Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 novembre 2012, n° RG : 10/16737) que la société Editions des Dernières Nouvelles d’Alsace édite le quotidien régional du même nom, principalement diffusé dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ; que ce journal comporte une rubrique dénommée « Carnet du Jour » faisant apparaître les avis de décès des personnes originaires de la région, qui lui sont transmis par les familles, par les entreprises de pompes funèbres ou par des organismes ou institutions au sein desquelles le défunt exerçait une activité ; que la société Aviscom, créée en 2006, exploite un site internet d’annonces nécrologiques et de condoléances en ligne, ayant pour nom de domaine www.avis-de-deces.net, qui a notamment pour objet la publication sur internet d’un registre des décès permettant l’envoi de condoléances ; que cette prestation est proposée aux familles, moyennant paiement, par l’intermédiaire des entreprises de pompes funèbres qui, en cas d’achat, font insérer dans les avis publiés dans la presse papier une ligne libellée « condoléances et témoignages sur www.avis-de-deces.net » ; qu’après avoir procédé à cette insertion dans divers avis de décès, la société Editions des Dernières Nouvelles d’Alsace a avisé les entreprises de pompes funèbres de son refus de faire figurer à l’avenir la mention « registre de condoléances et témoignages sur www.avis-de-deces.net » dans les avis de décès publiés dans son journal ; que la société Aviscom l’a assignée en responsabilité pour pratiques anticoncurrentielles constitutives d’entente illicite, d’abus de position dominante et de refus de vente sur le fondement des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, aux fins d’injonction et en réparation de son préjudice ; que la société Aviscom ayant fait l’objet d’un plan de sauvegarde ouvert le 12 décembre 2012, M. X… et Mme Y… ont été désignés respectivement administrateur et mandataire judiciaires ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Aviscom, ainsi que M. X… et Mme Y…, ès qualités, font grief à l’arrêt d’avoir dit que les pratiques reprochées à cette dernière ne constituaient pas un abus de position dominante et ne pouvaient faire l’objet d’une injonction de faire, alors, selon le moyen :
1°/ que l’exploitation d’une position dominante est interdite dès lors qu’elle a pour objet ou peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ; qu’en déduisant que le refus du journal d’insérer la mention « condoléances sur www.avis-de-deces.net » dans ses annonces nécrologiques et de publier le bandeau publicitaire « ils nous ont quitté, le saviez-vous ? www.avis-de-deces.net » dans le carnet des annonces nécrologiques ne constituait pas un abus de position dominante du seul fait que la société Aviscom n’apportait pas la preuve d’un préjudice, ce qui démontrait que ces pratiques n’avaient pas perturbé de façon sensible cette société dans l’organisation de son marché, se bornant ainsi à examiner si les pratiques dénoncées avaient eu un effet anticoncurrentiel, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si elles n’avaient pas un objet ou pouvaient avoir un effet anticoncurrentiel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE ;
2°/ que l’exploitation d’une position dominante est interdite dès lors qu’elle a pour objet ou peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ; qu’en jugeant que la décision du journal de ne plus insérer la mention « condoléances sur www.avis-de-deces.net » dans ses annonces nécrologiques et de ne pas publier le bandeau publicitaire « ils nous ont quitté, le saviez-vous ? www.avis-de-deces.net » dans le carnet des annonces nécrologiques ne constituait pas un abus de position dominante quand elle constatait que cette décision avait été prise alors que les différents organes de presse écrite avaient mis en place des sites internet, d’une part, de lecture des journaux en ligne, d’autre part, des sites spécialisés dans les annonces nécrologiques similaires à celui créé par la société Aviscom, sur lesquels étaient publiées les annonces nécrologiques paraissant dans la presse papier, le journal, du fait de sa position dominante sur le marché des annonces par voie de presse écrite, captant ainsi la quasi totalité des annonces en ligne et s’assurant, en refusant l’insertion d’une mention dans l’annonce papier ou la publication d’un bandeau publicitaire, que l’entourage du défunt consulte ses sites internet plutôt que celui de la société Aviscom, ce dont il résultait que les pratiques dénoncées par la société Editions des Dernières Nouvelles d’Alsace avaient pour objet ou à tout le moins pouvaient avoir pour effet d’évincer la société Aviscom du marché des annonces nécrologiques, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE ;
3°/ qu’est anticoncurrentielle la pratique qui porte atteinte à l’intérêt du consommateur ; qu’en jugeant que la décision « injustifiée » du journal de ne plus insérer la mention « condoléances sur www.avis-de-deces.net » dans ses annonces nécrologiques ne constituait pas un abus de position dominante quand elle constatait que cette décision avait porté atteinte à la manifestation de volonté des familles et proches du défunt dans l’organisation des funérailles et portait, ainsi, directement atteinte à leur intérêt, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE ;
4°/ que l’existence d’un abus de position dominante doit être apprécié par rapport au marché pertinent identifié à partir de l’offre et de la demande d’un produit ou service et de la zone géographique dans laquelle se rencontrent cette offre et cette demande ; qu’en jugeant que la société Aviscom ne pouvait imputer la régression du nombre de ses annonces en ligne au comportement du journal dès lors qu’elle « ne saurait prétendre que la venue de concurrents directs sur le marché internet n’a pas eu d’incidence au motif qu’elle aurait débuté son activité dans les départements de l’est de la France où ces nouveaux intervenants seraient absents alors que le propre des sites internet est de ne pas avoir de frontières géographiques », sans établir que sur le marché pertinent en cause, celui des annonces nécrologiques dans les départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, le site de la société Editions des Dernières Nouvelles d’Alsace subissait une autre concurrence que celle du journal, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE ;
5°/ qu’abuse de sa position dominante l’entreprise qui l’exploite de telle façon que le développement commercial d’un concurrent s’en trouve limité ; qu’en jugeant que la régression du nombre d’annonces nécrologiques sur le site internet de la société Aviscom était liée à la politique de commercialisation des entreprises de pompes funèbres, quand elle constatait que ces dernières avaient « fait savoir (à la société Aviscom) que le refus de la possibilité d’insérer la référence au site réduisait l’intérêt de recourir aux services de la société Aviscom et qu’elles hésiteraient à proposer ce service aux familles tant que le journal maintiendrait sa position », de sorte que c’était bien le refus du journal qui limitait le développement commercial du site « www.avis-de-deces.net », la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE ;
6°/ que l’existence d’un abus de position dominante doit être apprécié par rapport au marché pertinent identifié à partir de l’offre et de la demande d’un produit ou service et de la zone géographique dans laquelle se rencontrent cette offre et cette demande ; qu’en jugeant que la société Aviscom ne justifiait pas que son essor aurait été bloqué du fait du refus du journal d’insérer la mention « condoléances sur www.avis-de-deces.net » dans ses annonces nécrologiques et de publier le bandeau publicitaire « ils nous ont quitté, le saviez vous ? www.avis-de-deces.net » dans le carnet des annonces nécrologiques, au motif que la tenue du répertoire des décès n’avait pas été affectée, quand elle constatait que le marché en cause était celui des annonces nécrologiques vendues par le journal et la société Aviscom, prestation différente du répertoire des décès alimenté automatiquement par les entreprises de pompes funèbres, la cour d’appel a statué par un motif inopérant en violation des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE ;
7°/ que le juge ne peut refuser d’indemniser un dommage établi dans son principe au seul motif qu’il est difficile à chiffrer ; qu’en retenant, pour dire que la société Aviscom ne rapportait pas la preuve d’un préjudice matériel, qu’elle ne chiffrait pas ce préjudice alors que, dans ses conclusions d’appel, elle en démontrait l’existence en son principe et soulignait la difficulté de son évaluation, sollicitant le recours aux services d’un expert, la cour d’appel a statué par un motif inopérant en violation des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE, ensemble l’article 1382 du code civil ;
8°/ que l’atteinte portée à la réputation d’une entreprise constitue pour elle un préjudice moral ; qu’en jugeant que la société Aviscom ne justifiait pas d’un préjudice moral quand il résultait de ses constatations que le refus du journal de faire mention du site de la société Aviscom dans ses parutions nécrologiques avait nuit à sa réputation tant vis-à-vis des familles et proches, qui voyaient supprimer dans l’annonce qu’ils avaient faite parvenir au journal la référence au site et fortement diminuer l’intérêt de ce site, que vis-à-vis des pompes funèbres qui ne voulaient plus proposer le « pack » de la société Aviscom à la vente, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE, ensemble l’article 1382 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la société Aviscom n’a fondé ses prétentions sur les dispositions de l’article 102 TFUE ni dans son assignation introductive d’instance, ni dans ses conclusions d’appel ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, en second lieu, qu’après avoir constaté, par des motifs non critiqués, que les deux publications, l’une par voie de presse locale pour un nombre restreint d’avis de décès et d’obsèques de personnes originaires de la région, diffusés à la demande de familles et de personnes elles-mêmes nommées dans ces publications, l’autre sur internet ayant pour objet la constitution d’une base de données globale indépendante de la volonté des familles et sans limites géographiques, le public n’ayant accès qu’à la liste restreinte des défunts pour lesquels la prestation de condoléances à distance proposée par la société Aviscom avait été vendue aux familles par les entreprises de pompes funèbres, ne répondaient pas à la même finalité et se distinguaient aussi par leurs caractéristiques respectives, et relevé que les prestations proposées avaient cependant l’une et l’autre comme support un avis nécrologique de sorte que les marchés développés par chacune des parties étaient des marchés connexes et qu’il y avait lieu de rechercher si le refus d’insertion opposé à la société Aviscom, qui n’était pas justifié par une prétendue politique rédactionnelle qui n’avait pas été celle du quotidien précédemment, avait constitué un abus de la position dominante que celui-ci détenait sur le marché des avis nécrologiques dans la presse locale, l’arrêt retient que la société Aviscom, qui prétend que ce refus et la diminution des annonces commercialisées auprès des familles par les entreprises de pompes funèbres, qui en serait résultée, lui ont causé un double préjudice matériel et moral et qu’ainsi se trouve caractérisé un abus de position dominante de la part du quotidien, ne chiffre pas son préjudice matériel, se bornant à faire état d’un plan prévisionnel aléatoire, sans produire aucune analyse comparative de ses chiffres d’affaires et de ses bénéfices, et ce alors même qu’elle a été créée en 2006, que les pratiques dénoncées ont porté sur la période du 23 octobre 2008, date du refus d’insertion, jusqu’à la date du jugement soit le 6 juillet 2010, et que la société Editions des Dernières Nouvelles d’Alsace condamnée par ce jugement assorti de l’exécution provisoire à procéder aux insertions litigieuses, s’est exécutée ; qu’il relève, de même, que la société Aviscom ne justifie pas davantage en quoi le refus d’insertion aurait nui à sa réputation et qu’elle aurait de ce fait subi un préjudice moral ; qu’il retient, enfin, que cette absence de preuve d’un préjudice à l’occasion de pratiques alléguées sur une période de près de deux ans, d’une part, sur le plan local, d’autre part, à l’occasion d’une entente invoquée entre des quotidiens diffusant à travers tout le territoire national, démontre qu’il n’y a pas eu d’entrave au développement des annonces nécrologiques sur internet, où d’autres sites ont d’ailleurs pu se développer, que la pratique alléguée n’a pas perturbé de façon sensible la société Aviscom elle-même dans l’organisation de son activité et qu’il s’en déduit que cette pratique n’est pas constitutive d’un abus de position dominante ; qu’ayant par ces constatations et appréciations souveraines, fait ressortir que la société Aviscom ne rapportait la preuve, qui lui incombait, ni de ce que les agissements qu’elle dénonçait auraient eu un effet sensible sur le marché en cause, ni de ce qu’il en serait résulté pour elle un préjudice, la cour d’appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués aux quatrième, cinquième et sixième branches, et qui a effectué les recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ce qu’il invoque l’article 102 TFUE, n’est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Aviscom ainsi que M. X… et Mme Y…, ès qualités, font grief à l’arrêt d’avoir dit que les pratiques reprochées à la société Editions des Dernières Nouvelles d’Alsace ne constituaient pas une entente illicite et ne pouvaient faire l’objet d’une injonction de faire, alors, selon le moyen :
1°/ que l’existence d’une entente s’infère de la constatation d’un parallélisme de comportements qui ne peut s’expliquer ni par les caractéristiques du marché ni par la poursuite de l’intérêt individuel de chaque entreprise et traduit ainsi le choix de celles-ci de coopérer en fait ; qu’en jugeant que le refus simultané et brutal des différents organes de presse régionaux de toute référence au site internet de la société Aviscom qu’ils accueillaient jusqu’alors ne pouvait à lui seul caractériser une action concertée, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si ce parallélisme de comportements, qu’elle constatait, ne s’expliquait ni par les caractéristiques du marché ni par la poursuite de l’intérêt individuel de chaque journal, de sorte qu’il était suffisant pour établir l’existence d’une action concertée entre les journaux en cause, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE ;
2°/ que les notions d’entente et d’abus de position dominante, qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre, peuvent être retenues cumulativement à propos d’une même pratique ; qu’en jugeant que le refus simultané et brutal des différents organes de presse régionaux de toute référence au site internet de la société Aviscom qu’ils accueillaient jusqu’alors ne pouvait caractériser une entente au motif inopérant que « la société Editions des Dernières Nouvelles d’Alsace est en position dominante sur son secteur géographique de sorte qu’elle n’aurait nul besoin de se concerter avec d’autres organes de presse », la cour d’appel a violé les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE ;
3°/ que tout jugement doit être motivé ; qu’en jugeant que l’attitude commune des différents organes de presse était « justifiée par la réglementation en vigueur », sans préciser quelle était la réglementation en cause et en quoi elle justifiait un tel parallélisme de comportements, la cour d’appel a privé sa décision de motifs en violation des articles 455 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que l’entente est interdite dès lors qu’elle a pour objet ou peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ; qu’en déduisant que la politique commune des organes de presse de refuser l’insertion de la mention « condoléances sur www.avis-de-deces.net » dans leurs annonces nécrologiques et la publication du bandeau publicitaire « ils nous ont quitté, le saviez-vous ? www.avis-de-deces.net » dans le carnet des annonces nécrologiques ne constituait pas une entente du seul fait que la société Aviscom n’apportait pas la preuve d’un préjudice, ce qui démontrait que cette pratique n’avait pas perturbé de façon sensible cette société dans l’organisation de son marché, se bornant ainsi à examiner si la pratique dénoncée avait eu un effet anticoncurrentiel, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si elle n’avait pas un objet ou pouvaient avoir un effet anticoncurrentiel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE ;
5°/ que l’entente est interdite dès lors qu’elle a pour objet ou peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ; qu’en jugeant que la politique commune des organes de presse de refuser l’insertion de la mention « condoléances sur www.avis-de-deces.net » dans leurs annonces nécrologiques et la publication du bandeau publicitaire « ils nous ont quitté, le saviez-vous ? www.avis-de-deces.net » dans le carnet des annonces nécrologiques ne constituait pas une entente quand elle constatait que cette décision avait été prise alors que les différents organes de presse écrite avaient mis en place des sites internet, d’une part, de lecture des journaux en ligne, d’autre part, des sites spécialisés dans les annonces nécrologiques similaires à celui créé par la société Aviscom, sur lesquels étaient publiées les annonces nécrologiques destinées à la presse papier, les journaux, du fait de leur position dominante sur le marché des annonces par voie de presse écrite, captant ainsi la quasi totalité des annonces en ligne et s’assurant, en refusant toute publicité au site internet de la société Aviscom, par l’insertion d’une mention dans l’annonce papier ou la publication d’un bandeau publicitaire, que l’entourage du défunt consulte leurs sites internet plutôt que celui de la société Aviscom, ce dont il résultait que la pratique dénoncée par la société Editions des Dernières Nouvelles d’Alsace avait pour objet ou à tout le moins pouvait avoir pour effet d’évincer la société Aviscom du marché des annonces nécrologiques, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE ;
6°/ qu’est anticoncurrentielle la pratique qui porte atteinte à l’intérêt du consommateur ; qu’en jugeant que la politique commune des organes de presse de refuser l’insertion de la mention « condoléances sur www.avis-de-deces.net » dans leurs annonces nécrologiques ne constituait pas une entente quand elle constatait que cette pratique avait porté atteinte à la manifestation de volonté des familles et proches du défunt dans l’organisation des funérailles et portait, ainsi, directement atteinte à leur intérêt, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE ;
7°/ que l’existence d’une entente illicite doit être appréciée par rapport au marché pertinent identifié à partir de l’offre et de la demande d’un produit ou service et de la zone géographique dans laquelle se rencontrent cette offre et cette demande ; qu’en jugeant que la société Aviscom ne pouvait imputer la régression du nombre de ses annonces en ligne au comportement parallèle des organes de presse dès lors qu’elle « ne saurait prétendre que la venue de concurrents directs sur le marché internet n’a pas eu d’incidence au motif qu’elle aurait débuté son activité dans les départements de l’est de la France où ces nouveaux intervenants seraient absents alors que le propre des sites internet est de ne pas avoir de frontières géographiques », sans établir que sur le marché pertinent en cause, celui des annonces nécrologiques dans les départements de diffusion de ces différents journaux, le site de la société Aviscom subissait une autre concurrence que celle des journaux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE ;
8°/ que constitue une entente illicite le comportement commun qui limite le développement commercial d’un concurrent ; qu’en jugeant que la régression du nombre d’annonces nécrologiques sur le site internet de la société Aviscom était liée à la politique de commercialisation des entreprises de pompes funèbres, quand elle constatait que ces dernières avaient « fait savoir (à la société Aviscom) que le refus de la possibilité d’insérer la référence au site réduisait l’intérêt de recourir aux services de la société Aviscom et qu’elles hésiteraient à proposer ce service aux familles tant que le journal maintiendrait sa position », de sorte que c’était bien le refus simultané des organes de presse qui limitait le développement commercial du site « www.avis-de-deces.net », la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE ;
9°/ que l’existence d’une entente illicite doit être appréciée par rapport au marché pertinent identifié à partir de l’offre et de la demande d’un produit ou service et de la zone géographique dans laquelle se rencontrent cette offre et cette demande ; qu’en jugeant que la société Aviscom ne justifiait pas que son essor aurait été bloqué du fait de la politique commune des organes de presse de refuser l’insertion de la mention « condoléances sur www.avis-de-deces.net » dans leurs annonces nécrologiques et la publication du bandeau publicitaire « ils nous ont quitté, le saviez-vous ? www.avis-de-deces.net » dans le carnet des annonces nécrologiques, au motif que la tenue du répertoire des décès n’avait pas été affectée, quand elle constatait que le marché en cause était celui des annonces nécrologiques vendues par les journaux en cause et la société Aviscom, prestation différente du répertoire des décès alimenté automatiquement par les entreprises de pompes funèbres, la cour d’appel a statué par un motif inopérant en violation des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE ;
10°/ que le juge ne peut refuser d’indemniser un dommage établi dans son principe au seul motif qu’il est difficile à chiffrer ; qu’en retenant, pour dire que la société Aviscom ne rapportait pas la preuve d’un préjudice matériel, qu’elle ne chiffrait pas ce préjudice alors que, dans ses conclusions d’appel, elle en démontrait l’existence en son principe et soulignait la difficulté de son évaluation, sollicitant le recours aux services d’un expert, la cour d’appel a statué par un motif inopérant en violation des articles L. 420-1 du code de commerce et 101TFUE, ensemble l’article 1382 du code civil ;
11°/ que l’atteinte portée à la réputation d’une entreprise constitue pour elle un préjudice moral ; qu’en jugeant que la société Aviscom ne justifiait pas d’un préjudice moral quand il résultait de ses constatations que le refus des journaux de faire mention du site de la société Aviscom dans leurs parutions nécrologiques avait nuit à sa réputation tant vis-à-vis des familles et proches, qui voyaient supprimer dans l’annonce qu’ils avaient faite parvenir au journal la référence au site et fortement diminuer l’intérêt de ce site, que vis-à-vis des pompes funèbres qui ne voulaient plus proposer le « pack » de la société Aviscom à la vente, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 420-1 du code de commerce et 101 TFUE, ensemble l’article 1382 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que dans ses conclusions d’appel, la société Aviscom ne fondait pas ses prétentions sur les dispositions de l’article 101 TFUE ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Attendu, en deuxième lieu, qu’après avoir relevé qu’il incombe à la société Aviscom, qui allègue d’une politique concertée de plusieurs journaux diffusés sur tout le territoire national, dont elle affirme que dix appartiennent au même groupe de presse, ayant eu pour objet de freiner l’émergence d’autres modes de publication d’annonces nécrologiques, de faire la preuve de ses affirmations et donc de l’existence d’une entente au sein de ce groupe pour adopter une politique rédactionnelle unique qui aurait eu pour conséquence d’entraver le jeu de la concurrence, l’arrêt retient que la circonstance que la société Editions des Dernières Nouvelles d’Alsace et plusieurs journaux régionaux aient adopté une politique similaire en matière d’annonces nécrologiques et refusé de publier dans les avis de décès la ligne de son site, ne saurait à lui seul caractériser une action concertée ; qu’ayant par ces constatations et appréciations souveraines fait ressortir que la société Aviscom ne rapportait pas la preuve que le parallélisme de comportement qu’elle dénonçait procédait d’une volonté commune des organes de presse en cause et spécialement de la société Editions des Dernières Nouvelles d’Alsace, la cour d’appel, qui a effectué la recherche prétendument omise et qui n’était pas tenue d’effectuer des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué à la troisième branche, légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en dernier lieu, qu’il s’infère du rejet de la première branche que le moyen, pris en ses autres branches, est inopérant ;
D’où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses première, deuxième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième, dixième et onzième branches en ce qu’il invoque l’article 101 TFUE, n’est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Aviscom, M. X…, ès qualités, et Mme Y…, ès qualités, aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer une somme globale de 3 000 euros à la société Editions des Dernières Nouvelles d’Alsace et rejette leur demande ;
Vu l’article R. 470-2 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l’Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l’économie ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils pour la société Aviscom, M. X…, ès qualités, et Mme Y…, ès qualités,
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR réformé le jugement déféré en ce qu’il avait constaté un abus de position dominante de la société EDITION DES DERNIERES NOUVELLES D’ALSACE et, statuant à nouveau, d’AVOIR dit que les pratiques reprochées à la société EDITION DES DERNIERES NOUVELLES D’ALSACE par la société AVISCOM ne constituaient pas un abus de position dominante et ne pouvaient faire l’objet d’une injonction de faire ;
AUX MOTIFS QUE la société AVISCOM soutient que le refus par le journal des DERNIERES NOUVELLES D’ALSACE d’insérer la ligne « condoléances et témoignages sur www.avis-de-deces.net » dans ses annonces nécrologiques est constitutif d’une pratique anticoncurrentielle manifeste se traduisant par : – un abus de position dominante, – une entente illicite, – une faute génératrice d’un préjudice ; sur l’abus de position dominante allégué : que l’article L. 420-2 du Code de commerce prohibe les agissements abusifs d’une entreprise lorsqu’ils « ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausse le jeu de la concurrence sur le marché » (…) ; que les publications nécrologiques par voie de presse papier qui ont des années durant occupées seules le terrain des annonces nécrologiques ont bénéficié d’une position dominante sur ce marché auquel les médias électroniques sont susceptibles de porter concurrence ; qu’il convent dès lors de rechercher si la décision de la société EDITION DES DERNIERES NOUVELLES D’ALSACE d’insérer dans ses avis de décès la ligne litigieuse a constitué un abus visant d’une part à préserver cette position dominante en évinçant la société AVISCOM du marché des annonces nécrologiques ; que la quasi totalité des décès survenant dans les départements du BAS RHIN donne lieu à une publication dans le journal LES DERNIERES NOUVELLES D’ALSACE qui se partage avec le quotidien L’ALSACE aussi la publication de ceux survenus dans le département du HAUT RHIN alors que ni la société AVISCOM ni les autres quotidiens régionaux ou nationaux ne détiennent de part significative de ce marché ; s’agit bien de l’occupation d’une position dominante ; que la société EDITION DES DERNIERES NOUVELLES D’ALSACE fait valoir que son refus se justifie par les dispositions règlementaires de l’article L. 2223-33 du Code général des collectivités territoriales qui dispose que « à l’exception des formules de financement des obsèques, sont interdites les offres de services faites en prévision d’obsèques ou pendant un délai de deux mois à compter du décès en vue d’obtenir ou de faire obtenir, soit directement soit à titre d’intermédiaire, la commande de fournitures ou de prestations liées à un décès » ; que la société AVISCOM prétend que la mention « espace de condoléances sur www.avis-de-deces.net » ne peut s’analyser comme une offre de services faite en prévision d’obsèques ou en vue d’obtenir ou de faire obtenir la commande de fournitures ou de prestations liées à un décès, dans la mesure où elle a pour objet de créer un espace internet sur lequel pourront s’exprimer des tiers et qu’elle constitue une simple information ; qu’elle soutient que cette mention procède de la libre organisation des funérailles et que le refus de l’insérer constitue une ingérence de la presse dans celle-ci telle que voulue par les familles ; que la société EDITION DES DERNIERES NOUVELLES D’ALSACE expose que les conditions d’utilisation du site indiquent que chaque internaute particulier peut « demander la publication payante d’annonces et messages dès lors qu’un avis de décès du défunt concerné est déjà en ligne » ; que dès lors la société AVISCOM ne peut prétendre qu’il s’agirait d’une simple information, une telle annonce constituant à l’évidence un offre de prestations, au demeurant payantes, qui ne saurait être comparé avec l’ouverture d’un registre de condoléance lors de la cérémonie religieuse ou civile des obsèques ; que la société AVISCIM prétend que l’avis de décès constitue un tout indivisible de sorte que la société EDITION DES DERNIERES NOUVELLES D’ALSACE ne pouvait refuser d’en publier la seule ligne litigieuse ; que l’annonce publiée par voie de presse par les familles a pour but d’informer les tiers ; qu’à ce titre, la mention de l’ouverture d’un site internet destiné à recueillir des condoléances fait partie intégrale du texte d’annonce rédigé par la famille, le journal n’intervenant pas dans la rédaction du texte publié ; que celui-ci bénéficie certes d’une liberté rédactionnelle pour la rédaction et l’organisation de ses rubriques et peut décider à cette occasion de bannir de la rubrique nécrologique toute annonce à caractère publicitaire comme celle résultant de la mention d’un site marchand qui se trou