Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Paris, 2 avril 2009), que la société Holding SLB ayant été mise en redressement judiciaire ainsi que ses onze filiales (les sociétés débitrices) exploitant chacune un fonds de commerce de brasserie, MM. X… et Y… ont constitué, avec la société Compagnie financière d’épargne et de placements (société CFEP), devenue la Société de participations et d’études financières (SPEF), aux droits de laquelle vient la société Natixis Private Equity (société Natixis), la Société parisienne des brasseries et cafés (SPBC) pour présenter une offre d’acquisition des actifs des sociétés débitrices, qui a été accueillie ; que, préalablement à la création de la SPBC, la société CFEP, filiale d’un établissement de crédit, la BRED, avait conclu avec la société Transport HPP, associée majoritaire des sociétés débitrices, une convention de portage, aux termes de laquelle celle-ci lui rachèterait, à date et prix convenus, ses actions de la SPBC, le paiement du prix étant garanti par MM. Philippe et Pierre Z…, anciens dirigeants des sociétés débitrices ; que onze nouvelles sociétés ont été formées, chacune pour l’exploitation d’un des fonds repris, la BRED consentant à chacune d’elle un prêt, dont le remboursement était garanti, notamment, par le cautionnement de MM. X… et Y…, devenus dirigeants de la société holding SPBC ; qu’après la fin de la période d’inaliénabilité des fonds de commerce imposée par la décision d’arrêté du plan, MM. X… et Y… ont acquis personnellement trois fonds ; qu’ayant été ensuite condamnés irrévocablement à exécuter leurs engagements de caution envers la BRED, ils ont, en invoquant la réticence dolosive de leur associé au sein de la SPBC, pour leur avoir tu l’existence et la teneur de la convention de portage, demandé à la société Natixis l’indemnisation de divers préjudices ;
Attendu que MM. X… et Y… font grief à l’arrêt d’avoir rejeté leur demande, alors, selon le moyen :
1°/ que l’article 21 de la loi du 25 janvier 1985 réservant aux seuls tiers la capacité de soumettre une offre de reprise des activités du débiteur, les dirigeants et associés majoritaires de la personne morale débitrice ne peuvent, sous peine de commettre une fraude à la loi, se porter acquéreur par personne interposée ; que commet dès lors un dol par réticence l’actionnaire majoritaire d’une société créée en vue de déposer une offre de reprise qui, lors de la conclusion du contrat de société, s’abstient de dévoiler à ses associés sa qualité de prête-nom des anciens dirigeants ou associés majoritaires de la personne morale débitrice ; qu’en l’espèce, il résulte des constatations mêmes de l’arrêt attaqué qu’avant même que la société SPBC n’ait été constituée entre la SPEF et MM. X… et Y…, dans le but de soumettre une offre de reprise des activités de la société SLB, la SPEF avait conclu, le 11 février 1994, une convention de portage avec la société Transport HPP, qui n’était autre que l’actionnaire majoritaire de la personne morale débitrice lors de sa déconfiture ; que MM. X… et Y… rappelaient dans leurs écritures qu’aux termes de cette convention, qui leur avait été dissimulée, la SPEF s’était engagée à prendre une participation de 50 % dans le capital de la société SPBC pour le compte de la société Transport HPP, sous la promesse d’un rachat à terme de cette participation pour un prix convenu d’avance, les droits attachés aux actions devant être exercés par la société Transport HPP ; que, pour écarter néanmoins toute réticence dolosive de la SPEF dans la conclusion du contrat de société, la cour d’appel retient que « le comportement reproché à l’établissement bancaire, s’il a manqué d’honnêteté, n’a pas été intentionnel » ; qu’en statuant de la sorte, cependant que l’intention frauduleuse de cet établissement bancaire ressortait du contenu même de la convention de portage dont elle relevait l’existence, ce dont il s’évinçait que sa dissimulation à l’égard des associés de la SPEF caractérisait un dol par réticence, la cour d’appel a violé les articles 1116, 1382 et 1833 du code civil, ensemble l’article 21 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2°/ qu’en affirmant, pour réfuter toute réticence dolosive de la Société de participations et d’études financières que « le comportement reproché à l’établissement bancaire, s’il a manqué d’honnêteté, n’a pas été intentionnel », la cour d’appel a, en toute hypothèse, entaché sa décision d’une contradiction de motifs, violant l’article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que lorsqu’une convention est entachée de fraude à la loi, la participation des tiers à une éventuelle collusion frauduleuse avec les signataires de cette convention ne se présume pas ; que, pour écarter tout dol de la SPEF dans la conclusion du contrat de société et nier surabondamment tout lien de causalité entre les préjudices subis par MM. X… et Y… et la convention de portage occulte conclue entre la SPEF et la société Transport HPP, la cour d’appel retient encore que MM. X… et Y… « étaient au courant du principe d’un portage » et qu’ils « se seraient non seulement engagés s’ils avaient connu l’existence de la convention de portage, mais encore se seraient gardés d’en dénoncer les termes pour fraude à la loi puisque cela aurait mis un terme à leurs ambitions face à un autre candidat à la reprise » ; qu’en s’abstenant de préciser les éléments de preuve sur lesquels elle fondait de telles assertions, expressément contestées par MM. X… et Y…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116, 1382 et 1833 du code civil, ensemble l’article 21 de la loi du 25 janvier 1985 ;
4°/ que, lorsqu’une clause d’agrément a été convenue dans les statuts de la société, la considération de la personne de chacun des associés doit être tenue pour déterminante de l’engagement des autres, en sorte que commet une faute à l’égard de ses associés l’actionnaire qui s’abstient de leur dévoiler sa condition de prête-nom d’un tiers ; qu’en l’espèce, MM. X… et Y… faisaient valoir dans leurs conclusions (p. 32) que la clause d’agrément convenue dans les statuts de la SPBC avait précisément pour objet de faire obstacle à ce que l’un des associés vînt se substituer un tiers sans requérir l’approbation préalable du conseil d’administration et qu’en s’abstenant de dévoiler à ses associés l’existence de la convention de prête-nom qu’elle avait conclue avec la société Transport HPP, la SPEF avait délibérément tenu en échec cette clause d’agrément ; que, pour écarter néanmoins toute faute de la SPEF au préjudice de MM. X… et Y…, la cour d’appel retient que ces derniers ne pouvaient ignorer que la SPEF, simple établissement financier, aurait vocation à se substituer un tiers puisque leur objectif commun n’était que de s’associer de manière temporaire en vue de réaliser un partage des onze brasseries acquises dans le cadre du plan de cession ; qu’en se prononçant par de tels motifs, impropres à écarter le caractère fautif du silence conservé par la SPEF sur sa condition de prête-nom, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116, 1382 et 1833 du code civil ;
5°/ que toute société doit être constituée dans l’intérêt commun de ses associés ; qu’en l’espèce, MM. X… et Y… faisaient encore valoir dans leurs conclusions que les conventions de portage par lesquelles la SPEF s’était assurée de l’engagement de la société Transport HPP, puis des consorts Z…, de racheter ses participations dans le capital de la société SPBC moyennant une rémunération constituée d’un intérêt fixe, étaient incompatibles avec l’affectio societatis requis de la part des associés fondateurs de la SPBC et contraires à son intérêt social, dès lors que les consorts Z…, bénéficiaires du portage, étaient par ailleurs les fournisseurs exclusifs de bières des onze brasseries acquises à la barre du tribunal par l’intermédiaire de leur société « La Brasserie », portés, à ce titre, à privilégier leurs intérêts de fournisseurs sur celui des brasseries détenues par la SPBC ; qu’en se bornant à affirmer, sans la moindre justification, que l’invocation d’une absence d’affectio societatis n’avait « guère de sens » et « que les appelants ne (pouvaient) se prévaloir d’un conflit d’intérêts », la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motifs, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l’arrêt relève que, même s’ils avaient su que la convention de portage dissimulée par leur partenaire financier le liait indirectement aux anciens dirigeants des sociétés débitrices, MM. X… et Y… se seraient néanmoins engagés à ses côtés pour la reprise des actifs de ces sociétés, dès lors que leur seul but, qui ne pouvait être atteint, face à une offre de reprise concurrente, que par leur association avec lui au sein de la SPBC, était d’acquérir les trois fonds de commerce qui les avaient intéressés dès l’origine ; que l’arrêt retient encore, par motifs propres et adoptés, qu’après être devenus propriétaires de ces fonds, conformément à l’objectif commun de partage des brasseries, et avoir eu connaissance du contenu de la convention de portage, MM. X… et Y…, bien que demeurés associés et dirigeants de la holding, se sont désintéressés de l’exploitation et de la revente des autres fonds, dont la situation se dégradait, et n’ont critiqué la convention litigieuse que plusieurs années plus tard, de sorte que celle-ci, malgré son caractère occulte initial, n’était pas la cause des préjudices subis ; que, par ces constatations et appréciations, rendant inopérants les griefs des première, troisième et quatrième branches, la cour d’appel, qui ne s’est pas contredite et a répondu aux conclusions évoquées par la cinquième branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. X… et Y… solidairement aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et celle de la société Natixis Private Equity ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour MM. X… et Y…
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté Messieurs Paul X… et Jean-Marcel Y… de leurs demandes à l’encontre de la société Natixis Private Equity, venant successivement aux droits de la Compagnie Financière d’Epargne et de Placement (CFEP) et de la Société de Participations et d’Etudes Financières (SPEF) ;
AUX MOTIFS QUE « les appelants invoquent principalement le dol précontractuel ; que MM. X… et Y… soutiennent que l’établissement bancaire a commis une réticence dolosive en ne les informant pas de la convention de portage du 11 février 1994 ; qu’ils affirment qu’ils ne se seraient pas engagés s’ils avaient su que leur futur associé agissait en définitive pour le compte des anciens faillis dont les méthodes douteuses ont été rapportées par la presse et dont il était le prête-nom et le mandataire rémunéré au travers d’une convention de portage illégale ; qu’ils soutiennent que cette information déterminante qui leur a manqué a vicié leur consentement ; qu’ils ajoutent que les consorts Z… étaient principalement intéressés par le fait qu’ils étaient distributeurs exclusifs de la société Interbrew, laquelle allait ainsi conserver le marché que représentaient les onze brasseries ; qu’ils font valoir que l’établissement financier a été obligé, le 6 mars 1997, d’assigner les consorts Z… pour qu’ils respectent la convention de portage, lesquels consorts Z… avaient d’ailleurs cédé au groupe Danone leur contrat de licence exclusive avec Interbrew, qu’il n’y a pas eu, dans ces conditions, d’affectio societatis, leur associé n’ayant à se soucier ni des pertes ni des bénéfices de SPBC ; Mais considérant que le comportement reproché à l’établissement bancaire, s’il a manqué d’honnêteté, n’a pas été intentionnel ; que Natixis Private Equity fait justement valoir que MM. X… et Y… ne pouvaient ignorer que SPEF avait vocation à se substituer un tiers, qu’ils étaient au courant du principe d’un portage et que l’objectif commun était le partage des brasseries, MM. X… et Y… acquérant les trois brasseries convoitées et Interbrew conservant la clientèle des onze établissements ; que les appelants se seraient non seulement engagés s’ils avaient connu l’existence de la convention de portage mais encore se seraient gardés d’en dénoncer les termes pour fraude à la loi puisque cela aurait mis un terme à leurs ambitions face à un autre candidat à la reprise ; qu’ils n’ont pas hésité à se porter caution pour l’ensemble de l’opération ; qu’ils ont attendu 7 ans avant d’invoquer la convention de portage, après avoir été définitivement condamnés en qualité de caution ; qu’ils sont taisant sur le fait qu’ils ont cédé à des membres de leur famille les brasseries dont ils étaient devenus propriétaires, réalisant une plus-value substantielle et organisant leur insolvabilité ; qu’il n’y a pas de lien de causalité entre le préjudice subi et la convention de portage occulte ; qu’invoquer, dans ces conditions, une absence d’affectio societatis n’a guère de sens ; que, toujours dans ces conditions, il n’est pas davantage sérieux de prétendre que l’établissement bancaire n’a pas exécuté de bonne foi le contrat de société ; que les appelants ne peuvent se prévaloir de la seconde convention de portage et de ses avenants ni d’un conflit d’intérêts ; qu’il n’y a pas davantage eu d’abus de majorité dès lors que MM. X… et Y… étaient majoritaires au sein du conseil d’administration ; que M. Y… s’est abstenu lorsque la décision de céder les huit brasseries a été soumise au vote pendant le conseil d’administration du 24 octobre 1996 ; qu’il n’y a jamais eu d’assemblée générale ; qu’il n’est nullement rapporté la preuve que des opportunités de vendre se soient présentées ; que, de surcroît, l’établissement bancaire ne pouvait obtenir de situation comptable des 8 brasseries qui étaient encore à céder, dont la situation financière se dégradait sérieusement et dont le sort n’intéressait les appelants que dans la mesure où leurs cautionnements solidaires étaient en jeu ; qu’enfin, MM. X… et Y…, qui ne démontrent nullement une quelconque gestion de fait de SPBC par l’établissement financier, ne peuvent se prévaloir de la transaction que ce dernier a signée le 16 janvier 2006 avec Interbrew qui est à l’origine de la présente procédure ; que Natixis Private Equity n’a jamais reconnu sa responsabilité dans ce document ; que les parties ont souhaité mettre un terme à un litige qui durait depuis des années en prenant en compte le fait qu’Interbrew avait en définitive été la seule à respecter son engagement de caution ; que de ce qui précède, les premiers juges ont à juste titre débouté MM. X… et Y… de leurs demandes de dommages et intérêts » ;
1. ALORS, de première part, QUE l’article 21 de la loi du 25 janvier 1985 réservant aux seuls tiers la capacité de soumettre une offre de reprise des activités du débiteur, les dirigeants et associés majoritaires de la personne morale débitrice ne peuvent, sous peine de commettre une fraude à la loi, se porter acquéreur par personne interposée ; que commet dès lors un dol par réticence l’actionnaire majoritaire d’une société créée en vue de déposer une offre de reprise qui, lors de la conclusion du contrat de société, s’abstient de dévoiler à ses associés sa qualité de prête-nom des anciens dirigeants ou associés majoritaires de la personne morale débitrice ; qu’en l’espèce, il résulte des constatations mêmes de l’arrêt attaqué qu’avant même que la société SPBC n’ait été constituée entre la SPEF et Messieurs X… et Y…, dans le but de soumettre une offre de reprise des activités de la société SLB, la SPEF avait conclu, le 11 février 1994, une convention de portage avec la société Transport HPP, qui n’était autre que l’actionnaire majoritaire de la personne morale débitrice lors de sa déconfiture ; que Messieurs X… et Y… rappelaient dans leurs écritures qu’aux termes de cette convention, qui leur avait été dissimulée, la SPEF s’était engagée à prendre une participation de 50 % dans le capital de la société SPBC pour le compte de la société Transport HPP, sous la promesse d’un rachat à terme de cette participation pour un prix convenu d’avance, les droits attachés aux actions devant être exercés par la société Transport HPP ; que, pour écarter néanmoins toute réticence dolosive de la SPEF dans la conclusion du contrat de société, la Cour d’appel retient que « le comportement reproché à l’établissement bancaire, s’il a manqué d’honnêteté, n’a pas été intentionnel » ; qu’en statuant de la sorte, cependant que l’intention frauduleuse de cet établissement bancaire ressortait du contenu même de la convention de portage dont elle relevait l’existence, ce dont il s’évinçait que sa dissimulation à l’égard des associés de la SPEF caractérisait un dol par réticence, la Cour d’appel a violé les articles 1116, 1382 et 1833 du Code civil, ensemble l’article 21 de la loi du 25 janvier 1985 ;
2. ALORS QU’EN affirmant, pour réfuter toute réticence dolosive de la Société de Participations et d’Etudes Financières que « le comportement reproché à l’établissement bancaire, s’il a manqué d’honnêteté, n’a pas été intentionnel », la Cour d’appel a, en toute hypothèse, entaché sa décision d’une contradiction de motifs, violant l’article 455 du Code de procédure civile ;
3. ALORS, de troisième part, QUE lorsqu’une convention est entachée de fraude à la loi, la participation des tiers à une éventuelle collusion frauduleuse avec les signataires de cette convention ne se présume pas ; que, pour écarter tout dol de la SPEF dans la conclusion du contrat de société et nier surabondamment tout lien de causalité entre les préjudices subis par MM. X… et Y… et la convention de portage occulte conclue entre la SPEF et la société Transport HPP, la Cour d’appel retient encore que Messieurs X… et Y… « étaient au courant du principe d’un portage » et qu’ils « se seraient non seulement engagés s’ils avaient connu l’existence de la convention de portage, mais encore se seraient gardés d’en dénoncer les termes pour fraude à la loi puisque cela aurait mis un terme à leurs ambitions face à un autre candidat à la reprise » ; qu’en s’abstenant de préciser les éléments de preuve sur lesquels elle fondait de telles assertions, expressément contestées par Messieurs X… et Y…, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116, 1382 et 1833 du Code civil, ensemble l’article 21 de la loi du 25 janvier 1985
4. ALORS , de quatrième part, QUE lorsqu’une clause d’agrément a été convenue dans les statuts de la société, la considération de la personne de chacun des associés doit être tenue pour déterminante de l’engagement des autres, en sorte que commet une faute à l’égard de ses associés l’actionnaire qui s’abstient de leur dévoiler sa condition de prête-nom d’un tiers ; qu’en l’espèce, Messieurs X… et Y… faisaient valoir dans leurs conclusions (p. 32) que la clause d’agrément convenue dans les statuts de la SPBC avait précisément pour objet de faire obstacle à ce que l’un des associés vînt se substituer un tiers sans requérir l’approbation préalable du conseil d’administration et qu’en s’abstenant de dévoiler à ses associés l’existence de la convention de prête-nom qu’elle avait conclue avec la société Transport HPP, la SPEF avait délibérément tenu en échec cette clause d’agrément ; que, pour écarter néanmoins toute faute de la SPEF au préjudice de Messieurs X… et Y…, la Cour d’appel retient que ces derniers ne pouvaient ignorer que la SPEF, simple établissement financier, aurait vocation à se substituer un tiers puisque leur objectif commun n’était que de s’associer de manière temporaire en vue de réaliser un partage des 11 brasseries acquises dans le cadre du plan de cession ; qu’en se prononçant par de tels motifs, impropres à écarter le caractère fautif du silence conservé par la SPEF sur sa condition de prête-nom, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116, 1382 et 1833 du Code civil ;
5. ALORS, de cinquième part, QUE toute société doit être constituée dans l’intérêt commun de ses associés ; qu’en l’espèce, Messieurs X… et Y… faisaient encore valoir dans leurs conclusions que les conventions de portage par lesquelles la SPEF s’était assurée de l’engagement de la société Transport HPP, puis des consorts Z…, de racheter ses participations dans le capital de la société SPBC moyennant une rémunération constituée d’un intérêt fixe, étaient incompatibles avec l’affectio societatis requis de la part des associés fondateurs de la SPBC et contraires à son intérêt social, dès lors que les consorts Z…, bénéficiaires du portage, étaient par ailleurs les fournisseurs exclusifs de bières des 11 brasseries acquises à la barre du tribunal par l’intermédiaire de leur société « La Brasserie », portés, à ce titre, à privilégier leurs intérêts de fournisseurs sur celui des brasseries détenues par la SPBC ; qu’en se bornant à affirmer, sans la moindre justification, que l’invocation d’une absence d’affectio societatis n’avait « guère de sens » et « que les appelants ne (pouvaient) se prévaloir d’un conflit d’intérêts », la Cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motifs, en violation de l’article 455 du Code de procédure civile.