Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Maisoning éco habitat que sur le pourvoi incident relevé par la société Castorama France ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 17 décembre 2015) et les productions, que le 2 octobre 2002 la société Castorama France (la société Castorama) a conclu un contrat de prestations de service avec la société STP Expansion, devenue Maisoning SA, par lequel était organisée la prestation de pose de ses produits, avec une clause d’exclusivité réciproque ; que ce contrat a fait l’objet d’avenants, le 7 avril 2005, limitant la portée de la clause d’exclusivité à l’égard de la société Maisoning SA, puis le 2 novembre 2009, après que la société Maisoning SA eut fait l’objet d’un redressement judiciaire, puis, le 22 décembre 2009 d’un plan de cession au profit de la société Groupe Prunay ; qu’à la suite de cette cession, la société Maisoning éco habitat (la société MEH) a été créée, en janvier 2010, afin de poursuivre l’activité de la société Maisoning SA et notamment le partenariat avec la société Castorama ; que des négociations ont été engagées entre la société Castorama et la société MEH, sur la base d’un nouveau projet de contrat proposé par la société Castorama, sans que les deux sociétés ne parviennent à un accord ; que le 8 septembre 2011, la société MEH a adressé un courrier de résiliation à la société Castorama ; que, reprochant à la société Castorama des pratiques anticoncurrentielles et restrictives de concurrence, en ce qu’elle lui aurait imposé des obligations sans contrepartie et aurait tenté d’accentuer un déséquilibre patent entre leurs obligations respectives, et estimant avoir, de ce fait, dû rompre la relation commerciale, la société MEH l’a assignée en paiement de diverses indemnités le 27 janvier 2012 ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société MEH fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes au titre des pratiques restrictives de concurrence alors, selon le moyen, que l’article L. 442-6 du code de commerce, dans sa version issue de la loi dite LME du 4 août 2008 s’appliquait immédiatement aux contrats en cours à sa date d’entrée en vigueur ; qu’en jugeant que ce texte, dans sa version issue de la LME, n’était pas applicable au contrat signé en 2002 et à ses avenants, notamment celui de 2005, la cour d’appel a violé par fausse application le texte susvisé ;
Mais attendu qu’ayant justement relevé que la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 n’avait pas d’effet rétroactif, en l’absence de disposition le prévoyant, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que les griefs élevés par la société MEH contre la clause d’exclusivité stipulée dans le contrat conclu avec la société Castorama devaient être examinés au regard de la législation en vigueur lors de la signature de cette convention ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen du même pourvoi :
Attendu que la société MEH fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 173 355, 23 euros formée contre la société Castorama alors, selon le moyen, que les juges du fond ne peuvent écarter certaines pièces sans même les examiner ; qu’en énonçant que la somme de 173 736, 51 euros (en réalité 171 355, 23 euros) réclamée par la société MEH ne reflétait pas la réalité des sommes lui restant dues par la société Castorama, sans même examiner les éléments comptables versés aux débats par la société MEH, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’ayant rappelé que l’article 8. 3 du contrat prévoyait que la société Castorama procéderait au paiement des factures de son sous-traitant pour tout chantier achevé et réceptionné sans réserve par le client et retenu, dans l’exercice de son pouvoir souverain, que les éléments de preuve qui lui étaient soumis ne permettaient pas d’établir le caractère certain et exigible de la créance, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’elle décidait d’écarter, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, réunis :
Attendu que la société MEH et la société Castorama font grief à l’arrêt de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Castorama à payer à la société MEH la somme de 44 152, 05 euros au titre des règlements des litiges antérieurs au 1er janvier 2010 alors, selon le moyen :
1°/ que les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige ; qu’en déboutant la société MEH de sa demande présentée au titre de la gestion des litiges antérieurs au 1er janvier 2010, au motif qu’elle ne détaillait pas les sommes déboursées en 2010 et 2011 et ne précisait aucunement le nom des clients qui auraient été concernés par celles-ci, quand ces éléments figuraient dans les annexes jointes à l’attestation du commissaire aux comptes et dans le tableau de litiges antérieurs retenu et évoqué par le tribunal de commerce, la cour d’appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige ; qu’en retenant qu’il ne subsistait plus qu’une dizaine de litiges en cours, pour débouter la société MEH de sa demande présentée au titre de la gestion des litiges antérieurs, quand cette dizaine de litiges concernait, non pas les litiges antérieurs à la reprise, mais ceux survenus postérieurement au 1er janvier 2010, la cour d’appel a méconnu les prescriptions des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que les juges du fond ne peuvent écarter des pièces sans même les examiner ; qu’en retenant, pour débouter la société MEH de sa demande présentée au titre de la gestion des litiges antérieurs au 1er janvier 2010, qu’elle ne justifiait pas de la réalité des sommes qu’elle aurait engagées pour la gestion des litiges antérieurs à la reprise, quand les copies des règlements effectués par chèques tirées par la société MEH étaient versées aux débats, avec chaque numéro de dossier correspondant et n° de ligne du litige comptabilisé dans le tableau de la pièce 48, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu’après avoir constaté que la société MEH ne justifiait pas la réalité des sommes qu’elle disait avoir engagées au titre de la gestion administrative et financière de tous les litiges déclarés avant ou après la cession et dont l’origine est antérieure au 1er janvier 2010, de telle sorte que cette dernière devait être déboutée de ses demandes en paiements à ce titre, la cour d’appel, qui a néanmoins confirmé le jugement qui avait partiellement fait droit à ces demandes, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 1147 du code civil ;
5°/ que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu’en énonçant, dans ses motifs, que la société MEH ne justifiait pas la réalité des sommes qu’elle disait avoir engagées au titre de la gestion administrative et financière de tous les litiges déclarés avant ou après la cession et dont l’origine est antérieure au 1er janvier 2010 et qu’il y avait lieu en conséquence de la débouter de sa demande, tout en confirmant le jugement qui avait condamné la société Castorama à payer à la société MEH la somme de 44 152, 05 euros au titre des règlements des litiges antérieurs au 1er janvier 2010, la cour d’appel s’est contredite, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir relevé qu’un certain nombre de litiges avaient été traités par les assureurs et que seul le repreneur disposait d’un lien avec les artisans poseurs et les assureurs de l’ancienne société, l’arrêt retient que la société MEH ne démontre pas que la gestion des litiges antérieurs au 1er janvier 2010 aurait créé un déséquilibre ; que par ces seuls motifs, la cour d’appel a légalement justifié le rejet de la demande indemnitaire formée par la société MEH à ce titre ;
Et attendu, en second lieu, que la contradiction existant entre les motifs et le dispositif du jugement confirmé par la cour d’appel procède d’une erreur purement matérielle qui peut, selon l’article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation ;
D’où il suit que le moyen, inopérant en ses trois premières branches qui critiquent des motifs surabondants, ne peut être accueilli pour le surplus ;
Sur le sixième moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société MEH fait grief à l’arrêt de dire qu’elle a commis une faute à l’égard de la société Castorama, en ne respectant pas la durée du préavis contractuel, et de la condamner à l’indemniser de ce chef alors, selon le moyen :
1°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu’en déboutant la société MEH de sa demande visant les obligations nouvelles qui lui avaient été imposées sans contrepartie par la société Castorama, en délaissant totalement les obligations nouvelles sans contrepartie nées de la suppression des frais de dossier, du forfait d’appel avec prix agressif qui avait réduit les profits de la société MEH, de l’obligation imposée de saisir elle-même les devis artisans et de les transmettre dans un document unique à en-tête du réseau, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu’engage sa responsabilité le professionnel qui obtient ou tente d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage dénué de toute contrepartie ; qu’en déboutant la société MEH de sa demande visant les obligations nouvelles qui lui avaient été imposées sans contrepartie par la société Castorama, sans rechercher si les frais de dossier prétendument augmentés n’avaient pas, en réalité, été totalement supprimés et si les nouveaux tarifs prétendument favorables au réseau n’avaient pas, en réalité, considérablement réduit les marges de la société MEH, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6 du code de commerce ;
3°/ que l’avantage obtenu sans contrepartie par un professionnel de la part d’un partenaire engage sa responsabilité ; qu’en ayant débouté la société MEH de sa demande liée à l’impossibilité, pour elle, de se faire payer sans la réception des travaux et transmission d’un bon de fin de travaux, quand la société MEH, seulement chargée de la pose, n’avait pas à répondre d’éventuels défauts affectant les produits fournis par la société Castorama, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6 du code de commerce ;
4°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu’en ayant débouté la société MEH de sa demande liée à l’impossibilité, pour elle, de se faire payer sans la réception des travaux et la fourniture d’un bon de fin de travaux, sans répondre aux conclusions de cette dernière ayant fait valoir que la société Castorama se refusait à lui fournir copie des contrats de pose, ce qui la mettait dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation dans de bonnes conditions et notamment de vérifier la conformité globale à la commande de l’opération fourniture/ pose, notamment du point de vue de la réception des travaux, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que les juges du fond ne peuvent écarter certaines pièces sans même les examiner ; qu’en énonçant que la somme de 173 736, 51 euros réclamée par la société MEH ne reflétait pas la réalité des sommes lui restant dues par la société Castorama, sans même examiner les éléments comptables versés aux débats par la société MEH, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige ; qu’en déboutant la société MEH de sa demande présentée au titre de la gestion des litiges antérieurs au 1er janvier 2010, au motif que la société MEH ne détaillait pas les sommes déboursées en 2010 et 2011 et ne précisait aucunement le nom des clients qui auraient été concernés par celles-ci, quand ces éléments figuraient dans les annexes jointes à l’attestation du commissaire aux comptes et dans le tableau de litiges antérieurs retenu et évoqué par le tribunal de commerce, la cour d’appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
7°/ que les juges du fond ne peuvent écarter des pièces sans même les examiner ; qu’en retenant, pour débouter la société MEH de sa demande présentée au titre de la gestion des litiges antérieurs au 1er janvier 2010 qu’elle ne justifiait pas de la réalité des sommes qu’elle aurait engagées pour la gestion des sinistres antérieurs à la reprise, quand les copies des chèques tirés par la société MEH étaient versées aux débats, avec chaque numéro de dossier correspondant et n° de ligne du litige comptabilisé dans le tableau de la pièce 48, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
8°/ que le fait, pour un professionnel, de se faire consentir, par son partenaire, un avantage sans contrepartie, engage sa responsabilité ; qu’en ayant débouté la société MEH de sa demande relative au fait qu’elle avait dû régler financièrement, sans contrepartie, des litiges antérieurs au 1er janvier 2010, au seul motif inopérant qu’il ne subsistait plus qu’une dizaine de litiges en cours, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6 du code de commerce ;
9°/ que les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige ; qu’en retenant qu’il ne subsistait plus qu’une dizaine de litiges en cours, pour débouter la société MEH de sa demande présentée au titre de la gestion des litiges antérieurs, quand cette dizaine de litiges concernait, non pas les litiges antérieurs à la reprise, mais ceux survenus pour des chantiers réalisés par la société MEH postérieurement au 1er janvier 2010, la cour d’appel a méconnu les prescriptions des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
10°/ que les juges du fond ne peuvent écarter des pièces sans même les examiner ; qu’en énonçant que les éléments fournis par la société MEH pour établir que la société Castorama avait incité les artisans de son réseau à la fournir en direct, étaient insuffisants, sans même examiner les pièces de la société MEH, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
11°/ que l’obtention d’un avantage dénué de contrepartie crée un déséquilibre significatif dans les relations entre partenaires commerciaux ; qu’en déboutant la société MEH de sa demande liée à la somme de 150 000 euros que sa partenaire avait tenté de lui extorquer sans contrepartie, sous couvert d’une opération de promotion publicitaire imaginaire, quand, dans le projet de protocole intitulé « règlement du passé », la société Castorama avait manifestement lié le paiement de cette somme à la liquidation des litiges antérieurs à la reprise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6 du code de commerce ;
12°/ que l’ingérence d’un professionnel dans la gestion de l’entreprise de sa partenaire, justifiée par son poids commercial, engage sa responsabilité ; qu’en déboutant la société MEH de sa demande liée à l’ingérence dont la société Castorama s’était rendue coupable, au motif que la société MEH n’avait caractérisé aucun acte d’ingérence, quand elle l’avait au contraire fait, en s’appuyant sur des pièces, la cour d’appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
13°/ que l’obtention d’un avantage sans contrepartie engage la responsabilité de l’auteur de cet agissement ; qu’en jugeant que la clause de pénalité que la société Castorama avait tenté d’imposer à la société MEH n’était pas disproportionnée, en s’appuyant sur le site internet, non pas de la société MEH qui n’en avait pas, mais sur celui de la société MSAS, mentionnant de courts délais d’intervention, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que le moyen, qui se borne, en ses deuxième, troisième, huitième et treizième branches, à soutenir que le fait pour un professionnel de se faire consentir, par son partenaire, un avantage sans contrepartie, engage sa responsabilité, et à invoquer l’article L. 442-6 du code de commerce, sans préciser parmi les différents comportements prohibés par ce texte quel était celui qui fondait les prétentions de la société MEH et qui aurait été méconnu par la cour d’appel, ne répond pas aux exigences de l’article 978 du code de procédure civile et doit être déclaré irrecevable ;
Attendu, en deuxième lieu, que la société MEH ayant soutenu, en cause d’appel, que le blocage des factures par la société Castorama justifierait à lui seul une rupture sans préavis, sans tirer aucune conséquence juridique des autres obligations nouvelles qui lui auraient été imposées au cours de l’exécution du contrat, l’arrêt n’encourt pas la critique de la première branche ;
Attendu, en troisième lieu, que la société MEH s’étant également bornée à dénoncer le fait que les magasins Castorama s’avéraient incapables de fournir le contrat de pose, sans en tirer de conséquence juridique quant aux obligations mises à sa charge, l’arrêt n’encourt pas la critique de la quatrième branche ;
Attendu, en quatrième lieu, que le rejet des quatrième et cinquième moyens prive de portée les cinquième, sixième, septième et neuvième branches, qui articulent les mêmes griefs ;
Attendu, en cinquième lieu, que c’est par une appréciation souveraine des éléments de preuve que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de s’expliquer sur ceux qu’elle décidait d’écarter, a retenu que les pièces produites par la société MEH étaient insuffisantes pour démontrer que la société Castorama serait intervenue, avant la rupture des relations commerciales, pour inciter les artisans du réseau MEH à quitter celui-ci, d’autant que la société MEH n’avait pas réglé un certain nombre d’entre eux ;
Attendu, en sixième lieu, qu’après avoir relevé qu’un projet de protocole prévoyait une participation de 150 000 euros à la charge de la société MEH et que cette participation financière était en lien avec un projet de campagne publicitaire extraordinaire qui ne relevait pas de la promotion visée à l’article 10 du contrat originaire, dont la société Castorama assumait la charge, l’arrêt en déduit que cette dernière était en droit de réclamer à son partenaire de participer à une publicité faite à son profit ; qu’il retient qu’il n’est pas démontré que ces conditions financières aient été imposées par la société Castorama et ajoute que ce projet est intervenu dans le cadre des négociations qui se sont engagées pour arrêter de nouvelles conditions contractuelles ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations souveraines, excluant le postulat de la onzième branche, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en dernier lieu, que la société MEH ayant fait valoir une ingérence de la société Castorama dans son fonctionnement du fait des modifications qui avaient été apportées aux devis qu’elle avait présentés aux magasins pour imposer le tarif forfait national de la société Castorama, ce qui remettait en cause le barème de prix entrant dans le périmètre de leur collaboration mais ne relevait pas d’une intervention injustifiée dans le fonctionnement de l’entreprise, la cour d’appel n’a pas méconnu les termes du litige en retenant que la société MEH ne caractérisait aucun acte d’ingérence ;
D’où il suit que le moyen, irrecevable en ses deuxième, troisième, huitième et treizième branches, n’est pas fondé pour le surplus ;
Sur le septième moyen du même pourvoi :
Attendu que la société MEH fait grief à l’arrêt de la condamner à payer une somme de 100 000 euros à la société Castorama au titre de la rupture du contrat sans respect du préavis contractuel alors, selon le moyen, que toute indemnisation suppose la preuve d’un préjudice ; qu’en accordant une indemnisation de 100 000 euros à la société Castorama, alors que celle-ci n’avait produit aucune pièce de nature à établir le prétendu préjudice de baisse de volume de commandes dont elle se prévalait, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;
Mais attendu que la cour d’appel, qui a retenu que la société Castorama avait subi un préjudice en termes d’organisation et d’image, en a justifié l’existence et le montant par la seule évaluation qu’elle en a faite, sans être tenue de préciser les éléments qui ont servi à l’évaluer ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi incident :
Attendu que la société Castorama fait grief à l’arrêt de confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société MEH les sommes de 2 729, 03 euros et 2 158, 31 euros au titre des intérêts de retard de paiement pour les années 2010 et 2011 alors, selon le moyen :
1°/ qu’après avoir constaté que la société MEH ne justifiait pas d’un retard dans les paiements effectués par la société Castorama France, de telle sorte que la société MEH devait être déboutée de ses demandes en paiement à ce titre, la cour d’appel, qui a néanmoins confirmé le jugement qui avait condamné la société Castorama France à payer à la société MEH les sommes de 2 729, 03 euros et 2 158, 31 euros au titres des intérêts de retard de paiement pour les années 2010 et 2011, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 1147 du code civil ;
2°) que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu’en énonçant, dans ses motifs, que la société MEH ne justifiait pas d’un retard dans les paiements effectués par la société Castorama France et qu’il y avait lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris de ce chef, tout en confirmant le jugement qui avait condamné la société Castorama France à payer à la société MEH les sommes de 2 729, 03 euros et 2 158, 31 euros au titre des intérêts de retard de paiement pour les années 2010 et 2011, la cour d’appel s’est contredite, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la contradiction existant entre les motifs et le dispositif du jugement confirmé par la cour d’appel procède d’une erreur purement matérielle qui peut, selon l’article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le troisième moyen du même pourvoi :
Attendu que la société Castorama fait grief à l’arrêt de confirmer le jugement, en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société MEH les sommes de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi qu’à supporter les dépens de première instance alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions d’appel, la société Castorama demandait que les frais irrépétibles et les dépens de première instance fussent mis à la charge de la société MEH dans la mesure où la société MEH succombait en ses demandes ; qu’en refusant de faire droit à ses demandes sans répondre aux conclusions susvisées, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie ; qu’en cas d’infirmation d’une décision, les dépens de première instance sont à la charge de la partie qui succombe en appel ; qu’en condamnant la société Castorama, sans y consacrer de motif particulier, à supporter les dépens de première instance lorsque la société MEH avait succombé en appel, la cour d’appel a violé l’article 696 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la société Castorama n’a pas obtenu la condamnation sous astreinte qu’elle réclamait à l’encontre de la société MEH ; que, dès lors qu’elle succombait partiellement en ses prétentions, la cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir discrétionnaire en laissant à sa charge les dépens de première instance ainsi que l’indemnité au titre des frais irrépétibles prononcée par le tribunal ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Réparant les erreurs matérielles affectant l’arrêt attaqué, dit que dans son dispositif, les termes :
« CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a déclaré que la clause d’exclusivité du projet de contrat était de nature à priver la société MEH de l’accès au marché de pose et que la clause pénale du projet de contrat était déséquilibrée entre les droits et obligations des parties, et en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Castorama. »
sont remplacés par les termes :
« CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a déclaré que la clause d’exclusivité du projet de contrat était de nature à priver la société MEH de l’accès au marché de pose et que la clause pénale du projet de contrat était déséquilibrée entre les droits et obligations des parties, en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Castorama et en ce qu’il a condamné la société Castorama à payer à la société MEH la somme de 44 152, 05 euros au titre des règlements des litiges antérieurs au 1er janvier 2010, et les sommes de 2 729, 03 euros et 2 158, 31 euros au titre des intérêts de retard de paiement pour les années 2010 et 2011. »
Condamne la société Maisoning éco habitat aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Castorama France la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juillet deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Maisoning éco habitat, demanderesse au pourvoi principal
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF A l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu’il avait déclaré que la clause d’exclusivité du projet de contrat était de nature à priver la partenaire (la société MEH) d’une grande enseigne de bricolage (la société Castorama), de l’accès au marché de pose et que la clause pénale du projet de contrat était déséquilibrée entre les droits et obligations des parties, et statuant à nouveau, d’avoir rejeté les demandes de la partenaire, se plaignant de pratiques restrictives de concurrence ;
AUX MOTIFS QUE la société MEH invoquait un état de dépendance économique en raison de l’importance de la part de la société Castorama et soutenait qu’il doit être fait application de l’article L 442-6 dans sa rédaction issue de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 applicable à compter du 1er janvier 2009 ; qu’elle exposait que la société Castorama avait été condamnée le 6 janvier 2010 par le tribunal de commerce de Lille sur poursuites du Ministère de l’Economie en raison du déséquilibre significatif figurant dans les contrats conclus avec ses fournisseurs sur le fondement de ces nouvelles dispositions et que malgré sa condamnation à une amende civile et à l’injonction de cesser ses pratiques, elle lui avait proposé un nouveau projet de contrat comportant des déséquilibres significatifs ; que la société Castorama soutenait que devaient être appliquées les dispositions en vigueur à la date du contrat et de ses avenants qui étaient antérieurs à 2008, aucun autre contrat n’ayant été conclu ; que si la société Castorama avait été condamnée le 6 janvier 2010 par le tribunal de commerce de Lille sur poursuite du Ministre de l’Economie pour versements d’acomptes mensuels sur ristournes, ce contentieux était sans lien avec la cause ; que la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 est une loi d’ordre public qui est dès lors applicable immédiatement sans pour autant avoir d’effet rétroactif en l’absence de disposition en ce sens ; que si la société MEH était intervenue comme cessionnaire des activités de la société Maisoning et à ce titre du contrat conclu en 2002 et de son avenant de 2005, la société Castorama n’était pas intervenue dans ce rachat de sorte que ces relations contractuelles relevaient de la législation en vigueur au moment de leur conclusion ; que, toutefois la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 avait instauré des dispositions instaurant une responsabilité délictuelle notamment en ce qui concernait la rupture brutale des relations commerciales ; qu’en conséquence la société MEH était fondée à invoquer ces dispositions en ce qu’elle estimait que la société Castorama était à l’origine de la rupture car les parties avaient entamé des négociations sur la base d’un nouveau contrat dont la société MEH affirmait qu’il présentait le même déséquilibre que celui de 2002 ;
ALORS QUE l’article L. 442-6 du code de commerce, dans sa version issue de la LME du 4 août 2008 s’appliquait immédiatement aux contrats en cours à sa date d’entrée en vigueur ; qu’en jugeant que ce texte, dans sa version issue de la LME, n’était pas applicable au contrat signé en 2002 et à ses avenants, notamment celui de 2005, la cour d’appel a violé par fausse application le texte susvisé.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF A l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement entrepris, en ce qu’il avait dit qu’une grande enseigne de bricolage (la société Castorama) n’était pas en situation de position dominante sur le marché national de la Grande Surface de Bricolage et n’en avait donc pas abusé au détriment d’une partenaire (la société MEH) ;
AUX MOTIFS QUE la société MEH soutenait que c’était à juste titre que les premiers juges avaient retenu que les grandes surfaces de bricolage (GSB)
représentent 90 % du marché national de l’aménagement de la maison et du bricolage et qu’en conséquence la clause lui interdisant toute activité pour le groupe Leroy Merlin l’avait placée dans une situation de domination d’exclusivité et revenait en fait à interdire l’accès à ce marché ; qu’il convenait de relever que la société MEH s’était volontairement portée candidate à la reprise du groupe Maisoning, héritant de ce fait de la convention conclue le 22 octobre 2002 et des avenants dont celui du 7 avril 2005 qui stipulait que « Maisoning s’interdisait de mettre en place une collaboration pour la pose et l’installation de tous produits distribués par les enseignes de bricolage disposant d’un réseau de magasins entièrement intégrés notamment Leroy Merlin », clause tempérée puisqu’elle précisait qu’elle ne s’appliquait pas aux sociétés filiales de ces enseignes ou contrôlées par elles, de même qu’aux enseignes disposant d’un réseau partiellement intégré ; que la société MEH ne pouvait dès lors prétendre que cette interdiction visait la société Bricoman alors au demeurant qu’elle avait signé un contrat avec celle-ci, ce qu’elle avait reconnu en première instance ; que la société Castorama faisait valoir que la société MEH ne définissait pas le marché pertinent en cause et que de plus la société MEH était intervenue en qualité de sous-traitante et ne se trouvait donc pas en situation de concurrence ; qu’il n’en demeurait pas moins qu’un sous-traitant peut être victime d’un abus de position dominante de son donneur d’ordre qui ferait obstacle au développement de son activité sur ce marché qualifié de pertinent, dès lors qu’il se verrait fermer le marché en cause par les dispositions prises par son partenaire ; que la société Castorama proposait des produits et des services de bricolage, décoration, jardinage et d’aménagement de la maison avec un service de pose intégré ; que la société Castorama reconnaissait avoir pour principal concurrent la société Leroy Merlin, ayant indiqué dans ses écritures de première instance que l’enseigne Leroy Merlin avait un chiffre d’affaires 8 fois supérieur au sien et admettant avoir négocié de nouveaux tarifs avec la société MEH afin de rester compétitive par rapport à ceux pratiqués par cette enseigne ; qu’il résultait des chiffres mêmes exposés par la société MEH et limités aux enseignes de bricolage que la part de marché de la société Castorama n’est que de 20 %, chiffre incluant la société Brico Dépôts dont l’activité n’est pas similaire puisqu’elle ne propose