Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 29 septembre 2021
Rejet
Mme LEPRIEUR, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1091 F-D
Pourvoi n° A 20-18.802
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 29 SEPTEMBRE 2021
M. [W] [K], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 20-18.802 contre l’arrêt rendu le 5 février 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 8), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Apple France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société Apple Sales International, dont le siège est [Adresse 6] (Irlande)
3°/ à la société Apple Distribution International, dont le siège est [Adresse 5] (Irlande)
4°/ à la société Mandataires judiciaires associés (MJA), société d’exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de Mme [C] [R], en sa qualité de liquidateur de la société Ebizcuss.com SA,
5°/ à l’AGS CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
La société Mandataires judiciaires associés, prise en la personne de Mme [R], ès qualités, a formé un pourvoi provoqué contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi provoqué, invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Corre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Mandataires judiciaires associés, prise en la personne de Mme [R],ès qualités, les observations orales de Mes Uzan-Sarano, Célice et Boucard, et l’avis oral de Mme Laulom, avocat général, après débats en l’audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Corre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 février 2020), la société Ebizcuss.com a conclu le 1er janvier 2002 avec le groupe Apple un contrat de distribution des produits de cette marque par lequel elle est devenue revendeur de type « Apple authorised reseller agreement » (AAR) puis, le 20 mai 2008, un avenant par lequel elle est devenue revendeur de type « Apple premium reseller » (APR).
2. Par jugement du 31 mai 2012, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Ebizcuss.com, avec maintien d’activité pendant trois mois, et a désigné la société MJA, prise en la personne de Mme [R], en qualité de liquidateur.
3. M. [K], salarié de la société Ebizcuss.com, s’est vu notifier son licenciement pour motif économique en août 2012.
4. Il a saisi courant juin 2012 la juridiction prud’homale de demandes tendant en leur dernier état au paiement de dommages-intérêts à l’encontre des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, en invoquant à titre principal la qualité de coemployeurs de celles-ci, à titre subsidiaire la fraude aux dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail relatives au transfert des contrats de travail, et à titre encore plus subsidiaire la responsabilité extra-contractuelle de ces trois sociétés.
5. En cours d’instance, le liquidateur de la société Ebizcuss.com a demandé à la juridiction prud’homale de voir constater l’existence d’un coemploi entre les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International et la société Ebizcuss.com.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié, pris en ses première et quatrième branches, et le moyen du pourvoi provoqué du liquidateur, ci-après annexés
6. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande tendant à voir constater la qualité de coemployeurs des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, et, en conséquence, de le débouter de ses demandes en annulation de son licenciement pour défaut de plan de sauvegarde de l’emploi et en condamnation des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International solidairement à lui verser une certaine somme à titre d’indemnité pour licenciement nul et une autre somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, et, subsidiairement, de le débouter de ses demandes en requalification de son licenciement en licenciement dénué de cause réelle et sérieuse pour non-respect de l’obligation de reclassement et en condamnation des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International solidairement à lui verser une certaine somme à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une autre somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, alors :
« 2°/ subsidiairement, que, hors l’existence d’un lien de subordination, une société ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe économique et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière ; qu’en écartant la qualité de coemployeurs des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, cependant qu’elle constatait que la société Ebizcuss.com était tenue de commercialiser quasi-exclusivement leurs produits, aux prix fixés par elles, selon un taux de marge prédéfini, en des lieux choisis par celles-ci et dans des magasins meublés et agencés conformément à leurs standards, à l’aide de salariés formés spécifiquement pour les produits Apple et dont le nombre par point de vente était imposé par les fournisseurs, à peine de retrait du label de qualité du distributeur et de réduction significative de son taux de marge, mais également que les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International imposaient les événements marketing que devait mener la société Ebizcuss.com, procédaient à des contrôles dans les établissements de celle-ci par le biais de clients mystères, réalisaient des audits sur le positionnement des produits dans les vitrines, voire donnaient directement à l’employeur des directives sur ce dernier point, contrôlaient le degré de formation des vendeurs et les résultats des magasins, ce qui pouvait également avoir des conséquences sur le taux de marge des appareils qui pouvait être significativement diminué, ce dont il résultait une immixtion permanente des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International dans la gestion économique et sociale que la société Ebizcuss.com, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière, ce qui commandait la qualification de coemployeurs de ces sociétés, la cour d’appel a violé l’article L. 1221-1 du code du travail ;
3°/ que, pour statuer comme elle a fait, la cour d’appel a encore relevé que « le fait que la société Ebizcuss.com avait développé une activité autre que celle de revendeur des produits Apple, ses catalogues révélant la commercialisation de matériel informatique d’une autre marque (Sony Vaio) et l’appelant ne contestant pas l’existence de produits de sa propre marque sous le nom « Energy », comprenant des composants et accessoires » et qu’ « il apparaît donc que la société Ebizcuss.com ne dépendait pas entièrement et anormalement des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, continuait de disposer d’une autonomie de gestion et d’une clientèle propre » ; qu’en statuant ainsi, cependant qu’elle constatait elle-même que « les extraits du contrat en cause et son annexe 1 permettent de constater qu’au-delà du contrat de revendeur agréé, la société Ebizcuss.com a accepté des conditions supplémentaires tenant à des critères d’admissibilité relativement aux sites d’implantation et portant aussi bien sur le lieu d’implantation des magasins que sur leur superficie, leur visibilité, leur agencement, l’enseigne mais aussi sur le fait que les unités centrales de la marque Apple devaient représenter en permanence au moins 75 % des unités centrales vendues, une interdiction d’exposer d’autres unités centrales étant prévue sauf pour des démonstrations d’interopérabilité, et les conditions dans lesquelles des accessoires de tiers pouvaient ou devaient être exposés », ce dont il résultait que cette commercialisation d’équipements tiers -qui devait demeurer sous-exposée et ne pouvait que rester marginale- ne remettait nullement en cause l’état de dépendance économique totale dans lequel se trouvait la société Ebizcuss.com vis-à-vis des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, la cour d’appel a derechef violé l’article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
8. La cour d’appel, qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que la société Ebizcuss.com avait conclu avec le groupe Apple un contrat de distribution et que les sociétés en cause avaient des dirigeants distincts, a relevé que la société Ebizcuss.com avait développé une activité autre que celle de revendeur des produits Apple, disposait d’une autonomie de gestion économique ainsi que d’une clientèle propre et gérait ses personnels de façon autonome. Elle a ainsi fait ressortir l’absence d’immixtion permanente dans la gestion économique et sociale de la société Ebizcuss.com conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière et a pu en déduire que les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International n’avaient pas la qualité de coemployeurs.
9. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal du salarié
Enoncé du moyen
10. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes tendant à voir condamner les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International solidairement à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions d’ordre public de l’article L. 1224-1 du code du travail et une autre somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, alors :
« 1°/ que la reprise de la commercialisation des produits d’une marque et de la clientèle qui y est attachée, entraîne en principe le transfert d’une entité économique autonome qui poursuit un objectif propre, conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise ; que, pour débouter les salariés de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, la cour d’appel a retenu qu’ « il n’existe à ce stade en France que vingt magasins de type « Apple Store » » et que « rien n’établit que ces magasins aient été ouverts dans les mêmes zones d’implantation que celles des établissements de la société Ebizcuss.com, et aient de ce fait récupéré leurs clientèles, ou aient repris du mobilier, de l’outillage, des agencements ou des droits au bail » ; qu’en statuant ainsi, cependant qu’elle constatait, par ailleurs, qu’était établie une corrélation entre l’ouverture des magasins « Apple Store » et la baisse de chiffres d’affaires des établissements « APR » de la société Ebizcuss.com implantés à Lyon et Paris, ce dont il résultait, d’une part, que les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International avaient implanté un Apple Store dans le périmètre d’intervention de la société Ebizcuss.com, d’autre part, qu’elles avaient -avant même la liquidation judiciaire de cette dernière- repris, au moins partiellement, sa clientèle, la cour d’appel a violé l’article L. 1224-1 du code du travail ;
2°/ qu’en opposant au salarié, pour écarter toute fraude à l’article L. 1224-1 du code du travail, la circonstance que le nombre de points de vente de type « APR » avait augmenté entre 2011 et 2016, la cour d’appel s’est déterminée par un motif impropre à réfuter l’existence d’un transfert d’une entité économique autonome par reprise de la commercialisation des produits de la marque Apple dans le périmètre d’intervention initial de la société Ebizcuss.com à Lyon et à Paris et de la clientèle qui est attachée et a, ainsi, privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
3°/ qu’en opposant au salarié, pour écarter toute fraude à l’article L. 1224-1 du code du travail, le fait que la société Ebizcuss.com commercialisait des équipements d’autres marques, cependant qu’elle constatait que les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International imposaient à l’employeur, par le biais d’obligations drastiques stipulées au contrat de distribution des produits Apple, une avalisation préalable des produits tiers commercialisés, une sous-exposition de ceux-ci et des restrictions en termes de volume de ventes de ces équipements, ce dont il résultait que l’activité économique principale, très largement prépondérante et déterminante de la société Ebizcuss.com résidait dans la distribution des produits Apple, qui en constituait l’identité, la cour d’appel a encore statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard du texte susvisé. »
Réponse de la Cour
11. La cour d’appel a d’abord retenu, par motifs propres et adoptés, que l’activité de la société Ebizcuss.com n’était pas exclusivement dédiée aux produits de la marque Apple et que seule une partie de son personnel était soumise à une formation spécifique à ces produits, en a déduit qu’il n’était pas démontré que l’activité de vente et de réparation des matériels Apple constituait une entité économique autonome au sein de la société.
12. Elle a ensuite fait ressortir que la distribution des produits de marque Apple assurée par la société Ebizcuss.com selon les termes d’un contrat sans exclusivité et la clientèle qui y était attachée n’avaient pas fait l’objet d’une reprise, et a constaté que n’était pas établie la réalité d’un transfert d’éléments corporels ou incorporels.
13. Elle a pu en déduire qu’il n’y avait pas eu transfert d’une entité économique autonome conservant son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise.
14. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur le troisième moyen du pourvoi principal du salarié
Enoncé du moyen
15. Le salarié fait grief à l’arrêt de rejeter sa demandes relatives à la responsabilité civile délictuelle des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, alors :
« 1°/ que commet une faute de nature à engager sa responsabilité extra-contractuelle, le tiers au contrat de travail qui, abusant de sa position dominante dans les rapports qu’il entretient avec l’employeur, participe à la déconfiture de celui-ci et, ainsi, à la disparition des emplois de l’entreprise ; que les salariés exposants faisaient valoir, avec offre de preuve, que les sociétés Apple avaient mis en place des pratiques et des tarifs inéquitables tout en imposant de très lourdes contraintes sur l’employeur, notamment en lui imposant des prix supérieurs à ceux pratiqués dans les magasins de l’enseigne, en lui livrant les produits avec retard, contrairement aux magasins de l’enseigne qui bénéficiaient de facilités de livraison, en refusant à l’employeur d’implanter de nouveaux points de vente dans les villes où les sociétés Apple disposaient déjà d’une boutique de l’enseigne, ce qui constituait des manoeuvres déloyales et un abus de position dominante; qu’ils en déduisaient que les sociétés Apple avaient ainsi, dans leur seul intérêt, exploité l’état de dépendance économique de l’employeur en prenant des décisions ayant aggravé la situation économique de celui-ci, ce qui avait concouru à sa déconfiture et à la disparition de leurs emplois ; qu’en déniant l’existence d’un lien de causalité entre la stratégie commerciale adoptée par les sociétés Apple et la dégradation économique de la situation eBizcuss et donc avec le licenciement des salariés, tandis qu’il résultait de ses propres constatations sur le caractère « drastique » -et en réalité totalement anormal- des obligations et conditions commerciales imposées par les sociétés Apple que ces dernières avaient abusé de leur dépendance économique sur la société eBizcuss, contribuant ainsi de manière directe et déterminante à sa déconfiture et au licenciement, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;
2°/ que commet une faute de nature à engager sa responsabilité extra-contractuelle, le tiers au contrat de travail qui, abusant de sa position dominante dans les rapports qu’il entretient avec l’employeur, participe à la déconfiture de celui-ci et, ainsi, à la disparition des emplois de l’entrepris ; que les salariés exposants faisaient valoir, avec offre de preuve, que les sociétés Apple avaient mis en place des pratiques et des tarifs inéquitables tout en imposant de très lourdes contraintes sur l’employeur, notamment en lui imposant des prix supérieurs à ceux pratiqués dans les magasins de l’enseigne, en lui livrant les produits avec retard, contrairement aux magasins de l’enseigne qui bénéficiaient de facilités de livraison, en refusant à l’employeur d’implanter de nouveaux points de vente dans les villes où les sociétés Apple disposaient déjà d’une boutique de l’enseigne, ce qui constituait des manoeuvres déloyales et un abus de position dominante; qu’ils en déduisaient que les sociétés Apple avaient ainsi, dans leur seul intérêt, exploité l’état de dépendance économique de l’employeur en prenant des décisions ayant aggravé la situation économique de celui-ci, ce qui avait concouru à sa déconfiture et à la disparition de leurs emplois; qu’en s’abstenant dès lors de rechercher si les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International n’avaient pas commis un abus de position dominante ou de dépendance économique dans leurs rapports avec la société Ebizcuss.com, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;
3°/ qu’en déboutant le salarié de sa demande à ce titre, cependant qu’il résultait de ses propres constatations qu’était établie une corrélation entre l’ouverture des magasins « Apple Store » et la baisse de chiffres d’affaires des établissements « APR » de la société Ebizcuss.com implantés à Lyon et Paris, ce dont il résultait que les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, en faisant directement concurrence à son propre revendeur, avait commis une faute ayant directement contribué à sa déconfiture et donc aux licenciements, la cour d’appel a derechef violé l’article 1382 du code civil ;
4°/ que le tiers au contrat de travail engage sa responsabilité civile quasi-délictuelle à l’égard des salariés dès lors que, par ses agissements, il a concouru à l’aggravation de la situation de leur employeur ; qu’en retenant dès lors, d’une part, que « la société Ebizcuss.com évoque avoir implanté des magasins dans plusieurs autres villes et régions, mais ne donne pas d’éléments sur les résultats de ces derniers, ni sur l’effet sur leurs résultats de l’ouverture des Apple Store », d’autre part, que « le rachat par la société Ebizcuss.com d’un groupe belge Mac Line n’est pas contesté, aucun des éléments versés aux débats ne met la cour en mesure d’apprécier la part des effets de cette décision sur la déconfiture de l’entreprise », la cour d’appel a subordonné l’engagement de la responsabilité des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International à la preuve d’une influence significative ou déterminante de leurs agissements sur la situation économique et financière de l’employeur, en violation de l’article 1382 du code civil. »
Réponse de la Cour
16. La cour d’appel, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, et procédant aux recherches qui lui avaient été demandées, a constaté que la réalité des faveurs consenties aux magasins Apple store » au détriment de la société Ebizcuss.com ne résultait que des affirmations du responsable de celle-ci. Elle a retenu qu’il n’était pas contesté une augmentation du nombre d’établissements de type APR soumis aux mêmes impératifs que ceux de la société Ebizcuss.com, et ce parallèlement à l’ouverture des magasins Apple store » incriminés.
17. La cour d’appel a également relevé que si une étude produite par le salarié faisait état d’une baisse de la valorisation boursière de son employeur entre 2007 et 2011 et d’une corrélation entre l’ouverture des magasins Apple store » et la baisse du chiffre d’affaires des établissements APR de la société Ebizcuss.com, celle-ci ne concernait que les seuls magasins de Lyon et Paris et qu’aucun élément n’était donné sur les résultats de ses magasins implantés dans plusieurs autres villes et régions.
18. Elle a enfin constaté qu’avant sa déconfiture la société Ebizcuss.com avait racheté le groupe Mac Line et qu’aucun élément n’était versé aux débats la mettant en mesure d’apprécier les effets de cette décision sur la dégradation de la situation économique de la société.
19. En l’état de ces constatations, dont elle a déduit que l’existence d’un lien de causalité entre la stratégie commerciale adoptée par les sociétés incriminées et la déconfiture de la société Ebizcuss.com n’était pas établie, la cour d’appel a pu décider que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité extra-contractuelle des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International n’étaient pas réunies.
20. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi principal du salarié et le pourvoi provoqué du liquidateur de la société Ebizcuss.com ;
Condamne M. [K] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé en l’audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un, et signé par Mme Mariette, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du président et du conseiller référendaire rapporteur empêchés, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. [K], demandeur au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR débouté M. [K] de sa demande tendant à voir constater la qualité de co-employeurs des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, et, en conséquence, d’AVOIR débouté le salarié exposant de ses demandes en annulation de son licenciement pour défaut de plan de sauvegarde de l’emploi et en condamnation des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International solidairement à lui verser une certaine somme à titre d’indemnité pour licenciement nul et une autre somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, et, subsidiairement, d’AVOIR débouté le salarié exposant de ses demandes en requalification de son licenciement en licenciement dénués de cause réelle et sérieuse pour non-respect de l’obligation de reclassement et en condamnation des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International solidairement à lui verser une certaine somme à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une autre somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur le co-emploi : l’existence d’une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; que, par ailleurs, il est admis que malgré la distinction de leurs personnalités juridiques, plusieurs sociétés peuvent avoir la qualité de coemployeur, dès lors qu’il existe entre elles une confusion anormale d’intérêts, d’activités et de direction que permet d’établir l’immixtion de l’une dans la gestion économique et sociale de l’autre, c’est-à-dire le fait de s’ingérer ou de se mêler sans droit dans les affaires de cette dernière ; que M. [K], auquel se sont jointes sur ce point la Selafa MJA prise en la personne de Maître [R], mandataire liquidateur de la société Ebizcuss.com et l’AGS-CGEA-Île de France Ouest, soutient que la société Ebizcuss.com, et ses salariés étaient gérés et contrôlés par les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, la société Ebizcuss.com se trouvant placée dans une situation de dépendance économique abusive n’étant maîtresse, ni de sa stratégie budgétaire et d’entreprise, ni de son « merchandising » et des actions de vente, ni de la gestion de ses ressources humaines, ni de sa stratégie marketing, cette emprise se caractérisant aussi selon elle, pour ses centres de services après-vente dont la gestion et le contrôle ont été prises en main par lesdites sociétés ; que cependant, il ne résulte pas des éléments produits que soit caractérisée en l’espèce une confusion pouvant être qualifiée d’anormale, la réalité d’une ingérence des sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International ou d’une imbrication totale de ces dernières dans les affaires de la société Ebizcuss.com n’étant pas établie ; qu’ainsi et s’agissant en premier lieu de l’activité de revendeur, aucune des parties ne conteste qu’aux termes d’un contrat « APR » complétant le contrat « AAR », qualifiés par les sociétés défenderesses de contrats de distribution sans que cela soit remis en cause, se sont instaurées des relations commerciales étroites dénotant un intérêt économique commun, la société Ebizcuss.com étant dans ce cadre autorisée à devenir un revendeur agréé Apple et bénéficiant en tant que tel, « de toute la force marketing du label constructeur pour promouvoir les produits Apple et (…) accélérer les ouvertures de points de vente afin de profiter de la forte croissance des ventes de la marque » comme elle l’indique elle-même en annonçant dans un communiqué de presse du 20 mai 2008 son accès au rang de premier Apple Premium Reseller (APR) en France ; que les extraits du contrat en cause et son annexe 1 permettent de constater qu’au-delà du contrat de revendeur agrée, la société Ebizcuss.com a accepté des conditions supplémentaires tenant à des critères d’admissibilité relativement aux sites d’implantation et portant aussi bien sur le lieu d’implantation des magasins que sur leur superficie, leur visibilité, leur agencement, l’enseigne mais aussi sur le fait que les unités centrales de la marque Apple devaient représenter en permanence au moins 75 % des unités centrales vendues, une interdiction d’exposer d’autres unités centrales étant prévue sauf pour des démonstrations d’interopérabilité, et les conditions dans lesquelles des accessoires de tiers pouvaient ou devaient être exposés ; que l’annexe précise encore le nombre minimum de vendeurs à plein temps devant être attachés au magasin et le niveau minimum requis en formation spécifique dite « Asto » et prévoit que le site agrée participe à tous les événements marketing mis à sa disposition et communique sur ce point ; que quel que soit le caractère drastique de ces obligations, rien ne permet de considérer qu’elles révèlent le caractère anormal de l’ingérence des sociétés mises en cause dans les affaires de la société Ebizcuss.com, alors qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’un contrat de distribution non autrement critiqué, le fait que la perte de l’agrément « APR » n’implique pas la perte du statut de revendeur « AAR » tel que cela résulte de l’article 6 alinéa 2 du contrat type transmis n’étant au demeurant pas contesté ; que par ailleurs s’il est établi que la société Ebizcuss.com recevait pour les magasins implantés ou à implanter, des « business plan » c’est à dire des documents décrivant la stratégie financière et commerciale choisie pour mener à bien un projet entrepreneurial, force est de constater que ces éléments sont accompagnés d’un courriel invitant le responsable de la société Ebizcuss.com à le compléter, précisant que les informations sont données à titre indicatif et que cet outil est destiné à aider à modéliser l’activité, une réunion étant organisée en vue de laquelle l’interlocuteur est invité à s’approprier le projet, l’échange du 28 octobre 2011 entre M. [Q] et M. [L] de la société Ebizcuss.com démontrant que c’est à partir des éléments fournis par cette dernière que le projet devait être élaboré ; qu’ainsi ne peut -il être considéré que la société Ebizcuss.com était dépossédée de manière anormale de tout pouvoir en terme de stratégie dès lors qu’il apparaît qu’elle participait à l’élaboration des projets ; que de même les prescriptions et les interventions des sociétés défenderesses s’agissant des conditions matérielles d’implantation des magasins ne peuvent être retenues comme dénotant une ingérence anormale dans les affaires de la société Ebizcuss.com, alors que le service de design de magasin est proposé et non imposé, et qu’une fois qu’il y est recouru, les propositions d’aménagement du magasin sont soumises à l’agrément ainsi que le démontre le courriel de M. [Q] du 29 septembre 2011 aux termes duquel « si ce schéma vous convient, merci de demander à [D] qu’il retravaille… », le fait que les localisations des magasins doivent être avalisées comme ce fut le cas pour celui de [Localité 4] (courriel du 28 octobre 2011) étant également sans emport sur la dépossession évoquée des pouvoirs des dirigeants d’Ebizcuss au profit de ceux des sociétés mises en cause ; que le fait que soient opérés des contrôles dans les établissements par le biais de clients mystères, ou réalisés des audits sur le positionnement des produits dans les vitrines ou encore que soient données des directives sur ce dernier point ne démontre pas une ingérence anormale dans les affaires de la société Ebizcuss.com, rien ne justifiant l’excès commis sur ce point au regard de sa qualité de revendeur agréé et des obligations afférentes ; que, s’agissant de la gestion des ressources humaines s’il est établi et non contesté qu’étaient exigés des compétences spécifiques et des formations pour le personnel intervenant dans le réseau de revendeurs « APR », il ne résulte d’aucune pièce que le recrutement, et la fixation de la rémunération, ainsi que le pouvoir disciplinaire sur les salariés ne demeuraient pas l’apanage des dirigeants d’Ebizcuss, le fait que les résultats des contrôles opérés sur les formations et les résultats des magasins par les sociétés Apple France, Apple Sales International et Apple Distribution International, aient des conséquences sur le taux de marge sur les appareils, lequel pouvait être significativement diminué, ne permettant pas de considérer pour autant que la rémunération des salariés de la société Ebizcuss.com n’était pas décidée par elle, le fait que cette dernière comporte une part variable attachée aux résultats liés aux produits Apple étant insuffisant sur ce point, dès lors que cette mesure dont le caractère impératif n’est pas démontré, a été décidée par la seule société Ebizcuss.com pour répercuter les exigences résultant du contra