyant une application rétroactive au 1er janvier 2010 pour les 2 premiers contrats et au 1er septembre 2010 pour le 3ème contrat, semblent avoir été souscrits pour les besoins de la cause et ne peuvent justifier l’intervention de la société Commerce BtoC dans la gestion comptable, informatique et des ressources humaines de la société 3 SUISSES France, dans la mesure où leur souscription est postérieure à la date de licenciement de la salariée et même à la date de saisine du conseil des prud’hommes par cette dernière ; que ces éléments démontrent ainsi une confusion d’intérêts, d’activités et de direction des sociétés 3 SUISSES France et Commerce BtoC justifiant la