Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. W… a été engagé le 1er octobre 2010 par la société Eurocave en qualité de directeur général ; qu’il a été licencié pour faute grave le 6 décembre 2011 ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l’employeur :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié :
Vu les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l’arrêt retient qu’à compter du mois de mars 2011, il apparaît que le salarié a, lors des comités de direction et des comités exécutifs auxquels il participait, affiché une divergence fréquente avec les enjeux stratégiques, que cette position affichée de divergence est ainsi exprimée dans un document de travail que le salarié a remis au consultant désigné par la direction pour mener un séminaire de réflexion stratégique et qui a, dans ce cadre, interviewé les cadres de la société, que l’attestation du consultant confirme que ce document, remis par le salarié spontanément, expose de manière très nette la position négative de ce dernier sur la stratégie menée, qu’il devait pourtant soutenir de par ses fonctions, ainsi que les termes excessifs tenus à l’encontre du PDG en ces termes « Un PDG en mode panique », « une équipe de direction qui ne comprend plus son PDG », qu’il importe peu que le consultant ait été ou non tenu à la confidentialité, qu’il n’en reste pas moins qu’en lui remettant ce document de travail, le salarié a exprimé publiquement et de manière excessive ses divergences avec son PDG alors qu’il était pourtant tenu à son endroit à une obligation de loyauté, que si les autres documents retrouvés dans son ordinateur et allégués par l’employeur à l’appui de la mesure de licenciement n’ont pas fait l’objet de diffusion publique, tel le projet de mail à un actionnaire de la société Eurocave (société Qualis) ou la lettre anonyme dans laquelle le salarié, se présentant comme un employé de la société, critique les décisions prises par la direction, indiquant en outre qu’elles sont contraires à l’opinion de « plusieurs personnes de la direction » ou encore le courriel adressé à Mme G…, dans laquelle il indique que le PDG « est visiblement reparti sur une paranoïa aigüe », il n’en reste pas moins que ces écrits, dont le salarié ne nie pas être l’auteur, confirment clairement sa divergence profonde envers sa direction, que sur ce point, les attestations produites par le salarié et émanant de plusieurs collègues, membres ou non du comité exécutif ne permettent pas de retenir que les divergences exprimées n’avaient pas de caractère excessif, que s’agissant des propos dénigrants envers le PDG, l’employeur produit la seule attestation du consultant qui rapporte que le salarié a tenu des propos virulents à l’encontre du PDG fin novembre 2011, que toutefois ces propos dont la teneur exacte n’est pas rapportée ont été tenus alors que la procédure de licenciement avait été lancée et ne peuvent donc être invoqués comme cause de celui-ci, qu’il résulte des éléments produits aux débats que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement était bien fondé sur une faute grave ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le document remis par le salarié au consultant, qui était chargé de mener une réflexion sur la stratégie du groupe et d’interroger les cadres, ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, et que les autres documents retrouvés dans l’ordinateur n’avaient pas fait l’objet d’une diffusion publique, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal du salarié :
Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, ce dernier texte dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu que pour condamner la société à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation contractuelle de fixer les objectifs permettant le calcul de la rémunération variable pour 2011, l’arrêt retient que début janvier 2011, l’employeur a fait connaître à l’ensemble des cadres des objectifs à atteindre à laquelle était annexé un tableau reprenant les objectifs individuels et indiquant qu’il convenait d’en discuter afin d’affiner les chiffres, que si aucun document ne permet de confirmer que le salarié a validé ces chiffres, il n’apparaît pas qu’il les ait contestés, qu’ayant été licencié début décembre 2011 il aurait donc dû à cette date connaître les éléments chiffrés concernant l’EBIT comme les objectifs atteints aux fins que soit calculée la prime d’objectifs à laquelle il a contractuellement droit, qu’en ne le faisant pas, et sans pouvoir lui reprocher sa carence dans l’administration de la preuve alors qu’il s’agit d’éléments comptables qu’elle seule détient, la société a manqué à son obligation contractuellement prévue et a privé le salarié d’une chance d’améliorer sa rémunération, lui causant ainsi un préjudice certain qui sera réparé par l’allocation d’une somme de 17 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’en l’absence de fixation des objectifs, il lui appartenait de fixer le montant de la rémunération variable pour l’exercice 2011 en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes, et, à défaut, des données de la cause, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déclare irrecevable la demande de la société Eurocave tendant à faire juger non fondée l’ordonnance rendue le 29 mai 2012 par le bureau de conciliation présidé par le juge départiteur, l’arrêt rendu le 5 mai 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société Eurocave aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. W… ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. W….
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu’il avait dit et jugé que le licenciement de M. W… était fondé sur une faute grave et d’avoir en conséquence écarté ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; que l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; que la lettre de licenciement adressée à Monsieur W… est la suivante :
« Monsieur,
Malheureusement, nous sommes au regret d’avoir constaté à votre encontre de graves agissements dans l’accomplissement de votre mission. Cette situation nous a contraints à envisager la rupture de votre contrat de travail et nous vous avons reçu en entretien préalable le 28 novembre 2011 afin d’entendre vos explications sur les faits qui vous sont reprochés.
Eu égard à l’importance de vos responsabilités, nous avons été dans l’obligation de vous placer en mise à pied à titre conservatoire durant la procédure.
En effet, vous avez été embauché le 5 octobre 2010 en tant que Directeur général de l’activité Eurocave Professionnel. Votre contrat de travail vous plaçait directement sous le lien de subordination du président.
En ayant la responsabilité de ce réseau vous aviez comme principale fonction d’être le relais et le premier soutien du président dans le pilotage du groupe Eurocave.
Malgré l’impérieuse nécessité de loyauté qu’impose votre fonction de direction générale, vous avez par vos actions porté gravement atteinte à l’autorité et à la crédibilité de votre employeur.
Votre liberté de comportement est d’autant plus grave au regard de votre faible ancienneté dans l’entreprise.
À compter du mois de mars votre collaboration avec la Présidence du groupe Eurocave est devenu difficile avec des enjeux stratégiques non partagés. Cette situation s’est dégradée au cours de ces derniers mois avec des dénigrements publics et répétés envers le président et une diffusion d’informations contradictoires à votre entourage professionnel.
À titre d’exemples nous avons notamment relevé les faits suivants :
– Divergence fréquente et affichée sur les enjeux stratégiques : le transfert de la production du site d’Albon sur le site de Fourmies, la fabrication du Sowine en Chine, le lancement de la gamme EcoCave, la stratégie de la marque ARTEVINO.
– Dénigrement public de la direction : « Le Président fonctionne en mode panique », « Le Président déstabilise en permanence l’organisation », « Le Président est en mode l’engeance » [sic]
– Retranscription constante par vos soins de ce qui était dit par le Président en comité de direction.
Le document remis par vos soins à notre consultant en charge de préparer le séminaire stratégique de la société Eurocave, est venu très nettement confirmer ces faits. Déloyauté, perte de confiance, intention de nuire.
Au regard de l’importance du poste que vous occupiez votre comportement caractérise une violation grave de votre obligation de loyauté envers votre employeur.
Nous avons été informés de l’existence d’un projet de lettre anonyme fomenté par vos soins.
Ce qui corrobore votre volonté affichée et délibérée, depuis plusieurs semaines de nuire à l’entreprise.
À aucun moment vous n’avez alerté la présidence des craintes d’une partie des membres du comité de direction. Vous avez délibérément opté pour une attitude d’omission, de mensonge voire de sabotage envers la présidence.
Vous avec sciemment déstabilisé les membres du comité de direction, pour augmenter leurs inquiétudes afin de faire entrave aux pouvoirs de la présidence.
L’enquête nous a amenés à confirmer notre sentiment et nos doutes croissant à votre égard.
Les nombreuses preuves et témoignages recueillies que nous avons fait constater par voie d’huissier font clairement apparaître une intention manifeste de nuire au Président.
L’ensemble de ces fautes a été de nature à nous faire perdre définitivement toute la confiance que nous avions pu vous accorder.
Au cours de l’entretien nous avons précisément écouté votre sentiment sur les faits reprochés.
Malheureusement vos arguments n’ont pas été de nature à remettre en cause la réalité de vos fautes.
Compte tenu de ce qui précède le maintien de votre contrat de travail s’avère impossible même pendant le préavis. Ce qui nous oblige à rompre notre collaboration pour faute grave.
Votre licenciement prend donc effet par la présente lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement. Cependant, cette rupture ne fait pas obstacle eu bénéficie de vos droits auprès du Pôle emploi.
La mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l’objet depuis le 18 novembre 2011 à 18h50 ne pourra pas vous être rémunérée.
Malgré la qualification atténuée que nous avons souhaité retenir, les faits reprochés caractérisent une faute lourde de nature à engager votre responsabilité personnelle.
Nous nous réservons ainsi le droit d’envisager toute poursuite judiciaire supplémentaire en indemnisation du préjudice subi, si nous devions découvrir d’autres éléments de nature à l’aggraver.
Enfin, nous vous informons que votre contrat de travail comporte une clause de non concurrence à laquelle nous entendons expressément renoncer. À ce titre, vous serez donc libre de tout engagement.
Néanmoins, nous vous rappelons qu’il vous est interdit de communiquer à qui que ce soit les procédés de réalisation ou les méthodes commerciales ou toutes autres informations ou documents quel que soit leurs natures qui seraient en votre possession ou dont vous auriez eu connaissance et à plus forte raison d’en faire l’emploi pour votre compte personnel ou pour le compte d’une autre entreprise. Nous vous demandons de bien vouloir vous présenter au bureau de Madame L…, le 15 décembre 2011 à 19H afin de :
– percevoir votre dernière paie, votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi,
– restituer les biens de la société en votre possession : véhicule de fonction, papiers et clefs du véhicule, carte totale, (phone, carte 3G+, badge du parking, badge d’entrée, cane totale, dernières notes de frais, ainsi que tous documents appartenant à la société
– de nous remettre tous documents, fichiers informatiques en votre possession concernant des informations relatives au Groupe EuroCave » ;
que la société EUROCAVE reproche donc à Monsieur W… des divergences fréquentes et affichées sur les enjeux stratégiques, un dénigrement public de la direction, une déloyauté, une perte de confiance et une intention de nuire ; qu’il est constant que si le salarié jouit eu sein de l’entreprise et en dehors de celle-ci d’une liberté d’expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées eu but recherché, il ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; qu’il est également constant que l’examen du caractère excessif des propos tenus par un salarié dépend non seulement des propos en eux-mêmes mais également du poids qui peut leur être accordé en raison de la position du salarié dans l’entreprise ; qu’ainsi, un cadre dirigeant est tenu à une obligation de réserve et de loyauté renforcée par rapport à un simple employé ; que Monsieur W… occupait au sein de la société EUROCAVE PROFESSIONNAL, les fonctions de Directeur Général rattaché directement au PDG du GROUPE EUROCAVE, Monsieur D… ; qu’il devait, en collaboration directe avec lui, développer le marché des applications à usage professionnel et définir, ajuster et mettre en oeuvre la stratégie générale pour développer cette activité ; qu’il s’engageait par ailleurs, pour l’exécution de sa fonction, à respecter les directives qui lui seront données et qui concernent la direction de la société ; qu’il était également membre du comité de direction du Groupe EUROCAVE ; qu’à compter du mois de mars 2011, il apparaît cependant, comme le démontre la société EUROCAVE, que Monsieur W… a, lors des comités de direction et des comités exécutifs auxquels il participait, affiché une divergence fréquente avec les enjeux stratégiques ; que cette position affichée de divergence est ainsi exprimée dans un document de travail que Monsieur W… a remis à Monsieur S…, consultant désigné par la direction pour mener un séminaire de réflexion stratégique et qui a, dans ce cadre, interviewé les cadres de la société et notamment Monsieur W… ; que l’attestation de Monsieur S… confirme que ce document remis par Monsieur W… spontanément, expose de manière très nette la position négative de ce dernier sur la stratégie menée, qu’il devait pourtant soutenir de par ses fonctions, ainsi que les termes excessifs tenus à l’encontre du PDG Monsieur D… en ces termes : « Un PDG en mode panique », « une équipe de direction qui ne comprend plus son PDG » ; qu’il importe peu que Monsieur S… ait été ou non tenu à la confidentialité ; qu’il n’en reste pas moins qu’en lui remettant ce document de travail, Monsieur W… a exprimé publiquement et de manière excessive ses divergences avec son PDG, alors qu’il était pourtant tenu à son endroit à une obligation de loyauté ; que si les autres documents retrouvés dans son ordinateur et allégués par l’employeur à l’appui de la mesure de licenciement, n’ont pas fait l’objet de diffusion publique, tel le projet de mail à un actionnaire de la société EUROCAVE (société QUALIS) ou la lettre anonyme dans laquelle Monsieur W…, se présentant comme un employé de la société, critique les décisions prises par la direction, indiquant en outre qu’elles sont contraires à l’opinion de « plusieurs personnes de la direction » ou encore le courriel adressé à Mme G…, dans laquelle il indique que RB… D… « est visiblement reparti sur une paranoïa aiguë », il n’en reste pas moins que ces écrits, dont Monsieur W… ne nie pas être l’auteur, confirment clairement sa divergence profonde envers sa direction ; que, sur ce point, les attestations produites par Monsieur W… et émanant de plusieurs collègues, membres ou non du comité exécutif ne permettent pas de retenir que les divergences exprimées n’avaient pas de caractère excessif ; que s’agissant des propos dénigrants envers Monsieur D…, l’employeur produit la seule attestation de Monsieur S… qui rapporte que Monsieur W… a tenu des propos virulents à l’encontre de Monsieur D… fin novembre 2011 ; que toutefois, ces propos dont la teneur exacte n’est pas rapportée ont été tenus alors que la procédure de licenciement avait été lancée et ne peuvent donc être invoqués comme cause de celui-ci ; que sur le manquement de Monsieur W… de manière générale à son obligation de loyauté, la société EUROCAVE établit cependant par la production de l’attestation de Monsieur K… manager d’EUROCAVE GROUPE sur le secteur ASIE PACIFIQUE, que Monsieur W…, par la diffusion d’informations erronées et de sous-entendus appuyés sur un comportement prétendument inapproprié de Monsieur D… envers la DRH du GROUPE EUROCAVE, a cherché à nuire à la réputation et à la crédibilité de ce dernier ; que dans ce contexte, les informations émanant de Monsieur F…, de Mme M… ainsi que la décision judiciaire concernant les liens que Monsieur W… a eu avec un ancien directeur commercial de la société EUROCAVE, licencié pour faute lourde, ne sont pas pertinentes pour établir un manquement à l’obligation de loyauté de Monsieur W… dans le cadre de ses fonctions au sein de cette société ; qu’il résulte toutefois des éléments produits aux débats que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement de Monsieur W… était bien fondé sur une faute grave ; que Monsieur W… sera donc débouté, par confirmation de ce jugement, de toutes demandes indemnitaires découlant d’un licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis ; que la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l’employeur ; que Monsieur W… occupait les fonctions de Directeur Général Eurocave Professionnel, statut Cadre dirigeant, reportait directement au Président de la Société EUROCAVE Monsieur D…, était membre du Comité de Direction et avait pour mission principale, en collaboration étroite avec le PDG d’EUROCAVE, de développer le marché des applications à usages professionnels destinées à la conservation, la mise en température, le service et le rangement du vin (contrat de travail non régularisé pièce 2 du salarié et mail du 20 décembre 2010 du salarié reprenant le contenu de ses fonctions pièce 1 document 1 de l’employeur) ; que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, reproche au salarié les fautes suivantes : Divergence fréquente et affichée sur les enjeux stratégiques ; que, pour illustrer ce grief l’employeur retient quatre exemples qu’il convient d’examiner successivement ; que s’agissant du transfert de la production du site d’Albon sur le site de Fourmies, l’employeur expose sans être contredit que le projet de transfert a été longuement mûri et mis en place avant même la nomination de Monsieur D… au poste de président lequel à son arrivée a poursuivi la mise en oeuvre du projet « Rebond » avec l’équipe déjà en place (Messieurs Y…, XK… , T…, B… et R… et Madame U…) mais aussi avec des recrutements externes (Madame L…, Messieurs X…, Q…), l’intervention du cabinet ACFOR Conseil chargé de la réussite du transfert de la production en la personne de Messieurs P… et A… (pièces 32 et 33) mais aussi l’intervention de Monsieur W… en qualité de Consultant de la société ADVINEO du 1er juin au 30 septembre 2010 avant d’intégrer la société le 1er octobre 2010 en qualité de Directeur Général de l’activité professionnelle (pièces 8) ; que le comité de pilotage du projet « Rebond » auquel participait Monsieur W… n’a jamais émis la moindre réserve sur la faisabilité de ce transfert ni émis de critiques sur les modalités de mise en oeuvre ainsi que cela ressort du compte-rendu du 17 décembre 2010 et des échanges antérieurs de mails (pièces 11), que c’est parce que des difficultés sont apparues lors du transfert sur le site de FOURMIES que Monsieur W… a par courriel du 22 avril 2011 proposé de rallonger les délais de livraison des clients (pièce 20 du salarié) alors qu’au même moment Monsieur Y… Directeur du site indiquait que tout allait rentrer dans l’ordre dans un délai de 3 à 4 semaines (pièce 11 bis mail du 20 avril de Monsieur Y…) ; que c’est dans ce contexte de double langage et en particulier d’un mail très alarmiste de Monsieur W… du 21 avril qualifiant la situation de FOURMIES de « très kafkaïenne et probablement caractéristique de la façon dont les 2 sites se sont parlés pendant le transfert – avis personnel » (sic) que le président en voyage d’affaires en Chine a fait connaître son mécontentement en relevant que « le pilotage du projet n’est pas assuré, des doubles communications, des décisions non partagées » (mail du 22 avril pièce 11 bis) ; qu’il faut retenir que Monsieur W… a fait savoir a posteriori et dans des termes de nature à remettre en cause la décision prise par la société son opposition alors même qu’il n’avait précédemment émis aucune critique ; que s’agissant de la fabrication du Sowine en Chine, il n’est pas contesté que ce projet, présenté par Monsieur Q… Directeur Marketing & Communication, a été validé en Comité de Direction ; qu’au lieu de faire connaître ses réticences et arguments en temps et heures auprès de la présidence, Monsieur W… a attendu la mise en oeuvre de ce projet pour informer fin juillet 2011 Monsieur BI… C…, un des actionnaires, de difficultés rencontrées par la société ainsi que cela ressort des termes du projet de mail que le salarié se proposait d’envoyer à cet actionnaire (pièce 1 document n° 9, projet du 26 août et n° 15, projet du 29 août) ; que, s’agissant du lancement de la gamme EcoCave ; il n’est pas contesté que ce lancement a été validé par le Comité de Direction auquel Monsieur W… participait, or ce dernier a fin août 2011 adopté une position différente en proposant de « repousser les lancements des gammes meubles et Ecocave pour prendre le temps d’une phase d’industrialisation du nouveau coffre EcoCave réellement complète et éprouvée » (document n° 21 pièce 1) ; que s’agissant de la stratégie de la marque ARTEVINO ; alors que Monsieur W… conclut en page 17 avoir « pu faire état de ses réserves mais uniquement dans l’intérêt de la société », l’intéressé écrivait le 29 août 2011 que « la marque Arte Vino est en danger sur ses référencements, alors qu’en avait été bien redynamisée par MQ… V… et son équipe » (document n° 21 pièce 1) ; qu’alors que le salarié explique « avoir fait part de ses doutes en amont des décisions mais avoir respecté celles-ci une fois adoptées » (conclusions page 17), les exemples sus-visés établissent qu’en réalité Monsieur W… a marqué son opposition ou émis des critiques une fois les décisions prises et, non content d’exprimer un avis divergent auprès des membres du Comité de direction, il n’a pas hésité à le faire savoir à l’extérieur en contactant un actionnaire important, Monsieur C…, de la société QUALIS ; que sur le dénigrement public de la direction, l’employeur illustre ce grief par les propos suivants imputés au salarié : « le Président fonctionne en mode panique », « le Président déstabilise en permanence l’organisation », « le Président est en mode vengeance » et reproche aussi la retranscription constante de ce qui était dit par le Président en comité de direction ; que, dans le projet de mail du 29 août 2011 à l’attention Monsieur BI… C…, Monsieur W… écrit « une équipe de direction qui a perdu le sens et ne comprend plus son PDG qui paraît en mode panique (de nombreuses actions personnelles incompréhensibles et en contradiction avec ce que nous validons en comex) » (pièce 1 document n° 15) et qu’il reprend cette même expression dans le document d’août 2011 remis à Monsieur S… et qui sera retrouvé dans son ordinateur professionnel (pièce 1 document n° 25) ; que, dans un échange de mail avec Madame G…, fournisseur de la Société Monsieur W… écrit le 17 octobre 2011 « il [le président] est visiblement reparti sur une paranoïa aigue » (pièce 1 document n° 17) ; que Monsieur S…, consultant au sein de la société SENSEO CONSEIL en charge de l’animation d’un séminaire de réflexion stratégique et qui le 20 septembre 2011 a conduit un entretien avec Monsieur W… atteste que ce dernier lui a remis à la fin de l’entretien et sans donner aucune consigne de confidentialité – confidentialité que Monsieur W… lui-même ancien consultant n’aurait pas manqué de rappeler à son interlocuteur si tel avait été le sens de sa démarche – un document daté d’août 2011 rédigé par ses soins et qui comportait des termes dénigrants à l’égard du président (pièce 6) ; que cette attestation qui n’a fait l’objet d’aucune procédure pour faux a donc bien une valeur probante ; que Monsieur W… explique ne pas avoir tenu publiquement les propos incriminés, précise que la version finale qu’il a diffusée dans le cadre restreint du comité de direction ne comportait plus ces propos et conteste avoir tenu le propos « le président est en mode vengeance » ; que la publicité des termes dénigrants est établie par la remise du document les comportant à un tiers Monsieur S… ; que, par ailleurs, les termes employés de nature à porter atteinte à la crédibilité et aux compétences professionnelles du président revêtent un caractère excessif ce qui ne permet pas au salarié de se prévaloir de son droit à la liberté d’expression ; que, sur la déloyauté, perte de confiance, intention de nuire, dans l’ordinateur professionnel de Monsieur W… l’employeur a découvert un projet de lettre « anonyme » (pièce 1 document n° 24) ; que Monsieur W… reconnaît avoir écrit ce document mais rappelle qu’il n’a jamais diffusé ou évoqué ce texte ; que le sentiment le salarié dans cet écrit est celui d’une totale défiance à l’égard du président mais aussi un questionnement sur les compétences du dirigeant « qui a mis plusieurs semaines à comprendre et qui nie maintenant les problèmes. C’est devenu un sujet de plaisanterie dans les couloirs, y compris parmi les membres de la direction, qui semblent ne plus savoir comment réagir face à la négation des sujets par Monsieur D…. Par exemple, ils mettent des dates sur les projets juste pour éviter un retour de bâton, peu importe que ce soit réaliste ou pas » et enfin la remise en cause des choix stratégiques décidés pourtant en comité de direction puisque Monsieur W… conclut que « début 2012, des décisions de réduction de coûts et de suppression d’emploi vont vous être annoncées et si c’était juste les conséquences des décisions de Monsieur D… qui n’a pas écouté ? » ; que ce document illustre la volonté de Monsieur W… de ne pas soutenir le président dans la mise en oeuvre des choix arrêtés par ce dernier après examen en comité de direction manifestant par ce document son intention cachée et persistante de se désolidariser de la présidence contrairement à la mission de faire le relais que lui conférait son statut de cadre dirigeant placé sous la seule autorité du PDG ; que Monsieur W… est à l’origine de la rupture du lien de confiance étant rappelé que ce comportement a dépassé le cercle du comité de direction puisqu’il était aussi connu de collaborateurs de la société travaillant en Chine ; qu’en effet Monsieur K… atteste avoir été informé « par les membres de la direction sur l’avenir professionnel de Monsieur D… au sein de l’entreprise ainsi que sa possible éviction en qualité de directeur général » ; que Madame H… déclare « avoir été surprise des remontés d’information voire dénigrement car je reconnais en rien les qualités et compétences de P. D… » [sic] ; que Monsieur I… qui a eu « vent de certaines informations rapportant le climat difficile au sein d’EUROCAVE. À mon grand étonnement, certaines personnes avaient une opinion toute différente de la mienne, mettant en cause les compétences, les qualités humaines et managériales de RB… (D…) » (pièces 12, 22 et 13) ; qu’en conséquence les fautes commises par Monsieur W… interdisaient la poursuite de la relation de travail même pendant la durée limitée du préavis et le licenciement intervenu reposant bien sur une faute grave, le salarié sera débouté de ses demandes afférentes au licenciement ;
1° ALORS QUE sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu’en retenant que les termes « un PDG en mode panique » et « une équipe de direction qui ne comprend plus son PDG » employés par M. W… dans une note adressée à un consultant désigné par la direction pour recueillir la réflexion des cadres dirigeants sur les orientations stratégiques de l’entreprise étaient excessifs, quand de tels termes n’étaient pas de nature à caractériser un abus, par le salarié, de sa liberté d’expression, la cour d’appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2° ALORS QU’en toute hypothèse, sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu’en retenant que M. W…, dans une note adressée à un consultant désigné par la direction pour recueillir la réflexion des cadres dirigeants sur les orientations stratégiques de l’entreprise, avait exprimé publiquement et de manière excessive ses divergences avec son supérieur hiérarchique, peu important que le destinataire de ce document ait été ou non tenu à la confidentialité (arrêt, p. 6, pénultième al.), sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si le contexte dans lequel ce document avait été rédigé, la qualité de son destinataire et la confidentialité à laquelle celui-ci était tenu n’étaient pas de nature à exclure tout abus de la part du salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3° ALORS QUE sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ; qu’en se bornant à constater que l’exposant avait fréquemment fait part de sa divergence avec son supérieur hiérarchique sur des questions stratégiques lors de comités de direction, sans caractériser l’existence, par l’emploi de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, d’un abus dans l’exercice de la liberté d’expression dont jouit tout salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1121-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
4° ALORS QUE les opinions et idées personnelles d’un salarié ne peuvent lui être imputées à faute ; qu’en se fondant, pour retenir l’exi