Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 juin 2014, 12-29.482, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 juin 2014, 12-29.482, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Donne acte à la société Bes Ravise ès qualités de son désistement envers la société de Bois Herbant ès qualités ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 23 mars 2010, n° 08-21.768 et 08-20.427), que la société Lectiel, qui avait pour activité la commercialisation, la mise à jour et l’enrichissement de fichiers en vue d’opérations de publipostage et de télémercatique, commercialisait notamment, les données contenues dans la base annuaire de la société France Télécom ; que souhaitant ne pas enfreindre les dispositions du code des postes et télécommunications, la société Lectiel a demandé à la société France Télécom de lui communiquer la liste, dite orange, des personnes qui s’étaient inscrites pour ne pas faire l’objet de sollicitations commerciales ; que la société France Télécom a refusé cette communication au motif qu’elle lui était interdite, mais a proposé à la société Lectiel de recourir à son service spécifique « Marketis » qui lui permettrait, moyennant une certaine somme, d’avoir accès aux données expurgées de l’annuaire; que soutenant qu’en imposant à ses concurrents de recourir à un service payant, la société France Télécom abusait de sa position dominante, la société Lectiel l’a fait assigner devant le tribunal de commerce, qui, par jugement du 4 janvier 1994, a rejeté ses demandes ; que parallèlement à cette instance, la société Lectiel a saisi le Conseil de la concurrence des mêmes griefs à l’encontre de la société France Télécom ;qu’annulant la décision rendue par le Conseil de la concurrence et statuant à nouveau, la cour d’appel de Paris a, par un arrêt du 29 juin 1999, devenu irrévocable, jugé que les conditions tarifaires mises en oeuvre par la société France Télécom caractérisaient un abus de position dominante, lui a infligé une amende et lui a enjoint de mettre fin à ces pratiques en fournissant à toute personne qui lui en ferait la demande, la liste consolidée comportant les informations contenues dans l’annuaire universel et de proposer un service permettant la mise en conformité des fichiers avec la Liste orange, à un prix orienté vers les coûts liés aux opérations techniques nécessaires pour répondre à cette demande ; que statuant sur appel du jugement du 4 janvier 1994, la cour d’appel a, par arrêt du 30 septembre 2008, notamment retenu que la société France Télecom n’avait pas commis de faute à l’égard de la société Lectiel à raison du non respect des injonctions qui lui avaient été faites, et a rejeté sa demande de dommages-intérêts ; que cet arrêt a fait l’objet, sur ce point, d’une cassation partielle ; que la société Lectiel ayant été mise en liquidation judiciaire, la SCP Bes Ravise est intervenue dans ces différentes instances en qualité de liquidateur ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu les articles 624 et 625 du code de procédure civile, ensemble les articles 1351 et 1382 du code civil ;

Attendu que pour écarter la demande d’indemnisation du préjudice résultant des pratiques anticoncurrentielles reprochées à la société France Télécom, la cour d’appel retient que la cassation intervenue n’a pas remis en cause les termes de l’arrêt du 30 septembre 2008 écartant toute faute de la société France Télécom pour n’avoir pas appliqué les injonctions décidées par l’arrêt du 29 juin 1999 quant aux tarifs à appliquer ;

Attendu qu’en statuant ainsi, sur renvoi d’une cassation ayant atteint le chef du dispositif de l’arrêt du 30 septembre 2008 confirmant le rejet de la demande de dommages-intérêts formée par les sociétés Lectiel et Groupadress au titre des pratiques anticoncurrentielles retenues à l’encontre de la société France Télécom par l’arrêt du 29 juin 1999 et aggravées par le non-respect de l’injonction prononcée par le même arrêt , la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l’article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 420-2 du code de commerce et 82 du Traité instituant la Communauté européenne devenu 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Attendu que pour écarter la demande d’indemnisation du préjudice résultant des pratiques anticoncurrentielles reprochées à la société France Télécom, l’arrêt retient que les agissements considérés comme constitutifs d’abus de position dominante par l’arrêt du 29 juin 1999 tiennent exclusivement non à la vente mais à la fourniture par la société France Télécom des informations litigieuses à des tarifs excessifs compte tenu de la perception de droits de propriété intellectuelle tandis que la cour d’appel, par son arrêt du 30 septembre 2008, a admis une telle perception et que la faute imputée à la société France Télécom, pour n’avoir pas respecté les injonctions faites par ce même arrêt concernant la fixation du prix, n’était pas caractérisée dans la mesure où cette dernière n’avait pas, jusqu’ au 9 décembre 2003, tous les éléments pour se conformer à l’arrêt du 29 juin 1999 ;

Attendu qu’en statuant ainsi, après avoir relevé que le droit d’inclure dans les tarifs la rémunération de droits de propriété intellectuelle, reconnu à la société France Télécom par l’arrêt du 30 septembre 2008 non atteint par la cassation partielle intervenue, l’avait été sous réserve de l’obligation qui lui était faite de fournir les données litigieuses dans le respect des principes de concurrence, et constaté la fourniture d’informations à un coût excessif à compter de 1993 et le fait que la société France Télécom n’avait été en mesure de le fixer à un niveau conforme qu’à compter de décembre 2003, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen, pris en sa sixième branche :

Vu l’article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 420-2 du code de commerce et 82 du Traité instituant la Communauté européenne devenu 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Attendu que pour écarter la demande d’indemnisation du préjudice résultant des pratiques anticoncurrentielles reprochées à la société France Télécom, la cour d’appel retient que la société Lectiel, qui ne peut revendiquer que le préjudice résultant de la perte de chance de se développer à moindre coût sur un marché à raison de la différence entre le prix qu’entendait lui facturer la société France Télécom et celui qu’elle était fondée à appliquer au regard des dispositions de l’arrêt du 29 juin 1999 si elle n’avait pas procédé à un téléchargement illicite, ne peut qu’être déboutée de toutes ses demandes à raison de ce téléchargement illicite ;

Attendu qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter le préjudice allégué incluant la perte de chance de se développer à un moindre coût sur le marché grâce à la fourniture de fichiers de prospection expurgés des noms des adhérents à la liste orange, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement du 5 janvier 1994, il a rejeté les demandes de dommages-intérêts de la société Filetech, aux droits de laquelle se trouve la société Lectiel, à l’encontre de la société France Télécom à raison du préjudice subi du fait de pratiques anticoncurrentielles , l’arrêt rendu le 27 juin 2012, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point la cause et les parties et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris , autrement composée ;

Condamne la société Orange, anciennement dénommée France Télécom, aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la SCP Bes Ravise agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Lectiel la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ; Vu l’article R. 470-2 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l’Autorité de la concurrence et au Ministre chargé de l’économie ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils pour la société Bes Ravise

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société Lectiel de ses demandes de dommages et intérêts à l’encontre de la société France Telecom à raison du préjudice qu’elle a subi du fait des pratiques anticoncurrentielles de France Telecom ;

AUX MOTIFS QUE, eu égard à la cassation partielle intervenue, et la cour de renvoi ne statuant que dans la limite de la cassation, il importe de définir la portée de l’arrêt de cassation ; que par la cassation intervenue n’a pas été remise en cause la décision de la cour d’appel aux termes de son arrêt du 30 septembre 2008 d’écarter toute faute de la société France Telecom pour n’avoir pas appliqué les injonctions données quant aux tarifs à appliquer décidées par l’arrêt du 29 juin 1999 dans la mesure où cette société n’avait pas jusqu’à la décision du Conseil de la concurrence tous les éléments pour s’y conformer, le caractère licite de la proposition faite par France Telecom à compter de décembre 2003, l’existence de droits de propriété intellectuelle de France Telecom sur l’annuaire électronique dont elle est fondée à se prévaloir en raison de l’absence de primauté du droit de la concurrence sur le droit de la propriété intellectuelle, l’interdiction faite à la société Lectiel de procéder à tout acte d’extraction des bases de données de France Telecom effectué sans rémunération de ses droits d’auteur et de producteur de bases de données sous astreinte, le droit de France Telecom d’inclure dans ses tarifs la rémunération de ses droits comme d’en interdire ou restreindre une utilisation qu’elle n’aurait pas autorisée sous réserve de l’obligation qui lui est faite de fourniture de données respectant les principes de concurrence, la faute commise à partir de 1987 par Lectiel et Groupadress pour avoir procédé à un télédéchargement non autorisé des fichiers concernés en les commercialisant sans en payer le tarif ni en rémunérer les droits, la condamnation de Lectiel de ce chef à payer une somme de 3 870 000 ¿ à titre de dommages-et-intérêts et la fixation pour ce même montant de la créance de France Telecom à la procédure collective de Groupadress ; que la seule question dont est saisie la cour de renvoi consiste dans la recherche de l’éventuel préjudice pouvant découler pour Lectiel et Groupadress des pratiques retenues comme constitutives d’abus de position dominante par la cour d’appel dans son arrêt du 29 juin 1999 ; que, selon cet arrêt, les agissements visés sont liés à l’obligation, à partir de l’entrée en vigueur en 1992 de l’article R. 10-1 du code des postes et télécommunications, pour les sociétés en cause, sauf à encourir des sanctions pénales, de radier de ses fichiers constitués à partir de la base annuaire le nom des personnes ayant demandé à ne pas figurer sur les listes extraites des annuaires commercialisées par l’opérateur public, et à l’interdiction faite à ces sociétés à partir de 1993 de continuer à exploiter les ressources de la liste des abonnés au téléphone au prix de la consultation de l’annuaire électronique en l’obligeant à recourir aux services plus onéreux offerts par Marketis et Téladress qui commercialisent des listes d’abonnés préalablement expurgées ; que la cour a retenu que : le coût des tarifs proposés ne s’expliquait que par la perception de droits de propriété intellectuelle dont France Telecom s’estimait titulaire et que sans qu’il soit besoin de prendre parti sur le bien-fondé de la prétention à la titularité des droits de propriété intellectuelle, les conditions tarifaires mises en oeuvre par France Telecom sont de nature à fermer l’accès à la ressource de la liste des abonnés au téléphone pour l’établissement de fichiers de prospection, France Telecom en position dominante sur le marché de la liste des abonnés de téléphone a exploité abusivement cette position sur le marché connexe des fichiers de prospection et que ces pratiques ont eu pour objet ou pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur ce dernier marché en sorte qu’elles sont prohibées par les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, qu’elles sont également prohibées par les dispositions de l’article 86 du Traité de Rome puisque, produisant leurs effets sur l’ensemble du territoire national, elles sont susceptibles d’affecter le commerce des Etats membres dès lors qu’elles peuvent voir des répercussions sur les courants commerciaux, notamment en empêchant les entreprises implantées dans les Etats de la Communauté européenne de pénétrer sur le marché français des fichiers de prospection, il y avait lieu d’infliger à France Telecom une sanction pécuniaire de 10 000 000 francs et de lui enjoindre de fournir, dans des conditions identiques, à toute personne qui lui en fait la demande, la liste consolidée comportant, sous réserve des droits des personnes concernées, les informations contenues dans l’annuaire universel, de proposer un service permanent de mise en conformité des fichiers contenant des données nominatives détenus par des tiers avec la liste orange des abonnés au téléphone, que ces fichiers soient ou non extraits de la base annuaire, ces prestations devant être proposées dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires à un prix orienté vers les coûts liés aux opérations techniques nécessaires pour répondre à cette demande, à l’instar, s’agissant de la prestation de déduplication ou topage, de la prestation prévue au catalogue de France Telecom la rubrique prévoyant la mise en conformité des fichiers tiers externes avec la liste safran et la déduplication ou topage de ces fichiers ; qu’il s’ensuit que les agissements retenus comme constitutifs d’abus de position dominante par l’arrêt du 29 juin 1999 tiennent exclusivement non à la vente mais à la fourniture par France Telecom des informations litigieuses à des tarifs excessifs compte tenu de perception de droits de propriété intellectuelle tandis que la cour par son arrêt du 30 septembre 2008 a admis une telle perception et que la faute imputée à France Telecom pour n’avoir pas respecté les injonctions qui lui avaient été faites par ce même arrêt quant à la fixation du prix n’avait pas été caractérisée dans la mesure où cette dernière n’avait pas jusqu’au 9 décembre 2003 tous les éléments pour se conformer, à coup sûr, à l’arrêt du 29 juin 1999 ; qu’en outre la cour dans son arrêt du 30 septembre 2008, par une décision irrévocable non remise en cause par la cassation a retenu que le télédéchargement pratiqué par Lectiel depuis 2007 en violation des droits de propriété intellectuelle constituait une faute justifiant à titre réparatoire la condamnation de cette dernière à payer à la société France Telecom une somme de 3 870 000 ¿ ; que, pour caractériser son préjudice, les sociétés Lectiel et Groupadress prétendent que les agissements perpétrés depuis 23 ans ont fait obstacle à ce qu’elles puissent exercer leur activité dans des conditions de concurrence normale de sorte qu’elles ne disposent pas de données économiques et financières propres puisque malgré ces pratiques France Telecom n’a jamais exploité complètement le marché sur lequel ses clients auraient pu se développer ; que cependant, par l’argumentation développée, les sociétés Lectiel et Groupadress n’ont pas caractérisé le préjudice subi, puisque la faute commise consistait non dans la vente d’informations que ces sociétés ont refusé d’acquérir, mais dans la fourniture de ces informations à compter de 1993 à un coût excessif que France Telecom n’a été en mesure de fixer qu’à compter du mois de décembre 2003 ; que ces sociétés ont pratiqué un télédéchargement illicite ; que Groupadress, admise à la liquidation judiciaire le 23 janvier 2002, avant cette date, ne peut se prévaloir d’aucun préjudice personnel ; que Lectiel, qui ne peut revendiquer que le préjudice résultant de la perte de chance de se développer à moindre coût sur un marché à raison de la différence entre le prix qu’entendait lui facturer France Telecom et celui qu’elle était fondée à appliquer au regard des dispositions de l’arrêt du 29 juin 1999 si elle n’avait pas procédé à un télédéchargement illicite, ne peut qu’être déboutée de toutes ses demandes à raison de ce télédéchargement illicite ;

1°/ ALORS QUE la cassation qui atteint un chef de dispositif n’en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; que par arrêt du 23 mars 2010, la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 30 septembre 2008 en ce qu’il avait rejeté la demande de dommages-intérêts des sociétés Lectiel et Groupadress à l’encontre de la société France Telecom au titre de sa responsabilité extracontractuelle ; que les parties ont été remises dudit chef tout entier dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt ; que pour débouter la société Lectiel de ses demandes de dommages et intérêts, la cour d’appel a jugé que l’arrêt du 30 septembre 2008 n’avait pas été remis en cause en ce qu’il avait consacré l’existence de droits de propriété intellectuelle de France Telecom sur l’annuaire électronique dont celle-ci était fondée à se prévaloir en raison de l’absence de primauté du droit de la concurrence sur le droit de la propriété intellectuelle et que les agissements retenus comme constitutifs d’abus de position dominante par l’arrêt du 29 juin 1999 tenaient exclusivement à la fourniture par France Telecom des informations litigieuses à des tarifs excessifs compte tenu de la perception de droits de propriété intellectuelle, tandis que la cour d’appel, par son arrêt du 30 septembre 2008, a admis une telle perception ; qu’en estimant ainsi définitivement jugé par l’arrêt du 30 septembre 2008 la question de la possibilité pour France Telecom de fixer son tarif en tenant compte de la perception de droits de propriété intellectuelle, quand il lui appartenait de statuer à nouveau sur ce point, dès lors qu’elle l’estimait de nature à influer sur la faute commise par France Telecom, définitivement reconnue coupable d’abus de position dominante par l’arrêt du 29 juin 1999, la cour d’appel a violé les articles 623, 624 et 625 du code de procédure civile, ensemble l’article 1351 du code civil, l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 1er du 1er protocole additionnel à ladite Convention ;

2°/ ALORS QUE la cassation qui atteint un chef de dispositif n’en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; que par arrêt du 23 mars 2010, la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 30 septembre 2008 en ce qu’il avait rejeté la demande de dommages-intérêts formées par les sociétés Lectiel et Groupadress à l’encontre de la société France Telecom ; que les parties ont été remises dudit chef tout entier dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt ; que pour débouter la société Lectiel de ses demandes de dommages-et-intérêts au titre de la faute commise par France Telecom pour ne pas avoir déféré à l’injonction de l’arrêt du 29 juin 1999, la cour d’appel a jugé que la cassation intervenue n’avait pas remis en cause la décision de la cour d’appel aux termes de son arrêt du 30 septembre 2008 d’écarter toute faute de la société France Telecom pour n’avoir pas appliqué les injonctions données quant aux tarifs à appliquer décidées par l’arrêt du 29 juin 1999, dans la mesure où cette société n’avait pas jusqu’à la décision du Conseil de la concurrence tous les éléments pour s’y conformer ni le caractère licite de la proposition faite par France Telecom à compter de décembre 2003 ; qu’en statuant ainsi, quand il lui appartenait de statuer sur le comportement fautif de France Telecom pour n’avoir pas déféré à l’injonction de l’arrêt du 29 juin 1999, ni avant 2003, ni après, sans être tenue par les motifs de l’arrêt du 30 novembre 2008, la cour d’appel a violé les articles 623, 624 et 625du code de procédure civile, ensemble l’article 1351 du code civil, l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 1er du 1er protocole additionnel à ladite Convention ;

3°/ ALORS QUE en toute hypothèse, l’abus de position dominante est constitutif d’une faute qui engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur ; que par arrêt irrévocable du 29 juin 1999, la cour d’appel de Paris a jugé que la société France Telecom avait commis un abus de position dominante en méconnaissance des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et de l’article 86 du Traité de Rome, «sans qu’il soit besoin de prendre parti sur le bienfondé de la prétention à la titularité de droits de propriété intellectuelle» de France Telecom, et lui a enjoint de fournir à toute personne la liste consolidée des informations contenues dans l’annuaire universel à un prix orienté vers les coûts liés aux opérations techniques, et que par une décision confirmée par arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 avril 2004, la société France Telecom a été condamnée par le Conseil de la concurrence pour non-respect des injonctions formulées à son encontre par la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999 ; qu’en déboutant néanmoins la société Lectiel de sa demande en réparation du préjudice résultant de cet abus de position dominante aux motifs «que les agissements retenus comme constitutifs d’abus de position dominante retenus par l’arrêt du 29 juin 1999 tiennent exclusivement non à la vente mais à la fourniture par France Telecom des informations litigieuses à des tarifs excessifs compte tenu de perception de droits de propriété intellectuelle, tandis que la cour par son arrêt du 30 septembre 2008 a admis une telle perception et que la faute imputée à France Telecom pour n’avoir pas respecté les injonctions qui lui avaient été faites par ce même arrêt quant à la fixation du prix n’avait pas été caractérisée dans la mesure où cette dernière n’avait pas jusqu’au 9 décembre 2003 tous les éléments pour se conformer, à coup sûr, à l’arrêt du 29 juin 1999 », quand il résultait nécessairement des décisions de condamnations précitées que la société France Telecom avait commis un abus de position dominante et donc une faute, peu important qu’elle ait été en droit de percevoir des droits de propriété intellectuelle, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 420-2 du code de commerce et 86 du Traité de Romedevenu 82 TCE puis 102 TFUE, ainsi que les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et 1er du 1er protocole additionnel à ladite Convention ;

4°/ ALORS QU’en toute hypothèse, par arrêt irrévocable du 29 juin 1999, la cour d’appel de Paris a jugé que la société France Telecom avait commis un abus de position dominante en méconnaissance des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 1erdécembre 1986 et 86 du Traité de Rome et lui a enjoint de fournir à toute personne qui le demandait la liste consolidée comportant les informations contenues dans l’annuaire universel à un prix orienté vers les coûts liés aux opérations techniques nécessaires pour répondre à cette demande, et ce «sans qu’il soit besoin de prendre parti sur le bien-fondé de la prétention à la titularité de droits de propriété intellectuelle», ce qu’a confirmé la Cour de cassation par son arrêt du 4 décembre 2001 en jugeant « que si le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle sur une base de données peut légitimement prétendre à une rémunération, il ne peut, lorsque cette base de données constitue une ressource essentielle pour des opérateurs exerçant une activité concurrentielle, subordonner l’accès à cette base de données au paiement d’un prix excessif» ; que le tarif appliqué par France Telecom a donc été jugé excessif même dans l’hypothèse où la société France Telecom était en droit d’y inclure des droits de propriété intellectuelle ;qu’en jugeant néanmoins« que les agissements retenus comme constitutifs d’abus de position dominante retenus par l’arrêt du 29 juin 1999 tiennent exclusivement non à la vente mais à la fourniture par France Telecom des informations litigieuses à des tarifs excessifs compte tenu de perception de droits de propriété intellectuelle tandis que la cour par son arrêt du 30 septembre 2008 a admis une telle perception», la cour d’appel, qui a estimé pouvoir revenir sur l’arrêt du 29 juin 1999 au motif qu’il n’aurait pas tenu compte du droit de France Telecom de percevoir des droits de propriété intellectuelle, a dénaturé l’arrêt du 29 juin 1999 et ainsi violé l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

5°/ ALORS QUE, en toute hypothèse si le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle sur une base de données peut légitimement prétendre à une rémunération, il ne peut, lorsque cette base de données constitue une ressource essentielle pour des opérateurs exerçant une activité concurrentielle, subordonner l’accès à cette base de données au paiement d’un prix excessif ; qu’en déboutant la société Lectiel de ses demandes de dommages-et-intérêts à l’encontre de la société France Telecom en réparation du préjudice causé par l’abus de position dominante qu’elle avait commis, au motif inopérant que France Telecom était en droit de percevoir des droits de propriété intellectuelle, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 420-2 du code de commerce et 86 du Traité de Rome devenu 82 TCE puis 102 TFUE, ainsi que les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et 1er du 1er protocole additionnel à ladite Convention ;

6°/ ALORS QUE tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que la cour d’appel a constaté que la société Lectiel pouvait invoquer le préjudice résultant de la perte de chance de se développer à moindre coût sur un marché à raison de la différence de prix qu’entendait lui facturer France Telecom et celui qu’elle était fondée à appliquer au regard des dispositions de l’arrêt du 19 juin 1999 ; que cette perte de chance était indépendante du téléchargement illicite pour lequel la société Lectiel a été définitivement condamnée au profit de la société France Telecom, la société Lectiel ayant été privée d’une chance d’accéder légalement à un prix raisonnable au marché, qu’elle ait ou non téléchargé illégalement la base de données de France Telecom ; qu’en refusant cependant d’indemniser la société Lectiel au titre de la perte de chance de se développer à un moindre coût sur un marché, au motif inopérant que la société Lectiel avait procédé à un téléchargement illicite, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ensemble les articles L. 420-2 du code de commerce et 86 du Traité de Rome devenu 82 TCE puis 102 TFUE, ainsi que les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et 1er du 1er protocole additionnel à ladite Convention.

ECLI:FR:CCASS:2014:CO00581


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