Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 septembre 2022
Rejet
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 527 F-D
Pourvoi n° Y 20-17.167
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 SEPTEMBRE 2022
1°/ La société Blue Water France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société Blue Water International (BWI) Limited, dont le siège est [Adresse 8]),
3°/ M. [X] [V], domicilié [Adresse 7],
ont formé le pourvoi n° Y 20-17.167 contre l’ordonnance rendue le 2 juillet 2020 par le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans le litige les opposant au directeur général des finances publiques, représenté par l’administrateur des finances publiques chargé de la direction nationale d’enquêtes fiscales, domicilié [Adresse 4], défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Blue Water France et Blue Water International Limited et de M. [V], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur général des finances publiques, représenté par l’administrateur des finances publiques chargé de la direction nationale d’enquêtes fiscales, après débats en l’audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Aix-en-Provence, 2 juillet 2020), et les productions, un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l’administration fiscale à procéder à des visites et des saisies dans divers locaux et dépendances situés dans les communes d’Antibes, Biot et Valbonne, susceptibles d’être occupés par la société de droit hongkongais Blue Water International (la société BWI) et/ou la société Blue Water France (la société Blue Water) et/ou M. [V] et/ou d’autres sociétés et personnes physiques, afin de rechercher la preuve de fraudes à l’impôt sur les bénéfices ou aux taxes sur le chiffre d’affaires qui seraient commises par la société BWI.
2. Les sociétés Blue Water et BWI ainsi que M. [V] ont relevé appel de l’ordonnance d’autorisation et exercé un recours contre le déroulement de certaines des opérations de visite et de saisies, effectuées le 22 novembre 2018.
Examen des moyens
Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés
3. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
4. Les sociétés Blue Water et BWI ainsi que M. [V] font grief à l’ordonnance de constater qu’il n’avait pas été formé de recours dans le délai légal contre les opérations de visite et de saisies réalisées [Adresse 1], alors :
« 1°/ qu’il résulte très clairement des mentions des déclarations d’appel déposées par les sociétés Blue Water et BWI qu’elles entendaient contester l’ensemble des opérations de visite et de saisie qui s’étaient déroulées le 22 novembre 2018 dans les locaux qu’elles étaient susceptibles d’occuper et, partant, dans ceux qui étaient situés [Adresse 1] ; qu’en affirmant que les opérations de visite et de saisies effectuées à cette adresse n’étaient pas visées dans les recours formés par ces deux sociétés, pour en déduire que l’appel formé contre ces opérations était irrecevable pour n’avoir pas été formé dans le délai légal, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a dénaturé ces déclarations d’appel en méconnaissance du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
2°/ qu’un appel est recevable, nonobstant les énonciations erronées de la déclaration d’appel quant aux décisions attaquées, dès lors que les débats au fond révèlent qu’elles procèdent d’une erreur manifeste ; qu’en considérant qu’aucun appel n’avait été formé dans le délai légal contre les opérations de visite et de saisies effectuées dans les locaux situés [Adresse 1] au motif qu’elles n’étaient pas mentionnées dans les déclarations d’appel, sans rechercher s’il ne résultait pas des conclusions échangées au fond entre les parties, lesquelles portaient sur ces opérations spécifiques de visite et de saisies, que c’était au terme d’une erreur manifeste que de telles opérations avaient été omises dans les déclarations d’appel déposées par les sociétés Blue Water et BWI, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 58 et 933 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à la date des faits litigieux, et de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que l’erreur formelle qui entache la déclaration d’appel peut être régularisée même au-delà de l’expiration du délai d’appel, jusqu’à la date à laquelle le juge statue ; qu’en considérant qu’aucun appel n’avait été formé dans le délai légal contre les opérations de visite et de saisies effectuées dans les locaux situés [Adresse 1] au motif qu’elles n’étaient pas mentionnées dans les déclarations d’appel, sans rechercher si l’omission de la mention de ces opérations dans les déclarations déposées par les sociétés Blue Water et BWI, erreur purement formelle, n’avait pas été régularisée ultérieurement par ces deux sociétés qui avaient contesté dans leurs écritures les opérations de visite et de saisies réalisées à cette adresse et qui avaient joint à leurs conclusions le procès-verbal relatant le déroulement de ces opérations, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 58 et 933 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à la date des faits litigieux, et de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que les irrégularités qui affectent les mentions de la déclaration d’appel constituent des vices de forme qui ne peuvent entraîner la nullité de cet acte et l’irrecevabilité de l’appel que s’il est justifié d’un grief ; qu’en considérant qu’aucun appel n’avait été formé dans le délai légal contre les opérations de visite et de saisies effectuées dans les locaux situés [Adresse 1] au motif que ces opérations n’avaient pas été mentionnées dans les déclarations d’appel, sans rechercher si l’omission de la mention de ces opérations dans les déclarations déposées par les sociétés Blue Water et BWI, vice de pure forme, avait causé un quelconque grief à l’administration fiscale qui, dans ses écritures, avait admis que la contestation porte sur les opérations réalisées à cette adresse et y avait défendu, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 58 et 933 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à la date des faits litigieux, et de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Le recours formé, en application de l’article L. 16 B, V, du livre des procédures fiscales, contre le déroulement des opérations de visite et de saisies doit, lorsque des opérations ont été autorisées dans des lieux différents ayant donné lieu à la rédaction de procès-verbaux distincts, préciser celles dont il entend contester le déroulement.
6. L’ordonnance constate que, par déclarations de recours du 3 décembre 2018, les sociétés Blue Water et BWI ont formé un recours contre les opérations de visite et de saisies qui se sont déroulées [Adresse 3], [Adresse 6] ainsi que [Adresse 5] et [Adresse 2], et que, par déclaration de recours du même jour, M. [V] a formé un recours contre les opérations de visite et de saisies qui se sont déroulées [Adresse 3], ces déclarations mentionnant spécifiquement les procès-verbaux relatifs aux adresses précitées, qui leur sont annexés. Elle relève encore que les opérations de visite et de saisies réalisées [Adresse 1] n’ont pas été visées dans lesdites déclarations de recours et que le procès-verbal afférent n’y a pas été annexé. Elle en déduit qu’aucun recours n’a été formé dans le délai légal à l’encontre du déroulement des opérations pratiquées à cette dernière adresse.
7. Par ces constatations et appréciations, le premier président, qui n’a pas dénaturé les déclarations de recours litigieuses, et qui n’était pas tenu d’effectuer la recherche invoquée par la deuxième branche, a légalement justifié sa décision.
8. Le moyen, inopérant en sa quatrième branche dès lors que le premier président n’a pas annulé les déclarations de recours, n’est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Blue Water France et Blue Water International Limited, ainsi que M. [V] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Blue Water France et Blue Water International Limited ainsi que M. [V] et les condamne à payer au directeur général des finances publiques, représenté par l’administrateur des finances publiques chargé de la direction nationale d’enquêtes fiscales, la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour les sociétés Blue Water France et Blue Water International Limited et M. [V].
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Les sociétés Blue Water France et BWI Limited et M. [X] [V] font grief à l’ordonnance attaquée d’AVOIR confirmé l’ordonnance d’autorisation rendue le 21 novembre 2018 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Grasse ;
1°) ALORS QUE le juge des libertés et de la détention, qui doit lui-même vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation de visite et de saisie qui lui est soumise est bien fondée, ne peut se contenter de signer une ordonnance pré-rédigée par l’administration fiscale ; qu’en considérant que le fait qu’un projet d’ordonnance d’autorisation de visite domiciliaire pré-rédigé par l’administration fiscale ait été soumis au juge des libertés et de la détention ne pouvait faire présumer qu’il n’aurait pas exercé personnellement et concrètement sa mission légale de contrôle du bien-fondé de la requête, dès lors que l’ordonnance d’autorisation était réputée établie par le magistrat qui l’avait rendue et signée et que ce dernier pouvait modifier le modèle d’ordonnance qui lui était proposé ou refuser de faire droit à la requête de l’administration, quand le juge des libertés et de la détention qui se contente de signer une ordonnance pré-rédigée par l’administration fiscale sans y apporter la moindre modification, ne peut être regardé comme impartial et doit être présumé n’avoir pas lui-même vérifié de manière concrète si la demande formulée par l’administration était bien fondée, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a violé les articles L.16 B du livre des procédures fiscales et 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
2°) ALORS QUE le juge des libertés et de la détention qui se prononce sur une demande d’autorisation de visite et de saisie doit examiner le bien-fondé de la requête de l’administration fiscale de manière indépendante et impartiale ; qu’en estimant que la seule signature par le juge des libertés et de la détention de l’ordonnance d’autorisation pré-rédigée à son attention par l’administration n’entachait pas la procédure d’irrégularité, au motif que l’existence d’un second contrôle, par la cour d’appel, des pièces produites par l’administration fiscale, garantissait le droit à un procès équitable, quand ce second examen ne dispensait pas le juge des libertés et de la détention de respecter lui-même les garanties du procès équitable en vérifiant le bien-fondé de la demande d’autorisation en toute indépendance et impartialité, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a derechef violé les articles L.16 B du livre des procédures fiscales et 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
3°) ALORS QUE l’administration fiscale doit fournir au juge des libertés et de la détention tous les éléments d’information en sa possession de nature à justifier la visite domiciliaire, de sorte qu’est irrégulière l’autorisation délivrée sur une demande de l’administration qui a sciemment omis de présenter au juge certaines pièces à décharge de nature à remettre en cause les éléments retenus au titre de l’existence d’une présomption de fraude fiscale ; qu’en affirmant que les éléments relevés par le juge des libertés et de la détention auraient fait présumer que la société Blue Water International (BWI) Limited aurait réalisé en France, sans la déclarer, une activité de courtage dans la location et la vente de yachts en utilisant les moyens matériels et humains de la société Blue Water France, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l’administration n’avait pas volontairement omis de lui présenter des pièces à décharge, en particulier celles qui établissaient que les salariés de la société Blue Water France que la société BWI Limited aurait utilisé, avaient agi dans le cadre d’un contrat de prestation de services conclu entre les deux sociétés qui avait donné lieu au versement, par la société BWI Limited, de rémunérations que la société Blue Water France avait déclarées et sur lesquelles elle s’était acquittée de l’impôt sur les sociétés, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.16 B du livre des procédures fiscales ;
4°) ALORS QUE la conclusion d’un accord préalable entre l’administration fiscale et les contribuables pour la détermination des prix de transfert n’est pas une obligation, mais une simple faculté à l’initiative du contribuable ; qu’en considérant que l’administration fiscale aurait pu suspecter un transfert irrégulier de bénéfices dans les rémunérations versées par la société BWI Limited à la société Blue Water France en contrepartie des services rendus à la première par quatre des salariés de la seconde, au motif que la société BWI Limited n’avait pas sollicité la conclusion d’un accord préalable portant sur ces rémunérations, quand l’absence d’une telle demande, qui n’était aucunement obligatoire, ne pouvait faire présumer une quelconque fraude, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a violé les articles L.16 B et L.80 B, 7° du livre des procédures fiscales ;
5°) ALORS QUE l’administration fiscale ne peut être autorisée à opérer des visites et saisies que s’il existe des éléments laissant présumer qu’une personne a commis une fraude fiscale ; qu’en considérant que la société BWI Limited, dont le siège social était situé à Hong-Kong, devrait être présumée exercer une activité commerciale occulte sur le territoire français, aux motifs qu’elle aurait proposé à la location et à la vente des yachts en France, par l’intermédiaire de quatre salariés de la société Blue Water France et qu’elle aurait utilisé un numéro de téléphone fixe et un numéro de fax français ayant pour titulaire la société Blue Water France, sans rechercher si de telles circonstances n’étaient pas justifiées par le contrat de prestation de services que la société BWI Limited avait conclu avec la société Blue Water France qui avait donné lieu au versement régulier, au profit de cette dernière, de rémunérations déclarées et imposées en France, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L.16 B du livre des procédures fiscales ;
6°) ALORS QUE l’administration fiscale ne peut être autorisée à opérer des visites et saisies que s’il existe des éléments laissant présumer qu’une personne a commis une fraude fiscale ; qu’en considérant que la société BWI Limited, dont le siège social était situé à Hong-Kong, devrait être présumée exercer une activité commerciale occulte sur le territoire français, aux motifs inopérants que sa dirigeante, Mme [Y] [U], était domiciliée en Suisse, se présentait sur le site Linkedin comme exerçant l’activité de thérapeute familiale et n’avait participé qu’à trois conseils d’administration ou assemblées générales en quatre ans, sans rechercher si la société BWI Limited n’avait pas décidé, lors de ces réunions, de l’orientation stratégique du groupe Blue Water, et n’était pas détentrice d’un compte bancaire et de comptes audités à Hong-Kong, ce qui établissait qu’elle n’était pas dépourvue de toute activité réelle à Hong-Kong, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L.16 B du livre des procédures fiscales ;
7°) ALORS QUE l’administration fiscale ne peut être autorisée à opérer des visites et saisies que s’il existe des éléments laissant présumer qu’une personne a commis une fraude fiscale ; qu’en considérant que la société BWI Limited, dont le siège social était situé à Hong-Kong, devrait être présumée exercer une activité commerciale occulte sur le territoire français, aux motifs inopérants que M. [X] [V], actionnaire unique de la société BWI Limited, disposait d’une maison en France, quand de telles circonstances ne laissaient aucunement présumer que la société BWI Limited aurait exercé son activité depuis la France puisqu’il était relevé que M. [V] n’était pas le dirigeant de la société BWI Limited et était domicilié à Monaco, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a violé l’article L.16 B du livre des procédures fiscales.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Les sociétés Blue Water France et BWI Limited et M. [X] [V] font grief à l’ordonnance attaquée d’AVOIR constaté qu’il n’avait pas été formé de recours dans le délai légal contre les opérations de visite et de saisie [Adresse 1] ;
1°) ALORS QU’il résulte très clairement des mentions des déclarations d’appel déposées par les sociétés Blue Water France et BWI Limited qu’elles entendaient contester l’ensemble des opérations de visite et de saisie qui s’étaient déroulées le 22 novembre 2018 dans les locaux qu’elles étaient susceptibles d’occuper et, partant, dans ceux qui étaient situés [Adresse 1] ; qu’en affirmant que les opérations de visite et de saisie effectuées à cette adresse n’étaient pas visées dans les recours formés par ces deux sociétés, pour en déduire que l’appel formé contre ces opérations était irrecevable pour n’avoir pas été formé dans le délai légal, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a dénaturé ces déclarations d’appel en méconnaissance du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;
2°) ALORS QU’en toute hypothèse, un appel est recevable, nonobstant les énonciations erronées de la déclaration d’appel quant aux décisions attaquées, dès lors que les débats au fond révèlent qu’elles procèdent d’une erreur manifeste ; qu’en considérant qu’aucun appel n’avait été formé dans le délai légal contre les opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux situés [Adresse 1] au motif qu’elles n’étaient pas mentionnées dans les déclarations d’appel, sans rechercher s’il ne résultait pas des conclusions échangées au fond entre les parties, lesquelles portaient sur ces opérations spécifiques de visite et de saisie, que c’était au terme d’une erreur manifeste que de telles opérations avaient été omises dans les déclarations d’appel déposées par les sociétés Blue Water France et BWI Limited, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 58 et 933 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à la date des faits litigieux, et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
3°) ALORS QU’en toute hypothèse, l’erreur formelle qui entache la déclaration d’appel peut être régularisée même au-delà de l’expiration du délai d’appel, jusqu’à la date à laquelle le juge statue ; qu’en considérant qu’aucun appel n’avait été formé dans le délai légal contre les opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux situés [Adresse 1] au motif qu’elles n’étaient pas mentionnées dans les déclarations d’appel, sans rechercher si l’omission de la mention de ces opérations dans les déclarations déposées par les sociétés Blue Water France et BWI Limited, erreur purement formelle, n’avait pas été régularisée ultérieurement par ces deux sociétés qui avaient contesté dans leurs écritures les opérations de visite et de saisie réalisées à cette adresse et qui avaient joint à leurs conclusions le procès-verbal relatant le déroulement de ces opérations, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 58 et 933 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à la date des faits litigieux, et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
4°) ALORS QU’en toute hypothèse, les irrégularités qui affectent les mentions de la déclaration d’appel constituent des vices de forme qui ne peuvent entraîner la nullité de cet acte et l’irrecevabilité de l’appel que s’il est justifié d’un grief ; qu’en considérant qu’aucun appel n’avait été formé dans le délai légal contre les opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux situés [Adresse 1] au motif que ces opérations n’avaient pas été mentionnées dans les déclarations d’appel, sans rechercher si l’omission de la mention de ces opérations dans les déclarations déposées par les sociétés Blue Water France et BWI Limited, vice de pure forme, avait causé un quelconque grief à l’administration fiscale qui, dans ses écritures, avait admis que la contestation porte sur les opérations réalisées à cette adresse et y avait défendu, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 58 et 933 du code de procédure civile, dans leur rédaction applicable à la date des faits litigieux, et de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
Les sociétés Blue Water France et BWI Limited et M. [X] [V] font grief à l’ordonnance attaquée d’AVOIR rejeté les recours formés contre les opérations de visite et de saisie réalisées [Adresse 3], [Adresse 5], [Adresse 6] et [Adresse 2] et d’AVOIR écarté toutes les demandes d’annulation afférentes à ces opérations ;
1°) ALORS QUE les personnes qui font l’objet de visites et de saisies doivent avoir eu la possibilité de vérifier que les fichiers informatiques saisis entraient dans les prévisions de l’autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention ; qu’en affirmant, pour déclarer régulière la saisie des données informatiques litigieuses, que l’administration fiscale n’était pas tenue de communiquer les critères de sélection des données qu’elle avait saisies, ni de révéler les modalités techniques de saisie, les moteurs de recherche et les mots-clés utilisés, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les représentants de la société Blue Water France et M. [X] [V] avaient été mis à même de s’assurer que les fichiers informatiques saisis entraient bien dans les prévisions de l’autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et L.16 B du livre des procédures fiscales ;
2°) ALORS QUE l’inventaire dressé par l’administration fiscale à l’issue d’une opération de visite et de saisie doit être suffisamment précis pour mettre la personne intéressée en mesure de connaître le contenu des données appréhendées et de contester utilement leur lien avec l’autorisation donnée à l’administration ; qu’en relevant qu’il était indifférent que l’intitulé dans l’inventaire dressé par l’administration fiscale ne permette pas, à la seule lecture du procès-verbal, de connaître le contenu exact du carnet contenant des notes manuscrites saisi dans la résidence secondaire de M. [X] [V], au motif inopérant qu’il n’était pas soutenu que les notes qui y figuraient étaient étrangères au périmètre de l’autorisation de visite et de saisie, sans rechercher si M. [V] avait été mis à même de connaître le contenu des données ainsi appréhendées aux fins de pouvoir contester utilement leur lien avec l’autorisation accordée à l’administration fiscale, le magistrat délégué par le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
ECLI:FR:CCASS:2022:CO00527