Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 31 mars 2010, 08-45.595, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 31 mars 2010, 08-45.595, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2008), que M. X… engagé le 19 mars 2003 en qualité de directeur général finances et développement par la société Penauille Polyservices (PPS), devenue société Derichebourg, a été licencié le 1er juin 2005 pour motif économique ;

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en paiement de l’indemnité spéciale de licenciement prévue par l’article 10-3 de son contrat, alors, selon le moyen :

1°/ que cet article prévoyait le versement d’une indemnité spéciale de licenciement en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de la société, pendant une période de douze mois à compter de la perte de contrôle de la société PPS (Penauille) par la société JCPP (JCP Participations) quel que soit le motif de ce licenciement à l’exclusion de la faute grave ou lourde ; qu’en énonçant pour en refuser l’octroi, que l’application de la clause supposait que le licenciement du salarié soit la conséquence d’une perte de contrôle effective de la société PPS par JCP, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et a violé l’article 1134 du code civil ;

2°/ que à titre subsidiaire, cette indemnité spéciale de licenciement était due au salarié en cas de rupture de son contrat de travail à l’initiative de la société Penauille, sauf faute grave ou lourde, pendant une période de douze mois à compter de la perte de contrôle, laquelle selon la clause devait être consécutive à une réduction de la part du capital social détenu par la société JCPP au sein de la société Penauille par un pacte d’actionnaires ou par acquisition de parts sociales ; que l’apport en nature de titres opère transfert de propriété ; que la cour d’appel a constaté que la société JCPP avait apporté les actions qu’elle détenait dans le capital de la société PPS à la société DJC, cette dernière rémunérant la société JCPP par l’attribution d’actions nouvelles DJC ; qu’il en résultait mécaniquement une acquisition par DJC de parts de capital de PPS et une réduction corollaire de la part de capital détenue par JCPP au sein de PPS ; qu’en énonçant qu’il n’y avait pas eu de réduction de la part du capital détenue par la société JCPP au sein de la société PPS pour exclure toute perte de contrôle, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l’article 1843-3 du code civil ;

3°/ que à titre subsidiaire, le contrôle conjoint d’une société ne peut résulter que de l’action de deux ou plusieurs personnes agissant de concert et déterminant en fait les décisions prises en assemblée générale ; qu’il avait exposé dans ses conclusions d’appel que la société CFF n’avait jamais indiqué à l’autorité des marchés financiers, agir de concert avec la société JCPP ou M. Y… ni exercer un contrôle conjoint sur la société Penauille avec la société JCPP ; qu’en se bornant à relever la mise en place d’une structure permettant de garantir un contrôle effectif conjoint sur la société PPS sans relever l’existence d’un contrôle effectif conjoint de la société PPS résultant d’une action de concert par les sociétés CFF et JCPP, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 233-3 III du code de commerce ;

4°/ qu’il avait observé que la décision de l’autorité des marchés financiers du 6 avril 2005 était fondée sur l’article 234-3 1° du règlement général de ladite autorité et que la circonstance que l’AMF n’avait pas visé le 2° de cet article spécifique au cas où plusieurs personnes viennent à acquérir de concert le contrôle conjoint de la société détentrice, permettait d’exclure ce type de contrôle et confirmait au contraire un contrôle exclusif ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu’à titre subsidiaire, il avait encore été soutenu que la société CFF avait choisi de consolider la société Penauille dans ses comptes par intégration globale, ce qui supposait un contrôle exclusif et non un contrôle conjoint ; qu’en retenant l’existence d’un contrôle conjoint sans s’expliquer sur les conclusions précitées, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que, subsidiairement, il n’était pas contesté que l’article 10-2 du contrat de travail trouvait application en cas de licenciement pour motif économique ; que l’article 10-3 qui disposait s’appliquer «nonobstant ce qui précède» pouvait être mis en oeuvre indépendamment de l’article 10-2 ainsi qu’il le prévoyait lui-même, dans l’hypothèse d’une rupture de contrat de travail à l’initiative de la société Penauille après une perte de contrôle dans les conditions prévues par la clause ; qu’en décidant que les dispositions susvisées avaient un caractère alternatif, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et violé l’article 1134 du code civil.

Mais attendu que c’est par une interprétation que les termes ambigus du contrat rendaient nécessaire, que la cour d’appel a estimé que les indemnités spéciales de licenciement prévues par les articles 10-2 et 10-3 du contrat de travail, ne se cumulaient pas et qu’un apport en titres ne constituait pas une acquisition de parts de capital au sens du second de ces articles ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Derichebourg ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. X…

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Derichebourg à verser à Monsieur de X… les seules sommes de 315.000 € en application de l’article 10-2 de son contrat de travail et de 250.000 € pour rupture abusive, et de l’avoir débouté de sa demande d’indemnité à hauteur de 2.500.000 euros au titre de l’article 10-3 de son contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE son contrat de travail prévoyait en son article 10-2 «En cas de licenciement, pour tout autre motif que ceux prévus au paragraphe 10-3 ci-dessous, et sauf faute grave ou lourde, la Société versera à Monsieur de X…, en compensation du préjudice subi, une indemnité spéciale de licenciement, incluant l’indemnité conventionnelle de licenciement, d’un montant égale à EUR 315.000 bruts (trois cent quinze mille Euros), avant déduction de la CSG et CRDS, ou de tout autres charges sociales qui seraient dues aux termes de la législation en vigueur, celles-ci restant à la charge de Monsieur de X…. L’octroi d’une telle indemnité est justifié, d’une part, par l’âge et l’expérience professionnelle de Monsieur de X… et de la rupture de sa carrière, et d’autre part, par les missions au titre desquelles Monsieur de X… est embauché, à savoir permettre à la société de trouver de nouveaux développements et de nouveaux marchés» ; qu’il précisait en son article 10-3 «Nonobstant ce qui précède, en cas de réduction de la part du capital détenu par la société Jean-Claude Penauille Participations (JCPP) au sein de la Société, soit par acquisition de parts de capital, soit par un pacte d’actionnaires entraînant la perte du contrôle effectif de la société par JCP Participations, ci-après «La Perte de Contrôle», Monsieur de X… pourra faire valoir ses droits à un licenciement fondé sur la modification d’un élément essentiel du présent contrat pendant une période de douze mois à compter de la Perte de Contrôle. L’indemnité spéciale de licenciement, telle que définie ci-après, sera également versée à Monsieur de X… en cas de rupture de son contrat de travail à l’initiative de la Société, sauf faute grave ou lourde, pendant une période de douze mois à compter de la Perte de Contrôle. En compensation du préjudice subi par Monsieur de X…, la société lui versera une indemnité spéciale de licenciement (incluant l’indemnité conventionnelle de licenciement) égale à un montant brut de 2.500.000 euros (deux millions cinq cent mille euros), avant déduction de la CSG et CRDS ou de toutes autres charges sociales qui seraient dues aux termes de la législation en vigueur, celles-ci restant à la charge de Monsieur de X…, ci-après «l’indemnité spéciale de licenciement». Cette clause ne s’appliquera qu’en cas de licenciement notifié au plus tard le 31 décembre 2007» ; … ; qu’il résulte du rapprochement des termes mêmes des clauses litigieuses, article 10-2 «En cas de licenciement, pour tout autre motif que ceux prévus au paragraphe 10-3 ci-dessous» et article 10-3 «Nonobstant ce qui précède, en cas de réduction de la part du capital détenu ….» , que ces clauses n’ont pas un caractère cumulatif mais bien alternatif, la clause 10-3 étant réservée à la perte de contrôle de la société PPS par JCP permettant ainsi à Monsieur de X… de faire valoir son «droit de retrait», en démissionnant ou le garantissant contre un licenciement prononcé hors les cas de faute lourde ou grave par le «repreneur», et ce avec un certain nombre de conditions limitatives d’application (délai, perte de contrôle effectif du fait d’une acquisition de parts de capital ou de pacte d’actionnaires), et la clause 10-2 ayant vocation à s’appliquer dans toutes les autres hypothèses de rupture à l’initiative de l’employeur ; que pour que la clause reçoive application, il faudrait que le licenciement soit la conséquence d’une perte de contrôle effective de la société PPS par JCP, laquelle résulterait d’une réduction de la part de capital détenu par ce dernier au sein de la société soit par acquisition de parts de capital soit par pacte d’actionnaires ; qu’en l’espèce, Monsieur de X… a été licencié pour motif économique, même si ce motif ne peut être retenu comme justifié, par JCP en sa qualité de dirigeant de la société PPS et rien ne permet d’imputer la rupture à la société CFF directement ou indirectement ; qu’il n’y a eu aucune réduction de la part du capital détenu par JCP Participations, au sein de la société PPS ; que la société JCP Participations a apporté les actions qu’elle détenait dans le capital de la société PPS à la société DJC, et, en contrepartie, la société DJC a émis des actions DJC au profit au profit de la société JCP Participations ; que cette opération a donc consisté, non pas en une acquisition d’actions de PPS par la société DJC, mais en un apport par la société JCP Participations d’actions à la société DJC ; que la société DJC a procédé à une augmentation de son capital par apport en nature et émission d’actions nouvelles au profit de la société JCP Participations, ce que corrobore la décision de l’Autorité des Marchés Financiers du 21 avril 2005 … ; qu’il s’agit donc bien d’un apport et non d’une cession d’actions, ce qui n’entraîne pas de réduction de la part de capital détenue par JCPP au sein de PPS ; qu’il n’est pas contesté qu’il n’y ait pas eu non plus de pacte d’actionnaires ; que la recapitalisation de la société PPS par l’entrée de la société CFF au capital de la société DJC, principal actionnaire de la société PPS, réalisée en avril 2005, n’a pas eu pour conséquence la perte de contrôle effectif de la société PPS par JCPP ; que Monsieur Y… qui détenait 100% du capital de JCPP et en assurait la direction, n’a pas en avril 2005 perdu le contrôle de la société PPS, les sociétés CFF et JCPP ayant mis en place une structure permettant de garantir un contrôle effectif conjoint sur la société PPS et l’article 17 des nouveaux statuts précisant que les décisions essentielles requerraient une majorité qualifiée des ¾ au sein du conseil d’administration, composé lui-même de façon à assurer l’équilibre des pouvoirs ; qu’en outre le protocole du 7 octobre 2004 empêchait toute modification de la composition du conseil d’administration sans l’accord de JCPP et Monsieur Y… disposait, via la holding, d’une action de préférence lui octroyant un droit de veto concernant la nomination et la révocation des membres du conseil d’administration y compris lui-même ; qu’enfin l’article 1.1 du protocole prévoyait que les décisions relatives au recrutement, nomination ou révocation de certains directeurs, ainsi que les projets d’organisation et de développements significatifs ne pouvaient être pris qu’après examen au sein d’un comité de projet réunissant au moins tous les deux mois, des administrateurs désignés par chacune des parties ainsi que les principaux dirigeants de PPS ; que dès lors les conditions d’application de l’article 10-3 du contrat de travail ne sont pas remplies et Monsieur de X… ne peut en revendiquer le bénéfice ;

1/ ALORS QUE l’article 10-3 du contrat de travail de Monsieur de X… prévoyait le versement d’une indemnité spéciale de licenciement en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de la société, pendant une période de 12 mois à compter de la perte de contrôle de la société PPS (Penauille) par la société JCPP (JCP Participations) quel que soit le motif de ce licenciement à l’exclusion de la faute grave ou lourde ; qu’en énonçant pour refuser l’octroi de Monsieur de X… de l’indemnité de l’article 10-3, que l’application de la clause supposait que le licenciement du salarié soit la conséquence d’une perte de contrôle effective de la société PPS par JCP, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et a violé l’article 1134 du code civil ;

2/ ALORS QUE à titre subsidiaire, l’indemnité spéciale de licenciement prévue à l’article 10-3 du contrat de travail était due au salarié en cas de rupture de son contrat de travail à l’initiative de la Société Penauille, sauf faute grave ou lourde, pendant une période de douze mois à compter de la Perte de Contrôle, laquelle selon la clause devait être consécutive à une réduction de la part du capital social détenu par la société JCPP au sein de la société Penauille par un pacte d’actionnaires ou par acquisition de parts sociales ; que l’apport en nature de titres opère transfert de propriété ; que la cour d’appel a constaté que la société JCPP avait apporté les actions qu’elle détenait dans le capital de la société PPS à la société DJC, cette dernière rémunérant la société JCPP par l’attribution d’actions nouvelles DJC ; qu’il en résultait mécaniquement une acquisition par DJC de parts de capital de PPS et une réduction corollaire de la part de capital détenue par JCPP au sein de PPS ; qu’en énonçant qu’il n’y avait pas eu de réduction de la part du capital détenue par la société JCPP au sein de la société PPS pour exclure toute perte de contrôle, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l’article 1843-3 du code civil ;

3/ ALORS QUE à titre subsidiaire, le contrôle conjoint d’une société ne peut résulter que de l’action de deux ou plusieurs personnes agissant de concert et déterminant en fait les décisions prises en assemblée générale ; que Monsieur de X… avait exposé dans ses conclusions d’appel que la société CFF n’avait jamais indiqué à l’autorité des marchés financiers, agir de concert avec la société JCPP ou Monsieur Y… ni exercer un contrôle conjoint sur la société Penauille avec la société JCPP ; qu’en se bornant à relever la mise en place d’une structure permettant de garantir un contrôle effectif conjoint sur la société PPS sans relever l’existence d’un contrôle effectif conjoint de la société PPS résultant d’une action de concert par les sociétés CFF et JCPP, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.233-3 III du code de commerce ;

4/ ALORS QUE Monsieur de X… avait observé que la décision de l’autorité des marchés financiers du 6 avril 2005 était fondée sur l’article 234-3 1° du règlement général de ladite autorité et que la circonstance que l’AMF n’avait pas visé le 2° de ce t article, spécifique au cas où plusieurs personnes viennent à acquérir de concert le contrôle conjoint de la société détentrice, permettait d’exclure ce type de contrôle et confirmait au contraire un contrôle exclusif (conclusions d’appel, page 22) ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

5/ ALORS QUE à titre subsidiaire, il avait encore été soutenu que la société CFF avait choisi de consolider la société Penauille dans ses comptes par intégration globale, ce qui supposait un contrôle exclusif et non un contrôle conjoint (conclusions d’appel, page 23) ; qu’en retenant l’existence d’un contrôle conjoint sans s’expliquer sur les conclusions précitées, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

6/ ALORS QUE, subsidiairement, il n’était pas contesté que l’article 10-2 du contrat de travail trouvait application en cas de licenciement pour motif économique ; que l’article 10-3 qui disposait s’appliquer « nonobstant ce qui précède » pouvait être mis en oeuvre indépendamment de l’article 10-2 ainsi qu’il le prévoyait lui-même, dans l’hypothèse d’une rupture de contrat de travail à l’initiative de la société Penauille après une perte de contrôle dans les conditions prévues par la clause ; qu’en décidant que les dispositions susvisées avaient un caractère alternatif, la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et violé l’article 1134 du code civil.


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