Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 1 juin 2016, 14-28.846, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 1 juin 2016, 14-28.846, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales relevant de ce secteur, ont conclu, le 24 avril 2006, un avenant n° 83 à cette convention collective par lequel ils ont décidé de mettre en oeuvre un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé pour les salariés entrant dans le champ d’application de ce secteur ; qu’AG2R prévoyance a été désignée aux termes de l’article 13 de cet avenant pour gérer ce régime et l’article 14 a imposé à toutes les entreprises entrant dans le champ d’application de l’avenant n° 83 de souscrire les garanties qu’il prévoit à compter du 1er janvier 2007 ; que l’accord a été étendu au plan national, par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie ; qu’AG2R prévoyance a été désigné par les partenaires sociaux, pour une nouvelle durée de cinq ans, comme unique gestionnaire du régime, aux termes d’un avenant n° 100 du 27 mai 2011 étendu par arrêté du 23 décembre 2011 ; que la société 8 Mai, adhérente d’une organisation d’employeurs signataire des avenants n° 83 et n° 100, ayant contracté, en 2007, auprès d’un autre organisme d’assurance complémentaire a refusé de s’affilier au régime géré par AG2R prévoyance ; que cette dernière a saisi un tribunal de grande instance pour obtenir paiement d’un rappel de cotisations ;

Attendu que la société 8 Mai fait grief à l’arrêt de lui ordonner de régulariser son adhésion en retournant dûment complété et signé l’état nominatif du personnel ainsi que les bulletins individuels d’affiliation de tous les salariés accompagnés de tous les justificatifs permettant d’enregistrer les affiliations depuis le 1er janvier 2007 et de payer à AG2R prévoyance, les cotisations de l’ensemble de ses salariés depuis le 1er janvier 2007, alors selon le moyen :

1°/ qu »il résulte des dispositions de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, et de celles de l’article L. 2253-2 du code du travail, que les entreprises concernées par un accord de mutualisation conservent leur liberté d’adhésion, pourvu que la garantie des risques par elles souscrite antérieurement à l’accord soit équivalente à la garantie visée par celui-ci ; qu’en retenant au contraire qu’il s’imposait à toute entreprise ayant déjà souscrit un contrat auprès d’un organisme différent de celui désigné par l’accord de mutualisation dont elle relevait, de résilier le contrat en cours et d’en souscrire un autre auprès de ce dernier organisme, même si le contrat en cours offrait des garanties équivalentes voire supérieures à celles proposées par celui-ci, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°/ qu’en tout état de cause, la déclaration d’inconstitutionnalité opérée par la décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013 du Conseil constitutionnel à l’égard de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale – en ce que ce texte permettait d’imposer notamment que les entreprises d’une branche se trouvent liées à l’organisme de prévoyance désigné par un accord de branche cependant qu’antérieurement à celui-ci, elles étaient liées par un contrat conclu avec un autre organisme –, est applicable à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel et dispense en conséquence les entreprises d’une branche de conclure des contrats individuels impérativement avec le seul organisme désigné par l’accord de branche, les contrats individuels déjà conclus avec ledit organisme n’étant toutefois pas remis en cause ; qu’en retenant au contraire que la déclaration d’inconstitutionnalité ne faisait pas obstacle à l’application des conventions conclues entre les signataires des accords collectifs de branche et l’organisme de prévoyance impérativement désigné par chacun des accords et qu’en conséquence, nonobstant la déclaration d’inconstitutionnalité, les entreprises demeuraient tenues de souscrire un contrat avec l’organisme désigné par l’accord de branche dont elles relevaient, la cour d’appel a violé

l’article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

3°/ que le principe d’égalité et l’obligation de transparence, qui découlent de l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, s’opposent à ce qu’une réglementation nationale permette l’attribution d’un marché à un opérateur unique sans garantir que la désignation dudit opérateur ait été précédée d’une publicité de nature à permettre le jeu de la concurrence entre les opérateurs économiques et que la procédure de désignation ait été impartiale ; qu’en retenant néanmoins qu’AG2R prévoyance avait été valablement désignée comme unique institution de prévoyance complémentaire des frais de soins de santé des salariés de la branche boulangerie et pâtisserie, par la considération que sa désignation serait résultée d’une négociation des organisations signataires de l’accord de branche et aurait fait l’objet d’un contrôle suffisant par l’Etat puisque l’accord prévoyant une telle désignation avait été étendu par arrêté, considération inopérante dès lors que ces éléments n’étaient pas de nature à garantir que la désignation d’AG2R prévoyance avait été précédée d’une publicité permettant le jeu de la concurrence ni que la procédure de désignation avait été impartiale, la cour d’appel a violé l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

4°/ que constitue un abus de position dominante, l’attribution exclusive d’un marché à un opérateur économique unique dont la désignation n’est pas le fruit du libre jeu de la concurrence ; qu’en retenant néanmoins que l’attribution exclusive du marché de la prévoyance complémentaire des frais de santé des salariés de la branche boulangerie – pâtisserie à AG2R prévoyance ne constituait pas un abus de position dominante de cette dernière, par la considération que sa désignation, négociée par les partenaires sociaux, aurait fait l’objet d’un contrôle étatique manifesté par l’existence d’un arrêté d’extension de l’accord de branche désignant AG2R prévoyance et qu’il était prévu un examen quinquennal du fonctionnement du régime de prévoyance, tous éléments qui n’étaient pas de nature à établir que la désignation de celle-ci avait été le fruit du libre jeu de la concurrence, la cour d’appel violé les articles 102 et 106 § 2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Mais attendu d’abord que selon l’article L. 912-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale alors en vigueur, lorsque des accords professionnels ou interprofessionnels qui instituent des garanties collectives au profit des salariés, anciens salariés ou ayants droit en complément de celles qui sont déterminées par la sécurité sociale en prévoyant une mutualisation des risques dont ils organisent la couverture, s’appliquent à une entreprise qui, antérieurement à leur date d’effet, a adhéré ou souscrit un contrat auprès d’un organisme différent de celui prévu par les accords pour garantir les mêmes risques à un niveau équivalent, les dispositions du second alinéa de l’article L. 132-23 du code du travail, devenu l’article L. 2253-2 dudit code, sont applicables ; que, suivant celui-ci, lorsqu’une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel vient à s’appliquer dans l’entreprise postérieurement à la conclusion de conventions ou d’accords d’entreprise ou d’établissement négociés conformément aux dispositions relatives aux conventions et accords collectifs d’entreprise, les dispositions des conventions ou accords sont adaptées en conséquence ; qu’il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque l’accord professionnel ou interprofessionnel impose l’adhésion à un régime géré par une institution désignée par celui-ci, l’adaptation de l’accord d’entreprise consiste nécessairement dans sa mise en conformité avec ledit accord professionnel ou interprofessionnel de mutualisation des risques et, partant, l’adhésion de l’entreprise au régime géré par l’institution désignée par celui-ci ;

Attendu ensuite que le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 juin 2013 a énoncé que la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale n’était pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de la publication de la décision et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité ; qu’il en résulte que les contrats en cours sont les actes ayant le caractère de conventions ou d’accords collectifs ayant procédé à la désignation d’organismes assureurs pour les besoins du fonctionnement des dispositifs de mutualisation que les partenaires sociaux ont entendu mettre en place, voire les actes contractuels signés par eux avec les organismes assureurs en vue de lier ces derniers et de préciser les stipulations du texte conventionnel de branche et ses modalités de mise en oeuvre effective ;

Attendu enfin que la Cour de justice de l’Union européenne a jugé, par un arrêt du 3 mars 2011 (C437/09 ), d’une part, que l’affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais de soins pour l’ensemble des entreprises du secteur concerné à un seul opérateur, sans possibilité de dispense, était conforme à l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), et d’autre part, que les articles 102 et 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne s’opposaient pas à ce que les pouvoirs publics investissent, dans des circonstances telles que celles de l’affaire, un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d’activité concerné d’être dispensées de s’affilier audit régime ; qu’il résulte également de l’arrêt du 17 décembre 2015 de la Cour de justice de l’Union européenne (C-25/14 et C-26/14) que c’est l’intervention de l’autorité publique – par le biais de l’arrêté d’extension- qui est à l’origine de la création d’un droit exclusif et qui doit ainsi, en principe, avoir lieu dans le respect de l’obligation de transparence découlant de l’article 56 du TFUE ; que les accords collectifs de branche instituant un régime de protection sociale complémentaire ne relèvent donc pas du champ d’application de l’article 56 du TFUE qui n’impose aucune obligation de transparence aux partenaires sociaux lesquels ne sont pas un pouvoir adjudicateur soumis aux règles régissant les marchés publics ou la commande publique ;

Et attendu qu’ayant relevé que l’avenant n° 100 à l’accord collectif du 8 décembre 2011 étendu par arrêté du 19 décembre 2012 était en cours lors de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, la cour d’appel en a exactement déduit que la société 8 Mai, entrant dans le champ d’application de l’accord collectif et adhérente d’une organisation d’employeur signataire de l’accord restait tenue d’adhérer au régime géré par l’organisme désigné par les partenaires sociaux ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société 8 Mai aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société 8 Mai et condamne celle-ci à payer à AG2R prévoyance la somme de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat aux Conseils, pour la société 8 Mai.

Le moyen reproche à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR dit que les clauses de désignation et de migration prévues respectivement aux articles 13 et 14 de l’avenant n° 83 de la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, relatif à la mise en place d’un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé, étaient conformes au droit interne, dit que les clauses de désignation et de migration prévues respectivement aux articles 13 et 14 de l’avenant n° 83 de la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, relatif à la mise en place d’un régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé, étaient conformes au droit communautaire, D’AVOIR débouté la société du 8 mai SARL de l’ensemble de ses demandes dont sa demande de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne, D’AVOIR ordonné à cette société de régulariser son adhésion en retournant dûment complété et signé l’état nominatif du personnel ainsi que les bulletins individuels d’affiliation de tous les salariés accompagnés de tous les justificatifs permettant d’enregistrer les affiliations depuis le 1er janvier 2007 et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et D’AVOIR ordonné à la société du 8 mai SARL de payer à AG2R Prévoyance, dans un délai d’un mois à compter de la réception de l’appel de cotisations, les cotisations de l’ensemble de ses salariés prévues par l’avenant n° 83 du 24 avril 2006 et dues depuis le 1er janvier 2007 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur l’absence de choix et l’adhésion à AG2R Prévoyance, l’article 13 de l’avenant nº83 du 24 avril 2006 à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie du 19 mars 1976, avenant relatif à la mise en place d’un régime de remboursement complémentaire des frais de soins de santé disposait : « AG2R Prévoyance, institution de prévoyance régie par le code de la sécurité sociale et relevant de l’autorité de contrôle des assurances et des mutuelles sise 54, rue de Chateaudun 75009 Paris, membre du GIE AG2R 35 boulevard Brune 75680 Paris Cedex 14, est désigné comme organisme assureur du présent régime « remboursement complémentaire de frais de soins de santé ». Les modalités d’organisation de la mutualisation du régime seront réexaminées par la commission nationale paritaire de la branche au cours d’une réunion et ce, dans un délai de 5 ans à compter de la date d’effet du présent avenant. Les partenaires sociaux de la branche demandent à AG2R Prévoyance, en sa qualité d’organisme assureur désigné, de contracter un partenariat financier avec deux organismes reconnus par la branche, à savoir ISICA Prévoyance et la mutuelle « Les risques civils de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie française » dans le cadre de conventions de réassurance. Cette demande repose sur une volonté des partenaires sociaux de créer une solidarité financière forte dans la gestion du régime « remboursement complémentaire de frais de soins de santé » grâce à des partenaires financiers le permettant » ; que la société du 8 Mai estimait que cette clause dite de désignation était contraire à l’ordre juridique résultant du droit national français et à l’ordre juridique résultant du droit européen et s’imposant en France ; que, -I-1) sur la clause de désignation et le droit national français : que cette désignation de l’institution AG2R Prévoyance avait été faite par les organismes représentatifs de la profession de boulangerie et boulangerie-pâtisserie ; qu’il s’agissait d’un choix fait par les organismes représentant la profession ; que ce choix n’était pas fait au niveau de chaque entreprise de boulangerie mais au niveau de l’ensemble de la profession ; que cette désignation résultait du droit interne, en l’occurrence de cet avenant nº83 de la convention collective ; que l’arrêté du ministre du travail du 16 octobre 2006 portant extension de cet avenant avait été examiné par le Conseil d’Etat qui, par arrêt du 19 mai 2008 avait rejeté la requête en annulation de cet arrêté ; que cet avenant se fondait sur l’application de l’article L.911-1 du code de la sécurité sociale disposant que : à moins qu’elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficiaient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultaient de l’organisation de la sécurité sociale étaient déterminées soit par voie de conventions ou d’accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d’un projet d’accord proposé par le chef d’entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d’entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé ; que la société du 8 Mai faisait valoir que, par décision du 13 juin 2013, le Conseil constitutionnel avait dit que les dispositions de l’article L.912-1 du code de la sécurité sociale doivent être déclarées contraires à la Constitution, pour atteinte à la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi de mutualisation des risques ; que cependant le Conseil constitutionnel avait dit dans son considérant 14 : « la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article L.912-1 du code de la sécurité sociale prend effet à compter de la publication de la présente décision ; qu’elle n’est toutefois pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de cette publication, et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité » ; qu’en conséquence la Décision du Conseil constitutionnel ne rétroagissait pas à la date du contrat collectif de 2006 avec AG2R Prévoyance résultant de l’avenant à la convention collective du 24 avril 2006 ; que la désignation de AG2R Prévoyance par la profession en 2006, et en tout cas avant la publication de l’arrêt du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013, était parfaitement conforme au droit interne français ; que, I-2) sur la clause de désignation et le droit de l’Union européenne : que la société du 8 Mai estimait que la clause de désignation par l’instance représentative de la profession était contraire aux règles résultant des traités de l’Union européenne ; que dans son arrêt du 19 mai 2008, le Conseil d’Etat avait dit dans ses motifs que les dispositions des directives CEE des juin et 10 novembre 1992 ne s’opposaient pas à ce qu’un tel accord désigne un organisme assureur unique chargé d’organiser les risques énoncés à l’article L.911-2 du code de la sécurité sociale et qu’il n’était pas besoin de saisir la Cour de Justice des Communautés européennes ; que par arrêt du 3 mars 2011 la Cour de Justice de l’Union Européenne, dans une affaire AG2R Prévoyance / Sarl Beaudout père et fils, saisie d’une question préjudicielle sur la compatibilité de cet avenant nº83 à la convention collective de la boulangerie à propos de la compatibilité avec les articles 81 et 82 CE devenus 101 et du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne TFUE avait dit : « 1) l’article TFUE lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3 TUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à la décision des pouvoirs publics de rendre obligatoire, à la demande des organisations représentatives des employeurs et des salariés d’un secteur d’activité déterminé, un accord issu de négociations collectives qui prévoit l’affiliation obligatoire à un régime de remboursement complémentaire de frais et soins de santé pour l’ensemble des entreprises du secteur concerné, sans possibilité de dispense, 2) pour autant que l’activité consistant dans la gestion d’un régime de remboursement complémentaire de frais et soins de santé tel que celui en cause au principal doit être qualifié d’économique, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, les articles 102 TFUE et 106TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, à ce que les pouvoirs publics investissent un organisme de prévoyance du droit exclusif de gérer ce régime, sans aucune possibilité pour les entreprises du secteur d’activité concerné d’être dispensés de s’affilier audit régime » ; que rien ne permettait de dire que la clause de désignation de l’institution AG2R Prévoyance par l’instance professionnelle représentative de la profession de la boulangerie comme organisme chargé de gérer le système de protection sociale complémentaire des employés de cette profession serait contraire aux règles de l’Union européenne ; que, -II) Sur la clause dite de migration : que l’article 14 de l’avenant nº83 litigieux, instaurant une clause dite de migration disposait : « L’adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d’application de la convention collective nationale des entreprises artisanales de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie au régime remboursement complémentaire des frais de santé’ et l’affiliation des salariés de ces entreprises auprès de l’organisme assureur désigné ont un caractère obligatoire à compter de la date d’effet précisée à l’article 16 du présent avenant. A cette fin, les entreprises concernées recevront un contrat d’adhésion et des bulletins d’affiliation. Ces dispositions s’appliquent y compris pour les entreprises ayant un contrat de complémentaire santé auprès d’un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par le présent avenant » ; qu’il en résultait une entreprise de boulangerie, même déjà adhérente à un autre organisme de prévoyance que AG2R Prévoyance voyait son régime glisser vers l’institution AG2R Prévoyance, avec « migration » de son adhésion vers AG2R Prévoyance ; que la Sarl du 8 Mai présente un bulletin d’adhésion en 2006 à un autre organisme Cooperassur Réseau, mais il y avait lieu d’observer qu’elle ne justifie pas avoir effectivement payé des cotisations à cette société pour la période litigieuse ; que, -II-1) sur la licéité de cette clause dite de migration à l’égard des dispositions du droit national français : que l’article L.2253-2 du code du travail disposait que lorsqu’une convention de branche ou un accord professionnel ou interprofessionnel venait à s’appliquer dans l’entreprise postérieurement à la conclusion de conventions ou d’accords d’entreprise ou d’établissement négociés conformément au présent livre, les stipulations de ces derniers étaient adaptées en conséquence ; que par la suite de l’application des dispositions de l’avenant nº83 à la convention collective des entreprises de boulangerie, la convention de groupe prise au niveau de la profession avec AG2R Prévoyance devait se substituer aux assurances prises individuellement ; que cette clause dite de migration était parfaitement conforme aux règles applicables en matière de convention collective ; que, -II-2) sur la licéité de cette clause dite de migration à l’égard des dispositions du droit de l’Union européenne : qu’aucune disposition résultant des traités de l’Union européenne, ni d’aucun texte européen n’empêchait une instance représentative d’une profession de négocier une modification des conventions applicables en matière de garantie applicable dans le domaine de prévoyance sociale ; que la défense des intérêts de la profession au niveau de ces instances représentatives devait permettre d’adapter les accords dans le souci d’assurer une protection sociale équivalente à tous les membres de la profession, quelle que soit l’entreprise au sein de laquelle ils travaillaient ; que cette disposition ne violait pas les traités sur l’Union européenne ; (arrêt, pp. 6 à 9) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE sur la licéité des clauses de désignation et de migration au regard du droit interne, … la clause de désignation était donc la clause par laquelle les partenaires sociaux obligeaient toutes les entreprises d’une branche à confier à un même organisme d’assurance la gestion des garanties collectives de prévoyance nées d’un accord collectif ; que la clause de migration qui la complétait, imposait donc cette obligation aux entreprises ayant mis en place des garanties précédemment à l’entrée en vigueur du dispositif conventionnel de branche qu’en outre, et en application des dispositions de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale un accord collectif pouvait légalement créer un régime offrant des garanties collectives aux salariés d’une branche et auquel ces derniers devaient obligatoirement adhérer ; que l’avenant n°83 portant désignation, en son article 13, de AG2R Prévoyance pour assurer la garantie du régime de remboursement complémentaire des frais de soins de santé, prévoyait en outre et conformément aux dispositions légales internes précitées, que les modalités d’organisation de la mutualisation de ce régime de garantie seraient réexaminées dans un délai de 5 ans, à compter de la date d’effet de l’avenant, soit à compter du 1er janvier 2007 ; que la société Boulangerie du 8 mai faisait valoir qu’elle avait antérieurement à cet accord collectif souscrit un contrat d’assurance auprès d’un autre organisme présentant des garanties supérieures et qu’à ce titre elle devait bénéficier d’une liberté d’adhésion ; qu’or, la clause de migration déterminée à l’article 14 de l’avenant n°83 en cause, excluait toute possibilité de dispense d’affiliation, et ce même si l’entreprise concernée bénéficiait déjà d’un contrat de complémentaire santé présentant des garanties supérieures à celles proposées par AG2R Prévoyance ; que l’article L. 2253-2 du code du travail précité, prévoyait un principe d’adaptation en cas de souscription antérieure à un organisme d’assurance par l’entreprise entrant dans le champ d’application de la convention collective ; que toutefois, il résultait des dispositions combinées du code de la sécurité sociale et du code du travail, que le principe d’adaptation consistait nécessairement dans la mise en conformité de l’accord d’entreprise avec l’accord professionnel ou interprofessionnel de mutualisation imposant l’adhésion de l’entreprise au régime géré par l’institution désignée par celui-ci ; que le fait que l’entreprise concernée avait adhéré avant l’entrée en vigueur de l’accord collectif de mutualisation à un autre organisme présentant des garanties supérieures pour les mêmes risques ne conduisait pas à interpréter de manière différente le principe d’adaptation ainsi édicté, situation qui, de surcroît, n’était pas établie aux termes des pièces communiquées aux débats ; qu’en effet, il était versé un contrat d’adhésion par la Boulangerie du 8 mai auprès de la société Cooperassur, dont on ignorait le niveau de garantie, et non un contrat d’adhésion après du groupe Abela, dont il était justifié des modalités du régime de couverture ; qu’en conséquence l’article 14 de l’avenant n°83 qui imposait à toutes les entreprises relevant du champ d’application de la convention collective nationale des entreprises artisanale de la Boulangerie et Boulangerie-Pâtisserie de s’affilier à AG2R Prévoyance , organisme assureur désigné, sans possibilité de dispense, était conforme aux dispositions légales internes, et plus précisément aux dispositions résultant de l’article L.912-l du code de la sécurité sociale ; sur la licéité des clauses de désignation et de migration par rapport au droit communautaire ; … que si aucun élément précis n’était effectivement donné quant aux modalités de cette désignation et aux critères qui avaient conduit les organisations signataires à choisir AG2R plutôt qu’un autre organisme assureur, il n’en demeurait pas moins que cette désignation s’était faite contradictoirement, aux termes d’une négociation collective entre l’organisation représentative des employeurs et celles représentatives des salariés du secteur de la boulangerie artisanale française ; que cette désignation résultait donc d’une négociation des organisations signataires précitées, ayant abouti à ce choix, négociation au terme de laquelle, lesdites organisations avaient convenu de demander au ministre de l’Emploi, de la cohésion sociale et du logement son extension laquelle était intervenue par arrêté ministériel du 16 octobre 2006 ; que l’Etat avait par conséquent exercé son contrôle à l’occasion de cette demande d’extension, menant à l’adoption de l’avenant, et ce à l’issue de la réalisation d’une enquête ayant conduit à l’approbation de l’avenant en cause ; qu’en outre, il convenait de rappeler, que la requête en excès de pouvoir dirigée à l’encontre de cet arrêté d’extension avait fait l’objet d’un rejet, par décision du Conseil d’Etat lue le 19 mai 2008 ; que de même, et surabondamment, rien n’obligeait dans le cadre de la désignation de l’organisme assureur, de procéder à un appel d’offre, pour que soient effectivement respectées les règles de la concurrence sur le marché des services en cause ; que la désignation contradictoire et négociée de AG2R Prévoyance, avait été soumise au contrôle de l’Etat, ce qui permettait de convaincre du respect des règles communautaires lors de la confrontation des intérêts en cause ; qu’enfin, le contrôle de l’Etat se faisait encore au cours du fonctionnement dudit régime, puisque l’avenant prévoyait en son article 13, un réexamen dans un délai de 5 ans à compter de la date d’effet de l’avenant (1er janvier 2007) par la Commission Nationale Paritaire de la branche des modalités d’organisation et de mutualisation du régime ; que la société Boulangerie du 8 mai ne démontrait nullement qu’un tel contrôle ne serait pas intervenu dans le délai requis ; qu’ainsi, il était établi que la désignation de l’organisme assureur pour assurer le régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé, faisait l’objet d’un contrôle par l’Etat, tant en amont, au moment de la désignation et notamment lors de la prise de l’arrêté d’extension, qu’au cours du fonctionnement dudit régime, par un réexamen quinquennal, contradictoire des modalités d’organisation et de mutualisation de ce régime ; qu’il n’y avait pas lieu d’ordonner de renvoi préjudiciel devant la CJUE, dans la mesure où ladite Cour avait expressément laissé, aux termes de son arrêt du 3 mars 2011, au juge national la mission d’apprécier le contrôle opéré par l’Etat dans le cadre de la désignation de l’organisme assureur, ce à quoi s’était « entaché » sic la présente juridiction ; que la clause de désignation contenue à l’article 13 de l’avenant n°83 était donc parfaitement conforme au droit communautaire ; qu’or, la conformité de la clause de migration, sans dispense d’affiliation était parfaitement reconnue par la CJUE, aux termes de l’arrêt Beaudout et non contestée désormais par les parties, puisque le caractère obligatoire de l’affiliation, sans possibilité de dispense ne saurait constituer un abus de position dominante par AG2R Prévoyance, mais s’expliquait par la mise en oeuvre effective du principe de solidarité, principe poursuivi par ledit organisme de prévoyance ; qu’en effet, la Cour indiquait que « la suppression d’une clause de migration telle que celle prévue par l’avenant n° 83 pourrait aboutir à une impossibilité pour l’organisme concerné d’accomplir les missions d’intérêt économique général qui lui ont été imparties dans des conditions économiquement acceptables » ; qu’il résultait de l’ensemble de ces éléments que les clauses de désignation et de migration contenues aux articles 13 et 14 de l’avenant n° 83 à la convention collective nationale du 19 mars 1976 étaient conformes au droit communautaire (jugement, pp. 5 à 11) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QU’il résulte des dispositions de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013, et de celles de l’article L. 2253-2 du code du travail, que les entreprises concernées par un accord de mutualisation conservent leur liberté d’adhésion, pourvu que la garantie des risques par elles souscrite antérieurement à l’accord soit équivalente à la garantie visée par celui-ci ; qu’en retenant au contraire qu’il s’imposait à toute entreprise ayant déjà souscrit un contrat auprès d’un organisme différent de celui désigné par l’accord de mutualisation dont elle relevait, de résilier le contrat en cours et d’en souscrire un autre auprès de ce dernier organisme, même si le contrat en cours offrait des garanties équivalentes voire supérieures à celles proposées par celui-ci, la cour d’appel a violé les textes


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