Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le second moyen :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 30 janvier 2014), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 20 novembre 2012, pourvoi n° 11-28. 888), que lors de la séance du conseil de surveillance de la société Norbert Dentressangle (la société) du 24 juillet 2008, M. X… a été révoqué de ses fonctions de membre et de président du directoire ; que la société a, en outre, mis fin, le 5 août 2008, au contrat de travail de M. X…, ce licenciement ayant donné lieu à une transaction du 8 septembre 2008 ; que, faisant notamment valoir que la révocation de ses fonctions de membre du directoire était intervenue sans juste motif, M. X… a assigné la société en paiement de dommages-intérêts ; que celle-ci a soutenu que la révocation litigieuse était conforme à l’intérêt social ;
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que si la révocation du mandat d’un membre du directoire est fondée sur de justes motifs lorsque le maintien de ce mandat est de nature à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société, il appartient à la société de rapporter la preuve de ce que la révocation du membre du directoire s’expliquait par des considérations objectives ; qu’il appartient corrélativement au juge de s’assurer que la preuve de ce que la révocation n’est pas simplement discrétionnaire mais effectivement et strictement justifiée par la poursuite de l’intérêt social est rapportée ; qu’en se bornant à se fonder, pour considérer que la révocation de M. X… s’appuyait sur de justes motifs, sur le seul fait que le courrier annonçant à M. X… sa future révocation faisait état de la volonté du conseil de surveillance de promouvoir, dans l’intérêt social, d’autres personnes que la société GND aurait « estimé plus aptes » que M. X… à porter le développement de l’entreprise, et, surtout, qu’il n’appartenait pas à la société GND « de faire une quelconque preuve de la pertinence des choix stratégiques alors faits » ni de faire la preuve « de ce que Jean-Claude X… n’était plus l’homme de la situation », cependant qu’il appartenait à la société GND de démontrer que le maintien de M. X…
dans les termes de son mandat était effectivement contraire à l’intérêt social ou était nuisible au fonctionnement de la société et qu’il ne lui suffisait pas, en l’état des fortes contestations élevées par M. X… sur ce point, de prétendre que le maintien de M. X… dans ses fonctions était de nature à contrarier l’intérêt social pour révoquer son mandat, la cour d’appel a violé les articles L. 225-61 du code de commerce et 1135 du code civil ;
2°/ qu’en l’espèce, M. X… avait attiré l’attention de la cour d’appel sur le fait que la société GND n’avait pas pris la peine de produire la moindre preuve de ce que son maintien dans le directoire était de nature à contrarier l’intérêt social ; qu’il ajoutait que cette simple allégation était démentie par les bons résultats accusés sous sa direction en 2008, par la réussite de l’opération, de dimension internationale, visant à l’acquisition de la société Selversen, par le renouvellement de son mandat peu de mois avant son éviction, mais encore par l’allocation, à cette même époque, d’une prime d’objectif et de bons de souscription d’actions ; qu’en statuant comme elle l’a fait, à la faveur des motifs susvisés et sur la base des simples allégations de la société GND, sans jamais s’interroger, comme elle y était invitée, sur le point de savoir si les motifs avancés par la société GND reposaient sur des considérations objectives et si le maintien de M. X… était effectivement de nature à contrarier l’intérêt social ou le fonctionnement de la société, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L. 225-61 du code de commerce ;
3°/ que le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe du contradictoire ; qu’en soulevant d’office, et sans provoquer les observations des parties sur ce point, le moyen suivant lequel la révocation de M. X… était fondée sur un juste motif puisqu’il avait refusé d’assister à une réunion du conseil de surveillance, ce qui manifesterait une situation de blocage potentielle, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile, ensemble le principe de la contradiction ;
4°/ que la simple éventualité d’une mésentente ou d’un blocage ne constitue pas un juste motif de révocation ; en se fondant sur une situation de blocage tout à fait potentielle, déduite du seul fait que M. X… avait refusé de participer à une seule séance-à savoir celle devant conduire à sa révocation-et du fait que la composition du directoire allait être modifiée, la cour d’appel, qui a statué par un motif tout à fait impropre à établir que le maintien du mandat de M. X… créait une situation de blocage dans la société ou une mésentente entre les organes de la société qui serait effectivement nuisible à l’intérêt social, a violé l’article L. 225-61 du code de commerce ;
5°/ qu’aux termes de l’article L. 225-61 du code de commerce, qui pose un principe d’indépendance du contrat de travail du dirigeant et de son mandat de membre du directoire, le licenciement du dirigeant n’est pas en soi un juste motif de révocation du mandat de membre du directoire dont il est titulaire ; qu’en considérant cependant que le licenciement de M. X… justifiait la révocation de son mandat de membre du directoire, la cour d’appel a violé l’article L. 225-61 du code de commerce ;
6°/ qu’en affirmant que le licenciement de M. X… rendait difficile le maintien de son mandat de membre du directoire, sans rechercher, comme elle y était invité si le licenciement de M. X… n’était pas postérieur à la révocation de son mandat de sorte que ce licenciement ne pouvait par nature être la cause de la révocation du mandat de l’exposant au mois de juillet 2008, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 225-61 du code de commerce ;
7°/ que la simple éventualité d’une mésentente ne constitue pas un juste motif de révocation ; qu’en décidant cependant que le licenciement de M. X… constituait un juste motif de révocation de son mandat dans la mesure où « il apparaît difficile pour un salarié qui a été licencié et dont le licenciement a fait l’objet d’un accord transactionnel afin de régler les différends entre les parties, d’être maintenu à la direction de ladite société ne serait-ce qu’en simple qualité de membre du Directoire », la cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l’existence d’un juste motif de révocation du mandat de M. X… de membre du directoire, a violé l’article L. 225-61 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que la cour d’appel, qui pouvait, pour apprécier si le motif de révocation dont la société faisait état répondait aux exigences légales, prendre en considération des éléments de fait qui étaient dans le débat, quand bien même ils n’auraient pas été spécialement invoqués par cette partie, n’a pas méconnu le principe de la contradiction en se prononçant comme elle a fait ;
Et attendu, en second lieu, que l’arrêt relève, par motifs adoptés, que tandis que la société, qui connaissait une forte croissance et une internationalisation liées à l’intégration de la société Christian Salvesen, se devait de réorganiser sa structure, M. X… avait montré ses limites dans l’accompagnement de la croissance du nouvel ensemble ; qu’il relève encore que ce dernier a fait le choix de ne pas se présenter devant le conseil de surveillance réuni le 24 juillet 2008 tandis qu’un courrier du 17 juillet 2008 lui avait rappelé, sans équivoque, l’ordre du jour et la nécessité affirmée de promouvoir deux autres personnes, l’une à la tête du directoire, l’autre à celle de la division « transports », celles-ci étant estimées plus aptes à porter le développement et l’expansion de l’entreprise ; que l’arrêt ajoute que le maintien de M. X… dans un directoire aux contours totalement différents était de nature à générer des difficultés dans le fonctionnement de cet organe social, son absence de comparution à la réunion du conseil de surveillance manifestant une situation de blocage potentiel ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, qui ne se limitent pas à celles mentionnées par la première branche, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la dernière branche, la cour d’appel, qui n’a pas dit que le licenciement de M. X… justifiait la révocation de son mandat social, a pu décider que celle-ci reposait sur un juste motif ;
D’où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n’est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour M. X…
PREMIER MOYEN DE CASSATION
(sur l’étendue de la saisine de la Cour d’appel de Lyon)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR, statuant dans les limites du renvoi opéré par l’arrêt du 20 novembre 2012, confirmé le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Romans le 18 novembre 2009, débouté Monsieur X… de ses demandes, d’AVOIR condamné Monsieur Jean Claude X… à verser à la société Groupe Norbert Dentressangle une indemnité de 10. 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et d’AVOIR condamné Monsieur Jean Claude X… aux dépens de cette instance sur renvoi de cassation ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Sur l’étendue de la saisine de la cour sur renvoi de cassation Attendu qu’en application de l’article 638 du Code de Procédure Civile, l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation. ; que les parties s’opposent sur la saisine de cette cour sur renvoi, alors qu’il est nécessaire de rappeler que la censure qui s’attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire (article 624 du Code de Procédure Civile) et que sur les points qu’elle atteint, la cassation replace les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la décision soumise à la cour de cassation ; Attendu que seules les deuxième et troisième branches du moyen unique du pourvoi formé par le GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE ont été accueillies et ont motivé la cassation intervenue :- la deuxième branche fondée sur la violation de l’article 4 du Code de Procédure Civile,- la quatrième branche fondée sur la violation de l’article 1382 du Code Civil ; Attendu qu’il est constant que la cassation d’un chef du dispositif n’en laisse rien substituer quel que soit le moyen ayant déterminé la cassation, aucun des motifs de fait ou de droit ayant fondé la disposition annulée ne subsistant ; Que l’arrêt du 20 novembre 2012 précise d’ailleurs que la cassation partielle remet’la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient’avant l’arrêt cassé ; Attendu qu’aucune autorité de la chose jugée n’est dès lors attachée au chef du dispositif de la cour d’appel de GRENOBLE ayant prévu une condamnation du GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE à verser des dommages et intérêts’en réparation du préjudice consécutif à la révocation sans juste motif’alors qu’aucun autre chef n’a été mentionné par cette cour dans son dispositif au titre de la responsabilité ; Qu’en effet, seul le dispositif d’une décision est susceptible d’avoir autorité de la chose jugée ; Attendu qu’en l’état de l’annulation totale de ce chef de dispositif, la cour de renvoi est dès lors saisie de l’appel sur le chef de la responsabilité délictuelle invoquée par Jean-Claude X… au sujet de sa révocation en qualité de membre du Directoire » ;
ALORS QU’en l’espèce, l’arrêt de la Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel de Lyon, après avoir expressément constaté que l’arrêt qui lui était déféré avait parfaitement caractérisé l’absence de juste motif fondant la révocation du mandant de Monsieur X… en rejetant les moyens articulés de ce chef par la société Dentressangle ; que cet arrêt de la Cour de Cassation a estimé erronés uniquement les motifs relatifs à l’évaluation de certains préjudices, et, en conséquence, cassé et annulé l’arrêt qui lui était déféré « mais seulement en ce qu’il avait condamné la société Groupe Norbert Dentressangle à payer à M. X… la somme de 500 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif à la révocation sans juste motif de son mandat de membre du directoire » ; que l’exposant en déduisait que l’arrêt de la Cour de cassation n’avait renvoyé à la Cour d’appel de Lyon que la question de l’évaluation du préjudice, l’arrêt de la Cour d’appel de Grenoble étant définitif en ce qui concerne l’absence de justes motifs soutenant la révocation de Monsieur X… ; qu’en décidant le contraire, la Cour d’appel a violé l’article 624 du code de procédure civile, ensemble l’article 1351 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
(sur la révocation sans justes motifs)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR, statuant dans les limites du renvoi opéré par l’arrêt du 20 novembre 2012, confirmé le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Romans le 18 novembre 2009, débouté Monsieur X… de ses demandes, d’AVOIR condamné Monsieur Jean Claude X… à verser à la société Groupe Norbert Dentressangle une indemnité de 10. 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et d’AVOIR condamné Monsieur Jean Claude X… aux dépens de cette instance sur renvoi de cassation qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE ; « Sur le motif de la révocation ; Attendu que l’article L 225-61 du Code de Commerce prévoit que la révocation des membres du directoire peut intervenir à tout moment, sans qu’il y ait à justifier d’un motif, mais peut donner lieu à des dommages et intérêts si elle a été décidée sans juste motif ; Qu’il ne peut ici être mis en avant ce qui a conduit les parties à transiger sur la fin prématurée du contrat de travail, alors que les éléments contenus dans l’accord transactionnel ne sont pas de nature à établir une quelconque reconnaissance par Jean-Claude X… des griefs alors articulés contre lui, mais concrétisent sans équivoque que ce dernier avait accepté expressément la fin de son intervention en qualité de dirigeant du GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE ; Que ses contestations comme les motifs invoqués par le GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE dans cette transaction concernaient sans équivoque le rôle de Jean-Claude X… dans la gouvernance du groupe ; Attendu que la fin prématurée de cette collaboration s’étendait par nature, au delà du mandat de dirigeant et du contrat de travail, à cette qualité de membre du directoire ; Attendu qu’il est par ailleurs définitivement établi et jugé que la révocation intervenue n’avait aucun caractère brutal, vexatoire ou injurieux ; Attendu que le caractère précaire du mandat de membre du Directoire et sa spécificité doivent être pris en compte pour déterminer si les motifs invoqués par le Conseil de Surveillance sont pertinents, sans que cet organe ait nécessairement à s’attacher à de quelconques fautes ou négligences commises par le membre ainsi révoqué ; Attendu que l’annexe au compte-rendu de la réunion du conseil de surveillance du 24 juillet 2008 suffit par ses termes à établir les motifs qui ont présidé à la décision de révocation, ne s’agissant nullement de stigmatiser particulièrement Jean-Claude X…, mais de refléter la volonté des actionnaires de changer la gouvernance du groupe dans le souci de l’intérêt social ; Que Jean-Claude X… ne peut prétendre à une quelconque stabilité de sa qualité de dirigeant opérationnel et ne conteste d’ailleurs pas sa révocabilité ad nutum à ce titre, alors qu’il est constant que la seule divergence de conception sur la manière de gérer et de développer l’entreprise entre un membre du directoire et l’actionnariat doté des pouvoirs de décision est de nature à constituer le juste motif réclamé par le texte susvisé ; Attendu que Jean-Claude X… a fait le choix de ne pas se présenter devant le Conseil de surveillance, alors que le courrier du 17 juillet 2008 lui rappelait sans équivoque l’ordre du jour et les motifs alors mis en avant sur la nécessité affirmée de promouvoir deux autres personnes, l’une à la tête du Directoire, l’autre à la tête de la division Transports ; Attendu que la décision prise ainsi de modifier la gouvernance du groupe, en promouvant d’autres personnes estimées plus aptes que Jean-Claude X… à porter le développement et l’expansion de l’entreprise, doit ainsi être considérée comme ressortissant de l’exercice normal de la vie sociale, sans qu’il soit besoin de caractériser l’existence d’une quelconque faute à l’encontre du membre évincé du directoire et alors que le maintien de ce mandat dans un directoire aux contours totalement différents était sans équivoque de nature à générer des difficultés dans le fonctionnement même de l’organe, l’absence de comparution de Jean-Claude X… à la réunion du conseil de surveillance manifestant une situation de blocage potentiel ; Qu’il n’appartient pas au GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE de faire une quelconque preuve de la pertinence des choix stratégiques alors faits, notamment sur la personne à désigner comme Président du Directoire, et encore moins de faire une preuve, quasi impossible car négative, de ce que Jean-Claude X… n’était plus l’homme de la situation, s’agissant ici d’un débat sur la révocation du dirigeant opérationnel dont la cour n’est pas saisie ; Attendu qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a retenu l’existence d’un juste motif de révocation de ce mandat de membre du directoire et en ce qu’il a débouté Jean-Claude X… de toutes ses demandes ; Attendu qu’il n’est dès lors pas besoin de déterminer si les demandes indemnitaires actuellement formulées devant cette cour de renvoi sont nouvelles ou non, car elles supposent en tout état de cause que l’absence de juste motif ait été retenue ; Sur les dépens et l’application de l’article 700 du Code de Procédure Civile Attendu que Jean-Claude X… succombe totalement en son appel, dans les limites actuelles de la saisine de la cour, et doit en supporter les dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile ; Attendu que l’équité commande de faire application de l’article 700 du Code de Procédure Civile au profit du GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE et de condamner Jean-Claude X… à lui verser une indemnité de 10. 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et des frais inhérents à ce renvoi de cassation » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU’: « Il est de jurisprudence constante que la révocation d’un mandat social est toujours libre qu’il s’agisse du président ou de celui de membre du directoire sauf à démontrer pour les membres du Directoire que la révocation a été décidée sans juste motif. En l’espèce, Monsieur Jean-Claude X… ne conteste pas le fait que son mandat de Président du Directoire soit révocable « ad nutum » en ce sens que la révocation peut intervenir sans motif. En effet, Monsieur X… en tant que dirigeant d’expérience, ne pouvait considérer sa situation comme définitivement acquise et ignorer le caractère précaire du mandat de Président qu’il avait accepté librement et en tout connaissance de cause et qui pouvait lui être retiré discrétionnairement par le Conseil de Surveillance, même Conseil qui l’avait précédemment nommé. Néanmoins, s’agissant de sa révocation en tant que membre du Directoire, Monsieur X… rappelle que le Groupe NORBERT DENTRESSANGLE doit rapporter la preuve d’un juste motif, ce qui ne serait pas le cas. Toutefois, au vu des pièces versées aux débats il convient de constater que la société GROUPE NORBERT DENTRESSANGLE est en mesure de justifier du motif de cette révocation. En effet, la société GND connaissant une forte croissance et une internationalisation croissante liées à l’intégration de l’entreprise CHRISTIAN SALVENSEN se devait de réorganiser sa structure. Or, Monsieur X… a montré ses limites à accompagner le croissance du nouvel ensemble. En outre, le Tribunal considère qu’il apparaît difficile pour un salarié qui a été licencié et dont le licenciement a fait l’objet d’un accord transactionnel afin de régler les différends entre les parties, d’être maintenu à la direction de ladite société ne serait-ce qu’en simple qualité de membre du Directoire. Aussi, le Tribunal estime que la révocation de Monsieur X… s’imposait comme étant conforme à l’intérêt social » ;
1°/ ALORS QUE si la révocation du mandat d’un membre du directoire est fondée sur de justes motifs lorsque le maintien de ce mandat est de nature à compromettre l’intérêt social ou le fonctionnement de la société, il appartient à la société de rapporter la preuve de ce que la révocation du membre du directoire s’expliquait par des considérations objectives ; qu’il appartient corrélativement au juge de s’assurer que la preuve de ce que la révocation n’est pas simplement discrétionnaire mais effectivement et strictement justifiée par la poursuite de l’intérêt social est rapportée ; qu’en se bornant à se fonder, pour considérer que la révocation de Monsieur X… s’appuyait sur de justes motifs, sur le seul fait que le courrier annonçant à Monsieur X… sa future révocation faisait état de la volonté du conseil de surveillance de promouvoir, dans l’intérêt social, d’autres personnes que la société GND aurait « estimé plus aptes » que Monsieur X… à porter le développement de l’entreprise, et, surtout, qu’il n’appartenait pas à la société GND « de faire une quelconque preuve de la pertinence des choix stratégiques alors faits » ni de faire la preuve « de ce que Jean Claude X… n’était plus l’homme de la situation », cependant qu’il appartenait à la société GND de démontrer que le maintien de Monsieur X… dans les termes de son mandat était effectivement contraire à l’intérêt social ou était nuisible au fonctionnement de la société et qu’il ne lui suffisait pas, en l’état des fortes contestations élevées par Monsieur X… sur ce point, de prétendre que le maintien de Monsieur X… dans ses fonctions était de nature à contrarier l’intérêt social pour révoquer son mandat, la Cour d’appel a violé les articles L 225-61 du code de commerce et 1135 du code civil ;
2°/ ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QU’en l’espèce, Monsieur X… avait attiré l’attention de la Cour sur le fait que la société GND n’avait pas pris la peine de produire la moindre preuve de ce que son maintien dans le directoire était de nature à contrarier l’intérêt social (conclusions, p. 22) ; qu’il ajoutait que cette simple allégation était démentie par les bons résultats accusés sous sa direction en 2008, par la réussite de l’opération, de dimension internationale, visant à l’acquisition de la société Selversen, par le renouvellement de son mandat peu de mois avant son éviction, mais encore par l’allocation, à cette même époque, d’une prime d’objectif et de bons de souscription d’actions ; qu’en statuant comme elle l’a fait, à la faveur des motifs susvisés et sur la base des simples allégations de la société GND, sans jamais s’interroger, comme elle y était invitée, sur le point de savoir si les motifs avancés par la société GND reposaient sur des considérations objectives et si le maintien de Monsieur X… était effectivement de nature à contrarier l’intérêt social ou le fonctionnement de la société, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L 225-61 du code de commerce ;
3°/ ALORS ENCORE QUE le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe du contradictoire ; qu’en soulevant d’office, et sans provoquer les observations des parties sur ce point, le moyen suivant lequel la révocation de Monsieur X… était fondée sur un juste motif puisqu’il avait refusé d’assister à une réunion du conseil de surveillance, ce qui manifesterait une situation de blocage potentielle, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile, ensemble le principe de la contradiction ;
4°/ ALORS EGALEMENT QUE la simple éventualité d’une mésentente ou d’un blocage ne constitue pas un juste motif de révocation ; en se fondant sur une situation de blocage tout à fait potentielle, déduite du seul fait que Monsieur X… avait refusé de participer à une seule séance-à savoir celle devant conduire à sa révocation-et du fait que la composition du directoire allait être modifiée, la Cour d’appel, qui a statué par un motif tout à fait impropre à établir que le maintien du mandat de Monsieur X… créait une situation de blocage dans la société ou une mésentente entre les organes de la société qui serait effectivement nuisible à l’intérêt social, a violé l’article L 225-61 du code de commerce ;
5°/ ALORS QU’aux termes de l’article L 225-61 du code de commerce, qui pose un principe d’indépendance du contrat de travail du dirigeant et de son mandat de membre du directoire, le licenciement du dirigeant n’est pas en soi un juste motif de révocation du mandat de membre du directoire dont il est titulaire ; qu’en considérant cependant que le licenciement de Monsieur X… justifiait la révocation de son mandat de membre du directoire, la cour d’appel a violé l’article L 225-61 du code de commerce ;
6°/ ALORS QU’en affirmant que le licenciement de Monsieur X… rendait difficile le maintien de son mandat de membre du directoire, sans rechercher, comme elle y était invité si le licenciement de Monsieur X… n’était pas postérieur à la révocation de son mandat de sorte que ce licenciement ne pouvait par nature être la cause de la révocation du mandat de l’exposant au mois de juillet 2008, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L 225-61 du code de commerce ;
7°/ ALORS EN OUTRE QUE la simple éventualité d’une mésentente ne constitue pas un juste motif de révocation ; qu’en décidant cependant que le licenciement de Monsieur X… constituait un juste motif de révocation de son mandat dans la mesure où « il apparaît difficile pour un salarié qui a été licencié et dont le licenciement a fait l’objet d’un accord transactionnel afin de régler les différends entre les parties, d’être maintenu à la direction de ladite société ne serait-ce qu’en simple qualité de membre du Directoire », la Cour d’appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l’existence d’un juste motif de révocation du mandat de Monsieur X… de membre du directoire, a violé l’article L 225-61 du code de commerce.
ECLI:FR:CCASS:2015:CO00219