Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 mars 2009, 08-14.435 08-14.464, Publié au bulletin

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 mars 2009, 08-14.435 08-14.464, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à la Société française de radiotéléphone de son désistement envers l’association ETNA ;

Joint les pourvois n° N 08-14.464 et n° F 08-14.435 qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l’arrêt déféré (Paris, 2 avril 2008), statuant sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 10 mai 2006, Bull. 2006, IV, n° 115, pourvois n° 05-15.187 et n° 05-14.501), que, saisi le 25 juin 1999 par l’association Tenor, devenue Etna France, de pratiques mises en oeuvre sur le marché de la téléphonie fixe vers mobile des entreprises, le Conseil de la concurrence (le Conseil) a, dans une décision n° 04-D-48 du 14 octobre 2004, dit que les sociétés France Télécom et Société française du radiotéléphone (SFR), ont enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du code de commerce et 82 du Traité CE et a prononcé des sanctions pécuniaires ; qu’après avoir exposé que, dans le cadre d’une architecture classique, un appel provenant d’un téléphone fixe et destiné à un téléphone mobile, dit « appel entrant », utilise une connexion directe entre le réseau fixe de l’appelant et le réseau mobile de l’appelé, puis la boucle radio de l’appelé, et qu’après avoir délimité un marché pertinent des communications fixes vers mobiles des entreprises se décomposant entre, d’une part, un marché aval de collecte, transport et interconnexion directe des appels aux réseaux mobiles où opèrent les opérateurs de téléphonie fixe et notamment France Télécom, dominant, et, d’autre part, trois marchés amont de terminaison des appels sur le réseau mobile appelé, chacun de ces marchés étant dominé par l’opérateur de téléphonie mobile en monopole sur son réseau GSM, soit FTM, devenu Orange France filiale de la société France Télécom, SFR filiale de Cegetel groupe avant 2003 et Bouygues Télécom, le conseil a constaté, en procédant à des tests de « ciseau tarifaire », que France Télécom et SFR avaient l’une et l’autre pratiqué pour les entreprises des tarifs de détail pour les communications fixes vers mobiles de leurs réseaux respectifs qui ne couvraient pas les coûts incrémentaux encourus pour ce type de prestations, dont la « charge de terminaison d’appels » (CTA) sur leurs réseaux mobiles respectifs, que la CTA facturée à la société France Télécom ou à SFR en tant qu’opérateurs de fixe par leurs branches de téléphonie mobile étant supérieure aux coûts effectifs de fourniture de la prestation de terminaison d’appel sur réseau mobile, les tarifs des télécommunications fixes vers mobiles proposés par ces sociétés couvraient pour le « groupe » France Télécom ou le « groupe » SFR les coûts variables effectivement encourus et n’entraînaient pas de pertes, qu’en revanche, les opérateurs de réseaux fixes non intégrés entrants sur le marché de la téléphonie fixe, ouvert à la concurrence depuis le 1er janvier 1998, ne pouvaient proposer aux entreprises, à des tarifs compétitifs, des prestations fixes vers mobiles via une interconnexion directe aux réseaux mobiles, sans encourir de pertes du fait de l’obligation pour eux d’acquitter la CTA fixée par les branches mobiles des opérateurs intégrés ; que, devant le conseil, la société France Télécom faisait valoir que le niveau élevé de la CTA ne pouvait entraîner « d’effet de ciseau » car les nouveaux opérateurs disposaient de la possibilité de proposer des prestations fixes vers mobiles, sans interconnexion directe entre réseaux et donc sans paiement de la CTA nationale, en ayant recours au « reroutage international » consistant à envoyer le trafic collecté d’un fixe à un opérateur étranger afin que celui-ci le renvoie à la société France Télécom à charge pour cette dernière de le faire aboutir sur le réseau mobile de destination, la CTA étant alors peu élevée en raison d’accords conclus entre la société France Télécom et les opérateurs étrangers ; que le conseil, après avoir constaté que la société France Télécom avait conclu entre le 1er janvier 1999 et le 15 février 2000 avec plus de vingt-cinq opérateurs étrangers de nouveaux accords réciproques instituant une surcharge tarifaire pour les appels fixes destinés à un réseau mobile étranger, a notamment relevé qu’en raison de ces accords, mis en place au premier trimestre 1999 avec les principaux pays à travers lesquels le trafic était « rerouté », le « reroutage » par ces pays est devenu économiquement moins rentable, voir non rentable et que, contrairement à ce qu’alléguait la société France Télécom, il n’était pas établi que le trafic « rerouté » se serait alors déporté sur d’autres pays ; que le conseil, constatant que le « reroutage » avait, avant le mois d’avril 1999, permis d’atténuer l’inégalité de la compétition entre opérateurs intégrés et opérateurs de réseaux fixes non intégrés et de retrouver une situation meilleure bien que dégradée pour le surplus du consommateur, n’a retenu les pratiques de « ciseau tarifaire » comme constitutives d’abus de position dominante que lorsqu’elles avaient

été mises en oeuvre pendant une période s’étendant d’avril 1999 à fin 2001 durant laquelle « les opérateurs alternatifs sur le fixe ne disposaient pas de moyens leur permettant de significativement échapper à l’obligation d’acquitter la CTA imposée par les opérateurs GSM du fait de leur position dominante » ;

Sur le premier moyen du pourvoi formé par la société France Télécom et le premier moyen du pourvoi formé par la Société française du radiotéléphone :

Vu les articles 632 du code de procédure civile, ensemble les articles R 464-10 et R 464-12 du code de commerce ;

Attendu que les dispositions du code de procédure civile ne cèdent que devant les dispositions expressément contraires du code de commerce ou aménageant des modalités propres aux recours contre les décisions du Conseil de la concurrence ; qu’aux termes du deuxième de ces textes, il n’est expressément dérogé qu’au titre VI du livre II du code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les moyens nouveaux de la Société française du radiotéléphone et de la société France Télécom,

l’arrêt retient que parmi les dispositions du code de procédure civile, seules sont applicables en la cause celles auxquelles il n’est pas expressément dérogé par des textes spéciaux et qui sont compatibles avec celles aménageant des modalités propres à l’exercice des recours contre les décisions du Conseil de la concurrence ; qu’il énonce ensuite que la procédure suivie devant la cour d’appel sur les recours contre les décisions du Conseil de la concurrence est gouvernée par la règle essentielle, prévue par l’article R. 464-10 du code de commerce, selon laquelle les parties requérantes doivent déposer l’exposé des moyens qu’elles invoquent dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision et en conclut que les moyens invoqués après ce délai sont irrecevables, à moins qu’ils ne soient relatifs à des éléments révélés postérieurement ou qu’ils ne répondent à des moyens invoqués devant la cour ;

Attendu qu’en statuant ainsi alors que la procédure de renvoi après cassation est régie par le titre XVI du livre premier du code de procédure civile et non par celles du titre VI de son livre II, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi formé par la société SFR pris en ses quatre premières branches et sur la deuxième branche du troisième moyen du pourvoi formé par la société France Télécom réunis :

Vu les articles L. 420-2 du code de commerce et 82 du Traité CE ;

Attendu qu’une pratique de « ciseau tarifaire » a un effet anticoncurrentiel si un concurrent potentiel aussi efficace que l’entreprise dominante verticalement intégrée auteur de la pratique ne peut entrer sur le marché aval qu’en subissant des pertes ; qu’un tel effet peut être présumé seulement lorsque les prestations fournies à ses concurrents par l’entreprise auteur du « ciseau tarifaire » leur sont indispensables pour la concurrencer sur le marché aval ;

Attendu que pour décider que les sociétés SFR et France Télécom ont abusé de leurs positions dominantes sur les marchés des appels entrants dirigés vers leurs réseaux de téléphonie mobile en mettant en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles de « ciseau tarifaire », l’arrêt retient que la société France Télécom s’est efforcée, tout au long de la période de rendre financièrement moins attractif le reroutage international des communications, moyen «techniquement aberrant» auquel les opérateurs de téléphonie fixe recouraient pour éviter de supporter les coûts des charges de terminaison d’appel imposées par les sociétés Orange et SFR en cas d’interconnexion directe à leurs réseaux mobiles, par la négociation de multiples accords particuliers à cette fin avec les opérateurs étrangers, que quelqu’ait été le résultat de ces efforts de la société France Télécom, ils éclairent sa pratique de prix en montrant son intérêt à préserver l’efficacité de sa pratique de « ciseau tarifaire », qu’aucun opérateur fixe autre qu’elle même ne s’est interconnecté au réseau Orange France avant juillet 2000 sans que cette circonstance pût se justifier par aucune contrainte technique, que la société SFR n’a pu répondre à des appels d’offres de 1999 portant sur le trafic fixe vers mobile émanant de certains groupes industriels importants et que la politique de prix de la société SFR s’est inscrite dans la même logique, a eu la même nature et a nécessairement eu des effets comparables à celle de la société France Télécom ;

Attendu qu’en statuant ainsi sans constater que les pratiques de la société France Télécom avaient eu pour résultat de rendre indispensable, pour les opérateurs de téléphonie fixe souhaitant présenter à leurs clientèles des prestations relatives aux appels fixes vers mobiles, l’interconnexion directe aux réseaux de téléphonie mobile des sociétés France Télécom et SFR ou, dans le cas où des possibilités de reroutage continuaient d’exister, que les pratiques de « ciseau tarifaire » des sociétés France Télécom et SFR avaient eu ou pu avoir pour effet d’entraîner des pertes pour des concurrents aussi efficaces qu’elles sur le marché des appels fixes vers mobiles, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 2 avril 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande, la condamne à payer la somme de 2 500 euros à la société France Télécom et la somme de 2 500 euros à la Société française de radiotéléphone ;

Vu l’article R. 470-2 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l’Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l’économie, des finances et de l’emploi ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° F 08-14.435 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la Société française de radiotéléphone (SFR).

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que les moyens nouveaux ne sont pas recevables devant la cour de renvoi et rejeter le recours de la société SFR à l’encontre de la décision n°04-D-48 du Conseil de la concurrence en date du 14 octobre 2004;

AUX MOTIFS QUE sur la recevabilité de moyens nouveaux devant la cour de renvoi, l’article 631 du Code de procédure civile dispose que « devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation » ; qu’il en résulte, en l’état de la cassation de l’arrêt de cette Cour du 12 avril 2005 par l’arrêt de la Cour de cassation du 10 mai 2006, que l’instruction des recours formés le 19 novembre 2004 par SFR et le 22 novembre 2004 par FRANCE TÉLÉCOM contre la décision du Conseil de la concurrence doit être reprise en l’état où elle se trouvait avant le prononcé de l’arrêt cassé et annulé ; que cette Cour, saisie comme juridiction de renvoi par les déclarations prévues par l’article 1034 du Code de procédure civile, n’est pas pour autant saisie, au contraire de ce que paraissent comprendre les sociétés requérantes, (§ 6 de la déclaration de saisine de FRANCE TÉLÉCOM et § 20 de l’exposé des moyens de SFR), d’un nouveau recours contre la décision du Conseil ; que la présente procédure demeure soumise aux règles qui lui étaient applicables avant la cassation intervenue ; que les recours des sociétés SFR et France TÉLÉCOM doivent en conséquence être instruits et jugés conformément aux dispositions des articles R.464-10 et suivants du Code de commerce ; que l’article R.464-12, dernier alinéa, dispose : « Lorsque la déclaration ne contient pas l’exposé des moyens invoqués, le demandeur doit, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, déposer cet exposé au greffe dans les deux mois qui suivent la notification de la décision du Conseil de la concurrence » ; que ces dispositions spéciales, qui dérogent à la procédure civile de droit commun, font obstacle à l’application de l’article 632 du Code de procédure civile qui autorise les parties à invoquer de nouveaux moyens à l’appui de leurs prétentions devant la juridiction de renvoi ; qu’il en résulte que la Cour, saisie sur renvoi après cassation, doit prononcer l’irrecevabilité des moyens qui n’ont pas été exposés dans les conditions de délai prévues par les dispositions ci-dessus rappelées ; que dès lors la société SFR, qui confond la déclaration par laquelle la juridiction de renvoi est saisie, prévue par l’article 1034 du Code de procédure civile, avec la déclaration de recours définie par l’article R.464-12 du Code de commerce, n’est pas recevable à invoquer le moyen tiré de ce que le ciseau tarifaire retenu par la décision du Conseil attaquée serait substantiellement différent du grief qui lui avait été notifié, ce moyen n’ayant pas été exposé dans les deux mois de la notification de cette décision ; que, pour un motif identique, est irrecevable le moyen tiré par FRANCE TÉLÉCOM de ce que le Conseil lui a imputé une pratique « qui avait pour objet de fausser le jeu de la concurrence » (§ 238 de la décision) alors que les griefs qui lui avaient été notifiés visaient seulement « l’effet » anticoncurrentiel de cette même pratique, et d’avoir ainsi irrégulièrement modifié la qualification juridique des faits poursuivis et la nature même des faits reprochés en violation du principe du contradictoire ; qu’en effet, ni l’un ni l’autre de ces moyens ne reposent sur des circonstances inconnues des requérantes au moment du dépôt de leur mémoires au soutien de leur recours ; qu’ils sont dès lors irrecevables ;

ALORS QU’à défaut de dispositions expresses contraires, la juridiction de renvoi est saisie après cassation d’un arrêt rendu sur recours exercé contre une décision du Conseil de la concurrence, selon les règles de procédure civile de droit commun ; que si les articles R 464-10 et suivants du code de commerce fixent les conditions dans lesquelles les recours contre une décision du Conseil de la concurrence peuvent être exercés devant la Cour d’appel de Paris, aucun de ces textes ne précise en revanche les modalités d’une reprise d’instance devant une cour de renvoi après cassation d’un arrêt ayant déjà statué sur un tel recours et n’exclut pas expressément le droit pour chaque partie de présenter des moyens nouveaux ; qu’en décidant le contraire, la cour de renvoi a violé par fausse application les articles R 464-10 et suivants du code de commerce et par refus d’application l’article 632 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, statuant sur renvoi après cassation, rejeté le recours de la société SFR à l’encontre de la décision n° 04-D-48 du Conseil de la concurrence en date du 14 octobre 2004 ;

AUX MOTIFS QUE (…) pour sa part, SFR CEGETEL s’est vu notifier le 30 juin 2003, parmi d’autres, le grief suivant : « Depuis le mois d’avril 1999, alors que les opérateurs de téléphonie fixe n’ont plus la possibilité de recourir au reroutage international que de façon marginale, Cegetel Groupe pratique, par le biais de sa filiale à 80% Cegetel des prix de détail fixe vers SFR sur les marchés des services de téléphonie fixe vers mobile pour grands comptes, d’une part, et entreprises de taille moyenne, d’autre part, qui ne couvrent pas le coût direct supporté par un opérateur de téléphonie fixe efficace pour ce type de trafic. Cette pratique n ‘a pas induit de pertes pour Cegetel Groupe, puisque, par le biais de sa filiale à 80% SFR, elle perçoit des revenus de terminaison des appels sur son réseau GSM nettement supérieurs aux coûts directs engendrés par cette activité, qui est exercée en quasi-monopole. Cette pratique a eu pour effet de restreindre l’émergence d’une concurrence sur les marchés considérés et de retarder l’interconnexion des opérateurs de téléphonie fixe concurrents de France Télécom et de Télécom Développement au réseau GSM F2. Actuellement, elle permet à Cegetel Groupe de bénéficier, via la société Cegetel, d’un avantage indu dans l’exercice de la concurrence sur les marchés considérés. Cette pratique contrevient aux dispositions des articles L. 420-2 du code de commerce et 82 du traité CE. » ; que l’ensemble des faits et circonstances visés par ces notifications de griefs initiale et complémentaires est défini de manière suffisamment claire et explicite pour ne laisser subsister aucun doute quant à la consistance exacte des pratiques reprochées à FRANCE TÉLÉCOM ou à SFR CEGETEL ; que ces pratiques ne sont visées, à ce stade de la notification des griefs, comme le soutiennent exactement les requérantes, que dans la mesure où elles ont pu avoir un effet anticoncurrentiel, sans que le Conseil n’ait expressément visé un objet anticoncurrentiel, en soi, des pratiques reprochées ; que (cependant) la prohibition contenue dans l’article L.420-1 du Code de commerce vise les pratiques qui « ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché » ; que la présence de la conjonction alternative « ou » a pour conséquence qu’une pratique incriminée tombe sous le coup de l’interdiction posée par ce texte, soit parce qu’elle a un objet anticoncurrentiel, quand bien même elle n’aurait été suivie d’aucun des effets recherchés par ses initiateurs, soit parce qu’elle a pu avoir des effets anti-concurrentiels, lors même que ses auteurs n’auraient pas délibérément recherché une telle issue ; qu’en l’espèce, la circonstance que la décision déférée ne comporte aucun développement spécifiquement tendu vers la démonstration d’un objet anticoncurrentiel que se seraient intentionnellement données FRANCE TÉLÉCOM ou CEGETEL n’est d’aucune conséquence quant au bien fondé des griefs dès lors que le Conseil s’est appliqué à mettre en évidence les effets, même seulement potentiels, des pratiques litigieuses ; que le fait que la décision mentionne finalement que la mise en oeuvre de ces pratiques ne s’explique que par la poursuite d’un objet anticoncurrentiel n’ajoute ni n’enlève rien à la suffisance des motifs de la décision ; qu’il en résulte que tous les développements des requérantes sur le fait que les pratiques de ciseau tarifaire qui leur sont reprochées, n’étant pas prohibées pour elles mêmes, ne pourraient être retenues à leur encontre qu’ à la condition qu’ il soit démontré que ces pratiques auraient poursuivi un objet anticoncurrentiel, perdent toute pertinence s’il est établi que ces pratiques ont eu un effet anticoncurrentiel, même seulement potentiel ; qu’il convient de rappeler que les pratiques poursuivies, désignées par les termes de ciseau tarifaire, consistent, pour un opérateur généralement verticalement intégré, fixant à la fois les tarifs de détail sur un marché et le tarif d’une prestation nécessaire pour l’accès au marché de détail, à ne pas laisser entre les deux un espace suffisant pour la couverture des autres coûts encourus pour la fourniture de la prestation de détail ; que l’exactitude des chiffres retenus comme termes de comparaison par le Conseil pour établir que les deux sociétés requérantes, en leur qualité de groupes intégrant verticalement un opérateur de téléphonie mobile (FTM, Orange, ou SFR) et un opérateur de téléphonie fixe (FRANCE TÉLÉCOM ou CEGETEL), déterminant à la fois le tarif sur le marché de détail des appels de leur clientèle d’entreprises depuis le réseau de téléphonie fixe vers leurs réseau de téléphonie mobile et celui de la charge de terminaison d’appel ou CTA, prestation nécessaire pour l’accès à ce marché, ont en effet facturé à leurs clientèle d’entreprises, pour les périodes retenues, leurs appels respectivement « fixe vers FTM ou Orange ou fixe vers SFR » à des prix économiquement incompatibles avec ceux des CTA déterminés, n’est pas utilement contestée, non plus que la définition des marchés retenus comme pertinents, ni même la position de quasi monopole de chacune des sociétés requérantes sur le marché des appels entrants dirigés vers le réseau de téléphonie mobile de chacune d’elles ; qu’il n’est en effet discuté, ni que le prix de la CTA facturée par les deux opérateurs de mobile en cause était largement supérieur au coût réel de la prestation correspondante, ni que les prix de détail étaient fixés à un niveau insuffisant, au regard de la définition précédemment rappelée, pour ne pas entrer dans le champ d’une pratique qualifiée de ciseau tarifaire ; que les explications des requérantes, selon lesquelles le prix de la CTA avait été fixé à un niveau élevé pour ne pas compromettre l’équilibre économique de l’opérateur mobile qui cherchait par ailleurs, dans l’intérêt du consommateur, à favoriser le développement de la téléphonie mobile en pratiquant des prix bas sur les appels sortants n’exclut pas que ce niveau de prix ait été également retenu dans une autre perspective, précisément celle, dans le cadre d’une politique tarifaire coordonnée au niveau du groupe, de fixer les prix de détail des appels entrants sur les marchés considérés à un niveau tel qu’ils constituent un frein à la concurrence d’éventuels candidats à l’entrée sur ce marché ; que par ailleurs SFR, qui stigmatise le comportement de France TÉLÉCOM et sa politique tarifaire agressive, n’est pas fondée à soutenir qu’elle aurait été dans la nécessité de mettre en oeuvre une pratique de ciseau tarifaire de même nature que celle qu’elle reproche à son concurrent seulement pour lui résister ; que le Conseil a pertinemment souligné qu’il appartenait à CEGETEL d’aligner son comportement, non pas sur celui de FRANCE TÉLÉCOM, mais sur celui de l’association qui a saisi l’autorité de régulation ; que pour contester que les pratiques qui leur sont ainsi reprochées aient pu avoir un quelconque effet anticoncurrentiel, les sociétés requérantes exposent que les autres opérateurs de téléphonie fixe souhaitant présenter à leur clientèle des prestations relatives aux appels fixe vers mobile disposaient d’une solution alternative pour se dispenser d’intégrer dans leurs coûts la CTA imposés par ORANGE ou SFR, cette charge n’étant due que dans le cas d’interconnexion directe, laquelle pouvait être contournée en ayant recours à la pratique dite du reroutage international, laquelle consistait à diriger artificiellement les appels des clients vers un opérateur étranger qui les acheminait ensuite vers le réseau de téléphonie mobile du correspondant appelé ; que ce détour était financièrement avantageux dans la mesure où l’opérateur étranger était dispensé de payer la CTA au prix fort ; que (cependant) outre qu’un tel contournement, ainsi que l’ajustement démontré le Conseil, était techniquement aberrant, ce qui suffit à établir qu’il n’y avait lieu d’y recourir que pour contourner un obstacle lui-même paradoxal, que FRANCE TÉLÉCOM s’est d’ailleurs efforcée, tout au long de la période, de le rendre financièrement moins attractif par la négociation de multiples accords particuliers à cette fin avec les opérateurs étrangers ; que quel qu’ait été le résultat de ces efforts, sans même qu’il soit nécessaire de départager les requérantes qui soutiennent que ces accords n’ont pas eu pour effet de faire disparaître le reroutage international, lequel aurait trouvé d’autres voies et se serait même encore accru pendant la période, et la décision du Conseil qui conduit à penser que le reroutage n’est plus demeuré une alternative effective après avril 1999, que la seule circonstance que FRANCE TÉLÉCOM se soit employée à multiplier de tels accords éclaire sa pratique de prix en montrant son intérêt à préserver l’efficacité de sa pratique de ciseau tarifaire ; que la politique de prix de CEGETEL s’est inscrite dans la même logique ; que, pour établir que les pratiques incriminées avaient bien eu les effets anticoncurrentiels qu’elles renfermaient, le Conseil a relevé, s’agissant de celle imputée à FRANCE TÉLÉCOM, qu’aucun opérateur autre qu’elle même ne s’était interconnectée au réseau Orange France avant juillet 2000, sans que cette circonstance pût se justifier par aucune contrainte technique ; qu’il a également retenu que dans un courrier du 6 février 2001, CEGETEL avait indiqué qu’elle n’avait pu répondre à des appels d’offres de 1999 portant sur le trafic fixe vers mobile émanant des groupes Axa, Saint Gobin, Otis, Total, Pechiney et Elf pour un chiffre d’affaires total de plus de 100 MF ; que la pratique de même nature reprochée à SFR CEGETEL a nécessairement eu, au moins potentiellement, des effets comparables ; que cette dernière entend néanmoins se démarquer de FRANCE TÉLÉCOM en soulignant que sa position sur le marché aval des appels fixe vers mobiles, loin d’être dominante, était encore marginale à l’époque des faits incriminés ; que (cependant) le Conseil a exactement et complètement expliqué, après avoir rappelé que la pratique incriminée doit être examinée en gardant à l’esprit qu’elle est mise en oeuvre par un groupe verticalement intégré dont deux branches interviennent sur des marchés distincts et que, en l’espèce, c’est moins la position de CEGETEL sur le marché des appels fixe vers mobile qui caractérise la pratique, mais celle, quasi monopolistique, de SFR sur le marché de la charge de terminaison d’appel vers le réseau mobile qu’elle exploite ; que c’est précisément l’articulation de la politique de prix coordonnés du groupe sur ces deux marchés qui caractérise l’effet de ciseau tarifaire incriminé ; qu’en définitive, la décision déférée a retenu à bon droit les griefs reprochés aux requérantes ; que les recours de FRANCE TÉLÉCOM et de SFR CEGETEL doivent être rejetés (…) ;

AUX MOTIFS ENCORE QUE (…) le Conseil a observé a juste titre que la circonstance que le marché désigné en l’espèce comme pertinent n’avait pas été encore identifié comme tel à l’époque des faits pour l’application de la réglementation sectorielle était sans incidence sur la réalité économique et la situation qu’il lui appartenait d’apprécier au regard du droit de la concurrence ; qu’il a opportunément distingué, s’agissant de la gravité des faits, le rôle d’opérateur historique de FRANCE TÉLÉCOM de celui de SFR CEGETEL, nouvel entrant sur le marché, tout en retenant que la pratique imputée à cette dernière avait eu une ampleur plus forte et une durée plus longue ; que par ailleurs le Conseil, (…) :

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur les pratiques de France Telecom (…) Il apparaît également, s’agissant des grands comptes, que les tarifs de France Telecom, combinés à l’instauration des charges, ont eu un effet d’éviction ; que dans son courrier 6 février 2001, Cegetel communique ainsi une série d’appels d’offres de 1999 portant sur le trafic fixe vers mobile de grands comptes et auxquels elle n’a pu, hormis le trafic fixe vers SFR répondre positivement ; qu’il s’agit des groupes Axa Saint-Gobain Otis Total Pechiney et Elf pour un chiffre d’affaire total de plus de 100 millions de francs (att. 244) :

1°) ALORS QUE l’effet anticoncurrentiel d’une pratique de ciseau tarifaire ne se présume pas et doit être apprécié in concreto ; qu’en s’abstenant de rechercher si le reroutage international avait perduré, la Cour d’appel a méconnu les articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE ;

2°) ALORS QU’ une pratique de ciseau tarifaire n’entrave en principe le développement de la concurrence sur les marchés avals que si les prestations intermédiaires concernées sont indispensables pour permettre à l’un des concurrents de son auteur d’entrer en concurrence avec lui sur le marché aval ; qu’il s’ensuit que lorsqu’il existe une solution alternative permettant de contourner une pratique de ciseau tarifaire sur une prestation intermédiaire, l’effet anticoncurrentiel d’une telle pratique doit être apprécié in concreto et ne se présume pas ; que statuant sur renvoi après cassation, il incombait aux juges du fond, pour établir l’effet anticoncurrentiel de chaque pratique de ciseau tarifaire incriminée, non pas de stigmatiser la solution alternative du reroutage international permettant de contourner une pratique de ciseau tarifaire mais de vérifier si la politique mise en oeuvre par France Telecom avait ou non effectivement réussi à s’opposer au développement du reroutage international des appels fixes vers mobiles ; qu’en décidant qu’il importait peu, pour apprécier les effets anticoncurrentiels des pratiques relevées, de savoir si le reroutage international des appels téléphoniques avait ou non cessé à la suite des efforts de France Télécom – et non de SFR

pour s’opposer au développement d’une solution alternative permettant de réduire les effets des pratiques de ciseau tarifaire relevées, la cour de renvoi a violé les articles L 420-2 du code de commerce et 82 du traité CE ;

3°) ALORS QUE l’effet anticoncurrentiel d’une pratique de ciseau tarifaire est appréciée in concreto en fonction de la part de marché acquise par les concurrents de son auteur sur le marché aval : qu’en se bornant à affirmer que la pratique reprochée à la société SFR avait nécessairement eu au moins potentiellement des effets comparables à celle imputée à France Telecom ou encore que la politique de prix de CEGETEL s’était inscrite dans la même logique que celle de France Télécom, sans se livrer à la moindre analyse concrète des effets de la pratique de ciseau tarifaire reprochée à la société SFR, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 420-2 du code de commerce et 82 du traité CE ;

4°) ALORS QU’en affirmant qu’il importait peu de savoir si le reroutage international constituait ou non, en 1999, une alternative effective à la pratique tarifaire reprochée à la société SFR, après avoir constaté que le grief du 30 juin 2003 avait été notifié à l’intéressée dans la mesure où « les opérateurs de téléphonie fixe n’avaient plus la possibilité de recourir au reroutage international que de manière marginale », ce dont il résultait que l’existence d’une telle solution alternative rendait à elle seule le grief d’abus de position dominante inopérant, la cour de renvoi a violé les articles L 420-2 du code de commerce et 82 du traité CE ;

5°) ALORS QU’une pratique de ciseau tarifaire ne constitue un abus de position dominante pour autant seulement qu’elle permet à un opérateur fournissant une prestation intermédiaire sur le marché amont et déjà présent sur le marché aval de préserver ses positions acquises sur ce marché en empêchant ses concurrents potentiels de lui faire concurrence ; qu’en reprochant à la société SFR une pratique de ciseau tarifaire constitutive d’abus de position dominante, tout en constatant que celle-ci devait être considérée, au moment des faits comme « un nouvel entrant » sur le marché aval de l’acheminement des appels « fixe vers mobile », la cour de renvoi a violé les articles L 420-2 du code de commerce et 82 du tra


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