Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu selon l’arrêt attaqué, que M. X…, engagé le 22 février 1999 en qualité de tuyauteur par la société S2EI, a vu son contrat de travail transféré à la société nouvelle SN S2EI mise en liquidation judiciaire le 5 juin 2007 ; que le liquidateur l’a licencié le 28 juin 2007 pour motif économique du fait de la cessation d’activité ;
Sur le premier moyen :
Vu l’article L. 1233-4 du code du travail ;
Attendu que pour dire le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et fixer au passif de la société nouvelle une créance de dommages-intérêts et d’indemnité de préavis et congés payés afférents ainsi que de licenciement, l’arrêt retient que dans un courrier émanant de l’employeur, l’en-tête de la lettre fait apparaître l’appartenance à un groupe et qu’une copie d’acte déposé au greffe du tribunal de commerce de Charleroi sur laquelle se fonde le liquidateur fait état au titre de l’objet, d’une société belge membre du groupe, de la prise d’intérêts dans d’autres sociétés mais aussi de la participation directe ou indirecte dans toutes opérations commerciales ou industrielles pouvant se rattacher à l’objet social, la liste des modalités de cette participation n’étant pas exhaustive en ce qu’elle se termine par « autrement » ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la seule détention d’une partie du capital d’une société par une autre n’implique pas la possibilité d’effectuer entre elles la permutation de tout ou partie du personnel et ne caractérise pas l’existence d’un groupe au sein duquel le reclassement devait s’effectuer, la cour d’appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l’article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour fixer les créances d’indemnité de licenciement et de préavis et congés payés afférents, au passif de la société nouvelle, l’arrêt s’abstient de répondre au liquidateur qui soutenait que ces indemnités avaient été versées et n’étaient plus dues, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il fixe au passif de la société nouvelle S2EI une créance de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une créance d’indemnité de préavis outre congés payés afférents et une créance de licenciement, l’arrêt rendu le 29 mai 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour M. Y…, ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit que le licenciement de monsieur X… était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’AVOIR condamné maître Y…, ès qualité de liquidateur de la société SN S2EI, à lui payer les sommes de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts, 2.751,46 euros à titre d’indemnité de préavis outre congés payés afférents et de 596,14 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QU’ « aux termes de l’article L. 321-1 alinéa 3 du Code du travail, le licenciement économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou ? à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l’entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ; les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises ; il est en outre constant en droit qu’il appartient à l’employeur de rechercher s’il existe des possibilités de reclassement au sein du groupe parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, étant précisé que l’existence de liens capitalistiques n’est pas suffisante et nécessaire, des relations de partenariat permettant de constituer un groupe de reclassement ; en l’espèce, maître Y…, qui soutient qu’il ignorait l’existence même de l’appartenance de la SN S2EI à un groupe alors même que, dans un courrier émanant de l’employeur, l’entête de la lettre fait apparaître une telle appartenance, ne justifie pas avoir procédé à des recherches de reclassement au sein de ce groupe ; il ne peut affirmer de manière péremptoire, sans avoir interrogé les entreprises du groupe, qu’aucune permutabilité de personnel n’était possible au moment du licenciement, en se fondant sur des documents afférents à certaines sociétés qui, selon lui, permettent de constater que l’objet social n’autorise pas une activité industrielle, mais seulement la prise d’intérêt dans des sociétés industrielles ; outre le caractère insuffisant desdits documents, Me Y… ayant lui-même des difficultés pour déterminer le nombre d’actionnaires de la SN S2EI, il convient de constater qu’une copie d’acte déposé au greffe du Tribunal de commerce de Charleroi, sur laquelle Me Y… se fonde, fait état au titre de l’objet d’une société Belge membre du groupe, de la prise d’intérêts dans d’autres sociétés, mais aussi de la participation directe ou indirecte dans toutes opérations commerciales ou industrielles pouvant se rattacher à l’objet social, la liste des modalités de cette participation n’étant pas exhaustive en ce qu’elle se termine par « autrement » ; Me Y… ès qualité de mandataire liquidateur ne pouvant justifier de recherches de reclassement au niveau du groupe, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse »;
1°) ALORS QUE le juge du fond ne peut viser des pièces du dossier sans les analyser fut-ce succinctement ; qu’en faisant état d’un courrier émanant de l’employeur avec en-tête mentionnant l’appartenance à un groupe sans préciser de quel courrier il s’agissait, la Cour a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la seule détention d’une partie du capital d’une société par une autre n’implique pas la possibilité d’effectuer entre elles la permutation de tout ou partie du personnel et ne caractérise pas l’existence d’un groupe au sein duquel le reclassement devait s’effectuer ; qu’en l’espèce, pour conclure à l’existence d’un groupe de reclassement, la Cour d’appel a cru devoir retenir que maître Y… avait des difficultés pour déterminer le nombre exact des actionnaires de la société SN S2EI et que, parmi les sociétés du groupe Heidemann Finance (2 HF), détenteur d’une partie du capital de la société SN S2EI, l’une, la société 2 HB, avait pour objet la participation directe ou indirecte dans toutes opérations commerciales ou industrielles pouvant se rattacher à son objet social soit la prise d’intérêts dans toutes sociétés industrielles, commerciales, mobilières, financières ou autres, l’assistance technique et la réalisation de toutes tâches administratives, de secrétariat, de gestion du personnel dans les sociétés auxquelles elle participerait, l’activité d’intermédiaire du commerce, d’agent commercial, la création, l’acquisition, la location, la prise à bail, l’installation, l’exploitation de tous établissements se rapportant à l’une ou l’autre des activités spécifiées, la prise, l’acquisition, l’exploitation ou la cession de tous procédés et brevets concernant ces activités ; qu’ainsi, la Cour, qui a déduit l’existence d’un groupe de reclassement de simples relations capitalistiques impropre à le caractériser, a violé l’article L. 1233-4 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR fixé la créance de monsieur X… à titre d’indemnité de préavis outre congés payés afférents et à titre d’indemnité de licenciement pour qu’elle soit inscrite au passif de la procédure collective de la société SN S2EI ;
AUX MOTIFS QU’ « l’indemnité de préavis est calculée sur la base des salaires et avantages bruts auxquels le salarié aurait pu prétendre s’il avait travaillé ; elle est ainsi fonction de la moyenne annuelle des salaires ; en l’espèce, cette moyenne s’élève à la somme de 1.375,75 euros, de sorte qu’au regard de son ancienneté, M. X… a droit à une somme de 2.751,46 euros représentant deux mois de salaire, outre la somme de 275,14 euros pour les congés payés afférents ; le salaire servant de base au calcul de l’indemnité minimum légale est égal à 1/10ème de la rémunération brute des douze derniers mois précédant le licenciement par année d’ancienneté ; en l’espèce, l’accord national du 10.07.70 sur la mensualisation du personnel ouvrier de la métallurgie et étendu par arrêté du 8.10.1973 fixe à 1/10ème de la rémunération mensuelle par année d’ancienneté le montant de l’indemnisation ; sur la base d’une rémunération mensuelle des 12 derniers mois de euros, il y a lieu de fixer à la somme de 596,14 euros le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement » ;
ALORS QUE maître Y… faisait valoir que l’indemnité de préavis ainsi que l’indemnité conventionnelle de licenciement avaient été versées ; que ce versement était attesté par la fiche de renseignements AGS produite par l’AGS (pièce 2, prod. 6) ; qu’en inscrivant ces deux indemnités au passif de la procédure collective sans répondre à ce moyen déterminant, la Cour a violé l’article 455 du Code de procédure civile.