Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 7 juin 2016), que la société civile des Terres Froides (la SCTF), dont le capital est réparti entre M. Philippe X…, Mme Claire Y…, veuve X…, et les ayants droit de Françoise X… épouse Z…, détient 69,60 % du capital de la société anonyme Saumuroise de participations (la SSP), qui détient elle-même 63,74 % du capital de la société X… Industries (la société X…) ; que la SCTF et la SSP ont été dissoutes par une décision judiciaire devenue irrévocable ; que la société AJ partenaires (la société AJP) a été judiciairement désignée pour procéder à la liquidation de la SCTF dans les termes de l’article 1844-8 du code civil, ainsi qu’en qualité de liquidateur de la SSP ; que, par acte du 18 mai 2015, la SCTF et la SSP, représentées par la société AJP, ainsi que la société Letra, également actionnaire de la SSP, ont conclu avec la société FII Co un contrat définissant les modalités de cession des actions de la société X… qu’elles détenaient ensemble ; que, par acte du 16 juillet 2015, la société AJP, en qualité de liquidateur de la SCTF, a assigné M. Philippe X… et Mme Claire Y… veuve X… devant le tribunal de grande instance afin d’être autorisée à céder les actions détenues directement par la SCTF dans le capital de la société X… et à voter favorablement au projet de cession de la participation de la SSP dans le capital de la société X… ; que M. Z…, en sa qualité de gérant de l’indivision successorale de Françoise X… épouse Z…, et les ayants droit de celle-ci (les consorts Z…), ainsi que la société Letra, sont intervenus volontairement à l’instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Philippe X… et Mme Claire Y… veuve X… font grief à l’arrêt d’autoriser la société AJP, en qualité de liquidateur de la SCTF, à céder les actions détenues par cette dernière dans le capital de la société X… et à voter favorablement, au nom de la SCTF en sa qualité d’actionnaire de la SSP, lors de l’assemblée générale de celle-ci, au projet de cession des actions que la SSP détient dans le capital de la société X… alors, selon le moyen :
1°/ que le pouvoir de partager n’emporte pas celui de céder ; qu’il incombe au liquidateur d’une société civile, après paiement des dettes et remboursement du capital social, de procéder au partage de l’actif entre les associés dans les mêmes proportions que leur participation aux bénéfices ; que les règles concernant le partage des successions s’appliquent au partage entre associés ; que la cour d’appel a retenu qu’il résultait de la rétractation de l’ordonnance du 12 juin 2014, que la société AJP était liquidateur de laSCTF avec les pouvoirs conférés par l’ordonnance du 17 juin 2011 de « procéder à la liquidation de la SCTF dans les termes des articles 1844-8 du code civil » ; qu’en retenant qu’il était de « l’essence de la mission » de la société AJP de céder les participations directes et indirectes de la SCTF dans la société X…, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que la société AJP était investie d’une mission de partage des parts sociales entre les associés mais n’avait pas le pouvoir de les céder à leur place ; qu’elle a, ce faisant, violé les articles 1844-8 et suivants du code civil ;
2°/ que l’insuffisance de liquidités pour rembourser les apports en capital autorise la réalisation des éléments d’actifs à concurrence du passif à éteindre ; qu’en retenant que l’insuffisance des liquidités disponibles pour rembourser les apports des associés justifiait la cession de l’intégralité de l’actif, la cour d’appel a violé l’article L. 1844-9 du code civil ;
3°/ qu’en retenant, pour autoriser la cession, que « la dissolution de la SSP est incompatible avec le partage en nature souhaité par les appelants dans la mesure où la SCTF détient des participations dans la société X… mais aussi dans la SSP, qui est elle-même dissoute », la cour d’appel qui s’est prononcée par un motif inopérant, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article L. 1844-9 du code civil ;
4°/ que l’ordonnance sur requête du 12 juin 2014 ayant autorisé la société AJP à procéder à la cession litigieuse, a été rétractée par la cour d’appel de Grenoble dans son arrêt du 29 septembre 2015 ; qu’en disant que la société AJP disposait des pouvoirs nécessaires pour réaliser l’opération, la cour d’appel a violé l’article 1355, anciennement 1351, du code civil ;
Mais attendu que l’arrêt constate que la SCTF détient des participations dans la société X… mais aussi dans la SSP qui est elle-même dissoute ; qu’il retient que si la société AJP ne peut plus se prévaloir des dispositions de l’ordonnance du 12 juin 2014 rétractée par arrêt du 29 septembre 2015, cet arrêt n’a pas eu pour effet de la priver des pouvoirs de liquidateur qu’elle tient de la décision initiale du 17 juin 2011 ; qu’il retient encore que la société X… est dépourvue depuis plusieurs années d’une direction apte à prendre des décisions stratégiques du fait des dissensions familiales, n’investit plus, cependant qu’elle intervient sur le marché concurrentiel, en constante évolution, des textiles techniques, et qu’elle est de ce fait condamnée à disparaître à moyen terme ; qu’il retient enfin, par des motifs vainement critiqués par les deuxième et troisième moyens, que la cession des titres de la société X… détenus par la SCTF ne porte pas atteinte aux intérêts des associés de celle-ci ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que seule la cession de la totalité de l’actif de la SCTF permettrait d’assurer également la dissolution de la SSP judiciairement ordonnée et la cession, dans l’intérêt social de la société X…, des participations directes et indirectes que la SCTF et la SSP détenaient dans le capital de cette dernière, la cour d’appel, qui a souverainement apprécié quelles modalités de réalisation de l’actif de la SCTF assureraient, sans méconnaître les droits de ses associés qui se reporteraient, au stade du partage, sur les fonds issus de la cession des titres de la société X…, la mise en oeuvre des dissolutions de la SCTF et de la SSP emportant leur liquidation, ainsi que la pérennité de la société X…, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. Philippe X… et Mme Claire Y…, veuve X…, font le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen, que les consorts X… faisaient valoir que, du fait de la combinaison de plusieurs mécanismes contractuels, le prix de cession n’était pas de 50 100 460,33 euros comme indiqué mais de 37 850 000 euros ; qu’ils précisaient qu’il était en effet prévu, au profit des acquéreurs, la restitution d’une partie du prix de vente, à concurrence de 4 400 000 euros, sous la forme d’un « droit à dividende rétroactif » ; qu’ils ajoutaient que la somme de 50 100 460,33 euros correspondait à la valeur de la totalité des actions de la SCTF, et non à la valeur des seules actions cédées, qui représentaient 85 % du capital ; qu’en se fondant sur la somme de 50 100 460,33 euros pour estimer le prix de cession « sérieux », sans s’expliquer sur les conclusions de M. Philippe X… et de Mme Claire Y… veuve X…, dont il résultait que le prix était en réalité de seulement 37 850 000 euros, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l’arrêt constate que le sachant, désigné pour assister la société AJP dans sa mission, juge la valeur retenue pour le prix de 50 100 460,33 euros de l’ensemble des actions composant le capital de la société X…, minoré des actions d’auto-contrôle, cohérente par rapport à « l’EBITDA » de l’exercice clos le 31 décembre 2016 ; qu’il retient que l’obligation de vendre dans laquelle se trouvent les associés de la société X…, pris dans un conflit familial déjà ancien, aux nombreux épisodes judiciaires, qui détourne les éventuels candidats à la reprise, influe négativement sur le prix de cession et qu’un aléa environnemental a également pesé sur le prix proposé ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a répondu aux conclusions invoquées ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. Philippe X… et Mme Claire Y…, veuve X…, font le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d’appel, après avoir constaté que le contrat de cession comportait une succession de clauses, séquestre du prix de cession, conditions de garantie du paiement du solde, conditions suspensives et absence de rétroactivité de la condition résolutoire, « assurant la protection des intérêts de la seule cessionnaire », a considéré que ce « déséquilibre entre droits et obligations des parties ne révélait aucun abus » ; qu’en ne prenant pas en compte, comme il le lui était demandé, les effets des clauses lorsqu’elles étaient combinées entre elles, notamment au regard de la condition « résolutoire » sans effet rétroactif prévue aux articles 9.1 et 9.3 du contrat, dont il résultait que l’acquéreur pouvait diriger le groupe X… pendant une période transitoire de plusieurs années, puis obtenir la restitution du prix tout en étant dispensé de restituer les bénéfices perçus, la cour d’appel a privé sa décision de motifs et n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu’en retenant que le déséquilibre constaté entre les cédants et le cessionnaire ne révélait aucun abus, sans se prononcer, ainsi qu’il le lui était demandé, sur l’incidence des obligations à bons de souscription d’actions (OBSA) prévues par le contrat, la cour d’appel a privé sa décision de motifs et n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que les consorts X… soutenaient enfin que l’ensemble du mécanisme contractuel organisait une fraude destinée à soustraire l’opération à tout contrôle judiciaire ;qu’en s’abstenant de s’expliquer sur la fraude invoquée, la cour d’appel a, derechef, privé sa décision de motifs et méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu’en s’abstenant, en définitive, de rechercher si la cession litigieuse n’avait pas pour effet d’organiser le démantèlement du groupe X… au profit d’un fonds de pension dépourvu de vocation industrielle, et en ne se prononçant pas ainsi sur la conformité de l’opération au regard de l’intérêt social non seulement de la SCTF mais plus largement, de la société X…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de 1849 du code civil ;
Mais attendu que l’arrêt estime que les clauses critiquées ont été introduites pour parer au conflit familial, qu’elles sont destinées à permettre une prise de contrôle immédiate de l’entreprise et une mise en oeuvre rapide de la politique d’investissement que le repreneur juge opportune, et qu’à défaut, la date d’entrée en jouissance des actions serait reportée à une date indéterminée, une telle solution étant incompatible avec la fixation d’un prix de cession ferme et définitif, telle que retenue par le protocole, et les exigences de réactivité de l’économie de marché ; que l’arrêt observe que les mécanismes contractuels mis en oeuvre dans l’acte du 18 mai 2015, que la majorité des associés de la société X… approuve, tiennent à la vulnérabilité des associés qui sont dans la nécessité de vendre leurs participations dans une société qui, dépourvue depuis plusieurs années déjà d’une direction apte à prendre des décisions stratégiques du fait des dissensions familiales, n’investit plus, cependant qu’elle intervient sur le marché concurrentiel, en constante évolution, des textiles techniques, et qui est, de ce fait, condamnée à disparaître à moyen terme ; que l’arrêt retient aussi, par motifs adoptés, que l’émission d’obligations avec bons de souscription d’actions permettra de renforcer les fonds propres de la société X… et de répondre à ses besoins de trésorerie et que la renonciation de la SCTF et de la SSP à leurs droits préférentiels de souscription résulte logiquement du fait que ces sociétés dissoutes sont destinées à disparaître après cession de leurs actifs ; qu’il retient encore, par motifs adoptés, que les clauses suspensives couplées aux clauses résolutoires non rétroactives, en cas de décisions des juridictions supérieures non conformes, sont parfaitement valables et permettent d’assurer une sécurité juridique et que les allégations des consorts X… quant à une fraude organisée ne sont étayées par rien d’autre que leurs simples affirmations ; qu’il retient enfin, par motifs adoptés, que la société Warwick Capital Partners, qui détient la société cessionnaire, est spécialisée dans les opérations de rachat et de capital développement pour petites et moyennes entreprises, que le groupe Warwick a investi dans des entreprises significatives, que les fonds impliqués dans l’opération ont une expérience de plus de onze ans dans le domaine de l’industrie et ont obtenu des résultats dans le redressement d’entreprises en difficulté et que l’investissement réalisé par le cessionnaire n’a manifestement pas pour but de dépecer l’entreprise, mais bien de redresser et développer cette dernière afin de la valoriser ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, procédant d’une analyse globale du contrat de cession, mise en perspective avec la situation de la société X…, la cour d’appel, qui a examiné les garanties présentées par le cessionnaire au regard des besoins de la société X… et de sa pérennité, a répondu, par une décision motivée et sans avoir à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, aux conclusions prétendument omises et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu que M. Philippe X… et Mme Claire Y…, veuve X…, font le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen, que la cession globale de l’actif d’une société est autorisée dans les conditions requises pour les modifications statutaires ; qu’en refusant de se prononcer sur le respect de ces conditions, la cour d’appel a violé, s’agissant de la SSP, l’article L. 237-8 du code de commerce et s’agissant de la SCTF, l’article 1852 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé qu’en sa qualité de liquidateur de la SCTF, la société AJP représentait les intérêts de celle-ci au sein de la SSP, dont elle était actionnaire, et avait qualité pour prendre part, avec les autres associés de la SSP, à une délibération ayant pour objet la cession de la propre participation de cette dernière dans le capital de la société X…, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu qu’il relevait du tribunal de commerce, lequel était saisi d’une demande d’autorisation de la cession de la participation de la SSP dans le capital de la société X…, de rechercher si les prescriptions de l’article L. 237-8 du code de commerce avaient été respectées par le liquidateur de la SSP et qu’elle a accueilli la demande d’autorisation de voter pour le compte de la SCTF lors de l’assemblée générale de la SSP, dont elle était seulement saisie ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Philippe X… et Mme Claire Y…, veuve X…, aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société AJ partenaires, en qualité de liquidateur de la société civile des Terres Froides, la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Philippe X… et Mme Claire Y…, veuve X….
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir autorisé la société AJP représentée par M. D… en qualité de liquidateur de la SCTF, à céder les 1 742 actions détenues par cette dernière dans la société X… Industries et à voter favorablement lors de l’assemblée générale de la SSP au projet de cession des 28 947 actions qu’elle détient dans le capital de la société X… Industries ;
AUX MOTIFS QUE la société AJ Partenaires, ès qualités de liquidateur de la société SCTF, sollicite d’une part l’agrément de la convention de cession des actions X… Industries conclue avec la société Fll Co, d’autre part l’autorisation de voter, comme représentant de la société SCTF, lors de l’assemblée générale des actionnaires de la société SSP en faveur de la cession des actions X… Industries détenues par cette société ; que l’ensemble des signataires de la convention du 18 mai 2015 et de ses avenants n’étant pas à la cause, ces actes ne peuvent pas être annulés ; qu’il sera rappelé que le capital social de la société X… Industries , divisé en 45.609 actions, est détenu à hauteur de 63,5 % par la société SSP, 16,2 % par divers établissements financiers, 9,7 % par la société Letra, 3,8 % par la société SCTF ; que 6,7 % du capital sont directement détenus par les membres de la famille, en leur qualité d’héritiers de M. Robert X… (3.016 actions) ou de Mme Françoise Z… (5 actions), M. Philippe X… et Mme Laurence X…, son épouse, détenant l’un et l’autre 1 action ; que s’agissant de la cession des actions X… Industries détenues par la société SCTF, les appelants dénient à la société AJP tout pouvoir à agir, d’une part en s’appuyant sur la rétractation de l’ordonnance du 12 juin 2014, d’autre part en dénonçant un dévoiement de sa mission ; que selon ordonnance sur requête du 12 juin 2014, intitulée « ordonnance précisant la mission du liquidateur », le président du tribunal de Bourgoin-Jallieu avait défini la mission de la société AJ Partenaires comme suit : – réaliser les actifs, payer le passif et répartir un éventuel boni, – dans le cadre de la réalisation de l’actif, procéder à la cession des actions de la société X… Industries , – pendant la durée de la liquidation, assurer librement, sous le seul contrôle du tribunal, la gestion de la société, – en conséquence, participer librement, sous le seul contrôle du tribunal, aux assemblées générales des sociétés Saumuroise de Participations et X… Industries et y voter comme il lui semblerait conforme à l’intérêt de la liquidation, – d’une manière générale, exercer tous les droits attachés à la qualité d’actionnaires dans les sociétés Saumuroise de Participations et X… Industries ; que dans un arrêt du 29 septembre 2015, la cour de céans, retenant que le recours à une procédure sur requête n’était pas justifié en l’espèce, a rétracté l’ordonnance rendue le 12 juin 2014 ; que si la société AJ Partenaires ne peut plus se prévaloir des dispositions de cette ordonnance rétractée, l’arrêt du 29 septembre 2015 n’a pas eu pour effet de la démunir de ses pouvoirs de liquidateur ; que selon les termes mêmes de l’ordonnance du 12 juin 2014, son objet était de « préciser la mission confiée à l’administrateur » ; que l’ordonnance du 12 juin 2014 ne s’est à aucun moment substituée à de précédentes décisions et sa rétractation n’a pas entraîné un « vide » qui n’aurait pas été comblé par une décision nouvelle procédant au remplacement du contenu anéanti ; que les pouvoirs de la société AJ Partenaires restent définis par l’ordonnance du 17 juin 2011 ayant désigné MM. Robert X… et Michel E… en qualité de co-liquidateurs « avec pour mission de procéder à la liquidation de cette société, dans les termes de l’article 1844-8 du code civil, sauf à saisir les associés des sociétés SCTF et SSP d’un projet de restructuration juridique par voie de fusion-absorption de ces deux sociétés par leur filiale commune, la société X… Industries , aux conditions juridiques et fiscales qu’ils apprécieront sous leur entière responsabilité », dès lors que l’ordonnance du 30 juillet 2012 ayant nommé la société AJ Partenaires en remplacement de M. E… ne fournit aucune indication sur les pouvoirs de ce nouveau mandataire ; que la société AJ Partenaires détient les pouvoirs nécessaires pour mener à son terme la liquidation de la société SCTF, qu’en sa qualité de liquidateur, la société AJ Partenaires est seule habilitée à représenter la société SCTF désormais dissoute ; qu’il est enseigné que la liquidation d’une société est « l’ensemble des opérations consistant, après règlement du passif sur les éléments de l’actif, à convertir ces éléments en argent, de manière que le partage puisse être effectué » (Répertoire de droit des sociétés – Liquidation et partage par Ch. H…) ; qu’elle implique d’apurer le passif social, de rembourser les apports des associés et d’établir la masse active qui sera répartie entre les associés ; qu’ainsi que l’observe la société AJ Partenaires, les liquidités détenues par la société SCTF (283 413 € au 31 décembre 2015) ne permettent pas de rembourser les apports en capital des associés (4 416 000 €) ; qu’en outre, la dissolution de la société SSP est incompatible avec le partage en nature souhaité par les appelants dans la mesure où la société SCTF détient des participations dans la société X… Industries mais aussi dans la société SSP, qui est elle-même dissoute ; qu’enfin, il sera rappelé que lors d’une réunion tenue le 18 octobre 2011 sous l’égide de M. E…, alors liquidateur de la société SCTF au cours de laquelle la fusion-absorption des sociétés SCTF et SSP par la société X… Industries avait été évoquée, le conseil des appelants s’était opposé à un tel projet et avait conclu à la « vente immédiate de l’ensemble des actions de X… Industries » ; qu’en conclusion, la société AJ Partenaires ne commet aucun dévoiement en entreprenant de céder les participations de la société SCTF dans la société X… Industries dès lors que cette cession est de l’essence de sa mission ;
1) ALORS QUE le pouvoir de partager n’emporte pas celui de céder ; qu’il incombe au liquidateur d’une société civile, après paiement des dettes et remboursement du capital social, de procéder au partage de l’actif entre les associés dans les mêmes proportions que leur participation aux bénéfices ; que les règles concernant le partage des successions s’appliquent au partage entre associés ; que la cour d’appel a retenu qu’il résultait de la rétractation de l’ordonnance du 12 juin 2014, que la société AJP était liquidateur de la société SCTF avec les pouvoirs conférés par l’ordonnance du 17 juin 2011 de « procéder à la liquidation de la SCTF dans les termes des articles 1844-8 du code civil » ; qu’en retenant qu’il était de « l’essence de la mission » de la société AJP de céder les participations directes et indirectes de la société SCTF dans la société X… Industries , la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, dont il résultait que la société AJP était investie d’une mission de partage des parts sociales entre les associés mais n’avait pas le pouvoir de les céder à leur place ; qu’elle a ce faisant violé les articles 1844-8 et suivants du code civil ;
2) ALORS QUE l’insuffisance de liquidités pour rembourser les apports en capital autorise la réalisation des éléments d’actifs à concurrence du passif à éteindre ; qu’en retenant que l’insuffisance des liquidités disponibles pour rembourser les apports des associés justifiait la cession de l’intégralité de l’actif, la cour d’appel a violé l’article L. 1844-9 du code civil ;
3) ALORS QU’en retenant, pour autoriser la cession, que « la dissolution de la société SSP est incompatible avec le partage en nature souhaité par les appelants dans la mesure où la société SCTF détient des participations dans la société X… Industries mais aussi dans la société SSP, qui est elle-même dissoute », la cour d’appel qui s’est prononcée par un motif inopérant, n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de violé l’article L. 1844-9 du code civil ;
4) ALORS QUE l’ordonnance sur requête du 12 juin 2014 ayant autorisé la société AJP à procéder à la cession litigieuse, a été rétractée par la cour d’appel de Grenoble dans son arrêt du 29 septembre 2015 ; qu’en disant que la société AJP disposait des pouvoirs nécessaires pour réaliser l’opération, la cour d’appel a violé l’article 1355 (anciennement 1351) du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir autorisé la société AJP représentée par M. D… en qualité de liquidateur de la SCTF, à céder les 1 742 actions détenues par cette dernière dans la société X… Industries et à voter favorablement lors de l’assemblée générale de la SSP au projet de cession 28 947 actions qu’elle détient dans le capital de la société X… Industries ;
AUX MOTIFS QUE M. X… et Mme Y… contestent l’évaluation retenue par les parties au protocole du 18 mai 2015 et à ses avenants, soit 50 100 460,33 euros pour l’ensemble des actions composant le capital de la société X… Industries , minoré des actions d’autocontrôle, en observant qu’aucune expertise n’a été effectuée et que « nul ne sait quelle est la valeur exacte de X… Industries » ; que s’il est exact que M. E… n’a pas été désigné en qualité d’expert pour évaluer l’entreprise, il a été désigné comme « sachant » par l’ordonnance du 30 janvier 2012 ayant nommé la société AJ Partenaires pour l’assister dans sa mission ; que dans une note du 28 avril 2015, M. E… jute la valeur retenue cohérente par rapport à l’EMMA (soit l’excédent brut d’exploitation) de l’exercice clos le 31 décembre 2013 ; que l’obligation de vendre dans laquelle se trouvent les associés de la société X… Industries pris dans un conflit familial, déjà ancien, aux nombreuses épisodes judiciaires, qui détourne les éventuels candidats à la reprise, influe négativement sur le prix de cession ; que lors de la réunion du 27 avril 2015, il a été fait état de la nécessité d’investir de 15 à 25 000 000 euros pour traiter la pollution occasionnée par l’usine implantée aux Etats-Unis ; que cet aléa environnemental a également pesé sur le prix proposé ; que dans ces conditions, le prix proposé, qui n’est sans doute pas conforme aux attentes des appelants, sera tenu pour sérieux ;
ALORS QUE les consorts X… faisaient valoir que, du fait de la combinaison de plusieurs mécanismes contractuels, le prix de cession n’était pas de 50 100 460,33 euros comme indiqué mais de 37 850 000 euros ; qu’ils précisaient qu’il était en effet prévu, au profit des acquéreurs, la restitution d’une partie du prix de vente, à concurrence de 4 400 000 euros, sous la forme d’un « droit à dividende rétroactif » ; qu’ils ajoutaient que la somme de 50 100 460,33 euros correspondait à la valeur de la totalité des actions de la société SCTF, et non à la valeur des seules actions cédées, qui représentaient 85 % du capital ; qu’en se fondant sur la somme de 50 100 460,33 euros pour estimer le prix de cession « sérieux », sans s’expliquer sur les conclusions des exposants, dont il résultait que le prix était en réalité de seulement 37 850 000 euros, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir autorisé la société AJP représentée par M. D… en qualité de liquidateur de la SCTF, à céder les 1 742 actions détenues par cette dernière dans la société X… Industries et à voter favorablement lors de l’assemblée générale de la SSP au projet de cession des 28 947 actions qu’elle détient dans le capital de la société X… Industries ,
AUX MOTIFS QUE les appelants dénoncent l’économie du contrat qu’ils jugent déséquilibré et préjudiciable aux cédants ; que certes, la mise sous séquestre de l’acompte à valoir sur le prix (article 3.2.1), le recours à des « lettres de confort » pour garantir le paiement du solde du prix (article 3.2.3), la condition suspensive tenant à la remise d’autorisations données au liquidateur par les juridictions de Vienne et de Bourgoin-Jallieu et non de décisions définitives (article 4.1.5), l’absence d’effet rétroactif de la condition résolutoire tenant à l’infirmation des autorisations émanant des juridictions de Vienne et de Bourgoin-Jallieu (article 9.3) assurent la protection des intérêts de la seule cessionnaire ; que ces clauses, qui ont été introduites pour parer au conflit familial déjà évoqué, sont destinées à permettre une prise de contrôle immédiate de l’entreprise et une mise en oeuvre rapide de la politique d’investissement que le repreneur juge opportune (article 4.1.15) ; qu’à défaut, la date d’entrée en jouissance des actions serait reportée à une date indéterminée ; qu’une telle solution serait incompatible avec la fixation d’un prix de cession ferme et définitif, telle que retenue par le protocole (article 3.1.1), et les exigences de réactivité de l’économie de marché ; que les mécanismes contractuels mis en oeuvre dans l’acte du 18 mai 2015, que la majorité des associés de la société X… Industries approuve, tiennent à la vulnérabilité des associés qui sont dans la nécessité de vendre leurs participations dans une société qui, dépourvue depuis plusieurs années déjà d’une direction apte à prendre des décisions stratégiques du fait des dissensions familiales, n’investit plus alors qu’elle intervient sur le marché concurrentiel, en constante évolution, des textiles techniques, et qui est, de ce fait, condamnée à disparaître à moyen terme ; que le déséquilibre entre droits et obligations des parties ne révélant aucun abus, la cession litigieuse n’est pas assimilable à un acte de spoliation des associés couvert voire orchestré par la société AJ Partenaires ; qu’il résulte des documents comptables produits que les disponibilités des sociétés WEOF et WECOF ressortaient respectivement à 35 517 492 US $ et à 47 464 978 US $ au 31 décembre 2014 ; que si le capital social de la société FII Co est faible, les associés de la cessionnaire sont en mesure de mobiliser les fonds nécessaires au règlement du prix de vente ; qu’il résulte de ce qui précède que la cession projetée des 1 192 titres de la société X… Industries détenus par la société SCTF ne porte pas atteinte aux intérêts des associés de la société SCTF ; qu’elle sera autorisée ;
1) ALORS QUE la cour d’appel, après avoir constaté que le contrat de cession comportait une succession de clauses (séquestre du prix de cession, conditions de garantie du paiement du solde, conditions suspensives et absence de rétroactivité de la condition résolutoire) « assurant la protection des intérêts de la seule cessionnaire », a considéré que ce « déséquilibre entre droits et obligations des parties ne révélait aucun abus » ; qu’en ne prenant pas en compte, comme il le lui était demandé (p. 64), les effets des clauses lorsqu’elles étaient combinées entre elles, notamment au regard de la condition « résolutoire » sans effet rétroactif prévue aux articles 9.1 et 9.3 du contrat, dont il résultait que l’acquéreur pouvait diriger le groupe X… pendant une période transitoire de plusieurs années, puis obtenir la restitution du prix tout en étant dispensé de restituer les bénéfices perçus, la cour d’appel a privé sa décision de motifs et n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU’en retenant que le déséquilibre constaté entre les cédants et le cessionnaire ne révélait aucun abus, sans se prononcer, ainsi qu’il le lui était demandé, sur l’incidence des obligations à bons de souscription d’actions (OBSA) prévues par le contrat, la cour d’appel a privé sa décision de motifs et n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE les consorts X… soutenaient enfin que l’ensemble du mécanisme contractuel organisait une fraude destinée à soustraire l’opération à tout contrôle judiciaire (concl., p. 74 et suivantes) ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur la fraude invoquée, la cour d’appel a, derechef, privé sa décision de motifs et méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
4) ALORS ENFIN QU’en s’abstenant, en définitive, de rechercher si la cession litigieuse n’avait pas pour effet d’organiser le démantèlement du groupe X… Industries au profit d’un fonds de pension dépourvu de vocation industrielle, et en ne se prononcer pas ainsi sur la conformité de l’opération au regard de l’intérêt social non seulement de la société SCTF mais plus largement,