Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Joint les pourvois n° 15-29.098 et 15-29.144, qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2015), que les titres de la société César sont admis aux négociations sur le marché Alternext ; que la société César a procédé à une augmentation de capital avec maintien du droit préférentiel de souscription, le prospectus relatif à cette opération étant publié le 26 mai 2011 sur le site internet de la société et les fonds perçus le 4 juillet 2011 ; qu’une procédure de redressement judiciaire a été ouverte le 10 août 2011, aboutissant à l’adoption d’un plan de continuation le 27 février 2013 ; que la cotation des actions, suspendue le 29 juillet 2011, a repris le 25 mars 2013 ; qu’après ouverture d’une enquête sur l’information financière de la société César à compter du 1er septembre 2008, le président de l’Autorité des marchés financiers (l’AMF) a notifié des griefs à la société César ainsi qu’aux deux signataires du prospectus, M. Z…, président du directoire, et M. Y…, directeur général et membre du directoire ; que par décision du 6 mai 2014, la Commission des sanctions de l’AMF a dit que tous trois avaient commis des manquements à l’obligation d’information du public, a prononcé à leur encontre des sanctions pécuniaires et a ordonné la publication de la décision sur son site internet ; que la société César et MM. Z… et Y… ont formé un recours contre cette décision ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 15-29.144 :
Attendu que la société César et M. Z… font grief à l’arrêt de rejeter leur recours et de faire droit à la demande de publication de l’AMF alors, selon le moyen :
1°/ que le principe d’impartialité impose que la procédure offre à tous ses stades, y compris celui de l’instruction, des garanties suffisantes pour que soient exclu tout doute légitime de la personne poursuivie par l’AMF quant à un éventuel parti pris des organes chargés de l’instruction ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que le rapporteur était assisté pour procéder à l’instruction du dossier par Mme C…, chargée de mission au sein de la direction de l’instruction et du contentieux des sanctions, qui était intervenue en 2010 en qualité de conseil de la société César et de ses anciens dirigeants, dont M. Y… lorsqu’elle était avocate stagiaire au sein du cabinet d’avocat Gide, Loyrette & Nouel ; que cette situation, qui était de nature à susciter un doute légitime quant à l’impartialité de Mme C…, faisait obstacle à ce qu’elle pût participer à l’instruction du dossier au terme de laquelle la commission des sanctions a apprécié les responsabilités respectives de la société César, de M. Z… et de M. Y… ; qu’en déclarant néanmoins régulière la procédure, la cour d’appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 621-15, R. 621-38 et R. 621-39 du code monétaire et financier ;
2°/ qu’en se fondant sur la considération inopérante qu’il n’était pas démontré que Mme C… ait pris une part déterminante dans l’instruction conduite par le rapporteur et qu’elle n’avait eu qu’un rôle d’assistance technique quand le droit à un procès équitable exige que tout membre des services de l’AMF qui participe à l’instruction du dossier soit indépendant des parties, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 621-15, R. 621-38 et R. 621-39 du code monétaire et financier ;
3°/ qu’à tout le moins, le principe de loyauté s’applique durant toute la procédure de sanction de l’AMF ; que dès lors en s’abstenant de rechercher, comme elle était invitée à le faire, si la participation à l’instruction de l’affaire d’un membre des services de l’AMF ayant conseillé et assisté en qualité d’avocat une ou plusieurs des personnes poursuivies, et ayant ainsi eu un accès à des informations confidentielles sous le sceau du secret professionnel ne constituait pas un procédé déloyal de nature à entacher la régularité de la procédure, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles L. 621-15, R. 621-38 et R. 621-39 du code monétaire et financier ;
Mais attendu que même si, conformément à leur mission, les membres de la direction de l’instruction de la commission des sanctions de l’AMF (la DICS) n’exercent aucun pouvoir et interviennent uniquement pour exécuter les instructions du rapporteur, seul maître de la conduite des diligences auxquelles il procède, en lui apportant un concours purement technique, les conditions d’exercice de leur collaboration ne doivent pas conduire à une violation des principes d’impartialité et de loyauté qui s’imposent aux membres de la commission des sanctions ; que l’arrêt retient que si une chargée de mission au sein de la DICS a été stagiaire, près de quatre ans auparavant, en qualité d’élève avocat, au sein d’un cabinet ayant conseillé la société César et M. Y… à l’occasion d’une procédure de mandat ad hoc suivie en 2010, elle s’est bornée alors à transmettre deux documents et aucun lien n’a pu être établi entre ce mandat ad hoc et la qualité de l’information donnée au public le 26 mai 2011, objet de la procédure de sanction ; qu’il ajoute qu’il n’est pas démontré qu’elle ait pris une part déterminante dans l’instruction du rapporteur désigné pour instruire l’affaire devant la commission des sanctions ; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a effectué la recherche invoquée à la troisième branche, a pu déduire qu’aucun manquement aux principes précités n’était établi ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° 15-29.144, pris en ses trois premières branches, et le troisième moyen du pourvoi n° 15-29.098, réunis :
Attendu que la société César, M. Z… et M. Y… font grief à l’arrêt de rejeter leurs recours et de faire droit à la demande de publication de l’AMF alors, selon le moyen :
1°/ que la société César et M. Z… ont été poursuivis par l’AMF pour ne pas avoir fait mention, dans le prospectus communiqué au public, de l’information selon laquelle une partie significative des fonds levés à l’occasion de l’augmentation du capital social serait utilisé pour rembourser une partie du compte courant d’associé de M. Z… ; qu’il résulte des termes d’une lettre datée du 24 février 2011, reproduits par l’arrêt attaqué, que l’avance de 1 million d’euros consentie par la société Biscalux constituait une modalité anticipée de la réalisation de l’augmentation du capital social dont elle faisait partie intégrante, en sorte que son remboursement ne pouvait être assimilée, comme il est indiqué dans la notification des griefs, en un remboursement du compte-courant d’associé de M. Z… ; qu’en estimant néanmoins que la nature juridique de l’avance consentie par la société Biscalux était indifférente pour apprécier l’exactitude, la précision et la sincérité de l’information communiquée au public sur l’objet de l’augmentation du capital social, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 621-14, L. 621-15, R. 621-38 du code monétaire et financier et des articles 221-1, 223-1, 632-1 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers ;
2°/ que la qualité de l’information donnée au public s’apprécie au regard de l’intégralité des éléments contenus dans le prospectus et non seulement de certaines indications prises isolément ; qu’en l’espèce, le prospectus relatif à l’augmentation du capital social publié sur le site Internet de la société César le 26 mai 2011 indiquait que le financement de la saisonnalité de l’exercice 2010-2011 restait tendu en fin de saison (p. 21), que la société César ne disposait pas à la date du prospectus d’un fonds de roulement net suffisant pour faire face à ses obligations et à ses besoins de trésorerie d’exploitation des douze prochains mois et que son besoin en trésorerie était évalué à 8 millions d’euros sur douze mois financés en partie par la réalisation d’une augmentation de capital (p. 8) ; que dans la partie relative aux « contexte et raison de l’opération » (p. 11), il était expressément mentionné, préalablement à l’énoncé des trois principaux objectifs de l’augmentation du capital à savoir « financer en partie la nouvelle saison d’achats, accroître significativement ses capitaux propres, autoriser la recherche de nouveaux partenaires bancaires afin de sécuriser de manière pérenne le financement de la société », que la société César subissait une forte pression de ses fournisseurs et devait faire face, chaque année, en raison de la saisonnalité de son activité, à des besoins de trésorerie importants à partir du mois de mai jusqu’à janvier ; qu’il ressort des indications du prospectus que les fonds levés serviraient de façon générale au renflouement de la trésorerie de la société César pour lui permettre de faire face non seulement à ses besoins relatifs à la nouvelle saison d’achat mais également à l’ensemble de ses obligations ; qu’en estimant néanmoins qu’aucune information du prospectus ne pouvait donner à penser aux investisseurs que les fonds levés à l’occasion de l’augmentation du capital social serviraient, même partiellement, à régler les arriérés de factures de la saison précédente, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 621-14, L. 621-15, R. 621-38 du code monétaire et financier et des articles 221-1, 223-1, 212-7, 212-8, 212-10 et 632-1 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers ensemble l’article 5 de la directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003, l’annexe III du règlement 809/2004 du 29 avril 2004, applicable au litige ;
3°/ que le prospectus doit contenir les informations qui, compte tenu de la nature particulière de l’émetteur et des valeurs mobilières offertes au public ou admises à la négociation sur un marché réglementé, sont nécessaires pour permettre aux investisseurs d’évaluer en connaissance de cause le patrimoine, la situation financière, les résultats et les perspectives de l’émetteur et des garants éventuels, ainsi que les droits attachés à ces valeurs mobilières ; qu’il doit décrire les raisons de l’offre et les principales utilisations prévues des produits ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que sur le montant de 6,6 millions d’euros correspondant à l’augmentation du capital social, une somme oscillant seulement entre 100 000 et 200 000 euros aurait été consacrée au règlement de factures de la saison précédente ; que dès lors, au regard des informations données sur l’état « tendu » de la trésorerie et des principaux objectifs énoncés dans le prospectus, l’absence de mention expresse de l’utilisation d’une partie très résiduelle des fonds levés – entre 1,5 et 3 % – pour régler des factures de fournisseurs de la saison précédente ne constitue pas une « utilisation principale du produit » et ne suffit pas à remettre en cause l’exactitude, la précision et la sincérité des informations communiquées au public sur l’objet de l’augmentation du capital social ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles L. 621-14, L. 621-15, R. 621-38 du code monétaire et financier et les articles 221-1, 223-1, 212-7, 212-8, 212-10 et 632-1 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers, ensemble l’article 5 de la directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003, l’annexe III du règlement 809/2004 du 29 avril 2004, applicable au litige ;
4°/ que le prospectus doit contenir les informations qui, compte tenu de la nature particulière de l’émetteur et des valeurs mobilières offertes au public ou admises à la négociation sur un marché réglementé, sont nécessaires pour permettre aux investisseurs d’évaluer en connaissance de cause le patrimoine, la situation financière, les résultats et les perspectives de l’émetteur et des garants éventuels, ainsi que les droits attachés à ces valeurs mobilières ; qu’il doit décrire les raisons de l’offre et les principales utilisations prévues des produits ; que l’affectation d’une très faible partie, (entre 2 % et 3 %), des fonds récoltés, à supposer qu’elle ait été décidée avant la publication du prospectus, ne constitue ni une « raison de l’offre », ni une « utilisation principale des produits » au sens de la directive 2003/71/CE du 4 novembre 2013 et du règlement 809/2004 du 29 avril 2004 pris pour l’application de la directive ; que la cour d’appel a retenu que sur les 6,6 millions d’euros levés, il était prévu le « paiement de dettes fournisseurs anciennes pour un montant qui, pour n’avoir pas été précisément évalué, oscillait entre 100 000 et 200 000 euros » ; qu’en jugeant néanmoins que l’affectation de cette somme aurait dû être mentionnée sur le prospectus de sorte que l’information délivrée n’était pas exacte, précise et sincère, la cour d’appel n’a pas déduit les conséquences légales de ses constatations et a violé par fausse application l’article 5 de la directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003, l’annexe III du règlement 809/2004 du 29 avril 2004, applicables au litige, ensemble l’article 223-1 du règlement général de l’AMF ;
5°/ que le prospectus doit contenir les informations qui, compte tenu de la nature particulière de l’émetteur et des valeurs mobilières offertes au public ou admises à la négociation sur un marché réglementé, sont nécessaires pour permettre aux investisseurs d’évaluer en connaissance de cause le patrimoine, la situation financière, les résultats et les perspectives de l’émetteur et des garants éventuels, ainsi que les droits attachés à ces valeurs mobilières ; qu’en se bornant, pour retenir l’existence d’un manquement à l’obligation de délivrer une information exacte, précise et sincère, à affirmer que la société César aurait dû informer les investisseurs potentiels de ce qu’une partie des fonds levés servirait à payer le passif fournisseur ancien et que « la circonstance que les fonds levés affectés au paiement de dettes fournisseurs anciennes aient été surévalués durant l’enquête n’enlève rien au caractère répréhensible de cette dissimulation », sans rechercher si, eu égard, au montant des sommes en cause, (entre 100 000 et 200 000 euros), l’information était effectivement susceptible d’influer sur la décision des investisseurs potentiels, partant aurait dû être mentionné dans le prospectus, la cour d’appel a, en tout état de cause, privé sa décision de base légale au regard de l’article 5 de la directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003, l’annexe III du règlement 809/2004 du 29 avril 2004, applicables au litige, ensemble l’article 223-1 du règlement général de l’AMF ;
6°/ que le prospectus doit contenir les informations qui, compte tenu de la nature particulière de l’émetteur et des valeurs mobilières offertes au public ou admises à la négociation sur un marché réglementé, sont nécessaires pour permettre aux investisseurs d’évaluer en connaissance de cause le patrimoine, la situation financière, les résultats et les perspectives de l’émetteur et des garants éventuels, ainsi que les droits attachés à ces valeurs mobilières ; qu’il doit décrire les raisons de l’offre ainsi que les principales utilisations prévues des produits ; que l’affectation temporaire d’une partie des fonds levés, dans l’attente des encaissements à venir, ne constitue pas « l’utilisation prévue des produits » de l’augmentation de capital, au sens de la directive 2003/71/CE du 4 novembre 2013 et du règlement 809/2004 pris pour l’application de la directive ; que, dans son mémoire, M. Y… faisait valoir que s’il avait effectivement été prévu qu’une très faible partie des fonds procurés pouvait éventuellement permettre, dans l’attente des encaissements à venir, le remboursement des créances fournisseurs, il s’agissait là d’une simple affectation temporaire de trésorerie, distincte de « l’utilisation prévue des produits », telle que devant figurer sur le prospectus ; qu’en se bornant, pour retenir l’existence d’un manquement à l’obligation de délivrer une information exacte, sincère et précise, à relever qu’il était prévu dès le 26 mai 2011 qu’une partie des fonds levés par l’augmentation de capital serait consacrée au paiement du passif fournisseur relatif à la saison précédente et qu’aucune information du prospectus ne permettait aux investisseurs de le savoir, sans rechercher si cette affectation était ou non simplement provisoire, du fait d’un décalage de trésorerie, partant si elle constituait une réelle « utilisation » des produits, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article 5 de la directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003 ensemble l’annexe III du règlement 809/2004 du 29 avril 2004, applicables au litige ;
Mais attendu que l’arrêt retient, d’abord, qu’à aucun endroit du prospectus ne figure l’information selon laquelle les fonds levés serviraient à payer des dettes fournisseurs relatives à la saison précédente ou à rembourser la créance de la société Biscalux à hauteur de 1 million d’euros ; qu’il estime, ensuite, que l’expression « financer en partie la nouvelle saison d’achat » ne peut être interprétée comme signifiant a contrario que les fonds levés pourraient pour partie financer les « dettes fournisseurs » anciennes ou la créance Biscalux ; qu’il retient, en outre, que les investisseurs qui ont souscrit à l’augmentation de capital étaient entretenus dans la certitude qu’ils apportaient leurs fonds à une société qui avait besoin de leur aide pour financer la continuité de son exploitation mais qu’aucune information du prospectus ne leur donnait à penser que ces fonds seraient utilisés, même partiellement, pour payer les arriérés de la société et rembourser l’avance de la société Biscalux ; qu’il retient, encore, qu’était ainsi caché aux futurs souscripteurs le projet d’affecter 1 million d’euros, sur les 6,6 levés, au remboursement d’une avance, et une autre partie au paiement de dettes fournisseurs anciennes pour un montant, qui, pour n’avoir pu être précisément évalué, oscillait entre 100 000 et 200 000 euros et que ce dernier montant a été confirmé par M. Y… lequel a déclaré que le paiement des factures anciennes représentait 2 à 3 % du montant total des fonds levés ; que de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a souverainement interprété les clauses ambiguës du prospectus, a pu déduire, peu important la nature juridique et le caractère temporaire ou définitif des utilisations de fonds non mentionnées dans le prospectus, que l’information délivrée n’était ni exacte, ni précise, ni sincère ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et deuxième moyens du pourvoi n° 15-29.098 ni sur le premier moyen, le troisième moyen, pris en sa quatrième branche, et le quatrième moyen du pourvoi n° 15-29.144, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société César et MM. Z… et Y… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société César et M. Z… à payer la somme globale de 3 000 euros à l’Autorité des marchés financiers et condamne M. Y… à payer la somme de 3 000 euros également à l’Autorité des marchés financiers ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits au pourvoi n° P 15-29.098 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Y….
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours formé par M. Y… à l’encontre de la décision de la Commission des sanctions l’ayant condamné à une sanction pécuniaire de 25 000 euros,
AUX MOTIFS QUE le manquement à l’article 223-1 du règlement général de l’AMF est imputable à César, ainsi qu’à MM. Daniel Z… et Gilles Y… qui ont signé le prospectus et s’en sont déclarés responsables ; que, selon l’article L 621-15 III c), dans sa rédaction applicable à la date des faits, la Commission peut prononcer des sanctions pécuniaires dont le montant ne pourra être supérieur à 100 millions d’euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés ; que l’omission de certaines informations dans le prospectus lors de la description de l’objet de l’augmentation de capital n’a pas permis aux investisseurs, confortés par l’engagement de garantie à hauteur de 75% souscrit par l’actionnaire principal, d’apprécier les risques liés au fait que leur investissement ne serait pas uniquement utilisé pour permettre à la société d’assurer la continuité de son activité, mais également pour payer des arriérés fournisseurs et pour rembourser une créance d’actionnaire d’un montant significatif, de sorte que le manquement qui en résulte est susceptible de porter atteinte à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement du marché ;
1 – ALORS QU’ aux termes de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée » ; que les dispositions de l’article L 621-15 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, applicable au litige et celles de l’article L 465-2 du même code, dans sa rédaction également issue de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010, en ce qu’elles n’excluent pas le cumul, pour les mêmes faits – la diffusion d’une fausse information – de poursuites devant la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers et devant le juge judiciaire, sont contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit et, notamment, au principe de nécessité des délits et des peines ; que la déclaration d’inconstitutionnalité de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige, par le Conseil constitutionnel, à venir en application de l’article 61-1 de la Constitution entraînera, par voie de conséquence, l’annulation de l’arrêt attaqué ;
2 – ALORS QUE nul ne peut encourir une double poursuite pénale pour des fait qui sont identiques ou qui sont en substance les mêmes ; que l’article L 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige, prévoit la poursuite et la sanction, de nature pénale au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, par l’Autorité des marchés financiers, de la diffusion de fausse information quand ce même fait peut également, aux termes de l’article L 465-2 du même code, être poursuivi et sanctionné pénalement par les autorités judiciaires ; qu’en rejetant néanmoins le recours formé à l’encontre de la décision par laquelle une sanction avait été prononcée par l’Autorité des marchés financiers, la cour d’appel a encore violé l’article 4 du Protocole n°7 à la Convention européenne des droits de l’homme et le principe ne bis in idem qu’il garantit ;
3 – ALORS QUE nul ne peut encourir une double poursuite pénale pour des fait qui sont identiques ou qui sont en substance les mêmes ; que l’article L 621-15 du code monétaire et financier, dans sa version applicable au litige, prévoit la poursuite et la sanction, de nature pénale au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, par l’Autorité des marchés financiers, de la diffusion de fausse information, quand ce même fait peut également, aux termes de l’article L 465-2 du même code, être poursuivi et sanctionné pénalement par les autorités judiciaires ; qu’en rejetant néanmoins le recours formé à l’encontre de la décision par laquelle une sanction avait été prononcée par l’Autorité des marchés financiers, la cour d’appel a également violé l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté le recours formé par M. Y… à l’encontre de la décision de la Commission des sanctions l’ayant condamné à une sanction pécuniaire de 25 000 euros,
AUX MOTIFS QUE Sur la créance de la société Biscalux, M. Y… prétend que ce serait M. Z… seul qui, à l’insu de tous, aurait décidé de procéder au remboursement de la somme de 1 million d’euros à la société Biscalux à l’aide des fonds levés ; (
) ; qu’il convient seulement de vérifier si la société César avait prévu, lors de la publication du prospectus, que, sur les fonds levés, par l’augmentation de capital, 1 million d’euros serait affecté au remboursement de la créance de la société Biscalux ; que ce remboursement a été effectué le 18 juillet 2011 par virement du compte BRED de la société César auquel seul M. Z… avait accès ; qu’il résulte d’un courrier adressé par la société Biscalux, le 24 février 2011 à la société César, que la société Biscalux consentait une avance de 1 million d’euros, à charge pour elle de lui rembourser cette avance, dès la réalisation de l’opération d’augmentation de capital ; que ce document indique : « Nous avons pris bonne note que l’augmentation de capital (
) sera retardée de plus d’un mois. Dans ces conditions, nous vous confirmons que nous acceptons de consentir une avance de 1 million d’euros pour faire le relais jusqu’à la réalisation de cette augmentation de capital. Bien entendu, cette avance relais devra nous être remboursée dès le débouclage de l’opération » ; que, dans son audition du 10 janvier 2014 par le rapporteur de la Commission des sanctions, Monsieur Z… a reconnu que le remboursement de l’avance de Biscalux était convenu au moment de la rédaction du prospectus : « Fin février, en raison des difficultés de trésorerie, j’ai consenti une nouvelle avance de 1 million d’euros, mais comme je garantissais également l’augmentation de capital, cette avance ne venait pas en plus. J’ai donc fait un courrier qui prévoyait le remboursement de cette avance avec les fonds de l’augmentation de capital. Ce courrier du 24 février 2011 était dans la comptabilité de Césaret a été trouvé par le directeur financier de César qui l’a transmis aux enquêteurs » ; que M. Z… était le signataire du courrier du 24 février 2011, en sa qualité de représentant légal de Biscalux ; que, par ailleurs, M. Z… a pris ses fonctions de président de directoire de César le lendemain de la rédaction de ce courrier, le 25 févier 2011 ; que c’est donc par d’exacts motifs que la Commission des sanctions a relevé « qu’au moment de la publication du prospectus, César avait déjà prévu que, sur les fonds levés par l’augmentation du capital, 1 million serait affecté au remboursement de la créance d’actionnaire de Biscalux » ; que les observations de M. Y… tendent à contester que cette branche du grief lui soit imputable ; qu’elles seront donc examinées avec l’imputabilité ;
1 – ALORS QUE dans son mémoire devant la cour d’appel, M. Y… contestait que la matérialité du grief soit établie ; que, rappelant que la Commission des sanctions avait retenu que le courrier du 24 février 2011 avait « force probante au stade de la caractérisation du manquement notifié », il relevait que l’AMF avait fait totalement l’impasse sur la question, pourtant essentielle de l’authenticité de ce courrier, précisant que si « comme le soutient Monsieur Gilles Y… et comme tout le laisse à penser, ce courrier n’a aucun caractère authentique en ce sens qu’il a été établi par M. Z… postérieurement à la publication du prospectus, à seule fin de justifier le virement à son profit d’un million d’euros et n’a jamais été transmis à la société César », « la question du caractère sincère ou non de l’information délivrée ne se pose plus », (mémoire en réponse, p.23 et 24) ; qu’en affirmant cependant, pour retenir l’existence du grief contestée, que « les observations de M. Y… tendent à contester que cette branche du grief lui soit imputable », la cour d’appel a dénaturé les écritures de M. Y… en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;
2 – ALORS QUE la culpabilité de la personne poursuivie ne peut être retenue que s’il est établi, au-delà de tout doute raisonnable, la réalité de l’infraction reprochée ; qu’en l’espèce, M. Y… faisait valoir, à l’appui de sa contestation de la réalité du grief allégué, que la Commission des sanctions s’était exclusivement fondée sur les dires et écrits de M. Z…, insuffisants à établir la preuve de ce grief ; qu’il relevait que ni M. D…, salarié de la société Aelium, auquel ce courrier aurait dû normalement parvenir, ni les commissaires aux comptes, ni personne d’autre n’avait eu connaissance de ce courrier, lequel ne mentionnait aucun destinataire nommément désigné, de sorte que toute preuve de son envoi comme de sa réception était impossible et que ce remboursement avait été effectué à partir d’un compte sur lequel M. Z… avait, seul, la signature au profit de la société Biscalux, société qu’il détenait, quelques jours seulement avant le dépôt de bilan de la société César ; qu’il observait encore, preuves à l’appui, d’une part, que M. Z… avait, dans un premier temps prétendu que le remboursement avait été effectué en exécution d’une « clause de remboursement » puis, sur demande de justification des enquêteurs de l’AMF, avait alors communiqué le courrier litigieux et, d’autre part, que le remboursement, comme le courrier le « justifiant », était en totale contradiction avec les engagements souscrits par M. Z…, que ce soit l’acte de cession du 26 janvier 2011 ou la convention de compte en date du 1er février 2011, (mémoire, p.24 à 26) ; qu’en se bornant, pour affirmer que l’existence du manquement était caractérisée, à relever que M. Z… avait reconnu, lors de son audition, que le remboursement de l’avance de Biscalux était convenu au moment de la rédaction du prospectus et que, signataire du courrier du 24 février 2011, en sa qualité de représentant légal de Biscalux, il avait pris ses fonctions de président de directoire de César le lendemain de la rédaction de ce courrier, le 25 févier 2011, sans rechercher, comme il lui était demandé et au regard de l’offre de preuve soumise, s’il n’existait pas un doute raisonnable quant à la véracité des dires et écrits de M. Z…, partant quant à la réalité du grief dont l’existence était contestée, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article 223-1 du règlement général de l’AMF, de l’article L 621-15 du code monétaire et financier, ensemble l’article 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
ET AUX MOTIFS QUE M. Y… allègue d’abord que le manquement qui lui est imputé ne repose sur aucune preuve tangible mais sur la simple supposition de sa connaissance du courrier du 24 février 2011 adressé par la société Biscalux à la société César, par lequel la première a consenti une avance de 1 million d’euros à la seconde et invoque le principe de personnalité des peines des articles 8 et 9 de la CESDH ; que si ce document a force probante pour caractériser le manquement de M. Z… et de la société César, il récuse toutefois qu’il puisse lui être opposé, n’étant ni signataire, ni destinataire de cette lettre et n’en ayant eu connaissance qu’au cours de l’enquête ; qu’il soutient qu’au moment de la publication du prospectus, il n’avait aucunement prévu de rembourser une quelconque créance d’actionnaire et se défend donc de tout manquement à l’article 223-1 du règlement général de l’AMF ; qu’enfin, il se prévaut de « circonstances particulières », en ce que du fait des agissements de M. Z… font il n’a pas eu connaissance, il s’est trouvé privé de « l’exercice total ou partiel de ses fonctions », ce qui l’exonérerait de toute culpabilité, même présumée, au titre du manquement prévu à l’article 223-1 précité ; (
) ; que M. Y… doit répondre des pratiques commises, en sa qualité de directeur général et membre du directoire de la société Cesar : qu’il a, en outre, signé le prospectus litigieux, s’en est déclaré responsable et a participé à son élaboration ;(
) ; que, s’agissant de la créance de Biscalux, il ne peut prétendre avoir été tenu dans l’ignorance d’un remboursement à celle-ci à l’aide des fonds levés, alors qu’il sollicitait luimême de M. Z…, dans un courriel adressé le 4 mai 2011, une avance