Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 27 mars 2019, 16-17.186, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 27 mars 2019, 16-17.186, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le quatrième moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2016), que la société Eiffarie, filiale commune des sociétés Eiffage et Macquarie, détenait 74,7 % du capital de la société Autoroute Paris-Rhin-Rhône (la société APRR) ; qu’au mois de mars 2006, la société Eiffarie a déposé un projet de garantie de cours visant la totalité des titres non détenus par elle, en déclarant que, dans l’hypothèse où elle viendrait à détenir, directement et indirectement, plus de 95 % des droits de vote de la société APRR à l’issue de la garantie de cours, elle déposerait un projet d’offre publique de retrait, lequel serait assorti d’un retrait obligatoire sur les titres APRR restant alors détenus par le public ; que la société Elliott Management Corporation (la société Elliott Management) a pour activité la gestion de deux fonds d’investissements, Elliott Associates et Elliott International, auxquels elle délivre des conseils et dont elle assure l’exécution des ordres ; que la société Elliott Advisors UK Limited (la société Elliott Advisors) bénéficie d’une délégation de pouvoirs de la part de la société Elliott Management pour assurer la gestion des deux fonds et exerce une activité de négociation de la participation des fonds gérés par le fonds Elliott Management et une activité de trading consistant à exécuter les ordres donnés par le fonds Elliott Management ; que ces deux activités sont exercées, au sein de la société Elliott Advisors, par deux équipes distinctes, l’équipe de négociation et de gestion de la couverture et l’équipe de trading qui reçoit les instructions de l’équipe de négociation et est chargée d’exécuter les décisions d’achats de titres prises par cette dernière ; qu’après consultation de la société Elliott Management, la société Elliott Advisors s’est portée acquéreur, pour le compte des fonds gérés par la société Elliott Management, d’actions de la société APRR auprès de petits porteurs, dans le but d’empêcher la société Eiffarie d’atteindre le seuil de 95 % recherché ; que l’objectif était, pour la société Elliott Advisors, de faire réaliser aux deux fonds un bénéfice en revendant à terme ses participations dans la société APRR à la société Eiffarie pour permettre à cette dernière de franchir le seuil de 95 % du capital ; que le 7 avril 2006, la société Elliott Advisor avait acquis 7 % du capital de la société APRR ; que le 13 avril 2006, la société Eiffarie déclarait détenir, à l’issue de la garantie de cours, seulement 81,48 % du capital et des droits de vote de la société ; qu’il lui manquait donc, pour parvenir au seuil de 95 % nécessaire au retrait de la cote et à l’intégration fiscale, 13,52 % du capital de cette société ; que la société Elliott Advisors a décidé de poursuivre sa montée au capital de la société APRR, dans le but de réunir, seule ou avec d’autres fonds, les 13,52 % manquants à la société Eiffarie ; que cette participation s’élevait à 10 % le 12 mai 2006, à 10,79 % fin 2007, et, enfin, à 12 % début 2010 ; que les achats de titres APRR étaient effectués à Londres par l’équipe de trading sur instruction de l’équipe de négociation ; que la société Elliott Advisors a mis en place, conformément à ses pratiques prudentielles habituelles, un dispositif de couverture de ses achats d’actions APRR, afin de se prémunir contre des éléments défavorables qui pourraient affecter le cours du titre ; que plusieurs projets de vente des actions de la société APRR de la société Elliott Advisors à la société Eiffarie, en 2008 et 2009, ont échoué à cause du prix demandé ; que le 30 mars 2010, la société Elliott Advisors a contacté le fonds Sandell, qui détenait 0,54 % du capital de la société APRR, et avait déjà essayé de lui vendre sa participation le 28 janvier 2010, pour lui proposer d’initier, conjointement, des négociations avec la société Eiffarie, afin de lui céder, ensemble, leur participation dans le capital de la société APRR ; que la direction de la déontologie de la société Elliott Advisors a décidé, le 30 mars 2010, de séparer, par une « muraille de Chine », l’équipe chargée de la gestion de sa participation et de sa cession éventuelle, équipe de négociation, de celle chargée de l’acquisition des titres APRR, équipe de trading ; que les négociations progressant, le 27 mai 2010, les sociétés Eiffarie et Macquarie ont proposé aux sociétés Elliott Advisors et Sandell une réunion le 4 juin 2010 dans les locaux de la société Elliott Advisors à Londres ; que le 9 juin 2010, la société Eiffarie a adressé aux sociétés Elliott Advisors et Sandell une offre d’acquisition de leur participation dans le capital de la société APRR, au prix de 55 euros par action, dividendes inclus ; que, par lettre du 11 juin 2010, la société Elliott Advisors a fait savoir à la société Eiffarie qu’elle était disposée à accepter le prix de 55 euros par action, sous réserve que cette dernière acquière l’intégralité des actions APRR détenues par la société Elliott Advisors ; que le 16 juin 2010, la décision d’acquérir les actions APRR détenues par les sociétés Elliott et Sandell, au prix de 55 euros par action, a été entérinée par le conseil d’administration de la société Eiffarie, l’accord de cession a été signé, et l’information a été communiquée au marché ; que la valeur du titre APRR a augmenté entre le 27 mai et le 11 juin 2010, passant de 47,38 à 51,03 euros ; qu’entre le 28 mai et le 11 juin 2010, la société Elliott Management a acquis des actions APRR pour le compte des fonds qu’elle gérait ; qu’au mois de juillet 2010, la société Eiffarie a déposé un projet d’offre publique de retrait au prix de 54,16 euros par action, hors dividende de 0,84 euros par action, suivi d’un retrait obligatoire visant les actions de la société APRR ; que le 18 décembre 2012, date de clôture de cette offre, la société Eiffarie détenait 100 % du capital de la société APRR ; qu’à la suite d’une enquête, suivie d’une notification de griefs, la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) a, par décision du 25 avril 2014, prononcé des sanctions pécuniaires, d’une part, contre la société Elliott Advisors pour avoir transmis à la société Elliott Management une information privilégiée portant sur l’existence de négociations en vue de la vente, par le fonds Elliot, de ses actions APRR à la société Eiffarie et, d’autre part, contre la société Elliott Management pour avoir utilisé cette information, entre le 28 mai 2010 et le 11 juin 2010, en achetant des titres de la société APRR ;

Attendu que les sociétés Elliott Advisors et Elliot Management font grief à l’arrêt de rejeter leurs recours formé contre cette décision alors, selon le moyen :

1°/ que seuls les profits qui ont été personnellement appréhendés, à un titre ou un autre, par la personne sanctionnée sur le fondement de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier peuvent être pris en compte pour fixer le montant de la sanction pécuniaire encourue en cas de manquement d’initié ; qu’ainsi, en retenant comme élément d’appréciation du montant des sanctions pécuniaires de 8 millions d’euros chacune prononcées contre Elliott Management et Elliott Advisors la plus-value globale d’un montant de 2 759 992 euros réalisée pour le compte des fonds sous gestion d’Elliott grâce aux acquisitions d’actions APRR réalisées par Elliott Management pendant la période qualifiée de suspecte, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

2°/ qu’il résulte de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier que le montant de la sanction doit être fixé, notamment, en fonction de la gravité des manquements commis, laquelle s’apprécie au regard de la qualité de l’auteur et des circonstances dans lesquelles il a agi ; que, pour confirmer le montant des sanctions pécuniaires de 8 millions d’euros chacune prononcées contre Elliott Management et Elliott Advisors par la Commission des sanctions de l’AMF, l’arrêt attaqué retient que ces deux sociétés sont des professionnels de la finance qui ont la confiance des investisseurs et dont l’obligation d’abstention doit donc être appréciée plus sévèrement ; qu’en statuant ainsi, cependant que l’obligation d’abstention, qui s’impose d’une manière identique à l’ensemble des personnes mentionnées aux articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF, en vigueur au moment des faits objets des poursuites, étant un élément constitutif du manquement d’initié, elle ne pouvait servir également à apprécier la gravité de celui-ci, la cour d’appel a violé les trois textes susvisés ;

Mais attendu que l’arrêt retient, d’abord, que le fait qu’aucune des sociétés Elliott Management et Elliott Advisors ne soit le bénéficiaire économique des fonds gérés par les Fonds Elliott n’est pas de nature à empêcher que soit prise en considération la plus-value apportée aux investisseurs de ces fonds et que cet élément constitue un critère légal d’appréciation de la gravité du manquement commis par les sociétés mises en cause ; qu’il retient, ensuite, que la commission des sanctions a pris à juste titre en compte l’économie réalisée par les opérations de couverture du titre APRR dans la détermination du montant de la sanction, que la mise en place d’une couverture de ce titre comportait un coût pour les Fonds Elliott, qu’elle a diminué dès lors qu’il était établi que les négociations avec la société Eiffarie avaient des chances d’aboutir, dès le 7 juin 2010, cependant que les acquisitions d’actions APRR ont été poursuivies jusqu’au 11 juin 2010 et que les fonds Elliott ont en conséquence bénéficié d’une réduction de charge à mesure de la réduction de la couverture, sous-tendue par l’information détenue sur la cession prochaine des titres APRR ; qu’il retient, encore, que les opérations réalisées dans le cadre des manquements reprochés ont procuré une satisfaction aux investisseurs des fonds gérés par les sociétés Elliott, satisfaction ayant elle-même permis à ces dernières d’améliorer leur réputation auprès des premiers, bien qu’elles n’eussent pas été les bénéficiaires économiques des opérations contestées ; qu’il retient, encore, que la gravité du manquement doit être appréciée au regard de la qualité de l’auteur et des circonstances dans lesquelles il a agi, que les sociétés mises en causes sont des professionnelles de la finance, soumises à une obligation de vigilance accrue au regard de leur obligation d’abstention, laquelle doit être appréciée plus sévèrement lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de sociétés de gestion qui ont la confiance des investisseurs ; qu’il retient, enfin, que l’atteinte portée à la protection du marché et à l’égalité de traitement et d’information des investisseurs est particulièrement grave, les opérations litigieuses ayant permis aux sociétés Elliott d’acquérir des titres APRR au cours du marché, en ayant la quasi-certitude de les revendre ensuite à la société Eiffarie à un prix supérieur ; qu’ayant ainsi pris en compte la gravité de la violation, par les sociétés Elliott, de leurs obligations absolues d’abstention, et de la gravité particulière des manquements retenus, qu’elle pouvait apprécier eu égard à la personnalité de ses auteurs et aux bénéfices que ces manquements avaient permis de réaliser, nonobstant le fait qu’ils l’aient été au profit de tiers, la cour d’appel a pu statuer comme elle l’a fait ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier, deuxième et troisième moyens, ni sur le quatrième moyen, pris en sa troisième branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Elliott Advisors UK Limited et Elliott Management Corporation aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à l’Autorité des marchés financiers ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société Elliott Advisors UK Limited et la société Elliott Management Corporation

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté les recours en annulation formés par les sociétés Elliott Advisors et Elliott Management contre la décision de la Commission des sanctions de l’AMF rendue le 25 avril 2014 et, confirmant cette décision, d’AVOIR prononcé contre chacune de ces sociétés une sanction pécuniaire de 8 millions d’euros, ainsi que la publication de la décision sur le site Internet de l’AMF ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : A. Sur l’existence d’une information privilégiée au 27 mai 2010 : que, selon l’article 621-1 du même règlement : « Une information privilégiée est une information précise qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers qui leur sont liés. Une information est réputée précise si elle fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou qui est susceptible de se produire et s’il est possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de ces circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers concernés ou des instruments financiers qui leur sont liés. Une information, qui si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés est une information qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme l’un des fondements de ses décisions d’investissement » ; Sur le caractère précis, au 27 mai 2010, de l’information relative au projet de cession de la participation d’Elliott dans APRR à Eiffarie : que, selon la notification de griefs, l’information relative à l’existence de négociations en vue de la vente par Elliott de sa participation dans APRR à Eiffarie aurait revêtu les caractères d’une information précise « dans la mesure où, le 27 mai 2010, d’une part, le fonds Elliott était en mesure de proposer, seul, à Eiffarie et Eiffage d’atteindre le seuil de 95 % du capital d’APRR par la vente de 12,70 % du capital de la société à 63,50 euros par action, d’autre part, Eiffarie était disposée à reprendre les négociations sur la base d’un prix de 50 euros par action APRR et, enfin, les parties avaient convenu de se rencontrer pour s’accorder sur le prix de cession de ces actions » ; que la décision de la Commission de sanctions relève qu’« à partir du 27 mai 2010, l’information relative à l’existence de négociations en vue de la vente, par le Fonds Elliott, de sa participation dans le capital d’APRR à Eiffarie, pouvait être qualifiée de précise, les parties ayant à cette date envisagé les conditions de financement du projet, fixé les conditions relatives au nombre d’actions minimum sur lequel l’opération devait porter, discuté d’une première fourchette de prix par action APRR et décidé de poursuivre les négociations au cours d’une réunion dont la date et le lieu étaient fixés » ; que la Commission souligne également que « l’ensemble de ces éléments montre que le projet de cession par le Fonds Elliott de sa participation dans la société APRR à Eiffarie avait, dès le 27 mai 2010, des chances sérieuses d’aboutir, et qu’il était possible d’en tirer une conclusion quant à l’effet possible de cette information sur le cours de l’action APRR dès lors qu’un investisseur raisonnable aurait été fondé à considérer qu’une telle opération de cession ne pourrait se faire qu’à un prix supérieur au cours de bourse pour avoir des chances d’être acceptée par les cédants » ; que les sociétés Elliott font valoir qu’aucune négociation n’avait commencé le 27 mai 2010, de sorte que l’information, à commencer par le prix de cession des titres, ne pouvait être considérée comme précise à cette date (1) ; qu’elles contestent de surcroit les indices utilisés par la Commission des sanctions (2) ; 1. L’argument selon lequel aucune négociation n’avait commencé le 27 mai 2010 : que les requérantes affirment qu’aucune négociation avec Eiffarie n’avait commencé le 27 mai 2010, les correspondances échangées entre les parties au 27 mai 2010, de même que les échanges confidentiels intervenus entre Eiffage et Macquarie en vue de la préparation de la réunion du 4 mai 2010, attestant qu’aucune discussion n’était engagée entre Elliott et Eiffarie, qui venait seulement de donner son accord de principe pour l’ouverture des discussions, ce que confirmerait un avis de la société North Square Blue Oak ; que ces derniers échanges confidentiels démontreraient que les deux actionnaires d’Eiffarie ne se seraient accordés que le 2 juin 2010 sur la position qu’ils tiendraient lors de la première réunion entre Eiffarie et Elliott le 4 juin 2010 et qu’il existait encore à cette date des désaccords entre les deux sociétés ; que, par ailleurs, les fonds composant la société Macquarie ne lui avaient pas encore donné à cette date pouvoir pour conduire, en leur nom et pour leur compte, des négociations ; que cette absence de pouvoir, conjuguée à la présence de divergences entre les parties au 2 juin 2010, prouverait, selon elles, qu’aucun projet n’était défini au 27 mai 2010 ; que l’AMF considère au contraire que des négociations étaient bien en cours entre les parties au 27 mai 2010, non seulement entre Elliott et Macquarie, mais aussi entre Elliott d’une part et Eiffarie et Eiffage, d’autre part, Macquarie étant le représentant d’Eiffarie dans ces négociations ; qu’elle en veut pour preuve les déclarations de M. D… N…, lors de son audition, selon lesquelles des négociations avaient alors eu lieu entre Elliott Advisors et Eiffarie ; qu’elle précise qu’aucune portée ne peut être attribuée à l’avis de Blue Oak, rédigé par L. B… I…, en raison des liens commerciaux qui unissent Blue Oak et Elliott Advisors ; que, par ailleurs, elle précise que les désaccords entre Macquarie et Eiffage, même après le 2 juin 2010, n’ont pas eu d’influence sur l’existence des négociations en vue de la vente par Elliott de sa participation dans APRR à Eiffarie, ni sur le caractère précis de l’information relative à l’existence de ces négociations ; que, pour qu’une information présente un caractère privilégié, elle doit être précise ; que, revêt ce caractère, au sens de l’article 621-1 du règlement de l’AMF, une information qui fait mention d’un ensemble de circonstances ou d’un événement qui s’est produit ou est susceptible de se produire et dont il est possible de tirer une conclusion quant à l’effet qui peut en résulter sur le cours de l’instrument financier concerné ; que tel peut être le cas de l’information sur un projet suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d’aboutir, même s’il existe des aléas quant à la réalisation effective de ce projet ; que le critère de précision ne requiert nullement que la réalisation du projet en cause soit certaine, ou que ses modalités définitives aient été arrêtées, ni même que le prix ait été fixé ; que dès le 30 mars 2010, Elliott Advisors a proposé à Sandell d’écrire une lettre commune à Eiffarie, dans laquelle « les parties proposaient de rentrer en discussion avec Eiffarie au sujet de sa potentielle acquisition des positions de Elliott et de Sandell dans APRR » ; que le même jour, Elliott Advisors et Elliott Management ont instauré une muraille de Chine au sein d’Elliott ; qu’interrogé sur la raison de sa mise en oeuvre, M. D… N… (Elliott) a dit se souvenir d’une discussion avec un représentant d’Eiffarie ; que, par message électronique du 2 avril 2010, M. V… J…, dirigeant de la banque Nomura, conseiller financier du fonds Elliott depuis 2009, informait M. O… (Elliott) d’une réunion intervenue entre le représentant de Macquarie et M. M… R… (Eiffage) ; qu’au cours de cette réunion, les deux partenaires « ont décidé d’essayer de recommencer l’acquisition des participations minoritaires en suivant un « nouveau procédé » » ; que, par ailleurs, selon les termes de ce message, M. M… R… se serait « engagé à présenter au Conseil d’administration d’Eiffage tout accord (susceptible d’intervenir) entre Macquarie et Elliott » ; que, par ailleurs, le courriel mentionnait : « Macquarie va négocier avec Elliott » et « Eiffage et Macquarie se sont assurés d’avoir les financements nécessaires pour acquérir la participation des minoritaires » ; qu’il résulte de ce message électronique que les deux partenaires avaient décidé de reprendre les négociations sur l’achat des participations APRR d’Elliott, qu’ils s’étaient assurés des financements nécessaires, que la société Macquarie se chargeait des négociations, et, enfin, que M. R… s’engageait à présenter l’accord éventuel entre Macquarie et Elliott au conseil d’administration d’Eiffage ; qu’existait, dès ce moment, de part et d’autre, la volonté de reprendre les négociations qui avaient échoué en mars 2009 ; que cette volonté s’est ensuite concrétisée par une réunion du 15 avril 2010, qui s’est déroulée à Londres en présence de représentants de Macquarie, de M. J… et de représentants d’Elliott Advisors ; qu’au cours de cette réunion, dont Eiffage a été informée, Elliott Advisors a appris que le prix d’acquisition éventuel de sa participation devrait se situer aux alentours de 60 euros par action ; qu’Elliott Advisors et Sandell ont adressé une offre de vente le 26 avril 2010 à un prix de 63,50 euros par action ; que, par lettre du 20 mai 2010, M. M… R… a accepté de négocier en se référant au prix envisagé lors de la réunion du 13 mars 2009 ; que, le 26 mai 2010, Elliott et Sandell ont fait part de leur souhait de poursuivre ces négociations ; que, le 27 mai 2010, Eiffarie et Macquarie ont proposé à Elliott et Sandell une réunion le 4 juin 2010 dans les locaux d’Elliott Advisors ; que, si les sociétés Elliott soutiennent qu’au 27 mai 2010 aucune discussion n’était amorcée entre Elliott et Eiffarie, qui venait juste de donner son accord de principe pour ouvrir des discussions, il résulte au contraire des pièces du dossier qu’à cette date, un accord avait de bonnes chances de se réaliser, comme il sera vu ci-dessous ; que l’attestation de la société North Square Blue Oak, selon laquelle aucune négociation n’était en cours, émane du broker partenaire d’Elliott Advisors, et ne saurait en soi rapporter la preuve contraire ; que, par ailleurs, la circonstance que les deux actionnaires d’Eiffarie n’aient pas déterminé le prix proposé en ouverture des discussions avec Elliott, le 27 mai 2010, ne suffit pas à rendre imprécise l’information litigieuse, puisqu’il n’est pas exigé de démontrer que le prix était, à cette époque, connu avec précision ; qu’enfin, la circonstance que les fonds gérés par Macquarie n’aient pas encore donné pouvoir à cette société de conduire des négociations au 2 juin 2010 et la circonstance qu’existaient encore à cette date des désaccords entre Eiffage et Macquarie sur la gouvernance d’Eiffarie, ne sont pas de nature à rendre le projet insuffisamment précis et défini au 27 mai 2010 ; qu’en effet, les sociétés Elliott ne démontrent pas que ces problèmes auraient été de nature à rendre improbable la réalisation du projet ; qu’il résulte de ce qui précède que des négociations étaient bien en cours au 27 mai 2010, contrairement aux allégations des requérantes ; 2. Les indices retenus par la Commission des sanctions : que, selon les sociétés Elliott, aucun des indices retenus à charge par la Commission des sanctions n’est probant, de sorte que l’information, à commencer par le prix, ne pouvait être considérée comme précise au 27 mai 2010 ; que l’AMF soutient au contraire qu’ainsi que l’a relevé la Commission des sanctions, les parties avaient, à cette date, envisagé les conditions de financement du projet, fixé le nombre d’actions minimum sur lequel l’opération devait porter, discuté d’une première fourchette de prix par action APRR et, enfin, décidé de poursuivre les négociations au cours d’une réunion dont la date et le lieu étaient fixés ; – Les conditions de financement du projet : que, par message électronique du 2 avril 2010, M. V… J…, dirigeant de la banque Nomura, conseiller financier du fonds Elliott, informait M. O…, de la société Elliott Advisors, d’une réunion intervenue entre le représentant de la société Macquarie et M. M… R…, de la société Eiffage ; que le courriel mentionnait notamment : « Eiffage et Macquarie se sont assurés d’avoir les financements nécessaires pour acquérir la participation des minoritaires » ; que M. O… lui ayant demandé en retour, le 6 avril 2010, si des tiers seraient impliqués dans le financement, M. V… J… lui a répondu que les fonds de Macquarie et Eiffage étaient suffisants pour cette transaction (pièces requérantes numéro 15) ; que la Commission des sanctions souligne donc à juste titre que, dès le 6 avril 2010, Elliott Advisors a été tenue informée des conditions relatives au financement, par les actionnaires d’Eiffarie, de l’acquisition de ses actions APRR ; que cette information permettait à M. O… (Elliott) d’être assuré qu’en cas d’accord des parties sur le prix, le projet en discussion aurait des chances raisonnables d’aboutir, eu égard à la capacité financière de l’acquéreur, ce qui n’était pas le cas lors des négociations précédentes de 2008, où l’intervention d’un tiers à l’opération s’était avérée nécessaire et avait complexifié la finalisation de l’accord ; que les requérantes ne peuvent donc soutenir qu’Elliott Advisors savait depuis 2008 qu’Eiffage et Macquarie disposaient d’une surface financière suffisante pour faire face à l’acquisition de ses actions APRR, alors qu’en 2008, cette question s’était révélée un point d’achoppement ; – Les conditions relatives au nombre d’actions minimum sur lequel l’opération devait porter : que, le 6 avril 2010, M. J… a communiqué à M. O… les informations obtenues auprès de la société Macquarie et lui a indiqué que la seule condition posée par Eiffarie à la réalisation éventuelle de l’acquisition des titres APRR d’Elliott Advisors était la certitude, pour Eiffarie, de franchir le seuil de 95 % du capital d’APRR ; qu’il convient de souligner, ainsi que l’AMF le mentionne dans ses observations, que le projet de courrier de cession conjointe par Elliott et Sandell, envoyé le 23 avril 2010, mettait en évidence qu’Elliott Advisors savait que leur proposition à cette date, soit l’offre de 12,70 % des titres APRR, permettrait à Eiffarie de détenir très précisément 95 % de ces titres et, ainsi, de bénéficier de l’intégration fiscale ; que les requérantes ne peuvent soutenir que cette information n’est pas pertinente, car si le marché connaissait l’exigence d’Eiffarie de pouvoir atteindre le seuil de 95 %, il n’était pas connu qu’il s’agissait de sa seule exigence pour envisager de conclure un accord de cession ; que, au courant de cette condition, Elliott Advisors pouvait connaître le nombre d’actions qu’elle devait encore acheter pour permettre à Eiffarie d’arriver à 95 % des actions d’APRR, compte tenu de la part déjà détenue par Eiffage, à titre individuel ; que la part d’Eiffage, qui était inconnue du marché, lui a été communiquée par M. J… qui s’en est enquis auprès de M. P… (Macquarie) et en a informé M. O…, par message électronique du 7 avril 2010 ; que ce message contenait les indications suivantes : « total d’actions émises : 113 038 156 ; actions détenues par Eiffarie : 92 101 144 ; actions détenues par Eiffage : 932 625 ; actions détenues par les 2 : 93 033 769 (82,303 %) » ; qu’Elliott Advisors savait donc à cette date qu’elle devait réunir 12,70 % du capital d’APRR pour que le projet de cession se réalise ; qu’il y a donc lieu d’approuver la Commission des sanctions en ce qu’elle a considéré « qu’Elliott Advisors était en conséquence informée, dès le début du mois d’avril, du nombre exact d’actions qu’elle devait offrir à Eiffarie pour lui vendre la participation du Fonds Elliott » ; – Le prix des titres APRR : que les requérantes contestent l’existence d’une fourchette de prix par action APRR arrêtée ou discutée entre les parties au 27 mai 2010, soutenant qu’à cette date, d’une part, les seuls échanges intervenus sur la question du prix concernaient Elliott Advisors et Macquarie, actionnaire minoritaire d’Eiffarie qui ne pouvait donc engager celle-ci, d’autre part, aucune fourchette de prix ne pouvait être considérée comme suffisamment précise pour caractériser une information privilégiée ; que, par ailleurs, les sociétés Elliott soulignent que le projet de cession de leur participation dans APRR à Eiffarie était, au 27 mai 2010, à un stade embryonnaire, les négociations n’ayant pas, à cette date, été amorcées ; que, par ailleurs, elles soutiennent qu’il existait à cette date une trop grande divergence entre les prix proposés par les deux protagonistes, représentant un écart de plus du double de celui ayant conduit aux négociations infructueuses de 2009, rendant peu probable la conclusion d’un accord ; qu’elles en concluent que l’information relative au prix ne pouvait être qualifiée de précise au 27 mai 2010 ; que l’AMF souligne que chacune des parties avaient pu, avant le 27 mai 2010, exposer un prix ou une fourchette de prix par action APRR, et que la volonté de celles-ci de se rencontrer pour trouver un accord à ce sujet démontre que les négociations avaient des chances d’aboutir sans que les écarts de prix annoncés par chacune ne soient suffisants pour qu’elles renoncent à leur projet ; que, dès le mois d’avril 2010, Elliott Advisors a ainsi été informée du prix qu’elle devait proposer pour poursuivre les négociations avec Eiffarie, ce qui résulte des réunions des 15 et 19 avril 2010, au cours desquelles il lui a été indiqué que celui-ci devrait se situer autour de 60 euros, point confirmé lors de l’entrevue du 20 avril 2010 entre J. J… et B. P… ; que les requérantes ont toutefois transmis le 26 avril 2010 à Eiffarie une offre de cession conjointe avec Sandell à un prix de 63,5 euros par action, à laquelle celle-ci n’a pas répondu favorablement dans le délai imparti ; que le 20 mai 2010, Eiffarie a cependant indiqué être prête à envisager des négociations autour de la même fourchette de prix que celle de mars 2009, soit entre 50 et 55 euros par actions ; qu’en dépit de cet écart, les requérantes ont, par lettre du 26 mai 2010, accepté de continuer les négociations ; qu’Eiffarie a alors proposé, dans un courrier en réponse du 27 mai 2010, de fixer une réunion au 4 juin 2010 ; que l’Autorité expose par ailleurs que plusieurs éléments du contexte démontrent que le projet de cession avait, dès le 27 mai 2010, de sérieuses chances d’aboutir, car il était favorable aux deux parties ; qu’en avril 2010, des discussions ont eu lieu entre Elliott Advisors et Macquarie, qui ont porté, notamment, sur les conditions financières de l’opération envisagée ; que la société Macquarie représentait Eiffarie dans le cadre des négociations et tenait Eiffage informée de l’évolution des discussions ; que, dès la réunion du 15 avril 2010 à Londres entre Macquarie, M. J… et Elliott Advisors, cette dernière a été informée de ce que le prix d’acquisition éventuel de sa participation devrait se situer aux alentours de 60 euros par action ; qu’au 27 mai, la fourchette de prix envisageable était connue des deux parties : alors qu’Elliott et Sandell avaient formulé une proposition à Eiffarie, le 26 avril 2010 à un prix de 63,50 euros par action, la société Eiffarie, par la voix de M. R…, s’était référée, dans sa réponse du 20 mai 2010, aux termes de la transaction de mars 2009 à savoir à un prix compris entre 40 et 50 euros par action ; qu’elle manifestait donc que, même si le prix proposé par Elliott Advisors et Sandell n’était pas acceptable pour elle, elle était prête à envisager une transaction dans la même fourchette de prix que durant les négociations de mars 2009 ; qu’Elliott et Sandell ont, de leur côté, accepté de poursuivre les négociations, en dépit de cet écart de prix ; que les deux parties savaient que les modalités de financement étaient résolues, que les conditions


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