Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 octobre 2012, 11-17.536, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 octobre 2012, 11-17.536, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, engagé en 1977 en qualité de « directeur de la concession » par la société du Yacht club international de Marina baie des anges (Sycim), a été élu délégué du personnel suppléant ; que son mandat expirait le 8 décembre 2005 ; qu’il a été licencié pour faute lourde le 5 juillet 2006 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à justifier à lui seul l’admission du pourvoi ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l’article L. 3141-26 du code du travail ;

Attendu que pour dire le licenciement justifié par une faute lourde, l’arrêt retient que le salarié n’a pas appliqué depuis 10 ans la répartition des charges communes conformément aux conventions entre la société SYCIM concessionnaire du port de plaisance et la société SAPP, son amodiataire, et qu’il a ainsi sciemment appauvri son employeur au profit de la SAPP dont il était directeur général, administrateur, et actionnaire ;

Qu’en statuant ainsi, sans constater que l’erreur reprochée au salarié avait été commise volontairement, dans le but de nuire à son employeur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l’article 1134 du code civil ;

Attendu que pour écarter la « clause de stabilité » insérée par avenant dans le contrat de travail du salarié et lui attribuant une certaine somme en cas de rupture du contrat de travail, la cour d’appel relève que cette clause n’a pas été soumise au conseil d’administration, ni validée par l’expert comptable ou le commissaire aux comptes, en sorte qu’aucune provision n’a été passée à ce titre dans les comptes de la société ;

Qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure l’application d’une clause contractuelle insérée dans un avenant au contrat de travail signé avec le salarié, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, à l’exception de celles déboutant le salarié de ses demandes fondées sur la nullité du licenciement, l’arrêt rendu le 7 mars 2011, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nîmes ;

Condamne la société du Yacht club international de Marina baie des anges aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société du Yacht club international de Marina baie des anges et la condamne à payer à M. X… la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. X…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. X… fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR dit que son licenciement était fondé sur une faute lourde et de l’AVOIR en conséquence débouté de sa demande en nullité de son licenciement ;

AUX MOTIFS QUE par des motifs pertinents de fait et de droit, les premiers juges ont retenu que celui-ci ne pouvait exciper de son statut de délégué au personnel suppléant pour demander la nullité du licenciement intervenu ; qu’en effet, il bénéficiait d’une délégation écrite d’autorité l’assimilant à un chef d’entreprise, ce qui lui conférait en réalité la qualité de dirigeant de fait ; que dès lors, il ne pouvait cumuler cette fonction avec celle de délégué du personnel, ce qui reviendrait à prétendre défendre les salariés sur lesquels il avait tous les pouvoirs ; que l’élection de M. X… en tant que délégué du personnel suppléant est donc entachée de nullité, et il ne peut se retrancher derrière la protection attachée à ce statut ;

ALORS QUE les contestations relatives à l’électorat et à la régularité des opérations électorales qui relèvent de la compétence exclusive du tribunal d’instance, qui statue en dernier ressort, ne pouvaient être soumises que dans les délais impératifs fixés par la loi ; qu’en affirmant, pour dire que M. X… ne pouvait se retrancher derrière la protection attachée à son statut de salarié protégé pour demander la nullité de son licenciement, que l’élection de ce dernier en tant que délégué du personnel suppléant était entachée de nullité au motif qu’il bénéficiait d’une délégation écrite d’autorité l’assimilant à un chef d’entreprise, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé ensemble les articles L. 2314-25, L. 2411-5, R. 2314-28 et R 2314-29du code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

M. X… fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR dit que son licenciement était fondé sur une faute lourde et de l’AVOIR en conséquence débouté de l’ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE contrairement aux dires de M. X…, l’employeur a initié la procédure de licenciement dans le délai de deux mois prévu par l’article L 1332-4 du code du travail, car il a fait référence aux faits révélés par le rapport d’audit DSO du 1er juin 2006 qu’il ne faut pas confondre avec le simple compte rendu d’intervention établi le 17 mars 2006 par le cabinet DSO ; que la lettre de licenciement, tenue ici pour intégralement reproduite, énonce deux griefs touchant : a) à la répartition des charges non conforme aux conventions signées entre la société Sycim et la SAPP ; b) à la violation de l’obligation de loyauté et de confidentialité ; que s’agissant du premier grief, il ressort des investigations circonstanciées, auxquelles il est expressément renvoyé, du cabinet DSO que depuis dix ans les charges communes n’ont pas été réparties conformément aux conventions entre la société concessionnaire la société Sycim et son amodiataire, la société SAPP ; qu’en ce qui touche les salaires et charges sociales, la somme de 937.292 euros n’a pas été incluse dans les charges communes (donc impactées sur la SAPP) ; qu’en ce qui touche les autres achats et charges externes, la somme de 875.580 euros n’a pas davantage été impactée sur la SAPP ; qu’il importe peu à cet égard que le commissaire aux comptes ait certifié les bilans « sincères et véritables », car son visa ne peut évidemment légitimer des opérations frauduleuses ; que doit aussi être écarté l’avis de M. Y…, prétendument auteur d’un audit, en l’absence de respect de la répartition contractuelle des charges prévues par le règlement de 1970 ; qu’il sera enfin relevé que sont sans rapport avec les faits précisément reprochés à M. X… dans la lettre de licenciement qui circonscrit le présent litige, d’une part la plainte pénale ayant abouti à un non-lieu, d’autre part l’ordonnance rendue le 20 juillet 2006 par le tribunal administratif de Nice ; qu’en conséquence le premier grief est fondé, et il apparaît que M. X… a sciemment appauvri la société Sycim profit de la SAPP dont il était directeur général, administrateur et actionnaire ; que cette volonté de nuire à son employeur caractérise la faute lourde ; que pour ce qui est du deuxième grief, à savoir le manquement à l’obligation de loyauté, il découle des faits établis ci-dessus ; que partant, le licenciement pour faute lourde est fondé et M. X… doit être débouté de toutes ses demandes (y compris de congés payés) ;

1°) ALORS QU’aucun fait fautif ne pouvant donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, il incombe au juge, statuant sur la légitimité d’un licenciement pour faute lourde, de vérifier que la procédure de licenciement engagée par l’employeur a été mise en oeuvre dans le délai de deux mois prescrit par l’article L. 1332-4 du code du travail ; que dès lors que M. X… invoquait dans ses conclusions la prescription des faits fautifs que la société Sycim lui reprochait dans sa lettre de licenciement du 5 juillet 2011 et tirés d’une répartition des charges non conforme aux clauses contractuelles liant la société concessionnaire à son amodiataire, la cour d’appel qui, pour dire que l’employeur avait initié la procédure de licenciement dans le délai de deux mois prévu par l’article L. 1332-4 du code du travail, s’est bornée à énoncer que ce dernier avait fait référence dans sa lettre de licenciement « aux faits révélés par le rapport d’audit DSO du 1er juin 2006 qu’il ne faut pas confondre avec le simple compte rendu d’intervention établi le 17 mars 2006 par le cabinet DSO », sans préciser ni même vérifier la date exacte à laquelle la société Sycim avait eu connaissance des fait reprochés au salarié, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 1332-4 du code du travail ;

2°) ALORS QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; qu’en retenant, pour dire fondé sur une faute lourde le licenciement de M. X…, qu’il importait peu que le commissaire aux comptes ait certifié les bilans « sincères et véritables » car le visa de ce dernier ne pouvait évidemment légitimer des opérations frauduleuses, tandis que la lettre de licenciement, si elle faisait certes état d’une répartition des charges qui, non conforme aux conventions liant la société Sycim à la société amodiataire, la société SAPP, avait appauvri la première au profit de la seconde, ne lui prêtait cependant pas les caractères d’opérations frauduleuses, la cour d’appel a violé l’article 1232-6 du Code du travail ;

3°) ALORS QU’il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu’en énonçant, pour dire fondé sur une faute lourde le licenciement de M. X…, que les faits précisément reprochés au salarié dans la lettre de licenciement et tirés d’une répartition des charges au profit de la société SAPP étaient sans rapport avec l’ordonnance rendue le 20 juillet 2006 par le tribunal administratif de Nice, quand pourtant, ce dernier avait précisé dans sa décision que « concernant le détournement allégué de recettes propres et l’imputation irrégulière des charges, ni la réalité, ni le bien fondé de ces motifs ne ressortent de manière manifeste du dossier », la cour d’appel a dénaturé par omission les termes clairs et précis de cette décision et a ainsi violé l’article 4 du code de procédure civile et le principe sus énoncé ;

4°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans ses écritures (p. 12), M. X… soutenait que la société Sycim qui avait renoncé de façon définitive au bénéfice du paragraphe 2 de l’article 2 du protocole d’accord, signé le 6 août 2007 avec la société SAPP, selon lequel « concernant les comptes antérieurs à 2006, le résultat d’un contrôle comptable de la Sycim pouvant faire apparaître des variations de charges entre les deux sociétés est exclu du présent accord, et pourra ou non faire l’objet d’une négociation entre les deux sociétés », avait préféré, faute pour elle de démontrer avoir été victime, du fait de M. X…, d’imputations irrégulières de charges, transiger sur ce point ; que la cour d’appel, qui s’est bornée à retenir que le premier grief était fondé aux motifs inopérants qu’il ressortait des investigations circonstanciées du cabinet DSO que, depuis dix ans, les charges communes n’avaient pas été réparties conformément aux conventions entre la société concessionnaire et la société amodiataire, sans répondre au moyen pertinent précité, a violé ainsi l’article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE la faute lourde est caractérisée par un fait fautif commis avec l’intention de nuire du salarié vis-à-vis de l’employeur ou de l’entreprise ; qu’en affirmant, pour retenir la faute lourde de M. X…, que ce dernier avait sciemment appauvri la société Sycim au profit de la société SAPP dont il était directeur général, administrateur et actionnaire, sans caractériser l’intention de nuire du salarié, la cour d’appel a violé l’article L. 3141-26 du code du travail ;

6°) ALORS QUE la déloyauté éventuelle du salarié ne suffit pas à caractériser une intention de nuire à son employeur ; qu’en énonçant, pour dire fondé sur une faute lourde le licenciement de M. X…, que le deuxième grief que la société Sycim reprochait au salarié dans sa lettre de licenciement et tiré du manquement à l’obligation de loyauté découlait des faits établis, la cour d’appel n’a pas caractérisé l’intention de nuire du salarié et a violé l’article L. 3141-26 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

M. X… fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR dit que son licenciement était fondé sur une faute lourde et de l’AVOIR en conséquence débouté de sa demande au titre de la clause de stabilité ;

AUX MOTIFS QUE concernant la « clause de stabilité’ stipulée dans l’avenant du 16 septembre 2003 (pièce n° 49 du salarié) qui attribue une somme de 150.000 euros à M. X… en cas de rupture du contrat de travail, elle n’a pas été soumise au conseil d’administration, ni validée par l’expert comptable ou le commissaire aux comptes, en sorte qu’aucune provision n’a été passée à ce titre dans les comptes de la société Sycim ; que dans ces conditions de fait, ce document n’a pas en lui même de force probante, en dehors du fait que « la fraude corrompt tout » ; que le jugement querellé sera donc confirmé dans toutes ses dispositions ;

ALORS QUE les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la cour d’appel qui, bien qu’elle ait constaté qu’une « clause de stabilité » stipulée dans l’avenant du 16 septembre 2003 attribuait à M. X… une somme de 150.000 euros en cas de rupture de son contrat de travail, a néanmoins, pour débouter ce dernier de sa demande de versement au titre de la clause de stabilité, retenu par des motifs inopérants que cette clause n’avait pas été soumise au conseil d’administration, ni validée par l’expert comptable ou le commissaire aux compte en sorte qu’aucune provision n’avait été passée à ce titre par la société Sycim, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que cette dernière s’était contractuellement engagée, par avenant du 16 septembre 2003, à verser une somme de 150.000 euros à M. X… en cas de rupture de son contrat de travail et a ainsi violé l’article 1134 du code civil ;


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