Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 novembre 2020, 19-12.279, Publié au bulletin

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Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 novembre 2020, 19-12.279, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 4 novembre 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 977 F-P+B

sur le 2e moyen

Pourvoi n° Q 19-12.279

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2020

M. V… H…, domicilié […] , a formé le pourvoi n° Q 19-12.279 contre l’arrêt rendu le 21 décembre 2018 par la cour d’appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société Galloo Littoral, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. H…, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Galloo Littoral, après débats en l’audience publique du 16 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Chamley-Coulet, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l’article L. 431-3, alinéa 2, du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 21 décembre 2018), M. H… a été engagé le 8 septembre 2008 par la société […] dont le dirigeant était M. T… et, après son licenciement pour motif économique le 30 septembre 2009, est entré à compter du 1er novembre 2010 au service de la société établissements […] , en qualité de cadre commercial. Aux termes de son contrat de travail, le salarié était soumis à une clause de non concurrence. La société Almetal France, filiale du groupe Galloo Recycling, a pris une participation dans la société établissements S… T…, représentant 50 % du capital de cette dernière et a, selon le même procédé, repris 50 % du capital de la société […] . Le 26 novembre 2010, M. T… et le président de Galloo Recycling, ont créé, à parts égales, la société […] , détenue à 50 % par M. T…, à titre personnel et à 50 % par la société Almetal, dont M. T… est devenu directeur général, cumulant cette fonction avec celle de président de la société établissements S… T…. Le 30 avril 2011, M. T… a quitté le groupe en cédant l’intégralité de ses parts à la société Almetal. Les sociétés […] et […] , désormais détenues entièrement par le groupe Galloo Recycling, sont respectivement devenues les sociétés Galloo Littoral et Almetal – Ile de France. M. H… qui a sollicité l’organisation d’élections pour la désignation de délégués du personnel au sein de la société Galloo Littoral (la société), celle-ci comportant moins de cinquante salariés, a été élu délégué du personnel titulaire le 24 juin 2011 et désigné, le 22 juillet 2011, en qualité de délégué syndical pour le collège cadres-agents de maîtrise. Le 25 octobre 2011, il a été désigné en qualité de délégué syndical au sein de l’unité économique et sociale constituée des différentes sociétés de l’ancien groupe […]. Cette désignation a été contestée par les sociétés du groupe Galloo Littoral devant le tribunal d’instance, lequel, par jugement du 16 août 2012, a fait droit à leur demande. Le 28 octobre 2013, le salarié a démissionné de ses mandats de délégué du personnel et délégué syndical, à effet au 1er janvier 2014. Le 15 juillet 2014, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 24 juillet 2014. Après autorisation administrative de licenciement accordée le 29 septembre 2014, le salarié s’est vu notifier son licenciement pour motif économique le 6 octobre 2014. Par décision du 3 avril 2015, le ministre du travail a annulé l’autorisation de licenciement, considérant que l’inspection du travail n’était pas compétente pour statuer sur la demande d’autorisation, dans la mesure où le mandat de délégué syndical détenu par le salarié avait nécessairement pris fin au terme de son mandat de délégué du personnel et que la protection s’y rattachant avait expiré à l’issue du délai de six mois suivant la cessation des mandats, soit avant que ne soit engagée la procédure de licenciement. Cette décision n’a donné lieu à aucun recours.

2. Le 31 juillet 2015, le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir la condamnation de son ancien employeur au paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui, pris en ses première et troisième branches, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et, pris en sa deuxième branche, est irrecevable.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l’arrêt de dire que la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail était dépourvue de cause licite et ne pouvait produire effet à l’égard de la société, de rejeter, en conséquence, sa demande en paiement de la contrepartie financière liée à la clause de non-concurrence et de dire que la somme consignée par la société entre les mains du bâtonnier de l’ordre des avocats de Douai devra lui être restituée, alors :

« 1°/ qu’il faisait valoir, pour démontrer que les termes de la clause n’étaient ni exceptionnels ni liés au contexte de l’entrée au capital en 2010 du groupe Galloo, que plusieurs contrats contenant des clauses de non-concurrence identiques avaient été signés dès l’année 2003 au sein du groupe […] ; qu’en retenant que la clause n’était pas conforme aux « usages » applicables au sein de l’entreprise, sans examiner ces pièces décisives, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que la clause de non-concurrence litigieuse prévoyait une pénalité forfaitaire de 10 000 euros pour chaque infraction constatée à l’obligation de non-concurrence imposée au salarié ; qu’en retenant que cette pénalité était dérisoire au regard du montant de la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence sans tenir compte, comme elle était invitée à le faire, du fait que la pénalité forfaitaire, dont le montant représentait trois mois de salaire, était susceptible de s’appliquer de façon multiple pour chaque infraction constatée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 [devenu 1103] du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ qu’en matière contractuelle, la bonne foi est présumée ; que la société employeur ne peut se prévaloir à l’égard du salarié de l’illicéité du but que son dirigeant poursuivait en signant le contrat ou en y insérant une clause particulière, s’il n’est pas établi que le salarié partageait ou connaissait ce but illicite ; qu’en déclarant nulle la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail, au motif qu’elle ne pouvait avoir pour objet d’assurer une réelle protection de l’entreprise contre la concurrence d’un cadre commercial salarié et que M. T…, alors président de la société […] ultérieurement devenue Galloo Littoral, aurait voulu octroyer à ses collaborateurs des avantages disproportionnés au détriment de l’entreprise qui ne pouvait les assumer, la cour d’appel qui n’a pas constaté que M. H… partageait ou avait connaissance de l’objectif prétendument poursuivi par M. T…, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l’article L. 1222-1 du code du travail ;

4°/ que serait-elle établie, la contrariété à l’intérêt social ne constitue pas par elle-même une cause de nullité des engagements souscrits par le président d’une société par actions simplifiée à l’égard des tiers ; que la cour d’appel a affirmé, pour déclarer nulle la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail, qu’elle ne pouvait avoir pour objet d’assurer une réelle protection de l’entreprise contre la concurrence d’un cadre commercial salarié et que M. T…, alors président de la société […] ultérieurement devenue Galloo Littoral, aurait voulu octroyer à ses collaborateurs des avantages disproportionnés au détriment de l’entreprise qui ne pouvait les assumer, de telle sorte que sa cause serait illicite ; qu’en statuant de la sorte, cependant que de tels faits à les supposer établis caractériseraient seulement un engagement contraire à l’intérêt social de la société, susceptible d’engager la responsabilité du dirigeant qui l’a souscrit mais non d’entraîner sa nullité, la cour d’appel a violé par fausse application l’article 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et par refus d’application, l’article L. 227-6 du code de commerce interprété à la lumière de l’article 10 de la directive 209/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, ayant codifié la première directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968 ;

5°/ que la cour d’appel a retenu que les usages normaux applicables au sein de l’entreprise étaient de prévoir une indemnité de non-concurrence égale à 60 % de la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé durant la même période ; que n’est pas dès lors pourvu d’une contrepartie dérisoire mais tout au plus lésionnaire, l’engagement de l’employeur à verser une indemnité égale à 100 % de la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé durant la même période en échange d’un engagement de non-concurrence sur deux départements ; qu’en déclarant nulle, comme  »dépourvue de cause licite », la clause de non-concurrence litigieuse, la cour d’appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ;

6°/ que le créancier de l’obligation de non-concurrence peut, en cas de manquement, refuser le paiement de la contrepartie financière ou en exiger le remboursement ; qu’il peut également obtenir en justice qu’il soit enjoint au salarié de respecter la clause ; qu’en s’appuyant exclusivement, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage  »exorbitant » au profit du salarié et était donc  »dépourvue de cause licite », sur le caractère prétendument dérisoire de la sanction convenue en cas de manquement à l’obligation de non-concurrence, sans tenir compte des autres remèdes à l’inexécution dont disposait l’employeur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ;

7°/ qu’il en va d’autant plus ainsi que le caractère éventuellement dérisoire de la clause pénale en cas de violation d’une obligation ne peut caractériser une absence de contrepartie sérieuse, dès lors que le créancier victime de l’inexécution peut obtenir du juge, nonobstant toute clause contraire, une augmentation de la peine convenue si elle est manifestement dérisoire ; qu’en s’appuyant, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage  »exorbitant » au profit du salarié et était donc nulle comme  »dépourvue de cause licite », sur le caractère prétendument dérisoire de la sanction convenue en cas de manquement à l’obligation de non-concurrence, la cour d’appel a, pour cette raison supplémentaire, statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard des

articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ;

8°/ que l’existence d’une contrepartie non dérisoire de l’obligation est indépendante de son caractère excessif au regard de la situation financière du débiteur et de sa capacité, en conséquence, à l’assumer ; qu’en se fondant, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage  »exorbitant » au profit du salarié et était donc nulle comme  »dépourvue de cause licite », sur le fait que la situation financière de la société employeur ne lui permettait pas de l’assumer, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi derechef sa décision de base légale au regard des articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ;

9°/ que la faculté offerte aux parties de renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence est indifférente pour apprécier le caractère dérisoire de la contrepartie ; qu’en se fondant, pour déclarer que la clause litigieuse caractérisait un avantage ‘’exorbitant’‘ au profit du salarié, sur le fait qu’il n’était pas prévu une faculté de renonciation au profit de l’employeur, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants et a, pour cette raison supplémentaire, privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause et L. 1221-1 du code du travail ;

10°/ que la lésion ne constitue pas, sauf exceptions prévues par la loi, une cause de nullité des conventions ; qu’en se fondant, pour déclarer nulle la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail de M. H…, sur le caractère prétendument déséquilibré, à l’avantage du salarié, de la clause

de non-concurrence, la cour d’appel a violé l’article 1118 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

11°/ qu’une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ; que le caractère indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise s’apprécie à l’égard de l’obligation de non concurrence elle-même et non de l’équilibre entre son étendue et la contrepartie financière qu’elle prévoit ; qu’en se fondant, pour déclarer illicite la clause de non-concurrence en tant qu’elle n’aurait pas pour objet d’assurer une  »réelle protection » de l’entreprise contre la concurrence d’un cadre commercial confirmé, sur le caractère prétendument déséquilibré de la clause à l’avantage du salarié débiteur de l’obligation de non-concurrence, la cour d’appel a statué par des motifs inopérants au regard des conditions de validité propres aux clauses de non concurrence, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 [devenu 1103] du code civil ;

12°/ qu’il en va d’autant plus ainsi que seul le salarié peut se prévaloir de l’irrégularité de la clause de non-concurrence tirée de son caractère non indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ; qu’en se fondant, pour déclarer illicite la clause de non-concurrence en tant qu’elle n’aurait pas pour objet d’assurer une  »réelle protection » de l’entreprise contre la concurrence d’un cadre commercial confirmé, cependant que cette cause de nullité était invoquée par le seul employeur en vue de faire échec à la demande de paiement de la contrepartie financière convenue, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 [devenu 1103] du code civil ;

13°/ subsidiairement, que M. H… faisait valoir qu’il avait respecté la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail de telle sorte que, même en supposant cette dernière nulle, le fait de l’avoir respectée lui avait causé un préjudice dont l’employeur lui devait réparation ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen décisif, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

14°/ en toute hypothèse, qu’en s’abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si le respect de la clause litigieuse, à la supposer illicite, n’avait pas causé à M. H… un préjudice dont il était dès lors fondé à demander réparation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 [devenu 1240] du code civil et L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. La cour d’appel qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a relevé que la clause de non-concurrence figurant au contrat de travail prévoyait une indemnisation particulièrement importante au profit du salarié qui n’était justifiée ni par l’étendue géographique de l’obligation de non concurrence, se limitant à deux départements, ni par la durée de celle-ci, ni par la nature des fonctions exercées, que le contrat du salarié avait été établi à une époque où la société rencontrait d’importantes difficultés financières, attestées par les éléments financiers et comptables joints au dossier, que cette situation avait conduit son représentant légal à se rapprocher du groupe Galloo Recycling afin de trouver des financements, que l’embauche du salarié précédait de quelques jours seulement la conclusion du pacte d’associés entre M. T… et les sociétés Almetal et Galloo NV, prévoyant une prise de participation de ces dernières dans le capital des sociétés détenues par l’actionnaire historique, ce qui venait démontrer de façon irréfutable que M. T… avait alors parfaitement conscience de la situation financière critique de son entreprise, qu’en outre, ce dernier avait établi le contrat de travail comportant la clause de non-concurrence litigieuse cinq mois avant de quitter le groupe et quatre mois avant de céder l’intégralité de ses parts à la société Almetal et que, durant cette courte période, il avait également modifié par avenants quatre autres contrats de travail de proches collaborateurs afin d’y insérer la même clause de non-concurrence et que, dans le contexte économique décrit, de telles clauses, octroyant à chacun des salariés une compensation d’un montant disproportionné au regard des sujétions imposées et faisant, dans le même temps obligation à l’employeur de procéder à son paiement en un seul versement, sans faculté pour celui-ci de lever ladite clause, constituaient des avantages exorbitants tandis que la pénalité de 10 000 euros prévue en cas de violation de l’obligation par le salarié était dérisoire au regard de la somme versée. Elle a ainsi, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en nullité du licenciement et de le débouter de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société à lui payer diverses sommes à titre d’indemnité égale aux salaires afférents à la période de protection, congés payés y afférents et dommages-intérêts pour licenciement nul, alors :

« 1°/ que le licenciement d’un ancien délégué syndical qui a exercé ses fonctions pendant au moins un an ne peut, durant les douze mois suivant la date de cessation de ses fonctions, intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail ; que cette règle s’applique quelles que soient les conditions de la désignation du délégué syndical, peu important notamment que celle-ci soit conditionnée, dans une entreprise de moins de cinquante salariés, à sa qualité de délégué du personnel ; que la cour d’appel a décidé que M. H… bénéficiait, à la suite de la cessation de ses mandats de délégué du personnel et de délégué syndical, de la protection d’une durée limitée à six mois applicable aux délégués du personnel, et ne pouvait se prévaloir d’une protection d’une durée de douze mois nonobstant le fait qu’il avait exercé les fonctions de délégué syndical pendant plus d’un an ; qu’en statuant de la sorte au motif inopérant que la désignation en qualité de délégué syndical était subordonnée à la qualité de délégué du personnel, dans la mesure où l’entreprise comptait moins de cinquante salariés, la cour d’appel a violé par fausse application les dispositions combinées des articles L. 2143-6 et L. 2411-5 (dans sa rédaction applicable à la cause) du code du travail et par refus d’application, l’article L. 2411-3 du même code ;

2°/ que la décision du ministre du travail en date du 3 avril 2015 se bornait, dans son dispositif, à refuser l’autorisation de licenciement ; qu’en déclarant être liée par les motifs de ladite décision, selon lesquels M. H… aurait seulement pu se prévaloir de la protection de six mois suivant le terme de ses mandats en sa qualité de délégué du personnel, et non de la protection de douze mois en sa qualité de délégué syndical ayant exercé ses fonctions pendant plus d’un an, de telle sorte qu’il n’aurait pas eu la qualité de salarié protégé à la date où l’inspecteur du travail statuait, la cour d’appel a violé par fausse application la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III, ensemble le principe de l’autorité de la chose décidée en matière administrative ;

3°/ subsidiairement que M. H… soutenait qu’était erroné en droit le raisonnement du ministre du travail, en ce qu’il avait estimé dans les motifs de sa décision que M. H… pouvait seulement se prévaloir de la protection de six mois suivant le terme du mandat en sa qualité de délégué du personnel, et non de la protection de douze mois en sa qualité de délégué syndical ayant exercé ses fonctions pendant plus d’un an ; que cette question étant sérieuse, la cour d’appel, dès lors qu’elle estimait que le juge judiciaire était incompétent pour apprécier la légalité de ces motifs, devait surseoir à statuer et renvoyer les parties à poser cette question par voie préjudicielle à la juridiction administrative ; qu’en s’abstenant de le faire, au motif inopérant qu’elle n’était pas formellement saisie d’une demande de renvoi devant la juridiction administrative, la cour d’appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile, ensemble la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de l’autorité de la chose jugée en matière administrative ;

4°/ qu’en statuant de la sorte, au motif erroné que la question de droit soulevée n’était pas sérieuse, la cour d’appel a aussi violé les articles L. 2143-6, L. 2411-5 (dans sa rédaction applicable à la cause) et L. 2411-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 2143-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l’établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un délégué du personnel comme délégué syndical.

8. Aux termes de l’article L. 2411-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance précitée, le licenciement d’un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail, cette autorisation est également requise durant les six premiers mois suivant l’expiration du mandat de délégué du personnel ou de la disparition de l’institution.

9. Il résulte de ces textes que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, seul un délégué du personnel peut être désigné délégué syndical pour la durée de son mandat de délégué du personnel et que, donc, la protection supplémentaire est celle de six mois attachée à sa qualité de délégué du personnel et non celle d’un an attachée à la qualité de délégué syndical s’il a exercé plus d’un an.

10. En conséquence, la cour d’appel, qui a rappelé que seule la protection légale de six mois trouvait à s’appliquer et a constaté que le salarié avait été désigné, le 22 juillet 2011, en qualité de délégué syndical, quelques semaines après avoir été élu délégué du personnel titulaire et qu’il avait renoncé à ses deux mandats le 28 octobre 2013, ceux-ci prenant fin le 1er janvier 2014, en a exactement conclu que le salarié relevait du statut protecteur jusqu’au 30 juin 2014 et que, celui-ci ayant été convoqué à un entretien préalable à licenciement le 15 juillet 2014, soit après l’expiration du délai de protection, sa demande en nullité du licenciement pour violation du statut protecteur devait être écartée.

11. Le moyen n’est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. H… aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. H…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail était dépourvue de cause licite et ne pouvait produire effet à l’égard de la société GALLOO LITTORAL, d’AVOIR, en conséquence, rejeté la demande de Monsieur H… en paiement de la contrepartie financière liée à la clause de non-concurrence, et d’AVOIR dit que la somme de 85.137,75 € consignée par la société GALLOO LITTORAL entre les mains du bâtonnier de l’ordre des avocats de Douai devra lui être restituée ;

AUX MOTIFS QUE « Conformément aux dispositions des anciens articles 1108 et 1131 du code civil, applicables au litige, la validité d’un contrat est subordonnée à l’existence d’une cause licite dans l’obligation, de sorte qu’une obligation sans cause, fondée sur une cause fausse ou sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet. En l’espèce, il résulte des pièces versées au dossier que Monsieur V… H… a été engagé par la SAS […] , ayant alors pour dirigeant Monsieur T…, en qualité de cadre commercial itinérant sur les départements du Nord et du Pas de Calais, ce, à compter du 1er novembre 2010. Le contrat de travail du salarié comporte une clause de non concurrence stipulant que: «compte tenu de la nature de ses fonctions de cadre commercial, placé directement sous la hiérarchie du Président de la SAS […] , il s’engage à ne pas travailler après la résiliation du contrat pour quelque cause que ce soit, pendant une durée de vingt-quatre mois, pour une entreprise concurrente de la société […] , c’est à dire une société exerçant le commerce de l’achat et la vente de ferrailles, métaux ferreux et non ferreux, qui serait établie dans les départements du Nord et du Pas de Calais» . En contrepartie de cette obligation, quel que soit le motif de la rupture et la partie qui en est à l’initiative, il est prévu que le salarié percevra «une indemnité spéciale forfaitaire égale à 100% des vingt-quatre derniers mois de salaires moyens cumulés», cette contrepartie étant «versée en une seule fois à compter de la fin du contrat». En cas de violation par le salarié de son obligation de non concurrence, ce dernier devra se voir appliquer «une pénalité de 10 000 euros ». Force est de constater, d’emblée, que cette clause prévoit une indemnisation particulièrement importante au profit du salarié qui n’est ni expliquée par l’étendue géographique de l’obligation de non concurrence (se limitant à 2 départements), ni par la durée de celle-ci, ni même encore, par la nature des fonctions exercées. Par ailleurs, elle ne comporte aucune disposition relative à la possibilité pour l’employeur de lever l’application de cette clause. Il y a lieu de rappeler que le contrat de Monsieur H… a été établi à une époque où la société rencontrait d’importantes difficultés financières, attestées par les éléments financiers et comptables joints au dossier. Il est constant que cette situation avait conduit son représentant légal à se rapprocher du groupe GALLOO RECYCLING afin de trouver des financements. L’embauche du salarié précède de quelques jours seulement la conclusion du pacte d’associés entre Monsieur T… et les sociétés ALMETAL et GALLO NV, prévoyant une prise de participation de ces dernières dans le capital des sociétés détenues par l’actionnaire historique, ce qui vient démontrer de façon irréfutable, que Monsieur T… avait alors parfaitement conscience de la situation financière critique de son entreprise. En outre, ce dernier a établi le contrat de travail comportant la clause de non concurrence litigieuse, cinq mois avant de quitter le groupe et quatre mois avant de céder l’intégralité de ses parts à la société ALMETAL (accord sur la cession de part formalisé le 22 mars 2011- cession réalisée le 4 mai 2011). Durant cette courte période, il est important de relever qu’il a également modifié par avenants, quatre autres contrats de travail de proches collaborateurs afin d’y insérer la même clause de non concurrence. Or, dans le contexte économique décrit, de telles clauses, octroyant à chacun des salariés une compensation d’un montant disproportionné au regard des sujétions imposées et faisant, dans le même temps obligation à l’employeur de procéder à son paiement en un seul versement, sans faculté pour celui-ci de lever ladite clause constituent des avantages exorbitants tandis que la pénalité de 10 000 euros prévue en cas de violation de l’obligation par le salarié est dérisoire au regard de la somme versée. A ce titre, la partie appelante démontre par la production de plusieurs contrats de travail (pièce 75 à 78), que l’insertion d’une telle clause était contraire aux usages applicables au sein de la société (indemnité n’excédant pas 6/10ème de mois de salaire, contrepartie payable mensuellement, faculté pour l’employeur de lever la clause). Ces éléments permettent d’en déduire que la clause contractuelle dont se prévaut Monsieur H… ne pouvait avoir pour objet d’assurer une réelle protection de l’entreprise contre la concurrence d’un cadre commercial salarié. Le fait que cette même clause ait été introduite, quelques semaines plus tard par avenants des 5 janvier 2011, dans les contrats de Monsieur K… U…, Madame E… Q…, Monsieur S… G… et de Monsieur L… J…, permet de se convaincre que Monsieur S… T… a voulu octroyer à ces collaborateurs des avantages disproportionnés au détriment de l’entreprise qui ne pouvait les assumer. Ces constatations permettent de dire que la clause de non concurrence invoquée ne peut produire effet à l’égard de la société GALLOO LITTORAL dans la mesure où elle ne résulte pas d’une cause licite. Le jugement entrepris sera sur ce point réformé et il y aura lieu de dire que les sommes consignées à la CARPA, dans ce cadre, conformément à la décision de la cour d’appel de Douai en date du 19 janvier 2017, devront être restituées à la société GALLOO LITTORAL » ;

1°/ ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE Monsieur H… faisait valoir (ses conclusions, pages 18 et 22), pour démontrer que les termes de la clause n’étaient ni exceptionnels ni liés au contexte de l’entrée au capital en 2010 du groupe GALLOO, que plusieurs contrats contenant des clauses de non-concurrence identiques avaient été signés dès l’année 2003 au sein du groupe […] (ses pièces n° 30, 32, 34 et 109) ; qu’en retenant que la clause n’était pas conforme aux « usages » applicables au sein de l’entreprise, sans examiner ces pièces décisives, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du Code de procédure civile ;

2°/ ALORS, DE DEUXIÈME PART, QUE la clause de non-concurrence litigieuse prévoyait une pénalité forfaitaire de 10.000 € pour chaque infraction constatée à l’obligation de non-concurrence imposée au salarié ; qu’en retenant que cette pénalité était dérisoire au regard du montant de la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence sans tenir compte, comme elle était invitée à le faire, (conclusions d’appel de Monsieur H…, page 23), du fait que la pénalité forfaitaire, dont le montant représentait trois mois de salaire, était susceptible de s’appliquer de façon multiple pour chaque infraction constatée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 [devenu 1103] du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail ;

3°/ ALORS, DE TROISIÈME PART, QU’ en matière contractuelle, la bonne foi est présumée ; que la société employeur ne peut se prévaloir à l’égard du salarié de l’illicéité du but que son dirigeant poursuivait en signant le contrat ou en y insérant une clause particulière, s’il n’est pas établi que le salarié partageait ou connaissait ce but illicite ; qu’en déclarant nulle la clause de non-concurrence stipulée au contrat de travail, au motif qu’elle ne pouvait avoir p


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