Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 mars 2013), que le 1er février 1999, la société Eramet a conclu avec les sociétés Serame et Ceir, en leur qualité d’actionnaires de la Société industrielle de métallurgie avancée (la société Sima), toutes trois contrôlées par la famille X…, un protocole préparatoire à une opération d’apport et d’échange d’actions ; que, le 21 juillet 1999, l’assemblée générale extraordinaire de la société Eramet a approuvé l’apport par les actionnaires de la société Sima des titres de cette dernière à la société Eramet ; que le groupe Carlo Tassara, dont fait partie la société Carlo Tassara France (la société CTF), est entré en septembre 1999 dans le capital de la société Eramet ; que, soutenant que la situation financière réelle de la société Sima avait été frauduleusement dissimulée aux actionnaires de la société Eramet, la société CTF a, par acte du 17 novembre 2009, fait assigner la société Sima, désormais dénommée Eramet Holding Alliages (la société EHA), les sociétés Sorame et Ceir ainsi que MM. Edouard, Cyrille, Patrick, Georges, Sylvain, Richard et Norbert X…et Mmes Bertille, Christine et Jacqueline X…(les consorts X…), en présence de la société Eramet, en annulation des résolutions de l’assemblée générale du 21 juillet 1999 ; que ces derniers ont soulevé la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action ;
Attendu que la société CTF fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré cette action irrecevable comme prescrite, alors, selon le moyen :
1°/ que la fraude corrompt tout ; que celle qui consiste dans une dissimulation des éléments rendant irrégulier un acte, et qui empêche donc, tant qu’elle n’a pas cessé, toute action dirigée contre cet acte, fait exception aux règles de prescription ; qu’en l’espèce, la fraude imputée aux dirigeants du groupe Sima consistait à avoir dissimulé aux actionnaires de la société Eramet des informations déterminantes révélant le caractère inéquitable de la parité d’échange retenue lors de l’apport des actions de la société Sima à la société Eramet le 21 juillet 1999 ; que cette dissimulation avait perduré jusqu’aux premières révélations faites par la presse en septembre 2008, et avait donc empêché, jusqu’à cette date, la société CTF d’agir ; que la fraude ainsi commise faisait exception aux règles de prescription et interdisait donc aux dirigeants de la société Sima de se prévaloir de la prescription triennale normalement applicable à l’action en nullité des délibérations sociales ; que pour déclarer irrecevable comme tardive l’action en nullité intentée par la société CTF, la cour d’appel a cependant retenu qu’« il n’est pas d’exception légale à l’application de la prescription abrégée fondée sur la fraude » ; qu’en statuant ainsi, quand la dissimulation frauduleuse des éléments permettant d’agir en nullité d’une délibération sociale irrégulière fait échec à la mise en oeuvre de toute prescription, la cour d’appel a violé par refus d’application le principe fraus omnia corrumpit ;
2°/ que l’action en nullité d’une délibération sociale se prescrit par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue ; que, toutefois, si la délibération sociale ou les éléments fondant l’irrégularité de cette délibération sociale ont été dissimulés, le point de départ du délai est reporté au jour de la révélation de la délibération ou des éléments irréguliers ; qu’en l’espèce, la société CTF faisait valoir que la délibération de l’assemblée générale du 21 juillet 1999, par laquelle les actionnaires d’Eramet avaient autorisé l’apport de la société Sima au groupe Eramet était irrégulière, car les dirigeants de la société Sima avaient frauduleusement dissimulé des informations déterminantes démontrant le caractère inéquitable du rapport d’échange convenu ; que la société CTF démontrait également que cette irrégularité de la délibération ne lui avait été révélée qu’à partir de septembre 2008 lorsqu’elle avait fait procéder à une enquête relative aux conditions du rapprochement entre les groupes Sima et Eramet ; qu’il en résultait que le point de départ du délai de prescription n’avait pu commencer à courir qu’à compter du mois de septembre 2008, date à laquelle avaient été révélés à la société CTF les éléments fondant l’irrégularité de la délibération du 21 juillet 1999 ; que pour déclarer irrecevable comme tardive l’action en nullité intentée par la société CTF, la cour d’appel a cependant retenu que si la dissimulation a pour effet de reporter le point de départ du délai de la prescription triennale, « la dissimulation dont il s’agit concerne la délibération elle-même » ; qu’en statuant ainsi, quand la dissimulation des éléments fondant l’irrégularité de la délibération a pour effet de reporter le point de départ de la prescription, la cour d’appel a violé l’article 367 de la loi n 66-537 du 24 juillet 1966, applicable en la cause ;
3°/ que la dissimulation d’informations déterminantes relatives à la valorisation d’un apport prive, tant qu’elle n’est pas révélée, les actionnaires de la possibilité d’agir en nullité de la délibération approuvant l’évaluation de l’apport ; qu’en effet, tant que dure la dissimulation, les actionnaires ne peuvent connaître l’irrégularité de la décision approuvant l’apport ; qu’en affirmant péremptoirement que « les dissimulations alléguées relatives à la valorisation de Sima » ne pourraient « tenir lieu » « de manoeuvres frauduleuses ayant empêché la société CTF d’agir en nullité des délibérations critiquées », sans expliquer en quoi la société CTF aurait été en mesure d’agir en nullité de la délibération du 21 juillet 1999 approuvant l’apport de Sima à Eramet, cependant que la dissimulation commise par les consorts X…ne lui permettait pas de connaître l’irrégularité de l’opération d’apport, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de la règle fraus omnia corrumpit, ensemble l’article 367 de la loi n 66-537 du 24 juillet 1966, applicable en la cause ;
Mais attendu qu’ayant, par motifs adoptés, souverainement estimé que la société CTF ne démontrait pas que des informations relatives à la valorisation des parts de la société Sima avaient été dissimulées aux actionnaires de la société Eramet, ce dont il résultait que ces derniers ne s’étaient pas trouvés dans l’impossibilité d’agir en nullité des résolutions votées lors de l’assemblée générale du 21 juillet 1999, la cour d’appel en a déduit à bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen, que cette action en nullité était prescrite ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Carlo Tassara France aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Carlo Tassara France
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement en ce qu’il avait dit irrecevable, en vertu de la prescription, les demandes de la société CARLO TASSARA FRANCE relatives à l’apport de la SIMA à la société ERAMET et à ses suites ;
AUX MOTIFS QUE « Sur l’action en nullité des résolutions de l’assemblée générale des actionnaires d’Eramet en date du 21 juillet 1999 relatives à l’apport de Sima ;
Que la société CTF critique le jugement pour avoir retenu la prescription en présence d’une fraude alors que la règle selon laquelle la fraude corrompt tout s’applique par sa généralité à la prescription comme à tous les mécanismes juridiques de sorte que la seule question est celle de la preuve de la fraude à administrer devant le juge et que, par ailleurs, le principe contra non valentem agere non currit praescriptio ne trouve pas à s’appliquer dans le cas de fraude non plus que les dispositions anciennes ou nouvelles du code civil ou celles du code de commerce ;
Qu’elle réitère ses accusations de fraude à l’encontre de la famille X…qu’elle prétend coupable d’avoir dissimulé aux actionnaires d’Eramet la nature du contrôle exercé par Sima sur sa filiale américaine SMC, contrôle non pas conjoint ou opérationnel mais exclusif au sens de l’article L. 233-16 du Code de commerce, les consorts X…n’ayant pas révélé que les deux autres actionnaires de SMC, deux sociétés luxembourgeoises LWH et AMI, n’étaient que des prête-noms, dirigées par des préposés dont ils étaient, en réalité, les bénéficiaires économiques, ce qui leur a permis de présenter aux actionnaires d’Eramet lors de l’assemblée générale du 21 juillet 1999 des comptes consolidés intégrant SMC par mise en équivalence au lieu de l’intégration globale soit un maquillage comptable ayant eu pour effet de masquer l’exposition de Sima à la totalité de la dette de sa filiale SMC et aux résultats futurs négatifs liés à l’importance de l’endettement mais encore d’occulter la situation obérée de l’ensemble SMC/ Inco et de ne pas prendre en compte dans la valorisation de Sima l’endettement de la société SMC dont les consorts X…savaient qu’elle avait acheté un actif « pourri » ;
Que selon CTF, les dissimulations invoquées sont corroborées, d’une part, par le protocole secret conclu entre Eramet et les actionnaires de Sima en date du 1er février 1999 qui arrêtait d’avance la parité d’échange et confirmait l’exposition de Sima à la totalité de la dette de SMC, lequel ne leur a été révélé que lors de la procédure devant le tribunal de commerce, d’autre part, par le dépôt par SMC, le 17 décembre 1999, d’une plainte pour fraude contre les sociétés du groupe Inco qui révèle que dès novembre 1998, les consorts X…savaient que SMC avait acheté un actif « pourri » ce que confirment les attestations de trois anciens salariés syndicalistes d’Inco qu’elle a produites en cause d’appel ;
Et qu’elle ne pouvait agir tant qu’elle ignorait les dissimulations qui lui ont été révélées pour la première fois par l’article de presse paru en septembre 2008 faisant état de la plainte pour fraude déposée par SMC le 17 décembre 1999 puis par la production en cours de première instance du protocole secret ;
Que tandis que les consorts X…protestent contre les allégations de fraude, rappellent la multiplicité des informations, avis, rapports, contrôles ayant entouré l’opération, récusent la prétendue exposition de Sima à la dette de SMC dont elles contestent qu’il s’agissait d’un actif « pourri » et affirment que c’est bien le pourcentage de 38, 5 % qu’il convenait de retenir au plan comptable comme financier pour l’évaluation de Sima en invoquant notamment le rapport du cabinet Finexsi établi à leur demande par M. A…, expert-comptable, commissaire aux comptes, expert près la cour d’appel de Paris, et M. B…, expert-comptable et commissaire aux comptes, en date du 9 septembre 2010, qui constatent que les actionnaires ont été informés des modalités de contrôle exercé par Sima sur SMC ainsi que du montant de l’endettement de cette filiale, que ces informations figurent dans le document E visé par la COB et mis à la disposition des actionnaires, que le pacte d’actionnaires entre Sima et deux autres actionnaires significatifs était public, que l’endettement de Sima a été pris en compte pour évaluer le groupe Sima dans les deux méthodes de valorisation retenues pour déterminer la parité d’échange et que le rapport de MM. Marion et Mathieu comporte des erreurs méthodologiques qui remettent en cause sa conclusion ;
Qu’ils ajoutent que le protocole prétendument secret était, en réalité, public et que si la SMC a effectivement engagé, par la voie de son management américain qui ne les en a pas tenus informés, une action contre Inco quatorze mois après son acquisition d’IAI et cinq mois après l’apport à Eramet, cette requête était mentionnée dans le rapport annuel de SMC publié par la Securities and Exchange Commission (SEC), organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers, le 30 mars 2000, et dans le rapport 2001 ;
Qu’ils approuvent les premiers juges pour avoir déclaré prescrite l’action en nullité des délibérations de l’assemblée générale du 21 juillet 1999 en application de la prescription triennale instituée par l’article 367 alinéa 1er de la loi du 24 juillet 1966, alors en vigueur, devenu l’article L. 235-9 du Code de commerce ; qu’ils rappellent que c’est au regard de la loi ancienne que la Cour doit décider si la prescription était acquise à la date de l’assignation et font valoir que non seulement la démonstration n’est pas faite d’une quelconque dissimulation mais que CTF qui doit faire la preuve que la révélation après l’assemblée générale du 21 juillet 1999 de la fausseté prétendue de l’information justifie le report du point de départ de la prescription à la date de sa révélation, ne démontre ni n’allègue qu’elle s’est trouvée, en raison de manoeuvres frauduleuses, dans l’impossibilité d’agir en justice depuis qu’elle est devenue actionnaire de la société Eramet, que la prescription était donc accomplie dès le 22 juillet 2002 ;
Que quant à la société Eramet, elle souligne que le délai de prescription de l’article L. 235-9 du Code de commerce connaît une seule réserve correspondant au cas de dissimulation laquelle porte sur la délibération elle-même et non sur les faits invoqués à l’appui de l’action en nullité, qu’il ne suffit pas de l’invocation ni même de la démonstration d’une fraude pour écarter le jeu de la prescription applicable, que si la fraude corrompt tout y compris, le cas échéant, les textes spéciaux qui instituent une prescription abrégée, cela ne se vérifie en jurisprudence que dans des cas particuliers lorsque la fraude a pour objet soit de mettre en oeuvre une opération illégale soit d’empêcher l’écoulement normal du délai légal, que la fraude alléguée à la supposer établie ne pourrait faire échec à la prescription mais aurait pour seul effet de reporter le point de départ de la prescription triennale au jour de sa révélation à condition de démontrer une manoeuvre dilatoire destinée à empêcher l’intéressée d’agir en nullité de l’apport litigieux dans le délai légal ce qu’échoue à faire la société CFT et que c’est donc en méconnaissance du droit positif que celle-ci se contente, sans même chercher à la caractériser sur le fond, à agiter la qualification de fraude pour s’affranchir de la prescription et faire oublier que tous les éléments sur lesquels se fonde son action étaient publics dès la conclusion des actes litigieux ;
Qu’elle fait valoir que tant la nature du contrôle exercé par Sima sur SMC que l’endettement de SMC ont fait l’objet d’une communication au marché et aux actionnaires d’Eramet dans le cadre de l’opération de rapprochement et qu’il est inexact de soutenir que Sima était exposée à la totalité de la dette d’Eramet lire SMC, que l’évaluation du groupe Sima, indifférente à la méthode de consolidation de SMC dans ses comptes, a été effectuée sur la base d’une méthode multicritères, tenant pleinement compte de la dette de SMC, qu’en particulier n’ont été aucunement dissimulés ni les difficultés rencontrées par SMC et leurs causes, ni les mesures prises par SMC pour tenter d’y remédier pour assurer son redressement ni le montant du soutien financier accordé par Sima à SMC, que les dissimulations alléguées étant inexistantes, c’est à raison que les premiers juges ont déclaré l’action de CTF prescrite, observant que tout dans le comportement adopté par le groupe Carlo Tassara et ses représentants au cours de ces dix dernières années concourt à établir l’attention particulièrement marquée qu’ils ont portée en investisseurs avisés aux affaires du groupe Eramet comme en témoignent leurs nombreuses interventions lors des assemblées générales depuis 1999 ce dont il résulte que M. Zaleski n’a jamais rien ignoré des affaires d’Eramet et de la situation de SMC entre 1999 et 2002 ;
Que la société EHA (anciennement Sima) souligne qu’à aucun moment, CTF n’invoque un quelconque comportement qui aurait eu pour objet de l’empêcher d’agir en nullité de l’apport avant l’expiration du délai de prescription ;
Que l’action engagée par CTF tend à la nullité des délibérations de l’assemblée générale des actionnaires d’Eramet en date du 21 juillet 1999 qui ont approuvé à l’unanimité l’apport des actions de Sima à Eramet et leur rémunération par l’émission d’actions nouvelles en ces termes :
« Première résolution :
L’assemblée générale après avoir entendu lecture :
1. d’un traité sous seing privé en date du 4 juin 1999 aux termes duquel les actionnaires de la société Sima se sont engagés à apporter à Eramet 2 651 031 actions Sima d’un nominal de 20 Francs chacune, évaluées à 1 043 654 278 Francs, moyennant l’attribution de 8 505 138 actions nouvelles d’Eramet au nominal de 20 Francs chacune, à créer à titre d’augmentation de capital, soit pour un montant nominal de 170 102 760 Francs et avec une prime d’apport de 873 551 518 Francs, 2. rapport des commissaires aux apports nommés par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 3 mai 1999, 3. du rapport du conseil d’administration Accepte et approuve cet apport, son évaluation et sa rémunération sous les charges, clauses et conditions stipulées au contrat d’apport susvisé.
Deuxième résolution :
Comme conséquence de l’approbation du contrat d’apport, l’assemblée générale décide d’augmenter le capital social d’Eramet d’une somme de 170 102 760 Francs, le portant ainsi de 312 057 120 Francs à 482 159 888 Francs par l’émission de 8 505 138 actions d’un nominal de 20 francs chacune, entièrement libérées, à attribuer aux actionnaires de Sima en rémunération de cet apport.
Cinquième résolution :
L’assemblée générale constate que, par suite de l’adoption des résolutions qui précèdent, l’apport en nature et l’augmentation de capital ayant été approuvés, l’opération d’apport sera définitive à la date de clôture prévue par le contrat d’apport » ;
Que de par son objet, l’action est soumise à la prescription édictée par l’article 367 de la loi du 24 juillet 1966 devenu l’article L. 235-9 du Code de commerce aux termes duquel les actions en nullité de la société ou d’actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue ;
Qu’il est de principe que la prescription triennale s’applique quelle que soit la cause de la nullité ;
Que la seule réserve porte sur le point de départ du délai de trois ans lequel coïncide avec le jour de la délibération ou de l’acte mais qui est reporté en cas de dissimulation au jour de sa révélation ;
Que la dissimulation dont il s’agit concerne la délibération elle-même ;
Qu’or, il est constant que l’apport litigieux a été soumis à l’assemblée générale des actionnaires d’Eramet qui l’a approuvé dans les formes légales ce qui exclut toute dissimulation de nature à justifier le report du délai de prescription ;
Que CTF prétend échapper à la prescription triennale en arguant d’une fraude sur l’information relative à Sima donnée aux actionnaires d’Eramet laquelle procéderait de plusieurs dissimulations ;
Que cependant, il n’est pas d’exception légale à l’application de la prescription abrégée fondée sur la fraude et les décisions dont CTF se prévaut, au demeurant étrangères au droit des sociétés, faisant application du principe selon lequel la fraude corrompt tout pour écarter la prescription, correspondent à des situations particulières dans lesquelles la fraude a pour effet soit de mettre en oeuvre une opération contraire à des dispositions légales impératives soit d’empêcher le titulaire d’un droit de l’exercer dans les délais déterminés par la loi ;
Que comme il a été vu, l’apport litigieux a été approuvé par des délibérations d’assemblée générale conformément aux règles du droit des sociétés et à celles particulières résultant de la loi sur la privatisation des entreprises publiques ;
Que par ailleurs, CTF ne démontre ni même n’allègue des manoeuvres frauduleuses des consorts X… l’ayant empêchée d’agir en nullité des délibérations critiquées étant observé que les dissimulations alléguées d’informations relatives à la valorisation de Sima ne peuvent tenir lieu de telles manoeuvres ;
Qu’il s’en suit qu’à défaut de toute cause de suspension ou d’interruption de la prescription de l’article L. 235-9 du Code de commerce, celle-ci était acquise trois ans après les délibérations approuvant l’opération soit le 22 juillet 2002, plus de sept ans avant l’assignation de CTF dont l’action en nullité des délibérations est donc irrecevable comme prescrite comme l’ont exactement retenu les premiers juges ;
Que le jugement mérite confirmation de ce chef » ;
1/ ALORS QUE la fraude corrompt tout ; que celle qui consiste dans une dissimulation des éléments rendant irrégulier un acte, et qui empêche donc, tant qu’elle n’a pas cessé, toute action dirigée contre cet acte, fait exception aux règles de prescription ; qu’en l’espèce, la fraude imputée aux dirigeants du Groupe SIMA consistait à avoir dissimulé aux actionnaires de la société ERAMET des informations déterminantes révélant le caractère inéquitable de la parité d’échange retenue lors de l’apport des actions de la société SIMA à la société ERAMET le 21 juillet 1999 ; que cette dissimulation avait perduré jusqu’aux premières révélations faites par la presse en septembre 2008, et avait donc empêché, jusqu’à cette date, la société CTF d’agir ; que la fraude ainsi commise faisait exception aux règles de prescription et interdisait donc aux dirigeants de la société SIMA de se prévaloir de la prescription triennale normalement applicable à l’action en nullité des délibérations sociales ; que pour déclarer irrecevable comme tardive l’action en nullité intentée par la société CTF, la Cour d’appel a cependant retenu qu’« il n’est pas d’exception légale à l’application de la prescription abrégée fondée sur la fraude » (arrêt, p. 15, dernier alinéa, in limine) ; qu’en statuant ainsi, quand la dissimulation frauduleuse des éléments permettant d’agir en nullité d’une délibération sociale irrégulière fait à la mise en oeuvre de toute prescription, la Cour d’appel a violé par refus d’application le principe fraus omnia corrumpit ;
2/ ALORS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE l’action en nullité d’une délibération sociale se prescrit par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue ; que, toutefois, si la délibération sociale ou les éléments fondant l’irrégularité de cette délibération sociale ont été dissimulés, le point de départ du délai est reporté au jour de la révélation de la délibération ou des éléments irréguliers ; qu’en l’espèce, la société CTF faisait valoir que la délibération de l’assemblée générale du 21 juillet 1999, par laquelle les actionnaires d’ERAMET avaient autorisé l’apport de la société SIMA au Groupe ERAMET était irrégulière, car les dirigeants de la société SIMA avaient frauduleusement dissimulé des informations déterminantes démontrant le caractère inéquitable du rapport d’échange convenu ; que la société CTF démontrait également que cette irrégularité de la délibération ne lui avait été révélée à partir de septembre 2008 lorsqu’elle avait fait procéder à une enquête relative aux conditions du rapprochement entre les Groupes SIMA et ERAMET ; qu’il en résultait que le point de départ du délai de prescription n’avait pu commencer à courir qu’à compter du mois de septembre 2008, date à laquelle avaient été révélés à la société CTF les éléments fondant l’irrégularité de la délibération du 21 juillet 1999 ; que pour déclarer irrecevable comme tardive l’action en nullité intentée par la société CTF, la Cour d’appel a cependant retenu que si la dissimulation a pour effet de reporter le point de départ du délai de la prescription triennale, « la dissimulation dont il s’agit concerne la délibération elle-même » (arrêt, p. 15, alinéa 8) ; qu’en statuant ainsi, quand la dissimulation des éléments fondant l’irrégularité de la délibération a pour effet de reporter le point de départ de la prescription, la Cour d’appel a violé l’article 367 de la loi n° 66-537 de la loi du 24 juillet 1966, applicable en la cause ;
3/ ALORS ET EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE la dissimulation d’informations déterminantes relatives à la valorisation d’un apport prive, tant qu’elle n’est pas révélée, les actionnaires de la possibilité d’agir en nullité de la délibération approuvant l’évaluation de l’apport ; qu’en effet, tant que dure la dissimulation, les actionnaires ne peuvent connaître l’irrégularité de la décision approuvant l’apport ; qu’en affirmant péremptoirement que « les dissimulations alléguées relatives à la valorisation de Sima » ne pourraient « tenir lieu » « de manoeuvres frauduleuses ayant empêché la société CTF d’agir en nullité des délibérations critiquées » (arrêt, p. 16, alinéa 3), sans expliquer en quoi la société CTF aurait été en mesure d’agir en nullité de la délibération du 21 juillet 1999 approuvant l’apport de SIMA à ERAMET, cependant que la dissimulation commise par les consorts X… ne lui permettait pas de connaître l’irrégularité de l’opération d’apport, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de la règle fraus omnia corrumpit, ensemble l’article 367 de la loi n° 66-537 de la loi du 24 juillet 1966, applicable en la cause ;
ECLI:FR:CCASS:2014:CO00695