Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 octobre 2016, 15-15.996, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 octobre 2016, 15-15.996, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2014), que M. X…, embauché en 2007 par la société coopérative ouvrière de production Les Menuiseries de l’Ain (la SCOP) en qualité de menuisier d’atelier, en est devenu associé à compter de l’année 2008 ; qu’après avoir fait l’objet d’un licenciement économique et avoir cessé d’être associé au cours de l’année 2011, M. X… a créé en 2012 une société « Möbel Design Agencement » ayant pour objet principal la menuiserie et l’ébénisterie, dont il a assuré la cogérance ; que la SCOP a alors saisi la Commission d’arbitrage de la confédération générale des sociétés coopératives ouvrières de production, aux fins d’indemnisation du préjudice qu’elle estimait subir du fait de la violation de la clause de non-rétablissement prévue dans ses statuts ;

Attendu que la SCOP fait grief à l’arrêt d’infirmer la sentence arbitrale qui a constaté la validité de la clause de non-rétablissement et condamné M. X… à céder l’intégralité des parts sociales détenues dans la société « Möbel Design Agencement » sous astreinte, et de rejeter ses demandes de dommages-intérêts au titre de la violation de la clause de non-rétablissement alors, selon le moyen, que la clause de non-concurrence contenue dans les statuts d’une société qui limite le droit des associés de se rétablir après avoir cédé leurs parts sociales en leur interdisant d’exploiter une société concurrente, est valable sans contrepartie financière et opposable à ces derniers en leur qualité d’associé, peu important qu’ils aient acquis en parallèle la qualité de salarié de la société, dès lors qu’une telle clause n’a pas pour effet d’entraver la liberté de se rétablir du salarié qui peut entrer au service d’une société concurrente ; qu’en l’espèce, la clause de non-concurrence figurant à l’article 19 des statuts de la SCOP qui fait interdiction à « tout associé » « pendant une période de trois ans à compter du jour de son départ, d’exploiter, directement ou indirectement, dans un rayon de cinquante kilomètres du siège social, une entreprise ayant le même objet que la coopérative », permet l’entrée au service d’une société concurrente ; qu’en jugeant que cette clause bien que valable en tant qu’elle ne s’applique pas à un salarié, était inopposable à M. X… qui avait eu à la fois la qualité d’associé et de salarié, au motif erroné qu’elle entravait la liberté du travail du salarié, la cour d’appel a violé les articles 1131 et 1134 du code civil ;

Mais attendu qu’après avoir rappelé que, pour être licite, la clause de non-concurrence signée par un salarié, actionnaire ou associé de la société qui l’emploie, doit comporter l’obligation pour la société de verser à ce dernier une contrepartie financière, l’arrêt constate que M. X… occupait un poste de salarié au sein de la SCOP lorsqu’il en est devenu associé et que la clause des statuts de cette société, qui lui imposait en sa qualité d’associé une obligation de non-rétablissement, ne stipulait aucune contrepartie financière ; qu’après avoir déduit de ces constatations qu’une telle clause ne pouvait être opposée à M. X…, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que la demande indemnitaire fondée sur la violation de cette clause devait être rejetée ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société coopérative ouvrière de production Les Menuiseries de l’Ain aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X… la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Les Menuiseries de l’Ain

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’AVOIR infirmé la sentence arbitrale du 6 juillet 2013 en ce qu’elle avait constaté la validité de la clause de non-rétablissement figurant à l’article 19 des statuts, et condamné M. X… à céder l’intégralité des parts sociales qu’il détient dans la société « Möbel Design Agencement » dans un délai de trois mois sous astreinte de 150 € par jour de retard, et d’AVOIR débouté la SCOP Menuiseries de l’Ain de ses demandes de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la violation par M. X… de la clause de non rétablissement, et de l’AVOIR condamnée à lui verser une indemnité en application de l’article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS QUE « lorsqu’elle a pour effet d’entraver la liberté de se rétablir d’un salarié, actionnaire ou associé de la société qui l’emploie, la clause de non-concurrence signée par lui n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts de l’entreprise, limitée dans le temps et l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour la société de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives;

que selon l’article 19 des statuts de la SCOP Les Menuiseries de l’Ain « Sauf accord exprès de l’assemblée des associés, tout associé s’interdit pendant une période de trois ans à compter du jour de son départ, d’exploiter, directement ou indirectement, dans un rayon de cinquante kilomètres du siège social, une entreprise ayant le même objet que la coopérative » ;

que M. X…, salarié suivant contrat à durée indéterminée du 1er mars 2007 devenu associé de la SCOP le 13 juin 2008, a fait l’objet d’une procédure de licenciement pour motif économique, que son contrat a pris fin le 20 juillet 2011 par acceptation de la convention de reclassement personnalisé (CPR) et a démissionné de sa qualité d’associé le 21 août 2011; que le 27 février 2012, il a créé la société « SARL Môbel Design Agencement » dont il est devenu cogérant dans le même secteur d’activité que la société Les Menuiseries de l’Ain;

que, sur le fondement de l’article 19 des statuts, la sentence litigieuse a condamné M. X… à céder l’intégralité de ses parts sociales et a alloué à la SCOP 30.000 € de dommages-intérêts;

Mais que la clause statutaire de non-rétablissement qui ne stipulait aucune contrepartie financière ne pouvait être opposée à M. X…, associé mais également salarié de la SCOP ; qu’ en revanche, la clause incluse dans les statuts n’est pas nulle n’étant pas irrégulière en tant qu’elle ne s’applique pas à un salarié;

Qu’en conséquence, il convient, infirmant la sentence qui a accueilli les demandes de la SCOP fondée sur la violation de la clause de non-rétablissement et statuant à nouveau, de débouter la SCOP de ses demandes; que la SCOP qui succombe à titre principal, est déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et est condamnée à payer à M. X… la somme de 3.000 € sur ce fondement»

ALORS QUE la clause de non-concurrence contenue dans les statuts d’une société qui limite le droit des associés de se rétablir après avoir cédé leurs parts sociales en leur interdisant d’exploiter une société concurrente, est valable sans contrepartie financière et opposable à ces derniers en leur qualité d’associé, peu important qu’ils aient acquis en parallèle la qualité de salarié de la société, dès lors qu’une telle clause n’a pas pour effet d’entraver la liberté de se rétablir du salarié qui peut entrer au service d’une société concurrente ; qu’en l’espèce, la clause de non-concurrence figurant à l’article 19 des statuts de la SCOP qui fait interdiction à « tout associé » « pendant une période de trois ans à compter du jour de son départ, d’exploiter, directement ou indirectement, dans un rayon de cinquante kilomètres du siège social, une entreprise ayant le même objet que la coopérative », permet l’entrée au service d’une société concurrente ; qu’en jugeant que cette clause bien que valable en tant qu’elle ne s’applique pas à un salarié, était inopposable à M. X… qui avait eu à la fois la qualité d’associé et de salarié, au motif erroné qu’elle entravait la liberté du travail du salarié, la cour d’appel a violé les articles 1131 et 1134 du Code civil.

ECLI:FR:CCASS:2016:CO00822


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