Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d’instance de Palaiseau, 3 juillet 2008) que le 10 avril 2008 le Syndicat national de l’encadrement des professions des sociétés de service informatique (SNEPSII) a désigné M. X… comme délégué syndical de l’unité économique et sociale entre les sociétés Econocom Managed Services, Econocom Products et Solutions, Alliance Support Services, Econocom Location, Econocom Telecom Services ; que ces sociétés contestant l’existence d’une unité économique et sociale entre elles, ont saisi le tribunal d’instance d’une demande d’annulation de cette désignation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés font grief au jugement d’avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen, que la reconnaissance d’une unité économique et sociale ne met pas fin aux mandats en cours et que le syndicat qui veut désigner un délégué syndical dans un tel cadre doit préalablement révoquer le délégué antérieurement désigné dans le cadre de l’ancienne circonscription électorale ; qu’en validant la désignation de M. X… dans la prétendue unité économique et sociale constituée entre elles, sans constater que cette désignation mettait fin au mandat de délégué syndical que détenait M. X… au niveau de la société Econocom Managed Service, le tribunal d’instance a organisé un cumul de mandats et violé les articles L. 2143-3, L. 2143-4, L. 2143-8, L. 2143-7 et L. 2143-10 du code du travail ;
Mais attendu que la reconnaissance judiciaire d’une unité économique et sociale impose la mise en place des institutions représentatives du personnel qui lui sont appropriées et qu’il ne résulte pas du jugement que les sociétés aient soutenu que la désignation de M. X… comme délégué syndical de la société Econocom Managed Services aurait dû mettre fin au mandat qu’il détenait déjà au sein de l’une des societés ; que le moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, n’est pas recevable ;
Sur le second moyen :
Attendu que les sociétés font grief au jugement d’avoir constaté l’existence d’une unité économique et sociale les regroupant, alors, selon le moyen :
1°/ que l’unité économique suppose une unité ou la concentration du pouvoir de direction entre les mains d’une personne comprise dans le périmètre de l’unité économique et sociale, et que ne caractérise rien de tel en violation des articles L. 2143-3, L. 2143-4, L. 2143-8, L. 2143-7, et L. 2143-10 du code du travail, le juge d’instance qui se borne à relever que certaines sociétés ont leur siège social à la même adresse, et que certains dirigeants étaient communs à deux sociétés et participaient au comité de direction du « groupe » Econocom, sans aucunement identifier l’entité qui, au sein de la prétendue unité économique et sociale revendiquée, concentrerait le pouvoir de direction, ni par conséquent auprès de quel dirigeant le délégué pourrait exercer son mandat ;
2°/ que prive sa décision de toute base légale au regard des articles L. 2143-3, L. 2143-4, L. 2143-8, L. 2143-7, et L. 2143-10 du code du travail, le tribunal d’instance qui décide la création d’une unité économique et sociale sans rechercher comme il y était invité en quoi cette nouvelle circonscription électorale rendrait possible une meilleure représentation d’intérêts défendus par les syndicats par rapport aux institutions représentatives fonctionnant déjà au sein de chacune des sociétés exposantes ;
3°/ que l’unité économique suppose que soit effectivement constatée une complémentarité des activités entre les sociétés composant l’unité économique et sociale, et que ne caractérise rien de tel, en violation des articles L. 2143-3, L. 2143-4, L. 2143-8, L. 2143-7, et L. 2143-10 du code du travail, le juge d’instance qui se borne à relever l’existence résiduelle d’offres globales de service impliquant seulement trois des cinq sociétés en présence, et qui se détermine au regard de « la possibilité que de telles offres existent et puissent être mise en place » ;
4°/ que l’unité sociale est une communauté de travailleurs liés par les mêmes intérêts, travaillant dans des conditions similaires et placés sous la direction d’une même autorité et que ne caractérise rien de tel entre les salariés des sociétés en cause, le jugement qui constate que ces sociétés appliquent des accords d’entreprise différents, ont des accords de RTT et de participation distincts et appliquent différentes politiques salariales et de remboursement de frais ; de sorte qu’en statuant comme il l’a fait, le tribunal d’instance a violé les articles L. 2143-3, L. 2143-4, L. 2143-8, L. 2143-7, et L. 2143-10 du code du travail ;
Mais attendu que le tribunal qui a constaté, d’une part, l’existence d’une unité de direction des cinq sociétés qui est assurée par trois personnes, dont l’une est le directeur général du groupe auquel elles appartiennent et les deux autres membres du comité de direction, ainsi que la complémentarité de leurs activités, et d’autre part, la permutabilité du personnel et l’application d’un même statut social, peu important l’application d’accords d’entreprises différents, a caractérisé l’unité économique et sociale ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour les sociétés Econocom Products et Solutions, Econocom Managed Services, Alliance Support Services, Econocom Location et Econocom Telecom Services.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief au jugement attaqué d’avoir rejeté la demande formée par les sociétés ECONOCOM PRODUCTS ET SOLUTIONS, ECONOCOM MANAGED SERVICES, ALLIANCE SUPPORT SERVICES, ECONOCOM LOCATION, et ECONOCOM TELECOM SERVICES en annulation de la désignation de Monsieur X… en qualité de délégué syndical au sein de cette UES ;
ALORS QUE la reconnaissance d’une Unité Economique et Sociale ne met pas fin aux mandats en cours et que le syndicat qui veut désigner un délégué syndical dans un tel cadre doit préalablement révoquer le délégué antérieurement désigné dans le cadre de l’ancienne circonscription électorale ; qu’en validant la désignation de Monsieur X… dans la prétendue Unité Economique et Sociale constituée des sociétés ECONOCOM PRODUCTS ET SOLUTIONS, ECONOCOM MANAGED SERVICES, ALLIANCE SUPPORT SERVICES, ECONOCOM LOCATION, et ECONOCOM TELECOM SERVICES, sans constater que cette désignation mettait fin au mandat de délégué syndical que détenait Monsieur X… au niveau de la société ECONOCOM MANAGED SERVICE, le Tribunal d’Instance a organisé un cumul de mandats et violé les articles L.2143-3, L.2143-4 (anc. L.412-11), L.2143-8 (anc. L.412-15), L.2143-7, et L.2143-10 (anc. L.412-16) du Code du Travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le pourvoi fait grief au jugement attaqué d’avoir constaté l’existence d’une Unité Economique et Sociale regroupant les sociétés ECONOCOM PRODUCTS ET SOLUTIONS, ECONOCOM MANAGED SERVICES, ALLIANCE SUPPORT SERVICES, ECONOCOM LOCATION, et ECONOCOM TELECOM SERVICES et d’avoir rejeté la demande formée par ces dernières en annulation de la désignation de Monsieur X… en qualité de délégué syndical au sein de cette Unité Economique et Sociale ;
AUX MOTIFS QUE « sur l’existence d’une unité économique, – concentration du pouvoir de direction, la société Econocom products Solutions et la société Econocom Telecom Services sont dirigés par Monsieur Jean-Philippe Y… ; que la société Econocom Managed Services et la société Alliance Support Services sont dirigées quant à elles par Monsieur Didier Z…, et la société Econocom Location par Monsieur Bruno A… ; que Monsieur Jean-Philippe Y… est également directeur général du groupe Econocom, auquel appartiennent les 5 sociétés demanderesses ; que Monsieur Didier Z… et Monsieur Bruno A… font tous deux également partie du comité de direction du groupe ECONOCOM ; qu’enfin les sièges sociaux des sociétés sont basées à la même adresse à Clichy (92110) pour trois d’entre elles (Econocom Products Solutions, Econocom Location et Econocom Telecom Services), et à la même adresse aux Ulis (91940) pour les deux autres sociétés (Econocom Managed Services et Alliance Support Services) ; qu’il apparaît donc une réelle et effective concentration des pouvoirs de direction, la direction des cinq sociétés étant commune ; – complémentarité des activités ; que la société Econocom Telecom Services a pour activité, au vu du Kbis : « conseil, vente distribution, location, prestation de service, assistance technique, infogérance, financement et après vente de tous produits et services dans le domaine de l’informatique et des télécommunications fixes et mobiles » ; que la société Econocom Location a pour activité : « achat, vente, location et plus généralement le négoce sous toutes ses formes de matériels informatiques technologiques ou de télécommunication accessoires de matériels informatiques technologiques ou de télécommunication logiciels et plus généralement de tous biens d’équipement professionnels destinés tant aux entreprises qu’aux particuliers » ; que la société Econocom Managed Service a pour activité : « prise de participation dans des entreprises présentant une synergie économique ou financière avec l’activité de ses actionnaires, toutes opérations de gestion de portefeuille, maintenance de matériels micro informatiques, assistance et téléservices » ; que la société Alliance Support Services a pour activité : « le support service correspondant à la maintenance des matériels, système informatiques et de logiciel, la commercialisation de tous produits et services liés contribuant à l’installation, la maintenance, l’exploitation, l’évolution sur site de solutions informatiques et leur environnement technologique » ; qu’enfin la société Econocom Products et Solutions a pour activité : « réalisation, achat et vente de biens et services en électronique et informatique, commercialisation de matériel micro informatique, commercialisation de prestation de maintenance, d’entretien, de réparation et d’installation de matériel micro informatique et de monétique » ; que la complémentarité des activités des sociétés est démontrée par l’existence d’offres « bundlées », à savoir d’offres globales de services regroupant plusieurs sociétés, notamment Econocom Telecom Services, Managed Services et Alliance Support Services vis-à-vis de leur client la Sernam ; que les sociétés indiquent que ces offres » bundlées » sont résiduelles par rapport au chiffre d’affaires global des sociétés ; que toutefois la possibilité que de telles offres existent et puissent être mise en place démontre la complémentarité de leurs activités, toutes concentrées dans le service informatique ; qu’il y a donc lieu de constater l’existence d’une Unité Economique et Sociale du fait de la concentration des pouvoirs et de la complémentarité des activités ; sur l’existence d’une unité sociale, – permutabilité du personnel ; il ressort des registres du personnel versés aux débats qu’au cours de l’année 2007, deux salariés ont été transférés de la société Alliance Support Services vers la société Econocom Managed Services, qu’un salarié a été transféré de la société Econocom Products et Solutions vers la société Econocom Managed Services et un salarié transféré de la société Alliance Support Services vers la société Econocom Location ; que depuis le début de l’année 2008, deux salariés ont été transférés de la société Alliance Support Service vers la société Econocom Managed Services ; qu’il existe une « bourse de l’emploi groupe », au sein de laquelle les offres d’emploi proposées dans une société peuvent être proposées aux salariés des quatre autres sociétés ; que même s’il est limité en nombre, le transfert de salariés d’une société à l’autre est possible, et que les postes libres (ingénieurs systèmes et réseaux, techniciens micro et réseaux, administrateur système et réseaux,…) sont proposés indifféremment à l’ensemble des salariés du groupe Econocom ; qu’il existe donc une réelle permutabilité du personnel au sein des cinq sociétés demanderesses ; – sur l’existence d’intérêt et d’avantages communs ; que les règlements intérieurs sont communs aux sociétés Econocom Managed Services et Alliance Support Services ; qu’il existe un annuaire téléphonique unique regroupant l’ensemble des salariés de chacune des sociétés demanderesses ; que les services généraux sont communs à l’ensemble des 5 sociétés, notamment concernant les véhicules, les réservations de voyages, les fournitures, les badges d’accès, la gestion immobilière et les contrats ; – sur l’identité de statut conventionnel ou réglementaire ; que les salariés des 5 sociétés en cause sont soumis à la même CCN SYNTEC ; que les 5 sociétés ont le même régime de prévoyance, souscrit auprès de la société GMC Gestion par le groupe Econocom ; que les garanties sont les mêmes pour les divers salariés, même si le taux de cotisation peut différer d’une société à l’autre ; – sur les conditions de travail semblables ; que les sociétés démontrent que les accords d’entreprises sont distincts d’une société à l’autre, notamment en ce qui concerne les RTT, les accords de participation, la politique salariale, et les remboursements de frais professionnels ; que malgré ces disparités, il existe une communauté de travail au sein des diverses sociétés demanderesses, qui est attestée par la permutabilité du personnel, l’existence d’intérêts ou d’avantages communs et l’identité du statut conventionnel et de prévoyance ; que l’existence d’une unité sociale est donc démontrée » ;
ALORS, D’UNE PART, QUE l’unité économique suppose une unité ou la concentration du pouvoir de direction entre les mains d’une personne comprise dans le périmètre de l’Unité Economique et Sociale, et que ne caractérise rien de tel en violation des articles L.2143-3, L.2143-4 (anc. L.412-11), L.2143-8 (anc. L.412-15), L.2143-7, et L.2143-10 (anc. L.412-16) du Code du Travail, le juge d’instance qui se borne à relever que certaines sociétés ont leur siège social à la même adresse, et que certains dirigeants étaient communs à deux sociétés et participaient au comité de direction du « groupe » ECONOCOM, sans aucunement identifier l’entité qui, au sein de la prétendue Unité Economique et Sociale revendiquée, concentrerait le pouvoir de direction, ni par conséquent auprès de quel dirigeant le délégué pourrait exercer son mandat ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE prive sa décision de toute base légale au regard des articles L.2143-3, L.2143-4 (anc. L.412-11), L.2143-8 (anc. L.412-15), L.2143-7, et L.2143-10 (anc. L.412-16) du Code du Travail, le Tribunal d’Instance qui décide la création d’une Unité Economique et Sociale sans rechercher comme il y était invité (conclusions, p.6) en quoi cette nouvelle circonscription électorale rendrait possible une meilleure représentation d’intérêts défendus par les syndicats par rapport aux institutions représentatives fonctionnant déjà au sein de chacune des sociétés exposantes.
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l’unité économique suppose que soit effectivement constatée une complémentarité des activités entre les sociétés composant l’Unité Economique et Sociale, et que ne caractérise rien de tel, en violation des articles L.2143-3, L.2143-4 (anc. L.412-11), L.2143-8 (anc. L.412-15), L.2143-7, et L.2143-10 (anc. L.412-16) du Code du Travail, le juge d’instance qui se borne à relever l’existence résiduelle d’offres globales de service impliquant seulement trois des cinq sociétés en présence, et qui se détermine au regard de « la possibilité que de telles offres existent et puissent être mise en place » (jugement, p.5, al.5 et 7) ;
ALORS, ENFIN ET DE TOUTE FAÇON, QUE l’unité sociale est une communauté de travailleurs liés par les mêmes intérêts, travaillant dans des conditions similaires et placés sous la direction d’une même autorité et que ne caractérise rien de tel entre les salariés des sociétés en cause, le jugement qui constate que ces sociétés appliquent des accords d’entreprise différents, ont des accords de RTT et de participation distincts et appliquent différentes politiques salariales et de remboursement de frais (jugement, p. 6, al.7) ; de sorte qu’en statuant comme il l’a fait, le Tribunal d’Instance a violé les articles L.2143-3, L.2143-4 (anc. L.412-11), L.2143-8 (anc. L.412-15), L.2143-7, et L.2143-10 (anc. L.412-16) du Code du Travail.