Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 février 2004), que la société CNIM, qui exploite une usine d’incinération d’ordures ménagères, a conclu, le 5 novembre 1986, avec l’établissement public Electricité de France (EDF) un contrat de fourniture d’énergie électrique pour les besoins de cette exploitation ; qu’ayant subi, le 11 janvier 1996, une coupure de courant qui a endommagé certains équipements de son installation, elle a assigné EDF en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société CNIM fait grief à l’arrêt d’avoir retenu la validité de la clause limitative de responsabilité dont se prévaut EDF, alors, selon le moyen :
1°/ qu’une clause limitative de responsabilité doit être écartée si elle confère un avantage excessif au débiteur, ce qui est le cas lorsqu’une entreprise jouissant d’un monopole impose une limitation de responsabilité à ses clients, un tel comportement étant constitutif d’une exploitation abusive de position dominante ; que la cour d’appel, qui a considéré que la clause limitative de responsabilité, insérée dans le contrat liant EDF à la société CNIM, était valable alors que cette clause caractérisait bel et bien un abus de position dominante et une exploitation abusive de l’état de dépendance économique des usagers puisqu’EDF disposait effectivement d’un monopole de distribution de l’électricité, de sorte que la société CNIM n’avait eu d’autre choix que de s’adresser à cet établissement et d’accepter ses conditions, a violé les articles 8-1 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et L. 420-2 du code de commerce ;
2°/ qu’une clause limitative de responsabilité doit être annulée si elle porte sur une obligation essentielle du débiteur, de telle sorte qu’elle a pour effet de contredire la portée de l’engagement souscrit ; que la cour d’appel, qui a déclaré valable la clause limitative de responsabilité, insérée dans le contrat de fourniture d’électricité liant EDF à la société CNIM, alors que cette clause portait sur une obligation essentielle du contrat-l’obligation de fourniture continue d’électricité – a violé l’article 1150 du code civil ;
3°/ que la clause qui prévoit la réparation forfaitaire du préjudice constitue une clause pénale, dont le montant est susceptible d’être augmenté ou diminué par les juges ; que la cour d’appel, qui a qualifié l’article XII du contrat de fourniture d’électricité liant EDF à la société CNIM, de clause limitative de responsabilité et non de clause pénale, alors que cette clause prévoyait expressément le caractère forfaitaire de l’indemnisation, peu important, à cet égard, qu’un plafond d’indemnisation ait été stipulé, a violé l’article 1152 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu’ayant relevé que la clause dont se prévaut EDF ne prévoit pas le règlement d’une indemnisation forfaitaire, mais fixe un plafond d’indemnisation « dans la limite du préjudice subi par le client », la cour d’appel en a exactement déduit que cette clause constitue une clause limitative de responsabilité, et non une clause pénale ;
Attendu, en deuxième lieu, qu’ayant relevé, pour retenir la validité de la clause litigieuse, que la circonstance qu’EDF bénéficiait d’un monopole légal pour la distribution d’électricité ne suffisait pas à caractériser l’existence d’un abus, prohibé par les règles du droit de la concurrence, et que la société CNIM ne rapportait pas la preuve de l’existence d’un tel abus, la cour d’appel a pu statuer comme elle a fait ;
Attendu, en troisième lieu, qu’ayant relevé que la clause litigieuse limitait l’indemnisation pour la seule coupure inopinée de courant, sauf en cas de faute lourde du fournisseur, la cour d’appel a pu retenir que cette stipulation n’avait pas pour effet de vider de toute substance l’obligation essentielle de fourniture d’électricité, caractérisant ainsi l’absence de contrariété entre ladite clause et la portée de l’engagement souscrit ;
D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société CNIM fait grief à l’arrêt d’avoir écarté l’existence d’une faute lourde à la charge d’EDF et d’avoir en conséquence fait application de la clause limitative de responsabilité, alors, selon le moyen, que la faute lourde du débiteur, de nature à exclure toute limitation contractuelle de responsabilité, s’induit du caractère essentiel de l’obligation inexécutée et de la gravité des conséquences du manquement constaté ; que la cour d’appel, qui a décidé qu’aucune faute lourde ne pouvait être imputée à EDF, sans rechercher si une telle faute n’était pas caractérisée du seul fait que le manquement constaté à la charge du débiteur – la rupture inopinée de l’obligation continue de fourniture dl’électricité- portait sur une obligation essentielle du contrat et avait causé un préjudice très important à la société CNIM, sans commune mesure avec la réparation prévue au contrat, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1150 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé que le contrat dont l’obligation essentielle résidait dans la fourniture d’électricité, sans garantie de continuité, évoquait explicitement l’existence d’un risque de coupure inopinée de courant, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder aux recherches inopérantes invoquées par le moyen, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CNIM aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande d’EDF ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille sept.