Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 23 octobre 2008), que la société International Risks management esc associates inc. (société IRM) dirigée par M. X…, d’une part, et la société Hightech bio activities HBA (société HBA) représentée par M. Y…, d’autre part, se sont rapprochées courant 2002 en vue de créer un partenariat pour la distribution au Canada d’un filtre » bio » décontaminant dénommé Bio screen, mis au point par la société HBA ; qu’après avoir porté dans un premier temps sur un accord de distribution, puis, dans un second temps, sur la création d’une société commune à laquelle serait confiée la distribution des produits, les pourparlers ont été rompus le 29 septembre 2003 ; que M. X… et la société IRM ont assigné la société HBA en dommages-intérêts pour rupture fautive de ces pourparlers ;
Attendu que M. X… et la société IRM reprochent à l’arrêt d’avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen :
1° / qu’en ne recherchant pas si le caractère fautif de la rupture des pourparlers, dont la cour d’appel a relevé qu’ils s’étaient poursuivis sur une longue période et avaient atteint un stade très avancé, ne résultait pas de ce que la société HBA avait ajouté tardivement, sans motif autre que celui de faire échouer les négociations, des exigences nouvelles qui bouleversaient l’équilibre contractuel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;
2° / qu’ayant relevé que M. X… avait été « fréquemment sollicité » et que les négociations avaient atteint un « stade très avancé », la cour d’appel qui n’a pas recherché s’il ne résultait pas de ces circonstances la croyance légitime de M. X… et de la société IRM en une issue favorable des négociations, de sorte que la décision brutale de la société HBA d’y mettre fin était fautive, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;
3° / que la société HBA avait tout au long des négociations présenté M. X… comme son représentant au Canada ; qu’en ne recherchant pas s’il ne résultait pas de ce comportement une faute, consistant à avoir fait apparaître, non seulement vis à vis des tiers mais vis à vis de M. X… et de la société IRM, la concrétisation de l’accord comme acquise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;
Mais attendu que l’arrêt relève qu’il n’est pas acquis que les parties avaient trouvé un accord sur les termes principaux du projet de » term sheet » (contrat) lorsque M. Y… a mis fin aux pourparlers le 29 septembre 2003, la nature même de l’accord concernant la création d’une société commune de distribution ayant été profondément modifiée deux mois auparavant puisque la société HBA avait été substituée par la société R & D dont M. Y… était actionnaire et que de nombreux points, notamment sur la propriété des actions de la société à créer, les pouvoirs attachés à celles-ci et l’existence d’un droit de veto, restaient en discussion fin août 2003 ; qu’il retient encore que la négociation sur la création de cette société n’a duré en réalité que deux mois, que la densité et l’âpreté des échanges montrent que les points en discussion, qui portaient sur le contrôle effectif de la société à créer et sur lesquels aucun accord n’a été trouvé, étaient pour les parties de la plus haute importance, et note que, dans un courrier adressé à M. Y… le 13 septembre 2003, M. X… faisait lui-même état des » désaccords profonds » subsistant entre eux, et de » certains éléments inacceptables » risquant » de faire très sérieusement échouer notre contrat » ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que M. X…, comme la société IRM étaient conscients des désaccords subsistants sur des éléments essentiels de la négociation, et que la société HBA n’avait pas commis de faute, la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X… et la société International Risk management aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. X… et la société International Risk management
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté les demandes de condamnation formées contre Monsieur Y… et la société HIGHTECH BIO ACTIVITIES,
AUX MOTIFS QU’il n’est pas contestable que Monsieur X… s’est engagé sur une longue période de 15 mois, qu’il a bénéficié d’une abondante documentation, couverte par un engagement de confidentialité, que les négociations ont été très avancées, rythmées notamment par de nombreux projets de « term sheet » échangés entre les parties et que Monsieur X… a été fréquemment sollicité par Monsieur Y… ; que cet engagement fort correspond certainement à l’espoir légitime que Monsieur X… évoque dans ses écritures, il n’est cependant pas en lui-même générateur de responsabilité lorsque le résultat espéré n’est pas atteint ; qu’il n’est certainement pas acquis que les parties aient trouvé un accord sur les termes principaux du projet de « term sheet » lorsque Monsieur Y… a mis fin aux pourparlers ; que dans un premier temps, fin juillet 2003, et selon les seules affirmations de Monsieur X…, la décision d’un tiers en l’occurrence la société SCHNEIDER, a conduit les parties à modifier en profondeur la nature même de l’accord en envisageant la création d’une société dans laquelle la société HIGHTECH BIO ACTIVITIES n’apparaissait plus, même si l’on peut considérer qu’elle était concernée par ces négociations puisqu’il s’agissait d’organiser la distribution de ses produits sur le territoire canadien ; que la négociation sur la création d’une société hors la présence de la société HIGHTECH BIO ACTIVITIES n’a en réalité duré que deux mois, le courriel du 19 juillet 2003 antérieur à la substitution de la société HIGHTECH BIO ACTIVITIES par la société R & D ne pouvant pas marquer, comme le soutient Monsieur X…, la manifestation d’un accord ; que le courriel du 23 juillet ne peut pas davantage laisser augurer une issue quasiment certaine alors que Monsieur Y… demandait à Monsieur X… comment, entre autres points, il voyait la propriété des actions ajoutant qu’une « fois que nous aurons toutes ces informations, nous pourrons discuter et avancer sur le processus légal » ; que la propriété des actions et les pouvoirs attachés à celles-ci restaient en discussion ; que les clauses acceptées ultérieurement par Monsieur X… sur les droits de veto ou la suppression de droit de préférence montrent l’intérêt des points en discussion ; que la télécopie du 18 août 2003 montre encore l’importance des discussions, Monsieur Y… s’opposant à la tacite reconduction du contrat et souhaitant un droit de veto au bénéfice de son frère et associé au sein de la société R & D ; que les nouvelles versions du « term sheet » du 25 août, proposée par Monsieur Y…, du 8 septembre proposée par Monsieur X… et tenant compte d’un accord verbal du 13 août dont la réalité n’est pas démontrée, et du 15 septembre proposée par Monsieur Y… n’ont pas permis aux parties de trouver un accord définitif, Monsieur Y… rompant définitivement les pourparlers le 29 septembre 2003 ; que la densité des discussions, leur âpreté apparente, montrent que les points en discussion portant sur les pouvoirs respectifs des actionnaires et donc sur le contrôle effectif de la société étaient pour les parties de la plus haute importance et qu’elles ne sont pas parvenues à trouver un accord ; que Monsieur X… en avait pleinement conscience lorsqu’il écrivait le 13 septembre 2003 à Monsieur Y… : « mais à ce stade crucial de notre négociation, comme des désaccords profonds subsistent entre nous, il est absolument impératif que tu reçoives ma last version Monday morning Paris time ; après quatre mois de négociations ! cette version finale va t’expliquer clairement tes incompréhensions et définitivement te démontrer les ultimes concessions faites pour une proposition « fair and just for both ». Certains éléments inacceptables risquent de faire très sérieusement échouer notre contrat ! il est inutile de s’en parler par téléphone ? les écrits restent, les paroles s’envolent » ; que Monsieur X… ne démontre pas que la société HIGHTECH BIO ACTIVITIES ou Monsieur Y… aient agi de mauvaise foi alors que la rupture des pourparlers ne résulte selon ses propres écrits que de l’impossibilité de parvenir à un accord ; qu’il n’est pas davantage démontré que les résultats des tests effectués par la NSF même si Monsieur Z… en a manifestement apprécié l’importance, aient joué un quelconque rôle causal dans la rupture des relations ; qu’il n’est pas démontré que la rupture des pourparlers ait été abusive et il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris, ces motifs se substituant à ceux exprimés par les premiers juges, en ce qu’il a débouté Monsieur X… et la société INTERNATIONAL RISK MANAGEMENT de leurs demandes formées à l’encontre de la société HIGHTECH BIO ACTIVITIES et de débouter Monsieur X… et la société INTERNATIONAL RISK MANAGEMENT de leurs demandes formées pour la première fois en cause d’appel à l’encontre de Monsieur Y…,
1) ALORS QU’en ne recherchant pas si le caractère fautif de la rupture des pourparlers, dont la cour d’appel a relevé qu’ils s’étaient poursuivis sur une longue période et avaient atteint un stade très avancé, ne résultait pas de ce que la société HIGHTECH BIO ACTIVITIES avait ajouté tardivement, sans motif autre que celui de faire échouer les négociations, des exigences nouvelles qui bouleversaient l’équilibre contractuel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;
2) ALORS QU’ayant relevé que Monsieur X… avait été « fréquemment sollicité » et que les négociations avaient atteint un « stade très avancé », la cour d’appel qui n’a pas recherché s’il ne résultait pas de ces circonstances la croyance légitime de Monsieur X… et de la société INTERNATIONAL RISK MANAGEMENT en une issue favorable des négociations, de sorte que la décision brutale de la société HIGHTECH BIO ACTIVITIES d’y mettre fin était fautive, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;
3) ALORS QUE la société HIGHTECH BIO ACTIVITIES avait tout au long des négociations présenté Monsieur X… comme son représentant au Canada (conclusions Monsieur X… et société INTERNATIONAL RISK MANAGEMENT p. 48, production) ; qu’en ne recherchant pas s’il ne résultait pas de ce comportement une faute, consistant à avoir fait apparaître, non seulement vis à vis des tiers mais vis à vis de Monsieur X… et de la société INTERNATIONAL RISK MANAGEMENT, la concrétisation de l’accord comme acquise, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil.