Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Y… et vingt-quatre autres salariés ont été engagés par la société Proma France, filiale française de la société Proma SSA, société de droit italien appartenant au groupe Gruppo Roma ; que la liquidation judiciaire de la société Proma France a été ordonnée par jugement du tribunal de commerce du 11 mars 2010 ; que M. Z…, désigné en qualité de liquidateur, a licencié pour motif économique soixante et onze salariés sans élaborer de plan social, lequel n’a été mis en place qu’après le projet de licenciement économique de dix salariés protégés ; que, licenciés pour motif économique les 22 mars et 14 septembre 2010 par M. Z…, les salariés ont saisi le 29 septembre 2011 la juridiction prud’homale de demandes dirigées contre le mandataire liquidateur de la société Proma France et la société Proma SSA en qualité de coemployeur tendant à ce que leur licenciement soit déclaré nul ou sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les premier, troisième et quatrième moyens du pourvoi incident des salariés :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens ci-après annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Proma SSA :
Vu l’article L. 1221-1 du code du travail ;
Attendu que pour dire que les sociétés Proma France et Proma SSA ont la qualité de coemployeurs et les condamner solidairement au paiement de diverses sommes, l’arrêt retient que Proma SSA détient quasiment en totalité le capital social de la société française, que l’ensemble des directeurs généraux et directeurs d’usine sont des salariés du groupe Proma et même de Proma SSA qui règlent leurs rémunérations, que non seulement les dirigeants mais aussi de nombreux salariés disposant de responsabilités fonctionnelles importantes au sein de l’entreprise sont mis à disposition et payés par le groupe, que le président du groupe est également président de Proma France tandis que les responsables administratif et financier et responsable de la logistique étaient mis à disposition par le groupe, que les accords annuels sur les salaires et la durée du travail étaient conclus par les dirigeants du groupe ou des mandataires mis à la disposition par le groupe, que M. CC…, seul directeur qui ait été salarié par la société française, et ayant en charge les ressources humaines, était toujours assisté par un représentant du groupe pour signer les accords liés aux négociations annuelles obligatoires, que la société Proma SSA s’est engagée au cours du redressement judiciaire à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l’emploi et a co-signé le protocole de fin de grève du 11 septembre 2008, que la société Proma SSA négociait les contrats pour l’ensemble du groupe avec les sous-traitants du premier niveau puis les répartissait au sein de ses filiales en fonction de leur capacité à produire ses équipements, que les clients n’étaient pas attitrés à la société Proma France mais gérés directement par le groupe, que Proma France ne disposait ni d’un service commercial ni d’un service recherche-développement en sorte que tant au niveau de la recherche de nouveaux marchés ou encore des négociations d’achat, c’est le groupe qui assurait toutes les fonctions ;
Attendu cependant que hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être considérée comme un coemployeur, à l’égard du personnel employé par une autre, que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors que le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et agissent en étroite collaboration avec la société mère, que la politique du groupe déterminée par la société mère ait une incidence sur la politique de développement ou la stratégie commerciale et sociale de sa filiale et que la société mère se soit engagée au cours du redressement judiciaire à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l’emploi ne pouvaient suffire à caractériser une situation de coemploi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal de la société Proma SSA, pris en sa première branche :
Attendu que la cassation sur le premier moyen, entraîne, en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif critiqué par le deuxième moyen, pris d’une cassation par voie de conséquence ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal de la société Proma SSA, pris en sa seconde branche :
Vu le protocole d’accord du 11 septembre 2008 ;
Attendu que pour condamner la société Proma SSA à verser aux salariés une indemnité supra-légale de licenciement, l’arrêt retient en outre qu’un protocole d’accord est intervenu entre la société française et les délégations syndicales CFDT, FO et CGC le 11 septembre 2008 signé par chaque partie ainsi que par le représentant de la société italienne, qui avait assisté à toutes les tractations pour parvenir à l’accord qu’il a signé, lu et approuvé en la personne de M. DD… ;
Qu’en statuant ainsi, alors que cet accord, intitulé « protocole d’accord entre la société Proma France et les délégations syndicales CFDT, FO et CFE-CGC » avait été conclu entre ces parties, que, dans son préambule, la société Proma France s’engageait à mettre en oeuvre toutes les actions nécessaires pour maintenir une activité suffisante et garantir les emplois sur l’usine de Gien et, dans le cas où elle ne saurait atteindre à moyen terme cet objectif et serait contrainte de revoir ses effectifs à la baisse, Proma France s’engageait à appliquer les garanties énumérées aux articles suivants, que cet accord était signé par M. CC… « pour la société Proma France » et que le fait que M. DD… y ait apposé la mention « Lu et approuvé » n’en modifiait pas la portée dès lors qu’il était à la fois président du groupe et président de Proma France, la cour d’appel a violé l’article susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Proma France :
Vu l’article L. 2422-4 du code du travail ;
Attendu que pour fixer la créance de Mme E…, salariée protégée, à une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, l’arrêt retient que deux cas sont prévus par le code du travail, le licenciement sans autorisation de l’inspecteur du travail, qui est sanctionné par les dispositions de l’article L. 2411-3 du code du travail, et le licenciement avec l’autorisation de l’inspecteur du travail qui a été annulée ultérieurement par le ministre du travail ou un tribunal administratif, régi par les dispositions de l’article L. 2422-1 du code du travail, que le cas présent correspond à la seconde possibilité, que la salariée calcule son indemnité réparant l’atteinte portée au statut protecteur depuis la date de son éviction de l’entreprise jusqu’à la fin de la période de protection, soit du 29 septembre 2010 au 28 septembre 2011, que les dommages-intérêts pour violation du statut protecteur seront arrêtés à la différence entre la somme que la salariée aurait perçue si elle était restée dans l’entreprise et les indemnisations reçues de Pôle Emploi pendant cette période ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la salariée avait droit à une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l’expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision d’annulation de l’autorisation de licenciement, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen du pourvoi incident des salariés :
Attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen du pourvoi principal rend ce moyen sans objet ;
Et sur le cinquième moyen du pourvoi incident des salariés :
Vu l’article L. 1233-58 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause et le protocole d’accord du 11 septembre 2008 ;
Attendu que pour limiter à une certaine somme le montant de l’indemnité supplémentaire de licenciement prévue par ce protocole d’accord, l’arrêt retient qu’il comporte trois points qui concernent, d’une part, la mise en place d’une aide financière d’accompagnement en cas de licenciement économique hors plan social, de deuxième part, la restriction et de troisième part, les mesures applicables dans le cas de la mise en place d’un plan social, que les salariés ne sont concernés que par la première partie de l’aide financière d’accompagnement en cas de licenciement économique hors plan social, puisqu’aucun plan social ne les a concernés ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’employeur n’était pas tenu à l’élaboration d’un plan social, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que la société Proma SSA a la qualité de coemployeur et la condamne au paiement de diverses sommes, limite à la somme de 32 000 euros par salarié le montant de l’indemnité supra-légale fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Proma France pour MM. Y…, R…, P…, WW… , XXX… , B…, C…, S…, T…, F…, H…, U…, V…, W…, J…, XX…, M…, N…, O… et AA… et fixe la créance de Mme E… au passif de la liquidation judiciaire de la société Proma France à la somme de 4 986,33 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur, l’arrêt rendu le 18 septembre 2014, entre les parties, par la cour d’appel d’Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bourges ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Proma SSA.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que les sociétés PROMA FRANCE et PROMA SSA ont la qualité de co-employeurs et d’AVOIR condamné solidairement la société PROMA SSA à verser diverses sommes aux 25 salariés défendeurs au pourvoi à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou licenciement nul, indemnité compensatrice de préavis, indemnité supra-légale de licenciement, indemnité pour procédure de licenciement en l’absence d’institutions représentatives du personnel valables, rappel de salaire et dommages et intérêts pour violation du statut protecteur ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l’allégation de co-emploi : En application de l’article L. 1221 – 1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun et, notamment, au droit commun des contrats et, à ce titre tes dispositions de l’article 1165 du Code civil disposent que les conventions n’ont d’effets qu’entre les parties contractantes ; qu’il en résulte que le principe premier est celui de l’unicité de l’employeur. Il s’en suit qu’un salarié ayant signé son contrat de travail avec une société filiale d’un groupe ne saurait, du fait de sa seule appartenance à ce groupe, être lié contractuellement à la société mère, dès lors que cette dernière n’est pas partie au contrat ; qu’en vertu du principe de l’autonomie des personnes morales, les sociétés appartenant à un groupe conservent chacune leur personnalité juridique distincte ; que toutefois, afin de faire coïncider la réalité du pouvoir décisionnel de licencier et les responsabilités morales et pécuniaires, la notion de co-emploi dégagée par la jurisprudence permet au juge de dépasser les apparences et l’écran de la personnalité juridique pour imputer la responsabilités des licenciements à leurs vrais décideurs ; que l’introduction de cette notion a pour but d’identifier l’employeur de fait. A cette fin, la jurisprudence recherche l’existence d’un rapport d’autorité et de subordination juridique pour déterminer qui, précisément, aux côtés de l’employeur officiel, exerce effectivement le pouvoir de direction et de contrôle des salariés ; puis, qu’une conception plus souple a émergé pour permettre la reconnaissance du co-emploi au moyen du critère de la triple confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre sociétés. Aussi appartient-il à celui qui invoque ta triple confusion de caractériser ces trois aspects cumulatifs, sans s’arrêter aux seules participations financières ; A) sur la confusion d’intérêts et de direction : que PROMA SSA détient quasiment en totalité le capital social de la société française, à hauteur de 9900 actions, le reste appartenant à Monsieur Nicola DD…, dirigeant tant de PROMA SSA que de PROMA FRANCE ; que le jugement du tribunal de commerce d’Orléans du 24 septembre 2013 révèle encore que ta société française ne dispose d’aucune autonomie réelle de gestion, puisque l’ensemble des directeurs généraux et directeurs d’usine sont des salariés du groupe PROMA, ou même de PROMA SSA, qui règlent leurs rémunérations ; qu’il est opportun d’examiner les organigrammes successifs de la société française, ce qui permettra de constater que non seulement les dirigeants mais aussi de nombreux salariés, disposant de responsabilités fonctionnelles importantes au sein de l’entreprise, sont mis à disposition et payés par le groupe : – l’organigramme d’octobre 2004 met en valeur que le directeur d’usine, EE… , son adjoint, Monsieur FF…, et d’autres cadres, MM. GG…, HH…, II…, GG…, JJ…, ne sont pas mentionnés sur le registre du personnel de la société française, en sorte qu’ils sont nécessairement mis à disposition par le groupe italien ; qu’il en est de même pour d’autres salariés : MM. DD…, KK…, LL…, – les organigrammes de novembre 2005 et du 15 mars 2006 mettent en évidence que Monsieur Nicola DD…, président du groupe, est également président de PROMA FRANCE, de même que MM. Luca DD… et Luigi MM… apparaissent respectivement comme directeur d’usine et directeur général, tandis que les responsable administratif et financier et responsable de la logistique étaient mis à disposition par le groupe ; qu’il était précisé que te directeur général, Monsieur MM… ne percevrait aucune rémunération de PROMA FRANCE, dans ta mesure où il était déjà rémunéré par la société mère. Lors de l’assemblée générale du 7 juin 2006, celui-ci représentait l’actionnaire principal tout en étant directeur général, en sorte qu’il n’est pas excessif d’en déduire qu’il rendait compte à lui-même ; – L’organigramme de décembre 2007 fait intervenir Monsieur CC… en qualité de directeur d’usine, qui reconnaît lui -même avoir dû se partager à 80% de son temps en Italie et à 20% en FRANCE ; B) la gestion sociale et les activités communes. Les pièces du dossier démontrent encore que les accords annuels sur les salaires et la durée du travail étaient conclus par les dirigeants du groupe ou des mandataires mis à la disposition par le groupe : – l’accord du 12 juin 2005 a été signé par Monsieur NN…, – celui du 30 août 2006 par MM. Luca DD… et NN…, – ceux des 7 juin 2007 et 13 juin 2008 et l’avenant du 3 juillet 2007 par. MM. CC… et NN… ; qu’il convient de remarquer que, de fait, Monsieur CC…, seul directeur qui ait été salarié par la société française, et ayant en charge les ressources humaines, était toujours assisté par un représentant du groupe pour signer les accords liés aux négociations annuelles obligatoires ; que par ailleurs, il était fréquent que les mandataires du groupe contresignent tes différents accords, par exemple en vue de la sauvegarde de l’emploi sur Gien, par exemple MM. Nicola DD… et Brian OO… ; que PROMA SSA s’est engagée, au cours du redressement judiciaire, et auprès de Me PP…, administrateur judiciaire, à prendre en charge, le financement du plan de sauvegarde de l’emploi et elle a co-signé le protocole de fin de grève du 11 septembre 2008 ; que le tribunal de commerce d’Orléans a encore relevé dans son jugement du 27 janvier 2011 que la société PROMA SSA était bien le décideur pour les engagements généraux puisqu’elle négociait les contrats pour l’ensemble du groupe avec les sous-traitants de premier niveau puis les répartissait au sein de ses filiales en fonction de leur capacité à produire ses équipements ; que dans un autre jugement du 24 septembre 2003, ce tribunal de commerce a relevé que tes clients n’étaient pas attitrés à la société PROMA FRANCE mais gérés directement par le groupe, celle-ci ayant bénéficié de la part du groupe et de ta société italienne depuis sa création, de l’expérience des Italiens en matière commerciale, technique, financière de même que du personnel de ces sociétés qui est intervenue à de multiples reprises sur le site de Gien sans qu’aucun honoraire de prestations n’ait été effectué. La société italienne a même déclaré au tribunal qu’elle était le principal fournisseur de sa filiale française ; qu’il était relevé également le soutien très important de la société mère à l’égard de sa filiale puisque le rapport de l’administrateur judiciaire chiffrait à 24,7 millions d’euros au 1er décembre 2009 son concours, sans qu’il y ait lieu à restitution ; qu’en outre, l’ensemble des activités dispose d’un centre de développement et d’actualisation commun et le service commercial est à la charge de la maison-mère comme l’expliquera lui-même Monsieur CC… ; que Mme QQ… atteste que la société PROMA FRANCE ne disposait ni d’un service commercial ni d’un service recherche-développement en sorte que tant au niveau de la recherche de nouveaux marchés ou encore des négociations d’achat, c’est le groupe qui assurait toutes les fonctions. Lors du choix des fournisseurs de matières premières, la négociation des conditions d’achat était assurée par M. Vincenzo DD…, directeur des achats pour le groupe et à compter de début 2008 Monsieur CC… directeur du site de Gien, a pris en parallèle la direction de PROMA SA GRUGLIASCO ; que le rapport du commissaire aux comptes sur l’exercice clos le 31 décembre 2008 précise que la société française bénéficiait de la part des sociétés italiennes depuis sa création, de leur expérience en matière commerciale technique et financière puisque le personnel de ces sociétés était amené à intervenir sur les sites industriels de Gien et que ces deux sociétés italiennes avaient décidé de ne facturer aucun honoraire au titre de l’exercice 2008, une des sociétés italiennes ayant décidé de mettre gratuitement à disposition de la société française le matériel relatif à trois projets ; qu’il est certain que la nature commune des activités des sociétés italiennes et françaises a rendu indispensable un travail en commun et le suivi de projets industriels par tes équipes des deux entités. Cependant, il se déduit de tous les éléments précités l’existence d’une confusion d’intérêts, d’activités et de direction pour au moins deux sociétés du groupe, la société PROMA FRANCE et la société PROMA SSA, sans que les pièces apportées par la société italienne puissent contrecarrer utilement celles qui établissent entre ces deux sociétés la situation de co-emploi de manière particulièrement évidente » ;
ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES QUE « le groupe Italien GRUPPO PROMA a créé une société PROMA FRANCE, société par actions simplifiées, contrôlée quasi-exclusivement par la société de droit italien PROMA SSA pour reprendre l’usine de Gien (Loiret) appartenant à la société ISRI FRANCE, spécialisée dans la fabrication d’armatures métalliques de sièges automobiles ; qu’il est incontestable que les contrats de travail des salariés de la société ISRI FRANCE ont été transférés à la société PROMA FRANCE à compter du 1er septembre 2003, qu’il existait une intervention permanente des dirigeants du groupe dans la gestion quotidienne de PROMA FRANCE caractérisée par une très forte instabilité des directions mises en place de manière successive, et une forte implication de salariés des autres entités du groupe dans le fonctionnement interne ; qu’il est admis que la situation de co-emploi puisse être caractérisée au sein d’un groupe de sociétés lorsque l’une ou l’autre des deux conditions suivantes sont réunies, voire les deux ensemble : – le salarié exécute son travail sous l’autorité d’un co-employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner ses manquements, – la société avec laquelle le salarié a conclu un contrat de travail se trouve en confusion d’intérêts, d’activités et de direction avec une société du groupe ; qu’en l’espèce, il apparaît au Conseil que la société PROMA FRANCE était possédée quasiment en totalité, soit à hauteur de 9 900 actions de son capital d’un million d’euros par la société de plein droit italien PROMA SSA, sise à San Nicola La Strada, d’un groupe GRUPPO PROMA ; que PROMA FRANCE ne dispose d’aucune autonomie de gestion, puisque l’ensemble des directeurs d’usine se trouvent être des salariés de GRUPPO PROMA, particulièrement de PROMA SSA qui assure le paiement de leur rémunération ; que l’analyse des organigrammes successifs de la SAS PROMA FRANCE, sur lesquels apparaît systématiquement le logo de GRUPPO PROMA, permet de constater que non seulement les dirigeants mais aussi les salariés disposant de responsabilités fonctionnelles importantes de l’entreprise sont mis à disposition et réglés par le groupe, mais qu’ils sont aussi domiciliés en Italie ; que l’organigramme d’octobre 2004 permet de constater que le directeur d’usine EE… , son adjoint Monsieur FF… mais aussi toute la troisième ligne hiérarchique (quality B. GG…, production A.HH…, logistique A. II…, process eng J.GG… quality systems S.JJ…, program management RR…) ne sont pas des salariés de la société PROMA FRANCE mais mis à disposition par le groupe ; que l’organigramme de novembre 2005 et celui du 15 mars 2006 montrent qu’un nouveau changement de directeur de site est annoncé en septembre 2005 avec la nomination par intérim de Monsieur BERTOTTO, vice-président des opérations dans le groupe en lieu et place de Monsieur YYY… appelé à d’autres mandats pour des activités étrangères du groupe, ce qui représente six directeurs en l’espèce de deux ans, ce qui démontre l’absence de toute autonomie de gestion à l’égard du groupe ; que dans le nouvel organigramme apparaissait Nicola SS… DD…, président du groupe mais aussi président de la SAS PROMA FRANCE avec Luca DD… comme nouveau Plant Manager (directeur d’usine) et Luigi MM… comme directeur général ; que le nouveau directeur d’usine avait indiqué au comité d’entreprise de PROMA FRANCE qu’il avait été formé chez PROMA Turin où il avait ensuite pris la direction de l’usine ; que Monsieur MM…, nouveau directeur général, ne recevait aucune rémunération de la part de PROMA FRANCE dans la mesure où il était déjà rémunéré par la société mère la société PROMA SSA (résolution de l’Assemblée générale de PROMA FRANCE du 21 décembre 2005), que celui-ci représentait l’actionnaire principal lors de l’assemblée générale du 7 juin 2006 bien qu’il en était le directeur général ; que l’organigramme de décembre 2007 indique que la direction de l’usine est confiée à Monsieur CC… qui cumule aussi la fonction de ressources humaines ; que la fonction de ressources humaines était assurée par des représentants du groupe, ce qui se traduit par une intervention de ceux-ci dans toutes les décisions de négociations avec les représentants du personnel, que c’est le président du groupe et de la société PROMA FRANCE N.G.DD… qui s’engagera à garantir l’ensemble des emplois au cours des années futures, que l’ensemble des accords annuels sur les salaires et la durée du travail étaient conclus par des dirigeants du groupe ou des mandataires mis à disposition par le groupe : – accord du 12 juin 2005 signé par Monsieur Vincenzo NN…, – accord du 30 août 2006 signé par Messieurs Lucas DD… et Vincenzo NN…, – accord du 7 juin 2007, avenant du 3 juillet 2007 et accord du 13 juin 2008 signés par Messieurs CC… et NN… ; que, même si Monsieur CC… apparaissait sur les organigrammes comme responsable des ressources humaines, il devait toujours être assisté par un représentant du groupe pour signer les accords liés à la négociation annuelle obligatoire ; que, lors d’une négociation importante visant à conclure un protocole en vue de la sauvegarde de l’emploi sur le site de Gien, les représentants du personnel discutaient avec un mandataire du groupe TT… ; que c’est la société PROMA SSA qui s’engageait auprès de Maître Franck PP…, administrateur judiciaire pour prendre en charge, sous certaines conditions (finalement non réalisées), le financement du plan de sauvegarde de l’emploi à venir, qu’il est certain que la nature commune des activités des sociétés PROMA FRANCE et PROMA SSA a rendu indispensable le travail en commun et le suivi de projets industriels par les équipes des deux entités, qu’il existe bien une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre PROMA FRANCE et PROMA SSA ; que dans ses conclusions, la société PROMA SSA en Italie reconnaît que certains salariés italiens ont été mis à disposition de la société française et que certains salariés de PROMA FRANCE sont allés travailler en Italie ; que la société PROMA SSA ne conteste pas qu’elle détenait une part importante du capital de PROMA FRANCE mais seulement l’implication directe de celle-ci dans les directives prises par les dirigeants de PROMA FRANCE ; qu’elle estime qu’il n’y a pas de lien de subordination entre PROMA SSA et PROMA FRANCE, tout en omettant d’apporter des explications sur la présence systématique de directeurs venant du groupe PROMA SSA et rémunérés par celle-ci et sur son implication directe auprès de Maître Franck PP…, administrateur judiciaire de PROMA FRANCE ; qu’au vu des organigrammes de PROMA FRANCE apparaît toujours le logo GRUPPO PROMA ; que l’ensemble des directeurs d’usine PROMA FRANCE se trouvent être des salariés de GRUPPO PROMA, particulièrement de PROMA SSA qui assure le paiement de leur rémunération ; que sur le pouvoir en date du 5 juin 2006 de Monsieur Nicola DD… représentant légal de PROMA SSA demeurant en Italie , il est noté qu’il donne pouvoir pour le représenter à l’assemblée générale du 7 juin 2006 à Monsieur MM…, directeur général de PROMA FRANCE mais toujours domicilié en Italie ; que sur les contrats de travail des salariés, si ceux-ci mentionnent bien qu’ils sont embauchés par PROMA FRANCE SAS, il apparaît sur ces mêmes contrats le logo GRUPPO PROMA ainsi que sur les certificats de travail ; qu’en conséquence de tous les éléments développés ci-dessus, le Conseil reconnaît le bien fondé des demandes des requérants et constate que la société PROMA SSA a la qualité de co-employeur à l’égard du personnel de la société PROMA FRANCE » ;
1. ALORS, D’UNE PART, QUE hors l’existence d’un lien de subordination, la société mère d’un groupe ne peut être considérée comme co-employeur du personnel d’une filiale que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion de la première dans la gestion économique et sociale de la seconde ; qu’en relevant, en l’espèce, que le capital social de la société PROMA FRANCE est détenu quasiment en totalité par la société PROMA SSA, que l’ensemble des dirigeants et certains des cadres de la société PROMA FRANCE proviennent de la société PROMA SSA et sont rémunérés par elle, que la société PROMA SSA négociait les contrats avec les donneurs d’ordres pour l’ensemble du groupe et les répartissait entre les filiales, que la société PROMA FRANCE a bénéficié de l’expérience du groupe en matière commerciale, technique et financière, notamment par la mise à disposition de matériel et de personnel, parfois sans facturation d’aucun honoraire de prestation, que la société PROMA FRANCE ne disposait ni d’un service commercial, ni d’un service recherche-développement, la société mère assurant ces fonctions, et que la société mère a apporté un soutien très important à sa filiale se chiffrant à 24,7 millions d’euros, la cour d’appel n’a pas caractérisé une immixtion anormale de la société mère dans la gestion opérationnelle de sa filiale, mais simplement la coordination par la société mère des activités de ses filiales et l’état de domination économique résultant de l’appartenance de la société PROMA FRANCE à un groupe ; qu’en affirmant néanmoins qu’il existait une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre la société PROMA FRANCE et la société PROMA SSA, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail ;
2. ALORS, D’AUTRE PART, QUE hors l’existence d’un lien de subordination, la société mère d’un groupe ne peut être considérée comme co-employeur du personnel d’une filiale que s’il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d’intérêts, d’activités et de direction se manifestant par une immixtion de la première dans la gestion économique et sociale de la seconde ; que le seul fait que la société mère d’un groupe ait été amenée, dans le cadre de la coordination des politiques salariales du groupe, à contresigner des accords collectifs relatifs aux salaires conclus par sa filiale, que les dirigeants communs de la filiale et de la société mère aient pris des engagements financiers à l’égard des salariés de la filiale en cas de licenciement économique et que la société mère se soit engagée à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l’emploi de sa filiale, ne suffit pas à caractériser une immixtion de la société mère dans la gestion sociale de sa filiale ; qu’en relevant que les sociétés PROMA FRANCE et PROMA SSA avaient des dirigeants communs, que la société PROMA SSA avait mis à la disposition de sa filiale certains cadres exerçant des responsabilités fonctionnelles, qu’elle rémunérait, que les accords annuels sur les salaires et la durée du travail étaient conclus par les dirigeants communs de la société PROMA SSA et de la société PROMA FRANCE ou contresignés par des mandataires du groupe aux côtés du directeur de l’usine, qui avait en charge la direction des ressources humaines de l’usine, que l’accord du 16 septembre 2008 en vue de la sauvegarde de l’emploi de l’usine était pareillement signé par le directeur de l’usine et contresigné par le Président du groupe également Président de la société PROMA FRANCE, que la société PROMA SSA s’est engagée au cours du redressement judiciaire, auprès de l’administrateur judiciaire, à prendre en charge le financement du plan de sauvegarde de l’emploi, la cour d’appel n’a pas fait ressortir une prise en main de la direction du personnel et de la gestion des ressources humaines de la société PROMA FRANCE par la société PROMA SSA, les interventions de cette dernière restant ponctuelles, limitées à certains thèmes et relevant soit de l’harmonisation des politiques de rémunération au sein du groupe, soit du soutien d’une société mère à sa filiale ; qu’en affirmant néanmoins qu’il existait entre les deux sociétés une confusion d’intérêts, d’activités et de direction justifiant d’attribuer la qualité de co-employeur à la société PROMA SSA, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1221-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné solidairement la société PROMA SSA à verser à chaque salarié défendeur au pourvoi une indemnité supra légale de licenciement ;