Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 9 octobre 2012, 10-28.718, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 9 octobre 2012, 10-28.718, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à la société Cabinet Isabelle Didier et associés, agissant en qualité d’administrateur de la société Euro Power Technology, et à la société MJA, agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société Euro Power Technology, de leur intervention ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2010), que la société Euro Power Technology, qui opère dans la production et la conversion d’énergie, a saisi le Conseil de la concurrence, devenu l’Autorité de la concurrence (l’Autorité), de pratiques d’entente et d’abus de position dominante mises en œuvre par la société Electricité de France (EDF) et l’une de ses filiales, la société Verdesis France (la société Verdesis), dans le secteur de la valorisation électrique du biogaz ; que cette saisine, assortie d’une demande de mesures conservatoires tendant à faire cesser les pratiques dénoncées, a été rejetée par l’Autorité, faute d’être assortie d’éléments suffisamment probants ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Euro Power Technology fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté son recours dirigé contre la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-D-14 du 16 avril 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la valorisation électrique du biogaz, alors, selon le moyen :

1°/ que des mesures conservatoires peuvent être décidées par l’Autorité de la concurrence dans les limites de ce qui est justifiée par l’urgence en cas d’atteinte grave et immédiate à l’économie générale, à celle du secteur intéressé, à l’intérêt des consommateurs ou à l’entreprise plaignante, lorsque les faits dénoncées et visés par l’instruction dans la procédure de fond, apparaissent susceptibles, en l’état des éléments produits aux débats de constituer une pratique contraire aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, pratique à l’origine directe et certaine de l’atteinte relevée ; qu’il s’ensuit que le prononcé de mesures conservatoires n’est pas subordonné à la constatation préalable d’une infraction ; qu’en considérant au contraire qu’il appartenait à l’Autorité de la concurrence de statuer en même temps et selon une procédure d’urgence, sur la demande de mesures conservatoires et sur le fond de l’affaire, la cour d’appel a violé les articles L. 462-8 et L. 464-1 du code de commerce

2°/ que la recevabilité d’une demande de mesures conservatoires n’est subordonnée qu’à la recevabilité de la saisine au fond de l’Autorité de la concurrence ; que les mesures conservatoires sont prononcées selon une procédure d’urgence indépendante de l’instruction de l’affaire au fond pour faire cesser une pratique gravement préjudiciable à l’ordre public économique ; qu’en affirmant que le traitement procédural de l’instruction au fond de la présente affaire doit s’apprécier au regard de la demande de mesures conservatoires ou encore que l’Autorité de la concurrence aurait pu, sans compromettre le déroulement de la procédure, accorder des délais de réponse plus longs aux parties, mais qu’elle avait répondu à l’impératif de diligence attaché à la demande accessoire relative aux mesures conservatoires qui est une procédure d’urgence, la cour d’appel a violé les articles L. 462-8 et L. 464-1 du code de commerce ;

3°/ que les atteintes au principe du contradictoire ne sont justifiées qu’en raison de l’urgence à examiner et à prononcer des mesures conservatoires ; qu’en se fondant sur une prétendue urgence à statuer sur la demande de mesures conservatoires pour justifier une instruction accélérée du fond de l’affaire, après avoir constaté que 21 mois après la saisine, l’Autorité de la concurrence n’avait toujours pas statué sur la demande de mesures conservatoires, ce dont il résulte que la condition d’urgence à statuer n’avait pas été respectée, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 464-1 et L. 464-2 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’il résulte des articles L. 462-8 alinéa 2, et R. 464-1 du code de commerce que l’Autorité peut rejeter la saisine lorsqu’elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d’éléments suffisamment probants, et qu’une demande de mesures conservatoires ne peut être formée qu’accessoirement à une saisine au fond ; qu’il suit de là que, lorsque l’Autorité est saisie d’une demande de mesures conservatoires, il lui appartient de vérifier préalablement si les faits invoqués sont appuyés d’éléments suffisamment probants et, dans la négative, de rejeter la saisine, ce rejet entraînant, par voie de conséquence, celui de la demande de mesures conservatoires, sans examen de celle-ci ; que la cour d’appel, qui a statué en ce sens, sans exiger la constatation préalable d’une infraction, n’encourt pas le grief de la première branche ;

Attendu, en second lieu, que l’arrêt constate que l’Autorité a procédé à des actes d’instruction en complément des éléments produits par la société Euro Power Technology et que, si l’instruction s’est accélérée au cours des mois de janvier et de février 2010, la convention passée entre EDF et la société Verdesis, partiellement déconfidentialisée, n’ayant été rendue accessible que l’avant-veille de la séance, les délais laissés aux parties pour répondre aux demandes de déclassement de l’Autorité et pour s’exprimer sur les pièces déclassées leur ont permis de s’expliquer en séance sur l’ensemble des pièces versées aux débats, aucune d’entre elles n’ayant demandé un délai supplémentaire pour répondre ; qu’ayant ainsi constaté l’absence d’atteinte au principe de la contradiction, dont le respect doit s’apprécier au regard de la procédure d’urgence prévue par l’article L. 464-1 du code de commerce, la cour d’appel a pu rejeter les moyens de procédure invoqués par la société Euro Power Technology ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Euro Power Technology fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions spéciales des articles L. 450-3 et L. 461-4 du code de commerce dérogent au droit commun et autorisent le rapporteur de l’Autorité de la concurrence à demander à toute entreprise la communication de tous livres, factures, et documents professionnels sous la seule réserve d’indiquer l’objet de l’enquête et d’identifier suffisamment clairement les pièces concernées ; qu’en décidant d’écarter des débats l’ensemble des pièces réclamées, le 22 décembre 2009, aux sociétés EDF et Verdesis par le rapporteur de l’Autorité de la concurrence au prétexte que ces documents avaient initialement été communiquées dans le cadre d’un procès civil en application d’ordonnances sur requête ensuite rétractées ce qui priverait le rapporteur de solliciter la communication de ces pièces, la cour d’appel qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé les articles L. 450-3 et L. 461-4 du Code de commerce ;

2°/ que les décisions rendues dans le cadre d’un procès civil ne s’imposent pas à l’Autorité de la concurrence et réciproquement ; qu’en affirmant au contraire que l’Autorité de la concurrence avait exactement écarté des débats la totalité des pièces obtenues par la société Euro Power Technology en application d’ordonnances de référés ensuite rétractées, la cour d’appel a violé les articles 1351 du code civil, 480 et 484 du code de procédure civile ;

3°/ que les moyens de preuve d’une pratique anticoncurrentielle sont libres et peuvent même résulter de simples présomptions ou d’un faisceau d’indices ; que seuls les éléments de preuve obtenus d’une manière déloyale à l’insu de leur auteur doivent être écartés ; qu’ainsi un document remis par son auteur en exécution d’une ordonnance sur requête est loyalement obtenu ; qu’en décidant d’écarter des débats les pièces produites par la société EPT en la seule considération tirée de ce que les ordonnances autorisant un huissier à se faire communiquer des pièces avaient ensuite été rétractées, la cour d’appel qui a statué par des motifs impropres à établir que ces documents avaient été obtenus en usant d’un procédé déloyal, a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du code de procédure civile ainsi que du principe de loyauté dans l’administration de la preuve ;

Mais attendu que l’arrêt relève que les pièces litigieuses avaient été initialement saisies par un huissier de justice, dans les locaux de EDF, en vertu de deux ordonnances rendues à la requête de la société Euro Power Technology, qui ont ensuite été rétractées, et que, si elles ont été ultérieurement versées au dossier à la demande du rapporteur, la connaissance par ce dernier de leur existence puisait sa source dans les ordonnance rétractées et les ordonnances subséquentes ; qu’ayant ainsi fait ressortir que ces éléments de preuve n’avaient pas été obtenus loyalement, la cour d’appel en a exactement déduit que l’Autorité les avait à bon droit écartés des débats ; que le moyen n’est fondé en aucune de ces branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Euro Power Technology fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, qu’aucun texte ni principe ne fait obligation à la partie saisissante d’apporter à l’Autorité de la concurrence la preuve des agissements qu’elle dénonce ; qu’il incombe au service d’instruction de l’Autorité de réunir les éléments de preuve à charge et à décharge dont l’organe décisionnel de l’Autorité appréciera ensuite la pertinence ; qu’en retenant pour rejeter la plainte de la société Euro Power Technology que l’admission de la saisine par l’Autorité repose d’abord sur la valeur probante des éléments qu’il incombe au requérant de produire, qu’il lui appartenait de produire les éléments suffisamment probants requis justifiant la saisine de l’Autorité et l’instruction par ses services de la plainte de la société Euro Power Technology en application des articles L. 461-1 et suivants du code de commerce ou encore que l’Autorité n’a pas vocation à suppléer à la carence de la société requérante, la cour d’appel a violé l’article L. 462-8 du code de commerce ;

Mais attendu qu’aux termes de l’article L. 462-8 du code de commerce, l’Autorité de la concurrence peut rejeter la saisine, par décision motivée, lorsqu’elle estime que les faits invoqués ne sont pas étayés d’éléments suffisamment probants ; que la cour d’appel en a exactement déduit qu’il appartient à la partie saisissante de produire des éléments de preuve suffisants ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société Euro Power Technology fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsqu’il est saisi de pratiques pouvant constituer un abus de position dominante, le juge de la concurrence est tenu de vérifier que la contrepartie financière exigée par une société bénéficiant d’un monopole historique qui met ses moyens à disposition de ses filiales relevant du champ concurrentiel n’est pas inférieure au prix du service assuré et correspond effectivement à la réalité des coûts ; qu’en affirmant que la société Euro Power Technology n’établit pas la vraisemblance du caractère anormalement bas de la rémunération des prestations fournies à ses filiales par EDF et qu’il n’appartient pas à l’Autorité de la concurrence de suppléer à la carence de la plaignante en ordonnant notamment la communication de la convention liant les sociétés Verdesis et EDF dont elle a pu estimer légitime qu’elle soit couverte par le secret des affaires, la cour d’appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce, ensemble l’article L. 462-8 du même code ;

2°/ que pour retenir qu’aucun abus de position dominante de EDF ne pouvait être établi en ce que celle-ci aurait permis à sa filiale Verdesis d’obtenir des rabais discriminatoires auprès de la société Capstone leader de la production de micro turbines, la cour d’appel qui a affirmé qu’il ne résulte pas des documents produits que l’obtention de ces remises soit liée à une intervention de EDF ou encore que le fait que la société Euro Power Technology n’ait pas été convoquée à une réunion organisée par la société Capstone avec l’ensemble de ses distributeurs ne rend pour autant vraisemblable une pratique d’éviction, après avoir constaté que EDF n’était pas absente du marché de la fourniture et de l’exploitation d’installations et que la société Euro Power Technology était distributrice des produits Capstone en France, la cour d’appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ;

Mais attendu, d’une part, que l’arrêt relève que la société Euro Power Technology se borne à affirmer le caractère anormalement bas de la rémunération perçue en contrepartie des prestations fournies à sa filiale Verdesis, sans verser au soutien de ses allégations des éléments pertinents laissant penser que la rémunération en cause ne respecterait pas la réalité des coûts ou serait inférieure aux standards du marché, et en conséquence susceptible d’entraîner une distorsion de concurrence ; qu’en l’état de ces constatations souveraines, dont il résulte que la saisine n’était pas étayée d’éléments suffisamment probants, la cour d’appel, qui a justement rappelé qu’il n’appartenait pas à l’Autorité de suppléer la carence de la plaignante en ordonnant, notamment, la communication de la convention liant les sociétés Verdesis et EDF, a pu statuer comme elle a fait ;

Et attendu, d’autre part, qu’analysant les pièces produites à propos de l’obtention prétendue de rabais discriminatoires par la société Verdesis auprès de la société Capstone, l’arrêt retient qu’elles ne permettent pas de supposer que les ristournes attribuées à la société Verdesis soient liées à une intervention d’EDF, qu’en l’absence des factures d’achat établies par la société Capstone pour la société Euro Power Technology, aucune comparaison utile n’a pu être effectuée afin de vérifier si la société Capstone avait réservé un traitement moins favorable à cette société qu’à la société Verdesis, que le seul fait de n’avoir pas été destinataire du mail du 12 janvier 2007, par lequel la société Capstone a organisé une réunion avec ses distributeurs, ne suffit pas à rendre vraisembable l’éviction prétendue de la société Euro Power Technology du marché des microturbines et à imputer cette prétendue éviction à des pressions qu’aurait pu exercer EDF sur la société Capstone, qu’en définitive, si les éléments versés aux débats montrent qu’EDF n’est pas absente de la sphère dans laquelle évoluent les acteurs du marché de la fourniture et l’exploitation d’installations, notamment des microturbines, produisant de l’électricité à partir du biogaz, ces liens apparaissent, en l’état des éléments produits, trop ténus pour établir la vraisemblance de l’existence de pressions et de l’attitude active d’EDF au bénéfice de sa filiale Verdesis, susceptibles d’entraîner une restriction de concurrence ; qu’ayant ainsi souverainement constaté que la plainte de la société Euro Power Technology n’était pas étayée d’éléments suffisamment probants, la cour d’appel a pu statuer comme elle a fait ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que la société Euro Power Technology fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, que les actes accomplis par un salarié dans l’exercice de ses fonctions engagent nécessairement son employeur ; que les courriels échangés par un salarié d’une entreprise dans l’exercice de ses fonctions constituent des éléments de preuve permettant d’établir la participation de la société à une entente entre entreprises ; qu’en retenant au contraire qu’un mail du 25 avril 2006 adressé par une salariée de EDF à Verdesis, critiquant indirectement la société Euro Power Technology, n’engageait pas EDF, la cour d’appel a violé les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, ensemble l’article L. 462-8 du code de commerce ;

Mais attendu que ce courriel a été écarté des débats par la cour d’appel ; que le moyen, qui vise des motifs surabondants de l’arrêt, ne peut être accueilli ;

Et attendu que le quatrième moyen, pris en sa troisième branche, ainsi que le cinquième moyen, pris en sa première branche, ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Euro Power Technology aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Verdesis France et à la société Verdesis SA, une somme globale de 2 500 euros et à la société Electricité de France une somme de 2 500 euros également ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Euro Power Technology, la société Cabinet Isabelle Didier et associés et la société Selafa MJA, ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION (mesures conservatoires)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours de la société Euro Power Technology dirigé contre la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-D-14 du 16 avril 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la valorisation électrique du biogaz,

AUX MOTIFS QUE sur l’unicité de la décision rendue, la société Euro Power Technology fait valoir que l’Autorité n’aurait pas du statuer par une seule décision sur la recevabilité de la saisine et sur la demande de mesures conservatoires, une telle possibilité n’étant pas prévue par les articles L 464-7 et L 464-8 du Code de commerce ; que ce faisant, l’Autorité a réduit le délai de recours de trente à dix jours ; que la demande de mesures conservatoires mentionnée à l’article L 464-1 du Code de commerce ne peut être formée qu’accessoirement à une saisine au fond de l’Autorité de la concurrence ; que par application de cette disposition réglementaire, qui fait nécessairement de la demande de mesures conservatoires un accessoire d’une saisine au fond, le rejet de la saisine par application de l’article L 462-8 emporte rejet, par voie de conséquence, de la demande de mesures conservatoires sans examen de celle-ci ; que le moyen manque en droit ; que sur la régularité de la procédure, le respect du principe contradictoire et l’impartialité de l’Autorité de la concurrence ; que la société Euro Power Technology fait valoir que l’Autorité a réservé à la présente affaire un traitement procédural anormal ; qu’en particulier, elle n’a pas respecté le principe contradictoire en imposant des délais de réplique insuffisants ; qu’il convient (cependant) de rappeler que l’Autorité a statué sur le fondement de l’article L 462-8 du Code de commerce, qui l’autorise à rejeter sa saisine par une décision motivée lorsqu’elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d’éléments suffisamment probants ; qu’autrement dit, l’admission de la saisine par l’Autorité repose d’abord sur la valeur probante des éléments qu’il incombe au requérant de produire ; que le traitement procédural de la présente affaire doit également s’apprécier au regard de la demande de mesures conservatoires ; qu’en premier lieu, l’Autorité, avant de rejeter sa saisine, a préalablement accompli des actes d’instruction en complément des éléments produits par la société Euro Power Technology ; que l’Autorité a ainsi procédé à l’examen de la saisine en cause du 2 juillet 2008 au 15 février 2010 ; que l’Autorité a formulé des demandes de déclassement les 10 et 12 février 2010 auxquelles toutes les parties ont répondu ; qu’il n’est pas contesté non plus que la convention passée entre la société EDF et la société Verdesis, partiellement déconfidentialisée a été rendue accessible le 15 février 2010, soit à l’avant-veille de la séance qui s’est tenue le 17 février ; que les parties ont été convoquées à la séance du 17 février 2010 ; qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments que la procédure devant l’Autorité s’est déroulée sur 21 mois, qui constitue une durée raisonnable compte tenu des mesures d’instruction ordonnées par l’Autorité. ; que si l’instruction s’est accélérée au cours des mois de janvier et de février 2010, les délais laissés aux parties pour répondre aux demandes de déclassement de l’Autorité et pour s’exprimer sur les pièces déclassées ont permis aux parties de s’expliquer en séance sur l’ensemble des pièces versées aux débats, sans qu’il apparaisse que l’une d’elles ait demandé des délais supplémentaires pour répliquer, comme a pu le faire la société Euro Power Technology elle-même dans un courrier du 20 janvier 2010 ; qu’en somme, il apparaît que l’Autorité aurait pu, sans compromettre le déroulement de la procédure, accorder des délais plus longs aux parties, en particulier à la suite des déclassements intervenus, il ressort des débats que toutes les parties, traitées de la même manière, se sont effectivement expliquées sur l’ensemble des pièces produites aux débats, dans les délais prescrits, répondant ainsi à l’impératif de diligence attaché à la demande accessoire relative aux mesures conservatoires qui est une procédure d’urgence ; qu’en définitive, la société requérante qui se borne à alléguer d’un traitement procédural anormal ne démontre nullement que les délais de la procédure et son rythme auraient porté une atteinte irrémédiable et concrète à ses droits ; que la procédure est donc régulière au regard des textes invoqués par la société Euro Power Technology, qui n’imposent pas des délais précis, et plus particulièrement au regard de l’application du principe du contradictoire, ainsi que de l’exigence d’impartialité qui s’imposent à l’Autorité ;

ET AUX MOTIFS ENFIN QU’en outre, en application de l’article L 462-8 précité, l’admission de la saisine suppose que la dénonciation des pratiques s’appuie sur des éléments suffisamment probants ; qu’il ne peut donc être reproché à l’Autorité, en complétant son examen des pièces produites au soutien de la saisine, par une instruction sommaire, d’avoir mis en balance le droit à la protection du secret des affaires avec les nécessités de la procédure, et d’avoir fait preuve de prudence en protégeant le secret des affaires de toutes les parties, y compris celui de la société Euro Power Technology, afin d’éviter que sa saisine ne constitue indûment un instrument d’accès aux secrets d’affaires des sociétés adverses ; qu’il appartenait à la société Euro Power Technology de produire les éléments suffisamment probants requis justifiant la saisine de l’Autorité et l’instruction par ses services de la plainte de la société Euro Power Technology en application des articles L 461-1 et suivants du Code de commerce ; que l’Autorité n’a pas vocation à suppléer à la carence de la société requérante ; qu’il se déduit de ces circonstances que la société Euro Power Technology ne peut valablement se prévaloir d’une prétendue violation de ses droits de la défense (….) ;

1°) ALORS QUE des mesures conservatoires peuvent être décidées par l’Autorité de la concurrence dans les limites de ce qui est justifiée par l’urgence en cas d’atteinte grave et immédiate à l’économie générale, à celle du secteur intéressé, à l’intérêt des consommateurs ou à l’entreprise plaignante, lorsque les faits dénoncées et visés par l’instruction dans la procédure de fond, apparaissent susceptibles, en l’état des éléments produits aux débats de constituer une pratique contraire aux articles L 420-1 et L 420-2 du Code de commerce, pratique à l’origine directe et certaine de l’atteinte relevée ; qu’il s’ensuit que le prononcé de mesures conservatoires n’est pas subordonné à la constatation préalable d’une infraction ; qu’en considérant au contraire qu’il appartenait à l’Autorité de la concurrence de statuer en même temps et selon une procédure d’urgence, sur la demande de mesures conservatoires et sur le fond de l’affaire, la cour d’appel a violé les articles L 462-8 et L 464-1 du Code de commerce ;

2°) ALORS QUE la recevabilité d’une demande de mesures conservatoires n’est subordonnée qu’à la recevabilité de la saisine au fond de l’Autorité de la concurrence ; que les mesures conservatoires sont prononcées selon une procédure d’urgence indépendante de l’instruction de l’affaire au fond pour faire cesser une pratique gravement préjudiciable à l’ordre public économique ; qu’en affirmant que le traitement procédural de l’instruction au fond de la présente affaire doit s’apprécier au regard de la demande de mesures conservatoires ou encore que l’Autorité de la concurrence aurait pu, sans compromettre le déroulement de la procédure, accorder des délais de réponse plus longs aux parties, mais qu’elle avait répondu à l’impératif de diligence attaché à la demande accessoire relative aux mesures conservatoires qui est une procédure d’urgence, la cour d’appel a violé les articles L 462-8 et L 464-1 du Code de commerce ;

3°) ALORS QUE les atteintes au principe du contradictoire ne sont justifiées qu’en raison de l’urgence à examiner et à prononcer des mesures conservatoires ; qu’en se fondant sur une prétendue urgence à statuer sur la demande de mesures conservatoires pour justifier une instruction accélérée du fond de l’affaire, après avoir constaté que 21 mois après la saisine, l’Autorité de la concurrence n’avait toujours pas statué sur la demande de mesures conservatoires, ce dont il résulte que la condition d’urgence à statuer n’avait pas été respectée, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L 464-1 et L 464-2 du Code de commerce.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (moyens de preuve)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours de la société Euro Power Technology dirigé contre la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-D-14 du 16 avril 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la valorisation électrique du biogaz,

AUX MOTIFS QUE sur le reproche relatif aux pièces écartées des débats sur la base d’une ordonnance de référé rétractée, la société Euro Power Technology fait valoir que l’Autorité de la concurrence a, à tort, écarté des débats des pièces obtenues sur la base d’une ordonnance de référé rétractée, dont d’ailleurs, certaines ont, par la suite, été réintégrées dans les débats à la demande du rapporteur du Conseil de la concurrence ; que la société Euro Power Technology fait valoir, tout d’abord qu’une ordonnance de référé n’a pas autorité de la chose jugée et, qu’en l’espèce, l’ordonnance de rétractation visée par les sociétés EDF et Verdesis n’ordonne pas la restitution des pièces litigieuses ; qu’elle ajoute, ce qui n’est pas contesté, que le rapporteur de l’Autorité, lors de son instruction, a demandé et obtenu des parties la production de certaines de ces pièces ; qu’elle en déduit que ces pièces, ainsi produites régulièrement, auraient du être retenues par l’Autorité et être discutées dans le cadre de la présente saisine ; qu’il ressort (cependant) des débats que les pièces litigieuses ont été saisies dans les locaux de la société EDF par Me X…, huissier de justice en vertu de deux ordonnances des 25 juillet et 10 octobre 2007, rendues sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile par le juge des référés du tribunal de commerce de Marseille, saisi par la société Euro Power Technology ; que ces deux ordonnances ont été par la suite rétractées « en toutes leurs dispositions en ce qu’elles ont commis Me X…, huissier de justice » par l’ordonnance du 23 octobre 2007, confirmée par l’arrêt précité de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; qu’en application de l’article 484 du code de procédure civile, une ordonnance de référé n’a pas autorité de la chose jugée au principal et ne s’impose pas au juge du fond saisi aux mêmes fins ; qu’elle est cependant exécutoire à titre provisoire ; qu’il s’ensuit que l’ordonnance de rétractation du 23 octobre 2007 est exécutoire serait-ce à titre provisoire ; qu’en conséquence, la société Euro Power Technology ne saurait reprocher à l’Autorité d’avoir respecté cette décision et d’avoir écarté des débats les pièces litigieuses au motif que même obtenues, par la suite, à la demande de son rapporteur dans le cadre de l’instruction de la présente affaire, cette communication était entachée d’irrégularité, dès lors que la connaissance de l’existence même de ces pièces, internes à l’entreprise, puisait sa source dans les ordonnances précitées et les saisies nécessairement invalidées en ayant découlé, peu important, contrairement à ce que prétend la société Euro Power Technology, que leur restitution n’ait pas été expressément ordonnée par l’ordonnance de rétractation ; qu’il s’ensuit que le moyen tiré de ce que des pièces ont été écartées des débats par l’Autorité n’est pas fondé ; qu’il ressort donc de ce qui précède que doivent être écartées des débats les pièces produites par la société Euro Power Technology provenant de la saisie, ordonnée puis rétractée, dans les locaux de la société EDF à Marseille ; que ces pièces figurent dans le tableau récapitulatif produit par les sociétés Verdesis, non contesté par la société Euro Power Technology ; que s’y ajoutent celles qui ont été réclamées par le rapporteur de l’Autorité par demande en date du 22 décembre 2009 ; que ces pièces ont été produites par la requérante sous les numéros suivants : n° l, 2,3,7,9,10.2,10.3, Il, 12,40,41,51 et 58 ;

1°) ALORS QUE les dispositions spéciales des articles L 450-3 et L 461-4 du Code de commerce dérogent au droit commun et autorisent le rapporteur de l’Autorité de la concurrence à demander à toute entreprise la communication de tous livres, factures, et documents professionnels sous la seule réserve d’indiquer l’objet de l’enquête et d’identifier suffisamment clairement les pièces concernées ; qu’en décidant d’écarter des débats l’ensemble des pièces réclamées, le 22 décembre 2009, aux sociétés EDF et Verdesis par le rapporteur de l’Autorité de la concurrence au prétexte que ces documents avaient initialement été communiquées dans le cadre d’un procès civil en application d’ordonnances sur requête ensuite rétractées ce qui priverait le rapporteur de solliciter la communication de ces pièces, la cour d’appel qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé les articles L 450-3 et L 461-4 du Code de commerce ;

2°) ALORS QUE les décisions rendues dans le cadre d’un procès civil ne s’imposent pas à l’Autorité de la concurrence et réciproquement ; qu’en affirmant au contraire que l’Autorité de la concurrence avait exactement écarté des débats la totalité des pièces obtenues par la société Euro Power Technology en application d’ordonnances de référés ensuite rétractées, la cour d’appel a violé les articles 1351 du Code civil, 480 et 484 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE les moyens de preuve d’une pratique anticoncurrentielle sont libres et peuvent même résulter de simples présomptions ou d’un faisceau d’indices ; que seuls les éléments de preuve obtenus d’une manière déloyale à l’insu de leur auteur doivent être écartés ; qu’ainsi un document remis par son auteur en exécution d’une ordonnance sur requête est loyalement obtenu ; qu’en décidant d’écarter des débats les pièces produites par la société EPT en la seule considération tirée de ce que les ordonnances autorisant un huissier à se faire communiquer des pièces avaient ensuite été rétractées, la cour d’appel qui a statué par des motifs impropres à établir que ces documents avaient été obtenus en usant d’un procédé déloyal, a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du code de procédure civile ainsi que du principe de loyauté dans l’administration de la preuve.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours de la société Euro Power Technology dirigé contre la décision de l’Autorité de la concurrence n° 10-D-14 du 16 avril 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la valorisation électrique du biogaz,

AUX MOTIFS QUE sur l’absence d’actes d’instruction de la part de l’Autorité, la société Euro Power Technology fait valoir en se prévalant des articles L 461-1 à L 461-4, L 464-2 du Code de commerce, qu’elle n’avait pas à fournir, pour étayer sa saisin


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