Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu selon l’arrêt attaqué (Versailles, 22 novembre 2007) que M. X… a été engagé par contrat à durée indéterminée du 1er mars 2000, par la société NCS, en qualité de secrétaire général du groupe auquel appartenait cette société ;qu’il a conclu le 2 mai 2000 avec la société DMMS d’une part et la société Comanet d’autre part, membres du même groupe, deux contrats de travail à durée indéterminée, en qualité de secrétaire général du groupe ; qu’il a démissionné de ses fonctions par lettre du 18 juin 2002 ; qu’en 2004, il a assigné les sociétés DMMS et Comanet aux fins de requalification des contrats de travail à temps partiel en temps pleins et paiement de rappels de salaire et indemnité pour travail dissimulé ; que la société NCS est intervenue volontairement à l’instance ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que la qualité de cadre dirigeant non soumis à la législation relative à la durée du travail ne peut être reconnue au salarié dont le contrat de travail a été conclu pour un nombre déterminé d’heures de travail ; qu’en l’espèce, il était constant que M. X… avait conclu trois contrats de travail, l’un avec la société NCS pour 143,65 heures par mois, rémunérées 4 039,90 euros, et les deux autres avec les sociétés DMMS et Comanet pour sept heures mensuelles chacun, rémunérées 176,08 euros ; qu’en reconnaissant au salarié la qualité de cadre dirigeant, la cour d’appel a violé l’article L. 212 5-1 devenu L. 3111 2 du code du travail ;
2°/ qu’il appartient à l’employeur d’établir que son salarié remplit les conditions pour être un cadre dirigeant et non au salarié d’établir qu’il relève des dispositions relatives à la durée du travail ; qu’en affirmant que pour prétendre à la requalification de ses contrats de travail à temps partiel en contrats de travail à temps plein, le salarié devait justifier qu’il avait occupé de mai 2000 à juin 2002 un emploi en qualité de cadre soumis aux dispositions spécifiques en matière de durée du travail et de temps de repos, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil, ensemble l’article L. 212-15-1 devenu L. 3111-2 du code du travail ;
3°/ que selon l’article L. 212 15 1 devenu L. 3111 2 du code du travail, la qualité de cadre dirigeant suppose notamment pour être retenue que le salarié perçoive une rémunération se situant parmi les plus élevées des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou dans ses établissements ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la rémunération mensuelle brute perçue par le salarié tant au sein de la société NCS, son employeur principal, qu’au sein des sociétés DMMS et Comanet n’était pas très importante ; qu’en lui reconnaissant cependant la qualité de cadre dirigeant au prétexte inopérant que l’emploi qu’il occupait était à chaque fois classé au plus haut niveau de la catégorie des cadres telle que définie par la convention collective, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
4°/ que subsidiairement les juges du fond doivent préciser l’origine des renseignements de fait qui ont servi à motiver leur décision ; qu’à supposer que la cour d’appel ait retenu, par motifs adoptés, que M. X… «détenait l’un des salaires les plus élevés de la société», elle n’a pas précisé d’où elle tirait cette information, contestée par l’exposant et que l’employeur prétendait déduire du seul fait que le salarié percevait un salaire «largement supérieur à celui prévu par la convention collective pour le coefficient le plus élevé» ; qu’elle a dès lors violé l’article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que tout aussi subsidiairement M. X… avait conclu trois contrats de travail, l’un avec la société NCS pour 143,65 heures par mois, rémunérées 4 039,90 euros, et les deux autres avec les sociétés DMMS et Comanet pour sept heures mensuelles chacun, rémunérées 176,08 euros ; qu’à supposer toujours que la cour d’appel ait retenu, par motifs adoptés, que Monsieur X… «détenait l’un des salaires les plus élevés de la société», elle n’a pas précisé à quelle société elle se référait ni si son salaire au sein des deux autres sociétés se situait parmi les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou dans ses établissements ; qu’elle a donc privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 212 15-1 devenu L. 3111 2 du code du travail ;
Mais attendu d’une part qu’ayant relevé que M. X… avait négocié ses contrats de travail dans le cadre d’un accord conclu avec M. Y…, dirigeant du groupe DMMS, sur les conditions de prise de participation de ce groupe dans des sociétés dirigées par M. X…, que dès l’origine les sociétés DMMS, NCS et Comanet n’avaient pas entendu faire de différence dans l’emploi qu’allait occuper M. X… dans des entités juridiquement distinctes, d’autre part , par motifs propres et adoptés, et par une appréciation souveraine des faits et éléments de preuve, que M. X… avait occupé dans l’organigramme des sociétés le poste de secrétaire général, rattaché directement au PDG, fonction le plaçant au centre des décisions en matière économique, financière et sociale, qu’il jouissait d’une totale autonomie dans l’exécution de son contrat, ce qui excluait tout horaire prédéterminé et qu’il percevait l’un des salaires les plus élevés avec rang de numéro 2, la cour d’appel, sans inverser la charge de la preuve, a pu retenir que M. X… avait la qualité de cadre dirigeant non soumis à la législation sur la durée du travail ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour M. X…
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que Monsieur X… appartenait à la catégorie des cadres dirigeants, dit que la dissimulation d’emploi n’était en conséquence pas établie, débouté Monsieur X… de l’ensemble de ses demandes et condamné celuici à payer aux sociétés DMMS, NCS et COMANET diverses sommes au titre de l’article du Code de procédure civile,
AUX MOTIFS PROPRES QUE pour prétendre à la requalification de ses deux contrats de travail conclus le 2 mai 2000 avec la société DMMS et avec la société COMANET en contrats de travail à temps plein pour 151,66 heures par mois ou subsidiairement pour 43,33 heures par mois (contrats se cumulant avec son contrat de travail pour 143,65 heures par mois auprès de la société NCS), Thierry X… doit justifier qu’il a occupé de mai 2000 à juin 2002 un emploi en qualité de cadre soumis aux dispositions spécifiques en matière de durée du travail et de temps de repos (selon les dispositions prévues par le titre 1er et les chapitres préliminaires, 1 et II, du titre II du livre II du code du travail) ; qu’il convient de rappeler que Thierry X… a été engagé par la société NCS le 1er mars 2000 puis deux mois plus tard par la société DMMS et la société COMANET en qualité de secrétaire général du groupe ; qu’ainsi dès l’origine les trois sociétés (la société mère DMMS et ses deux filiales NCS et COMANET) n’ont pas entendu faire de différence dans l’emploi qu’allait occuper Thierry X… dans chacune des trois entités pourtant juridiquement distinctes ; qu’il convient de relever également que c’est Thierry X… qui a négocié ses contrats de travail avec les trois sociétés postérieurement à l’acquisition par la société DMMS de la société PROPREMENT qu’il dirigeait jusqu’au début de l’année 2000 avant son placement sous le régime des procédures collectives et dans le cadre de l’accord conclu avec Jacques Y…, dirigeant du groupe DMMS en date du 16 février 2000 intitulé « grandes lignes de nos accords » prévoyant les conditions futures de prise de participation du groupe DMMS dans ses sociétés (SERVICE COMPRIS et CSM), et que Thierry X… a, parallèlement aux fonctions de secrétaire général du groupe telles que précisées dans ses trois contrats de travail, continué à diriger ses entreprises personnelles et notamment la société CSM (même après la cession de 249 parts à la société DMMS) et la société SERVICE COMPRIS jusqu’à sa cession à la société CSM en janvier 2001) ; qu’il résulte des documents produits aux débats et non contestés par Thierry X… qu’il a occupé dans l’organigramme des sociétés DMMS et COMANET le poste de secrétaire général, poste directement rattaché au poste du Président directeur général des sociétés, occupant ainsi la deuxième position dans la hiérarchie des emplois (selon l’audit réalisé en 2000 par la société AMYOT EXCO concernant la société DMMS) ; que dans le cadre de ses fonctions, Thierry X… reconnaît lui-même avoir assuré la supervision des services comptables, les relations avec les banques et les actionnaires, la supervision des fonctions de Ressources Humaines procédant à l’embauche du personnel cadre (s’agissant de Madame Z…, directeur comptable) et non cadre , avoir été l’interlocuteur des administrations en matière fiscale et sociale et l’interlocuteur des commissaires aux comptes des différentes sociétés du groupe ; qu’ainsi il a occupé des fonctions le plaçant directement au centre des décisions prises en matière économique, sociale et financière ; que si la rémunération mensuelle brute perçue par Thierry X… tant au sein de la société NCS, son employeur principal, qu’au sein des sociétés DMMS et COMANET n’était pas très importante, il convient toutefois de relever que l’emploi qu’il occupait était à chaque fois classé au plus haut niveau de la catégorie des cadres telle que définie par la convention collective ; qu’il résulte suffisamment de l’ensemble de ces éléments que Thierry X… a occupé au sein des sociétés DMMS et COMANET un poste de cadre dirigeant et qu’il n’était donc pas soumis à la législation sur la durée du travail ; qu’ainsi Thierry X… ne peut actuellement oublier totalement le contexte spécifique de son entrée au sein du groupe DMMS et la qualité des fonctions occupées au cours des années 2000 à 2002 pour réclamer, plusieurs années après sa démission, soit l’application stricte de la réglementation en matière de durée du temps de travail qui définit les limites du temps de travail des salariés ne disposant d’aucune indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps soit à titre subsidiaire le strict respect de l’accord du 17 octobre 1997 sur le temps partiel applicable dans les entreprises de propreté qui n’a pour but que de protéger les salariés placés au plus bas de l’échelle des emplois (s’agissant des agents d’entretien) contre un fractionnement trop grand de leur temps de travail de nature à rendre leur emploi précaire ; qu’il convient donc de confirmer le jugement déféré et de débouter Thierry X… de toutes ses demandes;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE la qualification de cadre dirigeant s’appuie sur trois critères cumulatifs : l’exercice de responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’emploi du temps, l’exercice d’une habilitation à prendre des décisions de façon largement autonome, le versement d’une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou l’établissement ; que Monsieur Thierry X… bénéficie d’une large indépendance dans l’exécution de son travail, ce qui exclut tout horaire prédéterminé ; que la qualification de cadre dirigeant est appliquée à ceux qui disposent du pouvoir de décider de la politique économique, sociale et financière de l’établissement ou de l’entreprise, qualité reconnue à Monsieur Thierry X… qui exerce des fonctions impliquant responsabilité et délégation d’une partie de l’autorité du chef d’entreprise ; qu’il est établi que Monsieur Thierry X… disposait d’une totale autonomie et jouissait d’une totale indépendance dans l’exécution de son contrat de travail sans compter le fait qu’il détenait l’un des salaires les plus élevés de la société avec rang de numéro 2 ; que Monsieur Thierry X… décidait de l’embauche du personnel ; qu’au regard de tout ce qui précède, le Conseil dit que Monsieur Thierry X… appartient bien à la catégorie de cadres dirigeants pour qui la durée légale du travail ne trouve à s’appliquer ; que sur le travail dissimulé, tout contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; que Monsieur Thierry X… fait preuve d’une déloyauté malhonnête à l’égard des sociétés qui lui ont fait confiance en adoptant à leur égard un comportement indigne d’un cadre dirigeant ; que la dissimulation d’emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l’article L. 324-10 du Code du travail, à savoir celle constituée par la remise à un salarié d’un bulletin de salaire ne mentionnant pas toutes les heures de travail effectuées, n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; que Monsieur Thierry X… ne rapporte pas la preuve d’une dissimulation intentionnelle d’emploi par l’employeur ; que s’il y a dissimulation d’emploi celle-ci n’a pu se réaliser que grâce à la complicité active de Monsieur Thierry X… qui en est à la fois l’initiateur et le bénéficiaire exclusif pour avoir lui-même rédigé sur mesure son propre statut et s’être auto-désigné secrétaire général ; que Monsieur Thierry X… ne peut se prévaloir du préjudice de travail dissimulé alors que son temps de travail n’est pas décompté ; que Monsieur Thierry X… étant irrecevable en ses prétentions au statut de cadre autonome, le conseil dit qu’il ne saurait faire droit à la demande de dommages et intérêts au titre du travail dissimulé ;
1. ALORS QUE la qualité de cadre dirigeant non soumis à la législation relative à la durée du travail ne peut être reconnue au salarié dont le contrat de travail a été conclu pour un nombre déterminé d’heures de travail ; qu’en l’espèce, il était constant que Monsieur X… avait conclu trois contrats de travail, l’un avec la société NCS pour 143,65 heures par mois, rémunérées 4.039,90 , et les deux autres avec les sociétés DMMS et COMANET pour 7 heures mensuelles chacun, rémunérées 176,08 ; qu’en reconnaissant au salarié la qualité de cadre dirigeant, la cour d’appel a violé l’article L. 212-15-1 devenu L. 3111-2 du Code du travail ;
2. ALORS QU’il appartient à l’employeur d’établir que son salarié remplit les conditions pour être un cadre dirigeant et non au salarié d’établir qu’il relève des dispositions relatives à la durée du travail ; qu’en affirmant que pour prétendre à la requalification de ses contrats de travail à temps partiel en contrats de travail à temps plein, le salarié devait justifier qu’il avait occupé de mai 2000 à juin 2002 un emploi en qualité de cadre soumis aux dispositions spécifiques en matière de durée du travail et de temps de repos, la cour d’appel a violé l’article 1315 du Code civil, ensemble l’article L. 212-15-1 devenu L. 3111-2 du Code du travail ;
3. ALORS QUE selon l’article L. 212-15-1 devenu L. 3111-2 du Code du travail, la qualité de cadre dirigeant suppose notamment pour être retenue que le salarié perçoive une rémunération se situant parmi les plus élevées des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou dans ses établissements ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que la rémunération mensuelle brute perçue par le salarié tant au sein de la société NCS, son employeur principal, qu’au sein des sociétés DMMS et COMANET n’était pas très importante ; qu’en lui reconnaissant cependant la qualité de cadre dirigeant au prétexte inopérant que l’emploi qu’il occupait était à chaque fois classé au plus haut niveau de la catégorie des cadres telle que définie par la convention collective, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
4. ALORS subsidiairement QUE les juges du fond doivent préciser l’origine des renseignements de fait qui ont servi à motiver leur décision ; qu’à supposer que la cour d’appel ait retenu, par motifs adoptés, que Monsieur X… « détenait l’un des salaires les plus élevés de la société », elle n’a pas précisé d’où elle tirait cette information, contestée par l’exposant et que l’employeur prétendait déduire du seul fait que le salarié percevait un salaire « largement supérieur à celui prévu par la convention collective pour le coefficient le plus élevé » (conclusions d’appel des sociétés, p. 14-15) ; qu’elle a dès lors violé l’article 455 du Code de procédure civile ;
5. ALORS tout aussi subsidiairement QUE Monsieur X… avait conclu trois contrats de travail, l’un avec la société NCS pour 143,65 heures par mois, rémunérées 4.039,90 , et les deux autres avec les sociétés DMMS et COMANET pour 7 heures mensuelles chacun, rémunérées 176,08 ; qu’à supposer toujours que la cour d’appel ait retenu, par motifs adoptés, que Monsieur X… « détenait l’un des salaires les plus élevés de la société », elle n’a pas précisé à quelle société elle se référait ni si son salaire au sein des deux autres sociétés se situait parmi les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l’entreprise ou dans ses établissements ; qu’elle a donc privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 212-15-1 devenu L. 3111-2 du Code du travail.