Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (soc., 11 février 2015, n°14-11.409), que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales relevant de ce secteur, ont conclu, le 24 avril 2006, un avenant n° 83 à cette convention collective par lequel ils ont décidé de mettre en oeuvre un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé pour les salariés entrant dans le champ d’application de ce secteur ; qu’AG2R prévoyance a été désignée aux termes de l’article 13 de cet avenant pour gérer ce régime et l’article 14 a imposé à toutes les entreprises entrant dans le champ d’application de l’avenant n° 83 de souscrire les garanties qu’il prévoit à compter du 1er janvier 2007 ; que l’accord a été étendu au plan national, par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie ; qu’AG2R prévoyance a été désignée par les partenaires sociaux, pour une nouvelle durée de cinq ans, comme unique gestionnaire du régime, aux termes d’un avenant n° 100 du 27 mai 2011 étendu par arrêté du 23 décembre 2011 ; que M. Y…, exerçant la profession de boulanger-pâtissier, ayant refusé de s’affilier au régime géré par l’AG2R prévoyance, cette dernière a, le 20 septembre 2011, obtenu une ordonnance portant injonction de payer les cotisations prévoyance, ordonnance à laquelle M. Y… a formé opposition ;
Attendu que pour faire application de l’article 14 de l’avenant n° 83 du 26 avril 2006 étendu par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, la cour d’appel retient que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 juin 2013, a énoncé que la déclaration d’inconstitutionnalité n’était pas applicable aux contrats pris sur ce fondement en cours lors de la publication de la décision et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité, et que la décision du Conseil d’Etat annulant l’arrêté d’extension de l’avenant n° 100 du 27 mai 2011 n’a d’effet que pour les entreprises ayant engagé avant le 17 décembre 2015 une action sur le terrain de l’arrêté d’extension, action qui n’a jamais été exercée par M. Y… ;
Attendu cependant, d’abord, que la Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 17 décembre 2015 (C-25/14 et C-26/14), a dit pour droit que c’est l’arrêté d’extension de l’accord collectif confiant à un unique opérateur, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d’un régime de prévoyance complémentaire obligatoire au profit des salariés, qui a un effet d’exclusion à l’égard des opérateurs établis dans d’autres Etats membres et qui seraient potentiellement intéressés par l’exercice de cette activité de gestion ; qu’il apparaît que dans un mécanisme tel que celui en cause, c’est l’intervention de l’autorité publique qui est à l’origine de la création d’un droit exclusif et qui doit ainsi avoir lieu dans le respect de l’obligation de transparence découlant de l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
Attendu ensuite qu’il résulte du principe d’effectivité issu des dispositions de ce Traité, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, que le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; qu’à cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d’interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel ou, lorsqu’il s’estime en état de le faire, appliquer le droit de l’Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d’une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union européenne ; qu’il en résulte que l’arrêté du 16 octobre 2006 simplement précédé de la publicité prévue à l’article L. 133-14 du code du travail, alors applicable, qui ne peut être regardée comme ayant permis aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l’adoption de la décision d’extension, incompatible avec les règles issues du droit de l’Union tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne, doit voir son application écartée en l’espèce ;
Qu’en statuant comme elle a fait, sans constater que M. Y… était adhérent d’une organisation professionnelle signataire de l’avenant n° 83 du 24 avril 2006 étendu par l’arrêté du 16 octobre 2006, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 janvier 2017, entre les parties, par la cour d’appel d’Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rouen ;
Condamne l’AG2R réunica prévoyance aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’AG2R réunica prévoyance et la condamne à payer à M. Y… la somme de 3000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. Y…
Le moyen reproche à l’arrêt partiellement infirmatif attaqué D’AVOIR ordonné à monsieur Y… de régulariser son adhésion au régime complémentaire de santé d’AG2R Prévoyance et de l’avoir condamné à payer à AG2R Prévoyance la somme de 6.244,68 euros au titre des cotisations dues ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE les accords conclus dans le cadre de négociations collectives entre partenaires sociaux destinés à améliorer les conditions d’emploi et de travail devaient être considérés en raison de leur nature et de leur objet, comme ne relevant pas de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE ; que tel était le cas en l’espèce de l’avenant qui avait été négocié par les partenaires sociaux et qui portait sur la mutualisation du risque santé au profit des salariés de la branche et améliorait ainsi les conditions d’emploi et de travail des salariés ; que l’avenant n°83 n’était donc pas illicite au regard des dispositions de l’article 101 du TFUE; qu’il existait ainsi un contrôle de l’Etat périodique sur les modalités de fonctionnement du régime; que l’institution AG2R Prévoyance n’exerçait donc pas d’activité économique au sens du droit communautaire ; qu’enfin et en tout état de cause, même si l’institution AG2R Prévoyance pouvait être reconnue comme exerçant une activité économique, il n’était pas établi que le marché pouvait être substantiellement affecté par le monopole de cette institution de sorte que l’abus de position dominante n’était pas caractérisé ; que l’avenant n°83 était donc conforme au droit communautaire et que le recours à la question préjudicielle ne s’imposait pas ; que dès lors qu’il existait un délai laissé aux entreprises bénéficiant déjà d’un régime de garantie autre pour s’adapter à l’obligation de changer d’assureur, le principe d’adaptation posé par l’article L. 2253-2 du code du travail était respecté; qu’en l’espèce, l’article 16 de l’avenant avait prévu un délai jusqu’au 1er janvier 2007) suffisant pour permettre aux entreprises de boulangerie de se mettre en conformité avec leur obligation de changer d’assureur ; que l’avenant n° 83 était donc conforme au droit interne ; que monsieur Y… avait donc depuis le 1er janvier 2007 l’obligation d’adhérer au régime complémentaire santé de l’institution AG2R Prévoyance ; qu’à ce jour, il n’avait pas régularisé cette adhésion ; qu’il y avait donc lieu de lui enjoindre de régulariser son adhésion dans le délai d’un mois suivant la signification du présent jugement, avec au delà, en l’absence d’exécution, une astreinte provisoire de 30,00 euros par jour de retard à courir sur un délai de 60 jours jugement, p. 8, § 8, p. 9, § 1 et 2, p. 11, § 1 à 6, p. 12, § 6, p. 13, §§ 1 à 6);
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE les parties étaient en état d’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation qui avait été rendu le 11 février 2015 cassant et annulant l’arrêt rendu Je 18 décembre 2013 par la cour d’appel de Douai et renvoyant la cause devant la cour d’appel de céans ; que la Cour régulatrice retenait essentiellement qu’en subordonnant la validité de la clause de désignation de l’institution AG2R Prévoyance à une mise en concurrence préalable par les partenaires sociaux de plusieurs opérateurs économiques, la cour d’appel précédente avait violé les articles 101, 102 et 106 du TFUE, L. 912-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige et de l’avenant n° 83 du 24 avril 2006 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1979 ; que la Cour de cassation avait rappelé que la Cour de justice de l’Union européenne avait décidé, par un arrêt du 3 mars 2011 (AG2R Prévoyance contre Beaudout), que l’affiliation obligatoire à un régime complémentaire de frais de soins pour l’ensemble des entreprises du secteur concerné à un seul opérateur, sans possibilité de dispense, était conforme à l’article 101 TFUE ; qu’elle avait ajouté qu’elle avait jugé par le même arrêt, pour autant que l’activité consistant dans la gestion d’un régime de remboursement de frais de soins de santé tel que celui en cause devait être qualifiée d’économique, que les articles 102 et 106 du TFUE ne s’opposaient pas, dans des circonstances telles que celles de l’affaire, à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur concerné d’être dispensées de s’affilier audit régime et qu’enfin il résultait des dispositions des articles 102 et 106 du traité qu’elles n’imposaient pas aux partenaires sociaux de modalités particulières de désignation du gestionnaire d’un régime de prévoyance obligatoire ; que monsieur Y… contestait vigoureusement la teneur de la décision rendue par la chambre sociale de la Cour de cassation en considération de ce que la Cour de justice de l’Union européenne aurait modifié sa position dans l’affaire Beaudout rendue le 17 décembre 20 15 ; que cependant, la Cour de justice de l’Union européenne rendant un arrêt consécutif à une question préjudicielle relative à l’exigence de transparence posée par le Conseil d’Etat avait évoqué le principe d’une éventuelle exigence de transparence lorsque les activités économiques en cause étaient transfrontalières et avait rappelé la nécessité d’une information du marché ; que la Cour de justice, en raison des effets importants sur l’existence d’un régime d’une éventuelle annulation de l’arrêté d’extension au motif d’un défaut de transparence préexistant à son arrêt, pouvaient (sic) continuer leurs effets jusqu’au terme de la période en cours ; que le principe même de la clause de désignation avait été validée par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 3 mars 2011 rappelé par la Cour de cassation ; que cet arrêt consacrait la validité des clauses de désignation et de migration dès lors que les partenaires sociaux à l’origine de l’avenant n° 83 avaient poursuivi un objectif commun visant à mettre en place un régime assurant un degré élevé de solidarité en raison notamment du caractère forfaitaire des cotisations et de l’obligation pour l’assureur d’accepter tous les risques ; qu’en droit interne, le remboursement des frais engagés à l’occasion d’une maladie ou d’un accident était l’un des domaines de garanties collectives de prévoyance organisé par l’article L.911-2 du code de la sécurité sociale ; que les dispositions de l’article L.912-l du code de la sécurité sociale étaient relatives à la clause de désignation dont monsieur Y… contestait la licéité ; que ce dernier soutenait que le Conseil constitutionnel, par une décision du 18 octobre 2013, avait décidé de l’inconstitutionnalité de l’article L.912-l du code de la sécurité sociale et avait déjà déclaré inconstitutionnelle la clause de migration qui prévoyait même pour les entreprises bénéficiant d’un autre assureur l’obligation d’affiliation à AG2R; que, cependant, le Conseil constitutionnel avait expressément indiqué que ces déclarations d’inconstitutionnalité ne s’appliquaient pas aux situations en cours ce qui était bien le cas pour monsieur Y…, concerné par cette question, qui était de savoir s’il devait rejoindre obligatoirement l’institution AG2R au 1er janvier 2007 comme le prétendait l’organisme, la portée de ces décisions étant donc limitée aux seuls contrats qui pourraient être signés après la publication ; que monsieur Y… invoquait également la décision rendue le 8 juillet 2016 par le Conseil d’Etat qui avait annulé l’arrêté d’extension de l’article 6 de l’avenant n°100 du 27 mai 2011 à la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie pris par le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ; que, cependant, s’agissant de cet arrêt du Conseil d’Etat, seul l’arrêté d’extension de l’avenant n° 100 avait été annulé, les effets de cette annulation étant différés au 1er janvier 201 7 sauf pour les entreprises ayant engagé une action avant le 17 décembre 2015 sur le terrain de l’arrêté d’extension, recours qui n’avait jamais été exercé par monsieur Y… ; que la présente juridiction n’envisageait pas de poser de question préjudicielle au Conseil d’Etat comme le réclamait monsieur Y… ; que la Cour de cassation elle-même, contrairement à ce que soutenait monsieur Y…, n’était pas tenue de saisir d’une question préjudicielle la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci ayant déjà interprété les articles 101, 102 et 106 du TFUE dans son arrêt du 3 mars 2011; qu’il devait être retenu de ce qui précédait que l’ensemble des entreprises entrant dans le champ d’application de la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie étaient soumises aux dispositions de l’avenant n° 83 du 24 avril 2006 qui avait mis en place, dans cette profession, un régime obligatoire de remboursement obligatoire complémentaire de frais de santé ; que cette obligation résultait des dispositions de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, des termes de l’avenant n° 83 et plus spécifiquement de la clause de désignation et de la clause de migration ainsi que de l’avenant n° 100 qui avait renouvelé le dispositif, qui était licite y compris dans le choix de l’institution AG2R Prévoyance par les partenaires sociaux pour gérer ce régime obligatoire ; que la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 3 mars 2011 et que les arrêts successifs rendus par la chambre sociale de la Cour de cassation validaient ce dispositif pour l’affaire dont la présente juridiction était saisie ; que c’était donc à bon droit que le premier juge avait ordonné à monsieur Y… de régulariser son adhésion au régime complémentaire santé de l’institution AG2R Prévoyance et avait fixé une astreinte passé le délai d’un mois ; qu’il y avait lieu en conséquence de confirmer le jugement rendu le 12 novembre 2012 par le tribunal d’instance de Lille sauf en ce qu’il avait débouté l’institution AG2R Prévoyance de sa demande en paiement des cotisations dues par monsieur Y… ; qu’il ressortait des éléments du dossier et des pièces versées aux débats que monsieur Y… était bien débiteur de cotisations auprès de l’institution AG2R Prévoyance et qu’il convenait de le condamner à payer à celle-ci la somme de 6.244,68 € outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé de l’injonction de payer le 20 septembre 2011 sans qu’il soit nécessaire pour autant de surajouter une astreinte à cette condamnation (arrêt, pp. 4 à 6) ;
ALORS, D’UNE PART, QUE par une décision rendue le 8 juillet 2016, le Conseil d’Etat, considérant qu’il n’avait pas été précédé d’une publicité adéquate permettant aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l’adoption de la décision d’extension, a annulé l’article 6 de l’arrêté du 23 décembre 2011 en tant qu’il étendait l’article 6 de l’avenant n° 100 du 27 mai 2011, à effet du 1er janvier 2017, sous réserve des actions contentieuses mettant en cause des actes pris sur son fondement engagées avant le 17 décembre 2015 ; que les actions contentieuses visées par cette décision du Conseil d’Etat sont tant celles portées devant les juridictions civiles, que celles portées devant les juridictions administratives ; qu’en retenant néanmoins, pour regarder monsieur Y… comme tenu d’adhérer au régime complémentaire de santé d’ AG2R Prévoyance sur le fondement de l’article 6 de l’avenant n° 100 du 27 mai 2011 étendu par l’arrêté du 23 décembre 2011, qu’il n’avait pas exercé d’action avant le 17 décembre 2015, cependant qu’il résultait au contraire de ses propres constatations que la procédure judiciaire opposant ce boulanger à AG2R Prévoyance durait depuis le 12 septembre 2011, la cour d’appel a méconnu l’autorité de la chose jugée de la décision du juge administratif et violé le principe de la séparation des pouvoirs et la loi des 16 et 24 août 1790;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE s’agissant du droit de l’Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du Traité sur l’Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qu’en application de l’article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d’effectivité issu des dispositions de ces Traités, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, que le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; qu’à cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d’interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel ou, lorsqu’il s’estime en état de le faire, appliquer le droit de l’Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d’une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d’un acte administratif au droit de l’Union européenne ; qu’il en résulte que l’arrêté du 16 octobre 2006, ayant étendu les dispositions de l’avenant n°83 du 24 avril 2006 relatif à la mise en place d’un régime de remboursement complémentaire de frais de santé, simplement précédé de la publicité prévue à l’article L. 133-14 du code du travail, alors applicable, qui ne peut être regardée comme ayant permis aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l’adoption de la décision d’extension, est incompatible avec les règles issues du droit de l’Union tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne et doit voir son application écartée ; qu’en retenant néanmoins que l’ensemble des entreprises entrant dans le champ d’application de la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, dont celle de monsieur Y…, seraient soumises aux dispositions de l’avenant n° 83 du 24 avril 2006 étendu par l’arrêté du 16 octobre 2006, par la double considération erronée, d’une part, que la décision d’annulation rendue par le Conseil d’Etat le 8 juillet 2016 n’aurait concerné que l’arrêté du 23 décembre 2011, d’autre part, que le dispositif mis en place par l’avenant n° 83 du 24 avril 2006 étendu par l’arrêté du 16 octobre 2006 aurait été conforme au droit de l’Union européenne, la cour d’appel a violé l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
ECLI:FR:CCASS:2018:SO01201