Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Joint les pourvois n° N 15-28. 683, U 16-10. 339 et Z 16-10. 344 qui attaquent le même arrêt ;
Donne acte à la Sel X…, en la personne de M. Frédéric X…, en sa qualité d’administrateur judiciaire de la société Financière et immobilière Bernard Y…(la société FIBT), et de la société Groupe Bernard Y… (la société GBT), et à la société BTSG, en la personne de M. Stéphane B…, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société FIBT et de la société GBT, de leur intervention et de ce qu’ils s’associent aux pourvois n° N 15-28. 683, U 16-10. 339 et Z 16-10. 344 ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 décembre 2015), que M. Y… et Mme C…, son épouse, avaient organisé leurs activités et leur patrimoine en recourant à deux sociétés en nom collectif dont ils étaient les seuls associés, la société FIBT et la société GBT ; que tandis que la première regroupait les divers actifs patrimoniaux des époux, la seconde détenait la majorité du capital de la société anonyme Bernard Y… finance (la société BTF SA), elle-même détentrice des participations industrielles du groupe et notamment de celle acquise en juillet 1990 et janvier 1991, par l’intermédiaire de la société allemande BTF GmbH et avec le concours financier de la Société de banque occidentale (la SDBO), dans le capital de la société Adidas ; que M. Y… ayant décidé de cesser ses activités industrielles et commerciales, les sociétés GBT, FIBT et BTF SA ont, les 10 et 16 décembre 1992, conclu avec la SDBO un » mémorandum » puis une » lettre d’engagement » aux termes desquels la société BTF SA s’engageait de manière irrévocable à vendre, au plus tard le 15 février 1993 et pour un prix fixé à 2 085 000 000 francs, à toutes sociétés désignées par la SDBO et à première demande de celle-ci, la totalité de ses parts représentant 78 % du capital de la société BTF GmbH ainsi qu’à affecter l’intégralité du prix à percevoir de cette cession au remboursement des concours ayant bénéficié aux trois sociétés, lesquelles devaient par ailleurs fusionner au sein d’une société nouvelle ; que ce même 16 décembre 1992, la société BTF SA a confié à la SDBO, pour la même durée, le mandat irrévocable de solliciter des acquéreurs et de recevoir le prix ; que les cessions prévues sont intervenues le 12 février 1993 au profit de huit sociétés, parmi lesquelles la société Clinvest, filiale de la société Crédit lyonnais (le Crédit lyonnais), qui, alors qu’elle était déjà titulaire de 10 % du capital de la société BTF GmbH, en a acquis 9, 9 % supplémentaires, et une société constituée par M. D…, à l’aide pour certaines d’entre elles d’un prêt spécifique dit » à recours limité » accordé par le Crédit lyonnais et stipulant notamment qu’en cas de revente, la plus-value serait partagée à raison d’un tiers pour l’emprunteur et de deux tiers pour la banque ; que le même jour, l’ensemble des cessionnaires a, par ailleurs, consenti à M. D…, jusqu’au 31 décembre 1994, une option d’achat de leurs acquisitions respectives pour le prix de 3 498 000 000 francs, option qui a été levée le 22 décembre 1994 ; que le mémorandum n’ayant pu être exécuté, non plus que le protocole signé le 13 mars 1994 avec le Crédit lyonnais pour mettre fin aux relations bancaires des intéressés et solder les comptes du groupe Y…, les prêts accordés à celui-ci ont été rendus exigibles ; que les sociétés du groupe Y… ont alors fait l’objet de procédures de redressement puis de liquidation judiciaires, bientôt poursuivies sous patrimoine commun, à l’exception de la société BTF SA qui, bénéficiant d’un plan de continuation, est devenue la Compagnie européenne de distribution et de pesage dont les actions ont été attribuées à la SDBO ; que reprochant au Crédit lyonnais et à la SDBO d’avoir abusivement soutenu le groupe Y…et frauduleusement conclu, dès le mois de décembre 1992, » un accord secret de revente au double » avec M. D…, les organes des procédures collectives ont recherché la responsabilité du Crédit lyonnais et de la SDBO ; qu’après avoir déclaré la société Mandataires judiciaires associés (la société MJA) et M. F…recevables à agir en leur qualité de liquidateurs des sociétés GBT, FIBT, BTF SA et Bernard Y… gestion (la société BT gestion) ainsi que de M. et Mme Y…, en réparation du préjudice subi par la société GBT et dit que, bien que n’ayant pas été partie au mandat, le Crédit lyonnais était obligé par celui-ci, un arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 septembre 2005 a condamné solidairement la société CDR créances, nouvelle dénomination de la SDBO, et le Crédit lyonnais à payer aux liquidateurs la somme de 135 millions d’euros pour avoir manqué à leurs obligations de mandataires et pour avoir fait perdre au groupe Y…, en ne le faisant pas bénéficier des crédits appropriés, une chance de vendre directement les participations Adidas à M. D… ; que sur les pourvois de la société CDR créances et du Crédit lyonnais, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a, par un arrêt du 9 octobre 2006, rejeté les moyens qui critiquaient la décision en ce qu’elle avait déclaré recevable l’action des liquidateurs, mais cassé l’arrêt attaqué du chef des condamnations prononcées contre la société CDR créances et le Crédit lyonnais, aux motifs, en ce qui concerne la condamnation du Crédit lyonnais, que le mandat n’avait été conclu qu’avec la SDBO et que la cour d’appel n’avait caractérisé ni une fictivité de celle-ci, ni une confusion de patrimoine entre elle et le Crédit lyonnais, ni une éventuelle immixtion de ce dernier dans l’exécution du mandat, et, en ce qui concerne la responsabilité de la société CDR créances et du Crédit lyonnais, que le mandataire n’était nullement tenu de financer l’opération pour laquelle il s’entremettait ; que l’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel de Paris ; qu’à l’automne 2007, outre cette action, plusieurs autres litiges étaient en cours entre, d’une part, les liquidateurs et M. et Mme Y…, et d’autre part, la société CDR créances et la société CDR consortium de réalisation (anciennement société CDR participations, anciennement société Clinvest), sociétés dites de » défaisance » de certains actifs du Crédit lyonnais, à savoir, l’action de la société CDR créances en remboursement du prêt octroyé le 30 juin 1992 à la société Alain Colas Tahiti (la société ACT) pour la rénovation du navire » Le Phocea « , l’action en responsabilité délictuelle pour soutien abusif et rupture abusive de concours bancaires, et l’action en responsabilité à raison des conditions dans lesquelles était intervenue la liquidation judiciaire des membres du groupe Y…; que, le 16 novembre 2007, les liquidateurs, M. et Mme Y… et les sociétés CDR créances et CDR consortium de réalisation (les sociétés CDR) ont signé un compromis qui prévoyait que ces contentieux, ainsi que celui portant sur l’ordonnance d’attribution des actions de la société BTF SA, donneraient lieu à des désistements d’instance et seraient soumis à l’arbitrage de trois arbitres nommément désignés, qui seraient tenus par l’autorité de la chose jugée des décisions de justice » définitives » précédemment rendues et statueraient en faisant application de la loi française et des règles de procédure des articles 1640 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction alors en vigueur ; que, par une sentence du 7 juillet 2008, le tribunal arbitral a dit que les sociétés CDR avaient commis deux fautes ayant consisté dans la violation de l’obligation de loyauté et dans la violation de l’interdiction de se porter contrepartie, les a condamnées solidairement à payer aux liquidateurs, ès qualités, la somme de 240 millions d’euros, outre les intérêts, a fixé à 45 millions d’euros le préjudice moral des époux Y… et à 8 448 529, 29 euros les dépenses engagées sur frais de liquidation ; que trois autres sentences ont été rendues par les arbitres le 27 novembre 2008, dont l’une a statué sur les frais de liquidation et les deux autres sur des requêtes en interprétation de la sentence principale ; que les sociétés CDR ayant formé un recours en révision, la cour d’appel, par un arrêt du 17 février 2015, a ordonné la rétractation des sentences et invité les parties à conclure sur le fond ; qu’un pourvoi formé contre cet arrêt par les sociétés GBT et FIBT et M. et Mme Y… a été rejeté par un arrêt de la Cour de cassation du 30 juin 2016 ; que la société GBT a été mise en sauvegarde le 30 novembre 2015, et cette procédure étendue à la société FIBT le 3 décembre 2015, la société X… étant désignée administrateur et la société BTSG, mandataire judiciaire ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi n° Z 16-10. 344, en tant que formé par M. et Mme Y… :
Attendu que M. et Mme Y… font grief à l’arrêt de déclarer irrecevables les demandes de M. Y… tendant à la condamnation des sociétés CDR à des dommages-intérêts pour des fautes commises à l’occasion de la vente des titres de la société BTF GmbH ainsi que pour la rupture brutale de crédit et le » recouvrement abusif de créances » alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d’appel qui, saisie d’un recours en révision contre une sentence arbitrale la rétracte, statue au fond dans la limite de la mission des arbitres ; que l’arrêt constate que la mission des arbitres était définie par le compromis d’arbitrage du 16 novembre 2007, si bien qu’en statuant sur la qualité pour agir de M. Y… au regard de l’article L. 641-9 du code de commerce sans se référer sur ce point aux dispositions du compromis d’arbitrage, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1491 du code de procédure civile ;
2°/ que l’arrêt constate que le compromis d’arbitrage comportait une clause énonçant que les arbitres seraient liés par » les attendus définitifs de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 septembre 2005 » ; que cet arrêt avait rejeté le moyen d’irrecevabilité soulevé par les sociétés CDR sur le fondement de l’article L. 622-9 ancien du code de commerce et déclaré recevable l’intervention volontaire de M. et Mme Y…, si bien qu’en déclarant M. Y… irrecevable, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs ;
3°/ que, pour les mêmes raisons, la cour d’appel, qui a méconnu le droit au recours de M. Y…, a violé l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l’arrêt relève que les sentences litigieuses, rétractées par l’arrêt du 17 février 2015, ont été rendues sur le fondement d’un compromis d’arbitrage conclu le 16 novembre 2007 stipulant, en son article 7. 1, que le tribunal arbitral serait tenu notamment par les » attendus définitifs » de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 septembre 2005, et constate que cet arrêt a déclaré recevable, d’un côté, l’action engagée par la Selafa MJA, représentée par M. G…, et par M. F…, en leur qualité de liquidateurs de M. Y…, laquelle tendait à la réparation des préjudices matériel et moral subis notamment par M. Y…, et, de l’autre, l’intervention volontaire accessoire de M. Y… ; qu’il en résulte que c’est sans méconnaître les stipulations du compromis définissant l’étendue de ses pouvoirs ni priver M. Y…, débiteur dessaisi de l’administration et de la disposition de ses biens et représenté par son liquidateur, d’un droit au recours effectif, que l’arrêt retient que M. Y… est dépourvu de qualité pour demander la condamnation des sociétés CDR à lui verser diverses sommes en réparation du préjudice matériel qu’il estime avoir subi en raison des fautes qu’elles auraient commises à l’occasion de la cession des titres de la société BTF GmbH, de la rupture des crédits et du recouvrement abusif des créances ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen du pourvoi n° N 15-28. 683 :
Attendu que la Selafa MJA, en la personne de M. G…, ès qualités, et la Selarl EMJ, en la personne de M. F…, ès qualités, font grief à l’arrêt de déclarer irrecevables les demandes faites au titre du contentieux ACT alors, selon le moyen, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en jugeant qu’elle ne pourrait connaître de la demande des liquidateurs tendant à obtenir la restitution par la société CDR créances de la somme perçue de la vente du bateau Le Phocea séquestrée par l’établissement de crédit au prétexte que la qualification de créance antérieure à la procédure collective relèverait, par application d’une règle d’ordre public, de la seule compétence du juge de cette procédure et que le compromis d’arbitrage qui déterminait les limites de sa saisine ne pouvait porter sur ce point, quand il n’était pas prétendu que la demande des liquidateurs se heurterait à la détermination préalable de la nature de la créance de restitution invoquée par la société CDR créances et serait soumise aux mêmes règles, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu que dès lors que les liquidateurs de la société ACT avaient soulevé l’irrecevabilité de la demande en paiement de la créance présentée par la société CDR créances en raison de l’interdiction de compromettre sur la compétence du juge de la procédure collective pour statuer sur la qualification de la créance et son éligibilité à la règle du paiement à l’échéance prévue par l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985, le moyen d’irrecevabilité de la demande de restitution des sommes séquestrées en vertu de l’hypothèque garantissant la créance en cause formée par les liquidateurs, tiré de la même interdiction et retenu par la cour d’appel, était dans le débat ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi n° U 16-10. 339, le quatrième moyen du pourvoi n° Z 16-10. 344 en tant que formé par la société GBT, et le sixième moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches du même pourvoi en tant que formé par M. et Mme Y…, réunis :
Attendu que les sociétés FIBT et GBT, et M. et Mme Y… font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes tendant à la condamnation des sociétés CDR à payer des dommages-intérêts pour des fautes commises à l’occasion de la vente des titres de la société BTF GmbH alors, selon le moyen :
1°/ qu’à défaut d’autorisation expresse, la seule connaissance par le mandant des liens unissant le mandataire chargé de vendre un bien et l’acquéreur n’est pas de nature à lever l’interdiction pour le mandataire de se rendre, lui-même ou par personne interposée, acquéreur du bien pour la vente duquel il a été mandaté ; qu’en écartant la faute de la SDBO, mandataire, filiale du Crédit lyonnais, au seul motif que le mandant, la société BTF SA, aurait eu connaissance de ce que la société Clinvest, autre entité du groupe Crédit lyonnais, entendait se porter acquéreur des titres de la société BTF GmbH, la cour d’appel a violé l’article 1596 du code civil ;
2°/ que la connaissance par le mandant de ce que le mandataire se porte acquéreur du bien qu’il est chargé de vendre n’est de nature à lever l’interdiction faite au mandataire d’acquérir, lui-même ou par personne interposée, ce bien qu’autant que l’information dont il dispose est complète ; qu’en se bornant à retenir, pour écarter la faute du mandataire, la société SDBO, filiale du Crédit lyonnais, que la société BTF SA avait eu connaissance de ce que la société Clinvest, autre filiale du Crédit lyonnais, entendait se porter acquéreur d’une partie des titres de la société BTF GmbH, sans rechercher si la société BTF SA avait une connaissance exacte des participations prises par le Crédit lyonnais, via la société Oméga Ventures Ltd qui se portait également acquéreur de 19, 9 % des titres, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1596 du code civil ;
3°/ que la connaissance par le mandant de ce que le mandataire se porte acquéreur du bien qu’il est chargé de vendre n’est de nature à lever l’interdiction faite au mandataire d’acquérir, lui-même ou par personne interposée, ce bien qu’autant que l’information dont il dispose est complète ; qu’en se bornant à retenir, pour écarter la faute du mandataire, la société SDBO, filiale du Crédit lyonnais, que la société BTF SA avait eu connaissance de ce que la société Clinvest, autre filiale du Crédit Lyonnais, entendait se porter acquéreur d’une partie des titres de la société BTF GmbH, sans rechercher si le mandant avait connaissance des intérêts pris par le mandataire à l’occasion du montage organisé par le Crédit lyonnais qui, via des sociétés de portage auxquelles il avait accordé des prêts participatifs lui garantissant jusqu’à près de 80 % des plus-value en cas de revente et faisant peser sur lui les risques de perte de valeur des titres, en sorte que ce dernier était le seul bénéficiaire de la vente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1596 du code civil ;
4°/ que le mandataire ne peut acquérir le bien qu’il est chargé de vendre, non seulement lui-même personnellement, mais encore par personne interposée ; qu’en se bornant à retenir, pour écarter toute faute du mandataire, la SDBO, que cette dernière n’était pas dispensatrice des prêts à recours limité accordés par le Crédit lyonnais aux cessionnaires, sans rechercher si le Crédit lyonnais, qui avait imaginé un montage pour s’assurer la captation des plus-values des parts revendues à un prix supérieur au double de leur prix, ne s’était pas porté acquéreur par personne morale interposée des titres qu’elle était chargée de vendre, via sa filiale à 100 %, la SDBO, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1596 du code civil ;
5°/ que s’analyse en une contrepartie prohibée celle prise, dans le cadre d’une politique de groupe, par une société mère à l’occasion de l’exécution par sa filiale à 100 %, présumée à ce titre être sous son influence, à l’occasion du mandat confié à cette dernière ; qu’en se bornant néanmoins à opposer que les prêts participatifs avaient été consentis aux cessionnaires par le Crédit lyonnais, personne morale distincte de la SDBO, sa filiale à 100 % et à ce titre présumée être sous l’influence de la première, sans rechercher si ces deux sociétés n’avaient pas agi dans le cadre d’une politique de groupe, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1596 du code civil ;
6°/ que la connaissance par le mandant de ce que le mandataire se porte acquéreur du bien qu’il est chargé de vendre n’est de nature à lever l’interdiction faite au mandataire d’acquérir, lui-même ou par personne interposée, ce bien qu’autant que l’information dont il dispose est complète et pertinente ; que pour opposer à la société FIBT la connaissance qu’avait le mandant de la présence de la société Clinvest parmi les cessionnaires des parts sociales litigieuses, la cour d’appel s’est fondée sur des documents préparatoires à une cession des titres impliquant notamment des sociétés de droit luxembourgeois ; que cependant, la cour d’appel a elle-même relevé qu’aucune société de droit luxembourgeois ne comptait parmi les cessionnaires ; qu’il s’en déduisait que les documents sur lesquels la cour d’appel s’est fondée étaient relatifs à un autre projet de cession que celui qui s’est effectivement réalisé ; qu’en se fondant néanmoins sur ces documents pour retenir la connaissance par la société BTF SA de l’identité des cessionnaires, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l’article 1596 du code civil ;
7°/ que la connaissance par le mandant de ce que le mandataire se porte acquéreur du bien qu’il est chargé de vendre n’est de nature à lever l’interdiction faite au mandataire d’acquérir ce bien, lui-même ou par personne interposée, qu’autant que l’information dont il dispose est complète et pertinente ; que pour opposer à la société FIBT la connaissance qu’avait le mandant de la présence de la société Clinvest parmi les cessionnaires des parts sociales litigieuses, la cour d’appel s’est fondée sur une télécopie du conseil de la société BTF SA, adressée au président de celle-ci, dont elle a retenu que son auteur indiquait qu’il lui manquait certaines données, notamment, la répartition précise des parts achetées, ainsi que l’identité et l’actionnariat de certains acquéreurs ; qu’en jugeant néanmoins qu’il ressortait de ce document que la société BTF SA avait connaissance de l’identité des cessionnaires, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article 1596 du code civil ;
8°/ que l’interdiction faite au mandataire d’acquérir le bien qu’il est chargé de vendre ne cède que lorsque le mandant donne son autorisation expresse, ou pour le moins son consentement éclairé à la vente au profit du mandataire ; qu’il importe peu que le mandataire n’ait pas agi à l’insu du mandant ; qu’en jugeant le contraire, la cour d’appel a violé l’article 1596 du code civil ;
9°/ que l’arrêt attaqué, qui s’est borné à retenir que la société BTF SA avait accepté que les cessionnaires puissent être de « discrètes émanations » de trois établissements financiers, mais qui n’a pas recherché si la société BTF SA avait donné son consentement éclairé à ce que l’acquéreur fût, par sociétés interposées et au résultat de montages opaques, la SDBO elle-même, est dépourvu de base légale au regard de l’article 1596 du code civil ;
10°/ que la fraude corrompt tout ; que M. et Mme Y… faisaient valoir que les sociétés du groupe Crédit lyonnais, en mettant en oeuvre un montage leur faisant acquérir, elles-mêmes et par l’intermédiaire de sociétés offshores interposées, les parts sociales qu’elles étaient chargées de vendre et en signant simultanément une promesse de vente pour un prix deux fois supérieur à celui versé au vendeur, avaient ensemble mis en place un montage frauduleux en vue de les dépouiller et leurs sociétés de la véritable valeur de la société BTF GmbH, si bien qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’adage fraus omnia corrumpit ;
11°/ que M. et Mme Y… soutenaient que, ainsi que l’avait constaté la cour d’appel dans son arrêt du 30 septembre 2005, les sociétés acheteuses n’étaient que cessionnaires apparentes des titres dans le cadre d’une opération frauduleuse de portage destinée à permettre au mandataire de capter, à l’insu du vendeur, la plus value du bien qu’il était chargé de vendre, si bien qu’en se bornant à énoncer que les dirigeants de la société BTF SA savaient que les acquéreurs apparents étaient la société Clinvest, les AGF et la banque Worms, la cour d’appel, en ne se prononçant pas sur la simulation invoquée, n’a pas répondu au moyen dont elle était saisie, violant ainsi l’article 455 du code de procédure civile ;
12°/ que M. et Mme Y… faisaient valoir qu’il résultait des pièces versées aux débats que, en réalité, les sociétés de portage n’avaient ni payé le prix initial, ni remboursé le montant correspondant mais avaient seulement perçu la rémunération de leur participation à l’opération, si bien qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que l’arrêt relève, d’un côté, que la SDBO n’était pas la dispensatrice des prêts à recours limité, et de l’autre, que le projet d’acte de cession des titres de la société BTF GmbH avait été préparé par le propre avocat de la société BTF SA, et transmis à celle-ci par fax le 27 janvier 1993, que ce projet mentionnait, en qualité d’acquéreurs, la société Clinvest, les AGF et d’autres sociétés, dont des sociétés luxembourgeoises, que l’auteur du courrier de transmission indiquait qu’il lui manquait certaines données, notamment, la répartition précise des parts achetées, ainsi que l’identité et l’actionnariat des sociétés luxembourgeoises, et que cet avocat avait confirmé, par télécopie du 26 janvier 1993 adressée à la société BTF SA, un accord téléphonique sur la facturation d’un forfait à titre d’honoraires pour la rédaction du protocole de la vente des parts sociales de la société BTF GmbH aux sociétés Clinvest, AGF, Worms et leurs affiliées luxembourgeoises, qui devait intervenir le 29 janvier 1993 ; que l’arrêt retient ensuite que, dans les semaines précédant la vente qui a été signée le 12 février 1993, la liste des acquéreurs n’était pas définitivement arrêtée, mais qu’il était clair pour les dirigeants de la société BTF SA qu’il s’agissait des sociétés Clinvest, AGF et Worms, auxquelles liberté était laissée de déterminer les conditions dans lesquelles, directement ou par leurs affiliées, elles apparaîtraient à l’acte ; qu’il retient encore qu’il résulte des conditions d’élaboration de l’acte de vente des titres que les sociétés Clinvest, AGF et Worms recueillaient ouvertement aux yeux de la société BTF SA les risques mais aussi les profits éventuels de l’opération et faisaient par conséquent leur affaire de la reprise de la société Adidas ; qu’il ajoute que le secret entourant l’opération ne concernait pas la société BTF SA qui avait accepté que les cessionnaires puissent être les trois établissements financiers et leurs discrètes émanations, qu’en revanche, le recours à une pluralité d’acquéreurs et la confidentialité se justifiaient par le souci de ne pas faire entrer la société Adidas dans le secteur public et de ne pas attirer l’attention sur ce qui pouvait être, et a été, en effet, regardé par la presse comme une faveur consentie à un ministre en exercice par des banques publiques qui endossaient l’intégralité des risques de l’opération ; que de ces constatations et appréciations, excluant la fraude invoquée par la dixième branche, la cour d’appel a pu déduire que la société BTF SA avait donné son consentement éclairé à la vente des titres à son mandataire, directement ou par personnes interposées ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le cinquième moyen du pourvoi n° U 16-10. 339, le cinquième moyen du pourvoi n° Z 16-10. 344 en tant que formé par la société GBT, et le sixième moyen, pris en sa cinquième branche, du même pourvoi en tant que formé par M. et Mme Y…, réunis :
Attendu que les sociétés FIBT et GBT, et M. et Mme Y…, font le même grief à l’arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut modifier les termes du litige fixé par les conclusions des parties ; qu’en affirmant que la société FIBT opposait aux sociétés CDR un manquement de la SDBO à son obligation de loyauté tenant au fait d’avoir refusé à la société BTF SA les crédits consentis aux cessionnaires quand la société FIBT fondait le manquement du mandataire à son obligation de loyauté sur la fraude consistant pour la SDBO et le Crédit lyonnais, d’une part, à organiser, le jour même de la cession, une revente des parts cédées à un prix supérieur de plus du double du prix de cession et, d’autre part, à financer l’acquisition des parts par le cessionnaire au moyen de prêts participatifs lui permettant de capter jusqu’à 80 % de la plus-value faite à l’occasion de cette revente, la cour d’appel a modifié l’objet du litige en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que le mandataire est tenu à l’égard du mandant à un devoir de loyauté qui lui interdit notamment de participer directement ou indirectement à une fraude aux droits de celui-ci ; qu’en écartant tout manquement de la SDBO à son obligation de loyauté sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si celle-ci n’avait pas participé à une fraude consistant pour la société mère, le Crédit lyonnais, d’une part, à organiser, le jour même de la cession, une revente des parts cédées à un prix supérieur de plus du double du prix de cession et, d’autre part, à financer l’acquisition des parts par le cessionnaire au moyen de prêts participatifs lui permettant de capter plus de 80 % de la plus-value faite à l’occasion de cette revente, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;
3°/ que le mandataire doit révéler au mandant toute information utile ; qu’en se bornant, pour écarter tout manquement à l’obligation de loyauté de la SDBO, à retenir que celle-ci n’était pas tenue d’accorder à la société BTF SA des crédits comparables à ceux qui étaient accordés aux cessionnaires, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque avait néanmoins informé son client de l’octroi de tels financements aux cessionnaires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;
4°/ que le mandataire doit révéler au mandant toute information utile ; qu’en écartant tout manquement de la SDBO à son devoir d’information, au motif que le mandant connaissait les prévisions de valorisations d’Adidas, sans rechercher si la SDBO avait informé la société BTF SA de ce qu’elle avait trouvé un acquéreur pour un prix supérieur à plus du double de celui de la cession, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;
5°/ que le mandataire doit révéler au mandant toute information utile ; qu’en écartant tout manquement de la SDBO à son devoir d’information, sans rechercher si celle-ci avait informé le mandant de ce que la cession qu’elle organisait était financée au moyen de prêts participatifs par lesquels le Crédit lyonnais, d’une part, garantissait les cessionnaires contre les risques de perte de valeur des titres et, d’autre part, s’assurait l’essentiel des bénéfices tirées de la plus-value faite sur la revente des titres, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;
6°/ que le juge est tenu d’apprécier la valeur des éléments qui lui sont soumis ; qu’en refusant d’examiner les éléments produits par les parties, postérieurs au fait, prétexte pris d’un risque de subjectivité et d’incomplétude, sans se prononcer sur la valeur probante de chacun de ces documents, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs au regard de l’article 7 du code de procédure civile ;
7°/ que le mandataire est tenu d’un devoir de loyauté envers le mandant dans l’exécution de sa mission ; qu’en l’espèce la société GBT reprochait à la SDBO de ne pas l’avoir informée qu’elle fournissait à des tiers les financements nécessaires pour recueillir les fruits du redressement d’Adidas ; qu’en se bornant à relever, pour écarter ce moyen, que la SDBO n’avait pas d’autre engagement que ceux souscrits en vertu du mémorandum de 10 décembre 1992 et des actes subséquents, quand le devoir de loyauté est inhérent à la qualité de mandataire, la cour d’appel s’est fondée sur un motif impropre à justifier la solution retenue et, partant, a violé l’article 1992 du code civil ;
8°/ que le mandataire est tenu d’un devoir de loyauté envers le mandant dans l’exécution de sa mission ; que le projet d’acte de vente, s’il apprenait au conseil de la société BTF SA que les acquéreurs de la participation dans la société BTF GmbH pouvaient être des sociétés affiliées à la société Clinvest, aux AGF et la banque Worms ne révélait pas à la société BTF SA le profit qu’elles retiraient de l’opération, par le truchement des prêts participatifs consentis par le Crédit lyonnais ; qu’en se fondant néanmoins sur les conditions de l’élaboration de l’acte de vente pour écarter tout manquement de la SDBO à son obligation d’information, la cour d’appel a violé l’article 1992 du code civil ;
9°/ qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée par la société GBT dans ses conclusions, si la SDBO avait informé la société BTF SA qu’une promesse de vente devait être consentie à M. Robert D… … le même jour que la vente par la société BTF SA de sa participation dans la société BTF GmbH, à un prix sensiblement plus élevé, ce qui était de nature à éclairer la société BTF SA sur la valorisation d’Adidas, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1992 du code civil ;
10°/ que, dans ses écritures, la société GBT imputait à faute à la SDBO, non seulement une violation de l’interdiction de se porter contrepartie et un manquement à l’obligation de conseil et d’information, mais encore un dol au sens de l’article 1150 du code civil ; qu’en omettant de répondre à ce moyen déterminant, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
11°/ que les époux Y… ne prétendaient pas que la banque mandataire aurait eu l’obligation de leur consentir un prêt à recours limité mais soutenaient que l’obligation de loyauté et d’information pesant sur elle lui im