Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par acte authentique du 14 mai 1996, les époux X… ont constitué une société civile immobilière (la SCI) avec pour objet l’acquisition, la propriété, la gestion et la mise en valeur de biens ; que M. X…, nommé gérant, a apporté en nature la nue-propriété de nombreux immeubles ainsi que 36 parts d’une SCPI et a reçu en contrepartie 5 900 parts de la SCI ; que Mme X… a apporté en numéraire une somme de 10 000 francs, pour laquelle il lui a été attribué 100 parts de la SCI ; que les époux X… se sont réservés l’usufruit des apports en nature de M. X… leur vie durant et jusqu’au décès du dernier conjoint survivant, usufruit dont la valeur économique représentait 88,4 % de la pleine propriété des immeubles ; que le même jour, aux termes d’un acte authentique, M. X… a procédé à la donation-partage d’une partie des parts qu’il détenait dans la SCI au profit de ses deux filles Sandrine et Nadia ; que les droits d’enregistrement afférents à cette cession de parts d’un montant de 240,28 euros ont été acquittés ; que l’administration fiscale a considéré que cette opération était constitutive d’un abus de droit, caractérisé du fait de la concomitance, entre la création de la SCI qui ne présenterait pas les caractères fondamentaux du contrat de société tels que définis à l’article 1832 du code civil et l’apport du donateur qui dissimulait une donation directe de la nue-propriété des droits et biens immobiliers appartenant à M. X… au profit de ses deux enfants ; que l’administration a rappelé les droits de mutation à titre gratuit qui auraient dû être acquittés en cas de transmission directe des droits et biens immobiliers, assortis d’une majoration de 80 % ; qu’après une réclamation demeurée vaine, Mme Sandrine X… a fait assigner, par acte du 25 juillet 2003, le directeur des services fiscaux, afin que soient prononcés le sursis du paiement des impositions litigieuses, l’annulation de la décision de rejet de la réclamation ainsi que la décharge des droits de mutation supplémentaires mis en recouvrement ;
Attendu que pour rejeter les demandes de Mme Sandrine X…, l’arrêt retient que l’opération litigieuse ne constituait qu’un montage artificiel avec pour seul but une fraude à la loi fiscale ; qu’en effet, l’apport par M. X… à une SCI de la nue-propriété de ses immeubles puis la donation le même jour à ses deux enfants de 5 880 parts avaient permis la transmission de 98 % de ses apports et plus particulièrement de la nue propriété des immeubles qu’il avait évaluée à sa guise dans l’acte constitutif de société grâce à la fixation d’un usufruit de 88 % de leur pleine propriété; que la simultanéité de ces deux opérations avait également permis au donateur d’inverser l’ordre normal des opérations : réserve d’usufruit de 3/10e de la valeur des immeubles, conformément à l’article 762 du code général des impôts, transmission de leur nue-propriété à ses deux enfants qui en auraient fait apport à la société ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si la constitution de la SCI par apport de la seule nue-propriété des immeubles des époux X… suivie de la donation-partage des parts de cette société à leurs enfants n’avait pas pour but, d’une part, de partager équitablement leur patrimoine entre leurs descendants, en évitant toute indivision entre eux et les difficultés inhérentes à un partage en lots équivalents d’immeubles de nature et de valeur très diverses et, d’autre part, de se mettre à l’abri du besoin leur vie durant en conservant les revenus de ces immeubles, ce qu’excluait toute finalité fiscale de l’opération, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 mars 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Pau, autrement composée ;
Condamne le directeur des services fiscaux aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme Sandrine X… la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille huit.