Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 24 novembre 2015, 14-18.292, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 24 novembre 2015, 14-18.292, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’ayant démissionné de ses fonctions de gérant de la société Domaine d’Andert, M. X… a saisi un conseil de prud’hommes d’une demande de rappel de salaires ; que ce dernier s’étant déclaré incompétent au profit d’un tribunal de commerce, M. X… a saisi celui-ci de sa demande ;

Sur les deuxième et troisième moyens, réunis :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 1351 du code civil, ensemble les articles 77, 95 et 480 du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande de paiement de M. X… au titre de rappel de salaires, l’arrêt retient que le conseil de prud’hommes, en statuant sur sa compétence, a définitivement jugé que M. X… ne peut se prévaloir de la qualité de salarié et que toute l’argumentation développée sur cette qualité n’a dès lors pas à être examinée ;

Qu’en statuant ainsi, alors que, dans le dispositif de sa décision, le conseil de prud’hommes s’était seulement déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce, sans se prononcer sur le statut de salarié de M. X…, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de M. Jacky X… de condamnation de la société Domaine d’Andert à lui payer la somme de 9 189, 36 euros au titre de rappel de salaires et statue sur l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 27 mars 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry ;

Condamne la société Domaine d’Andert aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour MM. Jacky et Rémi X…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt, partiellement confirmatif, attaqué d’AVOIR débouté M. Jacky X… de sa demande en paiement de la somme de 9. 186, 36 euros et de sa demande de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE, sur la demande en paiement de la somme de 9, 189, 36 euros formée par Jacky X…, le conseil de prud’hommes de Belley dans son jugement du 5 septembre 2011, en statuant sur sa compétence, a définitivement jugé que Jacky X… ne pouvait se prévaloir de la qualité de salarié ; que la saisine du tribunal de commerce sur déclinatoire atteste sans équivoque qu’aucun contredit n’a été formé contre cette décision, ce caractère définitif de la décision prud’homale n’étant pas contesté ; que toute l’argumentation développée par ce dernier sur sa qualité de salarié n’a dès lors pas à être examinée, alors que Jacky X… ne fonde nullement sa demande en paiement sur un autre fondement que ce statut qui l’aurait par nature soumis à la compétence du conseil de prud’hommes ; que le jugement entrepris doit, être confirmé en ce qu’il l’a débouté de ce chef de demande ;

1°) ALORS QUE c’est seulement lorsque le juge a, en se prononçant sur la compétence, tranché dans le dispositif du jugement la question de fond dont dépend cette compétence que sa décision a autorité de chose jugée sur la question de fond ; qu’en jugeant que, par le jugement du 5 septembre 2011, le conseil de prud’hommes de Belley avait, en statuant sur sa compétence, définitivement jugé que M. Jacky X… ne pouvait se prévaloir de la qualité de salarié, cependant que, dans le dispositif de sa décision, le conseil de prud’hommes s’était seulement déclaré matériellement incompétent au profit du tribunal de commerce, sans se prononcer sur le statut de salarié de M. Jacky X…, la cour d’appel a violé l’article 1351 du code civil, ensemble les articles 77, 95 et 480 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, subsidiairement, QU’en ne recherchant pas si, en tant que gérant de la société Domaine d’Andert, M. Jacky X… n’était pas créancier de cette société au titre de la rémunération de sa gestion, rémunération qu’il avait perçue pendant de nombreuses années avant d’en être privé sans motif entre août 2009 et janvier 2010, le défaut de qualité de salarié de M. X… étant à cet égard indifférent, la cour d’appel n’a pas suffisamment motivé sa décision et a violé l’article 455 du code procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt, partiellement confirmatif, attaqué d’AVOIR débouté M. Jacky X… de ses demandes contre la société Domaine d’Andert formées en qualité de viticulteur et de sa demande de dommages-intérêts et M. Rémy X… de ses prétentions à l’égard de la même société ;

AUX MOTIFS QUE sur les demandes formées par Jacky X… en qualité de viticulteur, en application de l’article 1315 du code civil, il appartient au créancier de rapporter la preuve de sa créance, comme au débiteur d’établir l’existence de ses paiements ; que Jacky X… se prévaut d’un décompte attestant selon lui que la société Domaine d’Andert (ci-après « SDA ») était redevable à son égard, au titre des récoltes cédées, d’un solde de 12. 213, 22 euros au 31 octobre 2010, correspondant aux fournitures réalisées jusqu’en 2009 ; que cette pièce émane uniquement de la comptabilité de Jacky X…, qui, comme une simple facturation émise par un commerçant, ne peut en aucune manière suffire à rapporter la preuve d’une créance, certaine, liquide et exigible ; que la SDA conteste la pertinence de ses écritures comptables et souligne que la présence des sommes invoquées au débit d’un grand livre induit nécessairement qu’il s’agirait d’une dette à l’égard du « Client Domaine d’Andert » ; que les nombreuses autres pièces versées aux débats par Jacky X…, en l’absence de caractérisation, par un décompte clair et appuyé et par des références à des factures et des paiements correspondants, d’un quelconque fil conducteur, ne sont nullement susceptibles d’être probantes ;

que les premiers juges ont d’ailleurs rappelé avec pertinence, et les termes de l’article 954 rappelés plus haut confortent de plus fort cette analyse, qu’il appartient à ce créancier de développer son calcul et son raisonnement en visant expressément les pièces fournies et estimées probantes ; que la cour d’appel se trouve, après avoir vainement tenté l’exercice, dans la plus totale impossibilité de repérer la corrélation entre des paiements invoqués et des facturations contestées soit dans leur principe, soit dans leur persistance ; que la pièce 148 de la SDA (contrôle fiscal) établit pour sa part l’incurie de ce gérant à faire figurer en comptabilité son propre apport de récolte en août 2009 et sa propension à récupérer le vin sans émettre une quelconque facture de transformation, correspondant à une majoration de l’exercice 2010 de 12. 300, 37 euros, confortant ainsi les contestations adverses sur la fiabilité des comptes argués par son ancien gérant ; qu’il ressort de ce contrôle fiscal comme du contrôle douanier une absence totale de rigueur dans la tenue des comptes et dès lors une absence totale de fiabilité des éléments comptables invoqués par Jacky X… ; que Jacky X… n’a ainsi pas établi par ses pièces et ses explications l’existence d’une quelconque créance au titre des récoltes cédées ; que s’agissant de la facture n° 10 du 25 juin 2010, en dehors des mot ifs ci-dessus repris sur la charge probatoire, l’absence de tout autre élément de conviction objectif, l’enregistrement en comptabilité du demandeur n’y correspondant pas, conduisent à retenir que Jacky X… défaille tout autant à établir cette créance ; que s’agissant de la quittance subrogative invoquée par ce dernier, et signée par son fils Rémy, il convient primordialement de discerner si ce dernier est bien fondé en ses propres demandes en paiement contre la SDA, son statut de créancier initial faisant qu’il est opportun de vérifier le bien-fondé de cette créance affirmée comme cédée à son père ; que, sur les créances invoquées par Rémy X… à l’égard de la SDA et ses propres demandes en paiement, que les mêmes motifs doivent être ici repris concernant l’obligation probatoire de Rémy X…, qui ne peut pas plus que son père estimer y satisfaire en produisant des extraits de sa comptabilité et pêle-mêle des pièces insusceptibles d’être recoupées concrètement sans la présentation préalable et argumentée d’un décompte clair, étant ici soulignée la même confusion opérée entre les débit et crédit dans le grand livre ; que ce dernier échoue comme Jacky X… à démontrer l’existence d’une créance certaine, liquide et exigible ; que la question de la quittance subrogative n’a pas besoin d’être examinée, car elle suppose l’existence préalable d’une telle créance, ce document ne pouvant à lui seul constituer la preuve de cette dernière ; qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Jacky X… de toutes ses demandes et, y ajoutant, de débouter Rémy X… de toutes ses prétentions ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sur les sommes réclamées par M. Jacky X… à divers titres, M. Jacky X… avait été chargé de la gestion financière de la société Domaine d’Andert et à ce titre, il réglait les factures dues par celle-ci jusqu’à sa démission du 19 février 2010, il apparaît incohérent qu’il puisse réclamer le paiement de créances qui lui seraient dues alors qu’il était en charge de ces règlements au sein de la société Domaine d’Andert durant la période concernée par ces factures ; qu’il résulte de l’article 1315 du code civil, que nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ; que cette règle doit recevoir application toutes les fois que la preuve d’un acte juridique n’est pas imputable à celui auquel on l’oppose ; que cela se traduit en jurisprudence par l’interdiction faite aux commerçants de prouver une créance ; que M. Jacky X… produit, à l’appui de sa demande, une facture n° 10 du 25 juin 2010 reprenant des sommes sans échéance ou remontant à cinq ans et une attestation établie par I’AGC établie en date du 10 mai 2011 qui laisse apparaître que la société Domaine d’Andert lui est redevable au 31 octobre 2010 de la somme de 63. 597, 70 euros ; que cette attestation ne prouve pas le bien-fondé de ces factures mais seulement leurs inscriptions dans le grand livre de la société ; que les pièces produites ne pouvant être retenues en tant que preuve, le tribunal les écarte et déboute M. Jacky X… de cette demande ;

1°) ALORS QUE la preuve à l’égard d’un commerçant agissant dans le cadre de son activité est libre et peut donc se faire par tous moyens ; qu’en excluant par principe que le décompte extrait de la comptabilité de M. Jacky X… ait pu faire preuve à l’égard de la société Domaine d’Andert, laquelle en tant que société à responsabilité limitée, était commerçante par la forme, de la créance de somme d’argent de M. X… au titre de livraisons de récoltes de raisin, la cour d’appel a violé l’article 1341 du code civil, ensemble l’article L. 110-3 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE, de même, en jugeant que M. Rémy X… ne pouvait pas produire des extraits de sa comptabilité pour établir le bienfondé de ses demandes en paiement formées contre la société Domaine d’Andert, la cour d’appel a violé l’article 1341 du code civil, ensemble l’article L. 110-3 du code de commerce.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d’AVOIR condamné M. Jacky X… à verser à la société Domaine d’Andert la somme de 50. 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de ses fautes de gestion, outre les intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2012, et rejeté la demande de dommages-intérêts formée par M. Jacky X… ;

AUX MOTIFS QUE, sur la demande reconventionnelle formée par la société Domaine d’Andert (ci-après « SDA ») à hauteur de 258. 608 euros, la SDA invoque successivement :/- des fautes de gestion et des malversations de Jacky X…,/- un non-respect des statuts matérialisant une concurrence déloyale,/ ces deux fondements devant par nature être appuyés par des pièces probantes, matérialisant des éventuelles fautes et concrétisant le préjudice qui en résulte directement pour la SDA ; que, comme cela a été rappelé plus haut, en l’état des contestations complètes opposées par cet ancien gérant, la SDA ne peut se prévaloir de courriers émis par ses soins postérieurement au conflit à l’origine du litige et la cour ne peut les retenir comme probantes ; que les différentes allégations concernant la qualité ou la quantité des vins produits doivent être confortées par des éléments objectifs que la SDA ne produit pas, les pièces successivement visées dans ses écritures étant totalement insusceptibles d’éclairer la conviction de la cour ; que le même reproche doit être fait ici à la SDA concernant l’absence de référence explicite à ses pièces, rendant totalement impossible le repérage d’une quelconque corrélation entre ces dernières et les arguments contenus dans ses écritures, les visas effectivement opérés ne les permettant d’ailleurs pas plus ; que, par exemple, les incohérences comptables visées pour l’année 2004 supposent que soient établis les contours exacts des rapports effectifs entre les parties sur les récoltes vendues, alors que de simples allégations sont émises sur « la moyenne habituelle » de facturation par Jacky et Rémy X… et, d’autre part, que des explications autres que péremptoires sur un différentiel de rendement entre parcelles soient fournies ; que Jacky X… se prévaut à l’encontre de la SDA des termes de l’article 2224 du code civil prévoyant une prescription quinquennale et disposant que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » ; que ce régime de prescription n’est susceptible de lui être opposé que dès lors qu’une durée de cinq années s’est écoulée depuis la reprise par un cogérant de la gestion de l’entreprise (en 2007), alors que cette décision a été prise largement dans ce délai et que la SDA ne peut être présumée avoir connaissance des fautes qu’elle invoque maintenant ; qu’aucune prescription n’est encourue concernant l’examen de ces éventuelles fautes de gestion ; que les imputations de facturations fausses, fantaisistes ou impayées supposent tout autant que des éléments concrets soient produits pour les appuyer, le caractère infondé de la facture n° 10 évoquée plus haut n’étant nullement de nature à consacrer qu’elle était fausse ; qu’en revanche, les différentes pièces afférentes au contrôle douanier, ayant motivé une amende finalement fixée à 2. 265 euros, comme le procès-verbal de gendarmerie (produit en pièce 147) établissent :/- la mauvaise tenue de la comptabilité matière,/- les difficultés financières connues par la SDA depuis plusieurs exercices ; que Jacky X… ne fournit aucune explication particulière concernant ce fonctionnement anormal pour une période où il ne peut contester avoir eu la pleine responsabilité de gérant ; que la pièce n° 148 susvisée de la SDA man ifeste l’existence d’un manque à inscrire au chiffre d’affaires 2009-2010 à hauteur de 12. 300, 37 euros, et l’incurie de ce gérant à tenir une comptabilité fiable et sincère ; que, concernant l’absence de paiement des récoltes à la SCEA Ald Z…, dont l’actionnaire principal est impliqué sans équivoque dans le capital de la SDA, le même constat doit être fait sur l’absence de véritable caractère probant d’une attestation comptable non étayée par ailleurs étant également souligné qu’il est étonnant qu’un montant de 84. 499, 66 euros, pour une ou plusieurs récoltes soient demeurées impayées sans une quelconque relance ; que pour l’absence de paiement de loyers à cette même SCEA à hauteur de la somme de 18. 300 euros (établie par le contrôle fiscal), il est légitime de s’interroger également sur l’absence d’une quelconque mise en demeure et sur la rigueur apportée par les protagonistes de cette activité à la bonne régie de leurs rapports financiers ; que s’agissant de la dévaluation de la valeur des stocks, en dehors du montant ci-dessus retenu, le même contrôle fiscal a retenu un solde de compte à corriger à hauteur de 30. 664, 62 euros, les autres éléments comptables de valorisation ne pouvant être retenus dès lors que le contrôle effectué n’a pas mentionné de difficultés particulières inhérentes à un comportement fautif du gérant ; qu’une pénalité de 44. 079 euros a été imposée à la SDA au titre de ce contrôle fiscal ; que s’agissant des pertes d’exploitation mises en avant par la société, aucun élément de conviction n’a été fourni par elle pour étayer que des erreurs de gestion en seraient la cause, son argumentation portant sur les problèmes de qualité, étant souligné que la récurrence des résultats négatifs a été soulignée par les gendarmes (pièce susvisée) et qu’aucune mesure concrète n’a été prise par la société avant la fin 2009 ; que l’existence d’un cogérant depuis l’année 2007 n’autorise nullement la SDA à faire porter sur Jacky X… la seule responsabilité, cette société rappelant elle-même que ses statuts en leur article 15 prévoient une responsabilité individuelle ou solidaire, la vérification de la bonne règle des comptes étant éminemment des pouvoirs et obligations de l’assemblée générale comme du cogérant ; que s’agissant ensuite du respect par Jacky X… du paragraphe 4 de l’article 13 des statuts de la SDA, stipulant qu’« il est convenu que la gérance ne pourra, sans y être autorisée par une décision des associés prise à la majorité ordinaire, (…) participer à la fondation de sociétés et effectuer tous apports à des sociétés constituées ou à constituer ou prendre des intérêts dans ces sociétés » (pièce 3 de la SDA), la discussion entre les parties portent sur la date d’effectivité de la fin du mandat de gérant ; que l’absence de l’EURL X… vins en la cause est indifférente sur la recevabilité d’une telle demande fondée sur le respect de ces statuts à l’égard du gérant en sa personne même ; que le préjudice argué ne peut s’évincer uniquement d’une prise de participation dans une société directement ou indirectement concurrente au moment effectif où le gérant n’exerce plus effectivement ses fonctions, quelles que soient les formalités nécessaires pour mettre fin à son mandat, étant souligné qu’en l’espèce la cogérance lancée dès l’année 2007, permettait à Yves Z… d’exercer immédiatement et seul son propre mandat ; que la maladie de Jacky X… dans les semaines précédant directement sa démission n’est pas contestée, et il n’est nullement affirmé que ce dernier avait encore participé directement à la gestion au début de l’année 2010 ; que si la création d’une EURL publiée le 5 mars 2010 est intervenue dans le délai de préavis prévu dans les statuts, la société SDA ne tente pas d’établir un préjudice distinct de celui évoqué et retenu ci-dessus au titre des fautes de gestion, procédant par ailleurs par voie d’affirmation pour le surplus, notamment en ce qui concerne l’utilisation du fichier client ; que s’agissant du préjudice intitulé « temps perdu, tracasseries, désagrément et publicité négative du fait des contrôles douaniers et du contrôle fiscal », chiffré à 15. 000 euros, l’existence dune cogérance déjà ancienne, les différentes pièces relevées plus haut manifestant une propension partagée entre les deux cogérants à s’abstraire au moins temporairement de respecter les frontières entre les différentes personnes morales, ne permettent nullement de retenir ce poste ; qu’en revanche, Jacky X… ne peut de son côté se dédouaner de toute responsabilité en qualité de gérant, du fait de l’intervention d’Yves Z… ; qu’il doit en conséquence être condamné à supporter les conséquences des amendes douanières et redressements fiscaux, la cour d’appel retenant forfaitairement compte tenu des intérêts et de l’utilisation indue et sans rémunération des biens de la société pour la vinification de sa récolte un montant de 50. 000 euros à verser à la SDA ; que, s’agissant des intérêts, alors que la SDA ne justifie pas de la date des écritures prises en première instance contenant sa demande reconventionnelle, ils courent à compter du jugement déféré ; que la décision entreprise doit être infirmée en ce sens ;

1°) ALORS QUE le délai de prescription de l’action sociale en responsabilité civile exercée contre le gérant de la société à responsabilité limitée court à compter du fait dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation ; que, dès lors, en jugeant que le délai de prescription de l’action sociale en réparation du préjudice causé par les fautes de gestion imputées à M. Jacky X… en qualité de gérant de la société Domaine d’Andert avait commencé à courir à compter de la désignation d’un cogérant, M. Z…, en 2007, sans rechercher si les fautes alléguées avaient été dissimulées, et le cas échéant, à quelle date elles avaient été révélées, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 223-23 du code de commerce ;

2°) ALORS, subsidiairement, QU’en énonçant que le délai de prescription de l’action sociale en réparation du préjudice causé par les fautes de gestion imputées à M. Jacky X… en qualité de gérant de la société Domaine d’Andert commençait à courir à compter de la désignation d’un cogérant, M. Z…, en 2007, sans rechercher si, comme le soutenait M. X…, la société Domaine d’Andert ne pouvait pas avoir connaissance avant cette date des fautes qu’elle lui reprochait désormais, dès lors que, depuis la création de la société, M. Z… en était associé majoritaire et caution, assistait à chaque assemblée générale, et avait accès aux comptes, lesquels au surplus avaient toujours été approuvés (conclusions de M. X…, p. 30, § 5), la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 223-23 du code de commerce ;

3°) ALORS QUE, pour juger que M. Jacky X… avait engagé sa responsabilité civile pour faute de gestion à l’égard de la société Domaine d’Andert, la cour d’appel a relevé, entre autres, que le contrôle douanier dont avait fait l’objet la société Domaine d’Andert avait notamment établi les difficultés financières auxquelles était confrontée cette société depuis plusieurs exercices et a ajouté que M. X… ne donnait aucune « explication particulière concernant ce fonctionnement anormal » ; qu’en statuant de la sorte lorsqu’il appartenait à la société Domaine d’Andert de caractériser les fautes de gestion de M. X… qui avaient causé ces difficultés, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’article 1315 du code civil, ensemble l’article L. 223-22 du code de commerce ;

4°) ALORS QUE, pour juger, que M. Jacky X… avait engagé sa responsabilité civile pour faute de gestion à l’égard de la société Domaine d’Andert, la cour d’appel a relevé, entre autres, que, « s’agissant de la dévaluation de la valeur des stocks », le contrôle fiscal, qui avait abouti à une pénalité de 44. 079 euros imposée à la société Domaine d’Andert, avait « retenu un solde de compte à corriger à hauteur de 30. 664, 62 euros » (arrêt, p. 11, § 3) ; qu’en statuant de la sorte, cependant que la société Domaine d’Andert elle-même soutenait que ce contrôle fiscal portait pour l’essentiel sur des déclarations erronées de TVA (conclusions de la société Domaine d’Andert, p. 44 et 45) et elle ne faisait aucune référence à un solde de compte à corriger à hauteur de 30. 664, 62 euros, la cour d’appel a relevé un moyen d’office sans le soumettre au préalable au débat des parties et, partant, a violé l’article 16 du code procédure civile ;

5°) ALORS QU’en jugeant que M. Jacky X… devait « supporter les conséquences » du redressement fiscal qui avait notamment donné lieu au prononcé d’une pénalité de 44. 079 euros à l’encontre de la société Domaine d’Andert, redressement fondé pour l’essentiel, au dire même de cette société, sur des déclarations erronées de TVA, sans répondre au moyen soutenu par M. X… selon lequel, d’une part, la déclaration de TVA avait été réalisée par l’expert-comptable, M. A…, lequel devait donc répondre de son contenu, d’autre part, M. Yves Z… était cogérant de la société Domaine d’Andert depuis 2007, possédait toutes les informations requises et ne s’était jamais opposé à ces déclarations (conclusions de M. X…, p. 33), la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE la responsabilité civile a pour objet de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si le fait dommageable ne s’était pas produit, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit ; que, dès lors, la somme due par le responsable en réparation du dommage causé à la victime ne doit pas être fixée de façon forfaitaire ; qu’en fixant « forfaitairement » à 50. 000 euros le montant des dommages-intérêts dus à la société Domaine d’Andert par M. X… en réparation du dommage résultant de ses fautes de gestion, la cour d’appel a violé l’article L. 223-22 du code de commerce.

ECLI:FR:CCASS:2015:CO01015


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