Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 février 2015, 13-28.164, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 février 2015, 13-28.164, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 22 octobre 2013), que la société Oterom holding (la société Oterom) a été constituée par la Caisse Nationale des Caisses d’épargne, aux droits de laquelle se trouve la société BPCE, et les sociétés Nexity, Maif et Macif (les investisseurs) dans le dessein de prendre le contrôle de la société Meilleurtaux ; qu’elle a, par acte du 21 septembre 2007, fait l’acquisition de la majorité du capital de cette société auprès de ses principaux actionnaires, dont M. X…, qui en était le fondateur et principal actionnaire ; que M. X…est devenu associé de la société Oterom par l’apport en nature du solde des actions qu’il détenait dans la société Meilleurtaux ; qu’un pacte d’actionnaires a été conclu le 30 juin 2008 entre les investisseurs et M. X…, prévoyant que ce dernier demeurerait président du conseil d’administration de la société Meilleurtaux, en charge de la direction générale, pour une période de trois exercices sociaux complets ; que ce pacte stipulait que, s’il était mis fin à ses fonctions de manière anticipée, M. X…disposerait de l’option de vendre aux investisseurs les titres de la société Oterom détenus par lui, les investisseurs s’engageant, en cas d’exercice de l’option de vente, à acquérir ces titres sur la base du prix de 41 euros par action, et qu’en cas de cessation anticipée de ses fonctions à la suite de sa révocation pour une  » faute assimilable à la faute grave ou lourde au sens du droit social français « , M. X…ne disposerait pas de l’option de vente, seuls les investisseurs disposant alors d’une option d’achat sur la base d’un prix d’acquisition déterminé en fonction de la valeur de l’entreprise ; que le conseil d’administration de la société Meilleurtaux a, le 24 décembre 2008, révoqué M. X…de ses mandats de président du conseil d’administration et de directeur général pour faute grave ; que contestant avoir commis une  » faute assimilable à la faute grave ou lourde au sens du droit social français « , M. X…a notifié aux investisseurs l’exercice de son option de vente de ses actions Oterom au prix de 41 euros l’action ; que les investisseurs lui ayant opposé un rejet de sa demande, M. X…les a assignés en paiement ; que la société Nexity participations est intervenue à l’instance ;

Attendu que M. X…fait grief à l’arrêt du rejet de ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que la faute grave au sens du droit social français est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits d’une gravité telle qu’elle justifie le départ immédiat de celui qui en est l’auteur de l’entreprise ; que, sauf réitération ou accumulation d’actes manifestant une attitude générale d’insubordination, ne constitue pas une faute grave, le simple fait, pour un salarié, même lorsqu’il est en charge d’importantes responsabilités, de n’avoir pas déféré, sur une très courte durée et dans un climat conflictuel, à certaines des obligations inhérentes à ses fonctions ; qu’en l’espèce, la cour d’appel s’est bornée à constater que M. X…avait attendu entre une et deux semaines pour transmettre au conseil d’administration un business plan que celui-ci attendait de plusieurs mois, qu’il s’était concomitamment opposé à la réalisation d’un audit décidé par le conseil d’administration et que, informé de la volonté de celui-ci de le révoquer, il avait tardé à le réunir ; qu’en retenant néanmoins la faute en l’état de ces seuls faits, au demeurant commis sur une courte période, concomitante à la révocation de M. X…et marquée par un conflit violent avec les autres actionnaires, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

2°/ que la faute grave n’est pas caractérisée lorsque les faits ont été commis dans un contexte conflictuel et alors que la pérennité des fonctions du salarié est menacée ; qu’en retenant l’existence d’une faute grave sans s’être intéressée, comme cela lui avait été pourtant demandé, au contexte dans lequel les faits qui lui étaient reprochés avaient été commis, lequel était caractérisé par une franche hostilité des nouveaux actionnaires à son endroit et par un climat de suspicion généralisée qui laissait supposer la volonté de ces derniers de mettre un terme à son mandat social, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;

3°/ qu’il appartient aux juges du fond d’identifier les pièces sur lesquelles ils fondent leur décision ; qu’en se bornant, sur le grief pris de la non transmission d’informations au conseil d’administration, à énoncer de manière générale que la réalité des faits invoqués à l’encontre de M. X…serait établie « par les documents produits » ou qu’elle résulterait « des pièces produites », sans préciser de quels documents ou de quelles pièces il s’agit, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que la faute grave, au sens du droit social français, étant celle qui justifie le départ immédiat du salarié de l’entreprise, suppose une réaction immédiate de l’employeur, lequel doit notamment mettre en oeuvre la procédure de licenciement dans un délai restreint après la commission des faits invoqués au soutien de la rupture du contrat ; qu’en l’espèce, il résulte des motifs de l’arrêt attaqué que le conseil d’administration a décidé de la réalisation d’un audit le 2 octobre 2008, que M. X…, qui contestait à la fois le périmètre de cet audit et l’expert désigné à cet effet, a d’abord refusé de signer l’ordre de mission, que cet audit avait finalement pu avoir commencé le 13 novembre suivant, à la suite d’une nouvelle réunion du conseil d’administration et enfin que le conseil d’administration a décidé, le 11 décembre 2008, de se prévaloir du refus initial de M. X…pour invoquer la faute grave ; qu’en retenant la faute grave quand elle a ainsi relevé que le conseil d’administration avait attendu plus de deux mois pour sanctionner le refus de M. X…et ce, alors que l’audit avait déjà commencé depuis un mois, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que le conseil d’administration n’avait pas réagi dans un délai suffisamment restreint pour pouvoir se prévaloir utilement de la faute grave, et a violé l’article 1134 du code civil ;

5°/ que dans ses conclusions d’appel, M. X…faisait valoir que le grief pris d’une entrave à sa révocation était irrecevable pour ne pas avoir été soumis au comité de stratégie alors qu’il s’agissait d’une exigence prévue par le pacte d’actionnaires ; que la cour d’appel, qui a jugé que celui-ci justifiait la faute grave sans répondre à ce moyen des conclusions d’appel de M. X…, a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

6°/ que, partant, en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil dans la mesure où le comité a été réuni en violation de l’article 9 du pacte d’associés et de l’article 6 de la charte de gouvernance ;

7°/ qu’une privation de propriété, sans le versement d’une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, constitue une atteinte excessive au droit de propriété ; qu’en retenant l’existence d’une faute grave quand une telle qualification avait pour conséquence de permettre l’application de l’article 9. 2. 1 du pacte d’actionnaires, lequel autorisait le rachat de la société Meilleurtaux au prix, manifestement spoliateur, d’un euro, la cour d’appel a violé l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’il ne résulte ni de ses conclusions ni de l’arrêt que M. X…ait soutenu devant la cour d’appel que le prix de rachat des actions du dirigeant révoqué pour faute grave revêtait un caractère spoliateur, contraire à l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi qu’à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Et attendu, en second lieu, qu’après avoir énoncé qu’il résulte des dispositions de l’article L. 225-51 du code de commerce que le président du conseil d’administration est tenu de communiquer à chaque administrateur tous les documents nécessaires à l’accomplissement de ses fonctions et doit s’assurer que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission, l’arrêt retient, d’abord, que les administrateurs ayant, lors d’une réunion du 2 octobre 2008, décidé une mesure d’audit ayant pour principal objet de rechercher des solutions dans l’intérêt de la société qui enregistrait de lourdes pertes, M. X…s’est opposé illégitimement, pendant plusieurs semaines, à l’exécution de cette décision régulièrement adoptée par le conseil d’administration, ensuite, que la transmission aux administrateurs, par M. X…, du business plan le 10 décembre 2008 au soir, soit la veille du conseil d’administration, est gravement fautive de la part de ce dirigeant, qui disposait de ce document depuis plusieurs jours, le retard injustifié apporté à la transmission d’informations capitales ayant privé les administrateurs de la faculté de déterminer les orientations stratégiques à prendre pour remédier à la situation très dégradée dans laquelle se trouvait la société ; qu’il relève encore que les agissements de M. X…ont mis gravement en cause le fonctionnement de la société Meilleurtaux en entravant les travaux et les décisions du conseil d’administration, enfin, que ce dernier a envisagé de sanctionner le refus opposé par M. X…à la mise en oeuvre de la mesure d’audit dès le 11 décembre 2008, soit le jour même où le conseil avait effectué le constat de la non transmission fautive d’informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, desquelles elle a pu déduire que de tels agissements caractérisaient de la part de M. X…des manquements particulièrement graves aux obligations inhérentes à ses mandats de président et directeur général, rendant impossible son maintien dans ses fonctions et justifiant sa révocation pour faute grave, et que le conseil d’administration avait réagi avec diligence pour sanctionner un ensemble d’agissements que leur accumulation rendait gravement fautifs, la cour d’appel, qui a précisé le contenu des pièces et documents qu’elle détenait, et qui n’était pas tenue de répondre à un moyen que ses constatations rendaient inopérant, a légalement justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa dernière branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

Et vu l’article 462 du code de procédure civile ;

Vu la requête en rectification d’erreur matérielle présentée par la société Maif ;

Attendu que par suite d’une erreur matérielle, l’arrêt fait mention, en page 2, de la société Filia-Maif et non de la société Maif ;

Attendu qu’il y a lieu de réparer cette erreur ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Rectifiant l’erreur matérielle affectant la page 2 de l’arrêt attaqué :

Dit que doit figurer, en qualité d’intimée, la société Maif en lieu et place de la société Filia-Maif ;

Condamne M. X…aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer aux sociétés Nexity participations, Nexity, BPCE, Macif et Maif la somme globale de 3 000 euros, et à la société Meilleurtaux la somme de 1 000 euros ; rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. X…

II est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR débouté Monsieur X…des demandes en paiement qu’il avait formées à rencontre des sociétés NEXITY, NEXITY PARTICIPATIONS, BPCE, MACIF et MAIF ;

AUX MOTIFS QUE « Considérant que les sociétés appelantes ne contestent pas que la faute grave au sens du droit social est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et soutiennent que M X…a violé de manière répétée ses obligations de président à l’égard du conseil d’administration, entravant les travaux et décisions du conseil, qu’il a commis des manquements à ses obligations nées de son mandat social qui, pris dans leur ensemble, sont constitutifs d’une faute grave, et qui ont fait l’objet d’une réaction immédiate du conseil d’administration aussitôt que leur caractère de gravité a été constaté ; Considérant qu’il n’est pas inutile de préciser qu’à l’issue des opérations d’acquisition de la société Meilleurtaux par la société Oterom et à l’époque des faits, le conseil d’administration de la société Meilleurtaux était composé de 7 administrateurs, outre son président, M X…: deux administrateurs désignés par la CNCE, deux administrateurs indépendants et les sociétés Macif, Maif et Nexity, chacune représentée par un représentant permanent ; que par ailleurs deux salariés de la CNCE avaient été détachés chez Meilleurtaux, l’un en qualité de directeur exécutif, l’autre de directeur financier ; Qu’il sera en outre rappelé que selon les dispositions des articles L. 225-35 et 225-51 du code de commerce, en partie reprises dans le pacte d’associés, le conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en oeuvre ; que sous réserve des pouvoirs attribués aux assemblées d’actionnaires et dans la limite de l’objet social, il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires qui la concerne ; que le président ou le directeur général est tenu de communiquer à chaque administrateur tous les documents et informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission ; que le président du conseil veille au bon fonctionnement des organes de la société et s’assure, en particulier, que les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission ; sur le grief de non transmission d’informations au conseil d’administration, considérant qu’il est soutenu que M. X…a retardé la communication du business plan du conseil d’administration en se désintéressant totalement de son élaboration jusqu’au 25 novembre 2008 et en attendant le 10 décembre au soir, pour communiquer aux administrateurs, en vue du conseil du lendemain, la présentation qu’il détenait depuis le 5 décembre ; considérant qu’il est établi par les documents produits que l’élaboration d’un business plan était attendue par les administrateurs depuis plusieurs mois et au moins depuis le mois de septembre 2008, date à laquelle les mauvais résultats de la société au 30 juin 2008 avaient été confirmés ; que lors du conseil d’administration du 13 novembre 2008, les administrateurs ont été informés de ce que les résultats laissaient apparaître une perte de l’ordre de 7 millions d’euros et ont souhaité, compte tenu de la situation dégradée de la société, la réunion du comité d’audit et d’un nouveau conseil d’administration dans des délais brefs aux fins que puissent être examinées la situation de la société et les prévisions pour l’année 2009 ; que la réunion d’un nouveau conseil d’administration appelé à examiner le budget 2009 et les plans d’action élaborés a été fixée pour le 11 décembre 2008 ; qu’il résulte des pièces produites qu’outre le fait M X…s’est peu intéressé, entre le mois de septembre et le mois de novembre 2008, à l’élaboration du business plan attendu par les administrateurs, n’ayant examiné le projet de business plan préparé par la direction financière qu’à l’occasion du comité de direction du 25 novembre 2008, ce n’est que le 10 décembre au soir qu’il a transmis aux administrateurs, en vue du conseil du lendemain, le business plan qui avait été établi et qu’il détenait en cette version depuis le 5 décembre au moins, étant précisé que les éléments financiers transmis révélaient une perte de 1 million d’euros  » par mois  » et donc la nécessité de mesures de redressement urgentes ; que c’est en vain qu’il tente de justifier son retard à transmettre les informations dont il disposait aux administrateurs par le fait qu’il attendait certaines données importantes qui n’étaient pas encore  » remontées  » ou qu’il voulait procéder à certaines vérifications ; qu’il est au contraire établi que dès le début du mois d’octobre un budget prévisionnel 2009 fiable avait pu être établi, dans une première version qui n’allait subir par la suite que de faibles modifications avant la version quasi définitive et la version définitive dont M. X…a disposé, dès le 25 novembre 2008, pour la première et le 5 décembre pour la seconde ; qu’il est par ailleurs apparu aux administrateurs, lors du conseil d’administration du 11 décembre 2008, ainsi que cela résulte du procès-verbal des délibérations de ce conseil au cours duquel a été entendu le directeur financier, que les motifs invoqués par M X…pour justifier son retard à leur transmettre le business plan et les informations financières attendus ne correspondaient pas à la réalité et que, contrairement à ce qu’il prétendait, le business plan qu’il leur avait transmis le 10 décembre à 21 heures était en sa possession depuis au moins le 5 décembre 2008, ainsi que cela ressortait d’un constat d’huissier établi à cette date ; Qu’il n’est pas contestable que les données financières et le business plan dont disposait M X…depuis le 25 novembre 2008 et à tout le moins depuis le 5 décembre 2008 dans leur dernières versions, auraient dû être transmis sans délai aux administrateurs appelés à examiner le 11 décembre 2008 les mesures envisagées pour redresser la situation de la société MEILLEURTAUX dont les pertes étaient lourdes et avérées ; que certains administrateurs se sont d’ailleurs étonnés, quelques jours avant le conseil, de n’avoir reçu aucun document ; que M X…ne peut utilement prétendre avoir voulu vérifier l’exactitude du business plan avant de le diffuser aux administrateurs alors qu’il ne justifie d’aucune vérification menée entre le 5 et 10 décembre et que contrairement à ce qu’il prétend, les données chiffrées contenues dans ce document ne se sont nullement, par la suite, révélées inexactes, même si les mesures envisagées en décembre 2008 n’étaient plus d’actualité quelques mois plus tard ; Qu’il résulte de ces éléments que la transmission du business plan le 10 décembre 2008 au soir, soit la veille du conseil d’administration, est gravement fautive de la pan de M X…, Président et directeur général de la société, qui disposait de ce document depuis plusieurs jours et n’a pas satisfait à son obligation légale de communiquer aux administrateurs des documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission ; que cette transmission tardive et injustifiée d’informations capitales n’a pas mis les administrateurs en mesure d’examiner les plans développés par l’entreprise et de déterminer les orientations stratégiques à prendre pour remédier à la situation très dégradée dans laquelle se trouvait la société et a nui au fonctionnement de la société ; sur le grief tiré du refus d’appliquer les décisions du conseil d’administration, considérant « II n’est pas contesté que lors de la prise de contrôle de la société MEILLEURTAUX par les investisseurs, les perspectives de croissance de la société étaient largement favorables ; qu’à la fin du mois de juin 2008, il est cependant apparu que les comptes semestriels au 30 juin 2008 risquaient d’afficher une perte de plus de 2 millions d’euros ; que les travaux du comité d’audit qui s’est réuni le 15 septembre 2008 ont confirmé ces mauvais résultats et pointé des incohérences quant au système de facturation et aux montants des provisions comptabilisées, pour lesquelles il a été estimé nécessaires que des clarifications soient apportées ; qu’à la même époque, les administrateurs ont découvert l’existence de conventions réglementées conclues entre la société MEILLEURTAUX et la société MEILLEUREGESTION au sein de laquelle M. X…était administrateur, sans autorisation préalable du conseil d’administration ni information des commissaires aux comptes ; qu’en l’absence de réponse aux interrogations listées lors du comité d’audit du 15 septembre 2008 et réitérées lors du conseil d’administration du 24 septembre 2008, les administrateurs ont voté lors du conseil d’administration du 2 octobre 2008, la mise en oeuvre d’une mesure d’audit laquelle devait être confiée à un auditeur indépendant et porter sur l’analyse du système de facturation, sur les provisions passées pour risques client et risques d’exploitation et sur les convention conclues avec la société MEILLEUREGESTION ; qu’il a été décidé de confier le choix du cabinet d’audit à Y…, un administrateur indépendant du conseil, également chargé du contrôle du déroulement de la mission d’audit ; qu’il ressort des documents produits que M. X…a refusé de signer l’ordre de mission du cabinet Z… et associés choisi par M. Y…, prétextant que la question des relations entre les sociétés MEILLEURTAUX et MEILLEUREGESTION était hors du périmètre de l’audit décidé par le conseil d’administration et qu’elle ne présentait pas d’intérêt pour la société MEILLEURTAUX et affirmant, en outre, qu’il n’appartenait qu’à lui de choisir les consultants extérieurs et que rien ne serait fait sans son accord ; que l’audit n’a finalement pu démarrer qu’après la tenue d’un nouveau conseil d’administration le 13 novembre 2008 ; Que le refus opposé par M. X…, pendant plusieurs semaines, à l’exécution de la décision du conseil d’administration du 2 octobre 2008 est gravement fautif ; qu’il résulte, en effet, des pièces produites, d’une part, que la question des conventions réglementées entrait clairement dans le périmètre de la mission d’audit décidée le conseil d’administration du 2 octobre 2008 et, d’autre part, que le choix du cabinet d’audit avait été spécialement confié à M. Y…, en sa qualité d’administrateur indépendant ; que le conseil d’administration a dû se réunir une nouvelle fois le 13 novembre 2008 pour confirmer les termes du procès-verbal de délibération du 2 octobre 2008 contestés par M. X…; que la qualité de président et/ ou directeur général de M. X…ne l’autorisait pas à s’opposer à la décision régulièrement adoptée par le conseil, décision qui au demeurant avait pour principal objet d’identifier certains problèmes et de rechercher des solutions dans l’intérêt de la société qui enregistrait de lourdes pertes ; que les pièces produites aux débats démontrent que, sous le prétexte de divers motifs non fondés, M. X…entendait en réalité s’opposer à la décision du conseil d’administration auquel il contestait le pouvoir de décider la mise en oeuvre d’une mesure d’audit ; sur l’entrave à sa révocation, considérant qu’il est établi que le refus de M. X…de convoquer rapidement le conseil d’administration appelé à statuer sur sa révocation, convocation réclamée par la majorité des administrateurs, a contraint ces derniers à saisir en référé le président du tribunal de commerce ; considérant qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments et sans qu’il y a ait lieu de procéder à l’examen des autres griefs, que les agissements fautifs de M. X…ont mis gravement en cause le fonctionnement de la société en entravant les travaux et les décisions du conseil d’administration ; qu’ils caractérisent des manquements particulièrement graves à ses obligations nées de ses mandats de président et directeur général rendant impossible son maintien à ses fonctions ; qu’ils constituent une faute grave au sens de l’article 9. 2. 1 du pacte d’associés fondateurs du 30 juin 2008 justifiant la révocation pour faute grave décidée par le conseil d’administration le 24 6 décembre 2008 ; que M. X…n’est pas fondé à soutenir que le refus de signature de la mission d’audit ne pourrait pas revêtir la qualification de faute grave dès lors qu’il n’aurait pas été sanctionné immédiatement ; qu’en envisageant dès le 11 décembre 2008 de sanctionner cette faute à laquelle s’était notamment ajouté le constat effectué le même jour de la non-transmission fautive d’informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission, le conseil d’administration a réagi avec diligence pour sanctionner un ensemble d’agissements dont l’accumulation était devenue gravement fautive ; que les attestations produites par M. X…, qui émanent pour certaines de salariés en conflit avec la Société Meilleutaux et qui font ressortir que celui-ci aurait été déstabilisés par les deux salariés détachés par la CNCE n’ont pas pour effet de contredire l’existence de fautes commises par M. X…dans l’accomplissement de ses mandats, ni d’en atténuer la gravité ; considérant, par conséquent, que le jugement doit être réformé en ce qu’il a dit que la révocation de M. X…de ses mandats de Président et de Directeur général de Meilleurtaux n’est pas justifié par une faute grave au sens du pacte d’actionnaires du 30 juin 2008 ; considérant que la révocation de M. X…pour faute grave le prive de l’exercice de l’option de vente prévue au pacte d’associés ; qu’il n’est dès lors pas fondé à réclamer le rachat de ses titres Oterom au prix plancher fixé à l’article 9-5 » ;

ALORS, D’UNE PART, QUE la faute grave au sens du droit social français est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits d’une gravité telle qu’elle justifie le départ immédiat de celui qui en est l’auteur de l’entreprise ; que, sauf réitération ou accumulation d’actes manifestant une attitude générale d’insubordination, ne constitue pas une faute grave, le simple fait, pour un salarié, même lorsqu’il est en charge d’importantes responsabilités, de n’avoir pas déféré, sur une très courte durée et dans un climat conflictuel, à certaines des obligations inhérentes à ses fonctions ; qu’en l’espèce, la cour d’appel s’est bornée à constater que M. X…avait attendu entre une et deux semaines pour transmettre au conseil d’administration un business plan que celui-ci attendait de plusieurs mois, qu’il s’était concomitamment opposé à la réalisation d’un audit décidé par le conseil d’administration et que, informé de la volonté de celui-ci de le révoquer, il avait tardé à le réunir ; qu’en retenant néanmoins la faute en l’état de ces seuls faits, au demeurant commis sur une courte période, concomitante à la révocation de M. X…et marquée par un conflit violent avec les autres actionnaires, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil ;

ALORS, D’AUTRE PART, QUE la faute grave n’est pas caractérisée lorsque les faits ont été commis dans un contexte conflictuel et alors que la pérennité des fonctions du salarié est menacée ; qu’en retenant l’existence d’une faute grave sans s’être intéressée, comme cela lui avait été pourtant demandé (cf. conclusions de M. X…, pp. 6-8), au contexte dans lequel les faits qui lui étaient reprochés avaient été commis, lequel était caractérisé par une franche hostilité des nouveaux actionnaires à son endroit et par un climat de suspicion généralisée qui laissait supposer la volonté de ces derniers de mettre un terme à son mandat social, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;

ALORS, DE TROISIEME PART, OU’il appartient aux juges du fond d’identifier les pièces sur lesquelles ils fondent leur décision ; qu’en se bornant, sur le grief pris de la non transmission d’informations au conseil d’administration, à énoncer de manière générale que la réalité des faits invoqués à l’encontre de M. X…serait établie « par les documents produits » ou qu’elle résulterait « des pièces produites », sans préciser de quels documents ou de quelles pièces il s’agit, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la faute grave, au sens du droit social français, étant celle qui justifie le départ immédiat du salarié de l’entreprise, suppose une réaction immédiate de l’employeur, lequel doit notamment mettre en oeuvre la procédure de licenciement dans un délai restreint après la commission des faits invoqués au soutien de la rupture du contrat ; qu’en l’espèce, il résulte des motifs de l’arrêt attaqué que le conseil d’administration a décidé de la réalisation d’un audit le 2 octobre 2008, que M. X…, qui contestait à la fois le périmètre de cet audit et l’expert désigné à cet effet, a d’abord refusé de signer l’ordre de mission, que cet audit avait finalement pu avoir commencé le 13 novembre suivant, à la suite d’une nouvelle réunion du conseil d’administration et enfin que le conseil d’administration a décidé, le 11 décembre 2008, de se prévaloir du refus initial de M. X…pour invoquer la faute grave ; qu’en retenant la faute grave quand elle a ainsi relevé que le conseil d’administration avait attendu plus de deux mois pour sanctionner le refus de M. X…et ce, alors que l’audit avait déjà commencé depuis un mois, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatation, dont il résultait que le conseil d’administration n’avait pas réagi dans un délai suffisamment restreint pour pouvoir se prévaloir utilement de la faute grave, et a violé l’article 1134 du code civil.

ALORS. DE CINQUIEME PART, QUE dans ses conclusions d’appel, M. X…faisait valoir (cf. pp. 26-28) que le grief pris d’une entrave à sa révocation était irrecevable pour ne pas avoir été soumis au comité de stratégie alors qu’il s’agissait d’une exigence prévue par le pacte d’actionnaires ; que la cour d’appel, qui a jugé que celui-ci justifiait la faute grave sans répondre à ce moyen des conclusions d’appel de M. X…, a violé l’article 455 du code de procédure civile.

ALORS QUE, DE SIXIEME PART, et partant, en statuant ainsi, la Cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil dans la mesure où le comité a été réuni en violation de l’article 9 du pacte d’associés et de l’article 6 de la charte de gouvernance.

ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU’une privation de propriété, sans le versement d’une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, constitue une atteinte excessive au droit de propriété ; qu’en retenant l’existence d’une faute grave quand une telle qualification avait pour conséquence de permettre l’application de l’article 9. 2. 1 du pacte d’actionnaires, lequel autorisait le rachat de la Société Meilleurtaux au prix, manifestement spoliateur, d’un euro, la cour d’appel a violé l’article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.

ECLI:FR:CCASS:2015:CO00112


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