Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mars 2021
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 245 F-D
Pourvoi n° C 18-25.236
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 MARS 2021
La société Cerba Healthcare, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° C 18-25.236 contre l’arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige l’opposant au syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM), dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Cerba Healthcare, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat du syndicat des jeunes biologistes médicaux, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 26 janvier 2021 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 8 novembre 2018) rendu en référé, la société Cerba Healthcare (la société Cerba) opère sur le marché de la biologie médicale, notamment en France, via des filiales et un réseau de trois cent vingts laboratoires. Depuis les années 2000, elle a mis en place une stratégie d’expansion en intégrant à son groupe de nouveaux laboratoires.
2. Le syndicat des jeunes biologistes médicaux (le SJBM) est un syndicat professionnel réunissant des internes, médecins, pharmaciens et laboratoires exerçant dans le secteur privé et public au sein d’un laboratoire de biologie médicale. Il défend le maintien du contrôle des biologistes sur les structures dans lesquelles ils exercent.
3. Dénonçant la stratégie de contournement des modifications législatives intervenues depuis la loi du 30 mai 2013 pour contrecarrer l’expansion continue des réseaux de sociétés d’exercice libéral de biologistes libéraux dominés par les investisseurs tiers à la profession, le SJBM et deux autres syndicats professionnels ont assigné la société Cerba afin d’obtenir l’annulation de stipulations insérées dans des statuts et dans des pactes d’actionnaires ainsi que des dommages-intérêts.
4. Soutenant être la cible d’actions concertées du SJBM avec d’autres syndicats, en vue de faire échec à sa stratégie de développement, la société Cerba a obtenu sur sa requête deux ordonnances des 26 avril et 12 mai 2017 désignant un huissier de justice, avec mission de rechercher et prendre copie de fichiers et correspondances électroniques, depuis janvier 2015, appartenant au SJBM, à son président, à son secrétaire général et à leurs assistantes respectives, outre les messages émis ou reçus depuis ou à partir d’adresses électroniques, suivant divers mots-clés.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La société Cerba fait grief à l’arrêt de rétracter les ordonnances rendues par le président du tribunal de grande instance de Paris les 26 avril et 12 mai 2017, alors :
« 1°/ que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu’en subordonnant l’existence d’un motif légitime à l’établissement, par le requérant, d’un « faisceau d’indices graves et concordants suffisant », lequel faisceau était à lui seul de nature à rapporter la preuve des faits que la mesure d’instruction avait précisément pour objet d’établir de sorte que celle-ci aurait été dépourvue d’objet si ce faisceau d’indices avait été préalablement démontré, la cour d’appel a violé l’article 145 du code de procédure civile ;
2°/ que s’il existe un motif légitime d’établir, avant tout procès, la preuve de faits utiles à la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu’en l’espèce, la société Cerba soulignait que la mesure était « destinée à lui permettre d’accéder à des éléments de preuve de nature à conforter l’existence de fautes délictuelles » et à établir les actes de dénigrement dont elle ignorait l’ampleur comme le nombre réel ; qu’en jugeant toutefois que la mesure sollicitée n’était pas « utile au procès » contre le SJBM dès lors qu’elle lui reprochait des « faits connus, voire même ouvertement revendiqués par ce dernier comme relevant de sa mission syndicale », quand la recherche des fautes comme de l’ampleur du préjudice était décisive pour l’issue de l’action en responsabilité civile projetée, la cour d’appel a violé l’article 145 du code de procédure civile, ensemble l’article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil ;
3°/ que le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; qu’en l’espèce, si la société Cerba avait connaissance de certains actes de dénigrements dont le SJBM était l’auteur, elle soulignait dans ses conclusions qu’elle demeurait dans l’ignorance « de la nature, du nombre et de l’ampleur exacts des actions entreprises par les syndicats », de même que « de la nature et de l’étendue des dommages qui en sont résultés » et dont dépendait l’issue de l’action en responsabilité civile projetée ; qu’ainsi, en relevant que la société Cerba se bornait à reprocher des « faits connus » au SJBM qui ne serait pas sorti de sa mission d’information, de conseil et de défense des intérêts professionnels représentés, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de la société Cerba en violation du principe en vertu duquel le juge ne peut dénaturer les documents en la cause, ensemble l’article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu’en jugeant que la mesure sollicitée répondait à la nécessité dans laquelle se trouvait la société Cerba HealthCare « d’établir l’ampleur » des actions nocives orchestrées par le SJBM, tout en retenant qu’elle reprochait uniquement audit SJBM des agissements constitutifs de « faits connus », la cour d’appel, qui s’est contredite, a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu’en jugeant que la mesure sollicitée était inutile pour établir la réalité d’une entente anticoncurrentielle à laquelle aurait participé le SJBM dès lors que « le syndicat ne dispose d’aucun pouvoir normatif et ne peut rien imposer aux autorités publiques » , quand une entente peut être caractérisée par son seul objet anticoncurrentiel, indépendamment de son effet, la cour d’appel a violé l’article 145 du code de procédure civile, ensemble l’article L. 420-1 du code de commerce ;
6°/ que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu’en relevant que les documents produits par la société Cerba n’émanaient pas du SJBM en sorte qu’ils « ne renseignent pas sur la participation du SJBM » à l’entente considérée, quand la caractérisation d’une entente peut résulter de documents qui n’émanent pas de la partie adverse mais n’en demeurent pas moins pertinents pour établir la réalité des faits reprochés, la cour d’appel a violé de plus fort l’article 145 du code de procédure civile, ensemble l’article L. 420-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
6. L’arrêt retient que les éléments de preuve invoqués au soutien de la requête ne constituent pas des indices suffisants rendant vraisemblables les soupçons de la société Cerba. Il retient également que la mesure d’instruction sollicitée n’apparaît pas utile au procès que cette société envisage d’engager contre le SJBM à qui elle reproche des faits connus, voire ouvertement revendiqués par ce dernier comme relevant de sa mission syndicale. En cet état, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation et sans exiger la preuve de faits que la mesure d’instruction in futurum avait pour objet d’établir que la cour d’appel, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les cinquième et sixième branches, a, sans se contredire ni dénaturer les conclusions, retenu que la société Cerba n’établissait pas l’existence d’un motif légitime à l’obtention de la mesure demandée.
7. Pour partie inopérant, le moyen n’est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Cerba Healthcare aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cerba Healthcare et la condamne à payer au syndicat des jeunes biologistes médicaux la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Cerba Healthcare.
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué D’AVOIR rétracté les ordonnances sur requête n° 17/1366 et 17/1551 rendues par le président du tribunal de grande instance de Paris les 26 avril et 12 mai 2017, D’AVOIR condamné la société Cerba HealthCare aux dépens et à payer au SJBM la somme totale de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE « selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé ; qu’il en résulte que le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer les responsabilités des désordres qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir et qu’il doit seulement justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions ; que sur le motif légitime, la société Cerba HealthCare allègue dans sa requête comme en appel un soupçon de double entente, entre les trois syndicats en cause comme au sein de ceux-ci, consistant à fausser le jeu de la concurrence par des actions nocives – dont elle a besoin d’établir l’ampleur – d’obstruction à ses opérations de croissance externe du groupe CerbaHealthcare auprès des Agences Régionales de Santé (ARS) auxquelles elle doit notifier ses opérations de fusions absorptions et auprès des greffiers de plusieurs tribunaux de commerce chargés de délivrer les attestations de conformité de certaines de ses opérations de fusion ; qu’elle reproche au Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux de jeter publiquement le discrédit sur l’activité et la stratégie du groupe Cerba HealthCare et soutient qu’il est sorti de son rôle d’information en soutenant une thèse péremptoire fausse qu’aucune juridiction ni autorité n’a jamais approuvée ; qu’elle invoque enfin la campagne de déstabilisation menée dans la presse spécialisée à l’occasion du procès au fond devant le tribunal de grande instance de Pontoise, de nature à nuire à son groupe dont deux fonds d’investissement, l’un canadien, PSP, l’autre Suisse, Partners Group, viennent de prendre le contrôle et ont décidé d’acquérir son capital pour une somme de 1,8 milliards d’euros ; qu’il en résulte selon elle des actions judiciaires plausibles sur plusieurs fondements délictueux même en l’absence d’effet avéré sur le marché qui justifient l’utilité de la mesure ; que le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux soutient qu’une action future de société Cerba HealthCare pour entente ou concurrence déloyale prenant la forme d’un dénigrement serait vaine dans la mesure où il n’existe aucun indice rendant manifestement plausible un procès au fond et qu’il a agi conformément à sa mission d’intérêt général et d’information de ses adhérents ; qu’il prétend qu’il peut légitimement relayer dans la presse ou auprès des interlocuteurs institutionnels son opinion sur les rachats opérés par les investisseurs sur le marché de la biologie médicale ; qu’il fait valoir qu’ il n’a pas incité ses adhérents à adopter un comportement économique susceptible de faire obstacle à la concurrence et qu’il ne peut se voir reprocher une entente pour avoir défendu une opinion y compris en justice ; qu’il conteste l’existence d’un motif légitime qui justifierait la mesure d’instruction en mettant en avant que les » indices » qu’ils concernent ou non le Syndicat sont des lettres et communiqués qui ne visent pas les laboratoires de biologie médicale du groupe Cerba HealthCare mais un certain type de fusions réalisées par les laboratoires de biologie médicale détenus par les groupes financiers, auxquelles le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux s’oppose ; qu’il ajoute que les propos de son président dans la presse ne dénigrent pas le groupe Cerba mais ne font que rappeler la position du syndicat s’agissant de la financiarisation de la biologie médicale ; qu’il objecte enfin l’absence de préjudice de la société Cerba HealthCare qui n’a subi aucun blocage dans ses opérations et soutient que l’enquête est à l’évidence instrumentalisée en vue du procès au fond comme en témoignent les mots clés ; que, du tout, la cour retient que la société Cerba HealthCare ne peut se prévaloir d’un faisceau d’indices graves et concordants suffisant pour rendre ses soupçons vraisemblables et ne dispose donc pas d’un motif légitime à la mesure d’instruction sollicitée, pour les motifs suivants ; que, un syndicat professionnel qui a des prérogatives d’information, de conseil et de défense des intérêts professionnels qu’il représente, n’est pas un acteur économique ou un concurrent. Cependant, il n’est pas exclu par principe du champ d’application des règles garantissant une concurrence libre et non faussée dans l’hypothèse où il sort de sa mission en adoptant un comportement de nature à influer directement ou indirectement sur celle-ci, notamment par l’incitation de ses adhérents à faire obstacle à la concurrence sur un marché donné en agissant sur les tarifs, les volumes, les acteurs, etc… que, en l’espèce la société Cerba HealthCare pour étayer ses soupçons d’action concertée ou de concurrence déloyale prenant la forme d’un dénigrement invoque des écrits qui n’ émanent pas tous du Syndicat SJBM qui sont un extrait du communiqué de presse du syndicat SBM en date du 21 février 2017 (pièce 12) un extrait d’un communiqué de presse du SDB du 14 octobre 2016 (pièce 11) qui alertent sur le caractère illégal d’un certain nombre de fusions de SEL biologistes et sur l’existence d’une lettre circulaire que le SDB a envoyée aux ARS et aux tribunaux de commerce ; que ces pièces ne renseignent pas sur la participation du SJBM ; que, en revanche il est produit une lettre adressée à l’ ARS de Normandie par le président du Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux ainsi que deux articles du quotidien la Tribune du 13 mars 2017 et du 30 mars 2017 rapportant ses propos et deux mails adressés par le syndicat à ses adhérents les 8 mars et le 22 mars 2017 (pièces 9, 14,17,22 et 23) ; que la société Cerba HealthCare tire argument du premier de ces documents pour justifier du bien fondé de la suspicion de faits d’entente ou de concurrence déloyale en ce qu’il y est indiqué » ; que la fusion d’une SEL dérogatoire (en général absorbante) et d’une SEL non dérogatoire (la SEL cible), qui aboutit à faire perdre aux biologistes de la SEL non dérogatoire la détention de la majorité du capital, viole le régime législatif exposé plus haut, et est illicite sous couvert d’une prétendue fusion, les acteurs de cette opération ne font que procéder, de façon déguisée, à la vente pure et simple des droits détenus par les associés de la société-cible sur leur laboratoire. L’opération de fusion est donc constitutive d’une fraude à la loi ; que, en l’espèce l’opération qui vous sera soumise sous peu consiste en ce qu’une société CBM ou autre filiale de Cerba HealthCare absorbe la société cible LEXOBIO ( …) ; que cette opération de fusion ne peut donner lieu d ‘agrément de votre part, Au nom de SJBM je me permets donc de vous alerter par anticipation sur l’illicéité absolue (Cass civ 1ére 15 janvier 2015, pourvoi 13-13.565 publiée au bulletin) de l’opération au titre de laquelle vous serez très prochainement saisie, afin que vous ne donniez pas suite à cette fusion’ ; qu’elle invoque les communiqués de presse de la Tribune du 13 mars et 30 mars 2017 qui ont pour titre ‘ laboratoires d’analyse : trois syndicats de biologistes attaquent le géant Cerba HealthCare en justice’ ‘ un syndicat va attaquer Cerba HealthCare justice pour lutter contre la financiarisation du secteur’ ; que la société Cerba HealthCare vise précisément la reprise des propos du président du syndicat dans la presse dans laquelle il indique » ‘Cerba HealthCare a continué à faire des rachats de SEL avec l’accord des Agences Régionales de santé sans être inquiétée alors que c’était illégal’ ; que, enfin pour étayer l’existence plausible d’une entente et d’actes de concurrence déloyale par désorganisation elle produit deux mails des 8 mars et le 22 mars 2017 adressés par le bureau du syndicat ou son président à la liste de diffusion des adhérents ayant respectivement pour objet ‘ dossiers fusions illégales CERBA’ et ‘ Cerba Health Care procédure en cours’ dans lesquels il est indiqué ‘Nous travaillons avec les autres représentants de la profession » afin d’obtenir un front uni contre les dérives « : (mail du 22 mars 2017) et » Dans le cadre de différentes procédures actuelles, notre cabinet d’avocats m’a demandé de faire un appel sur cette mailing afin d’obtenir tous documents en votre possession qui pourraient concerner Cerba HealthCare ou l’une de ses filiales, le cabinet fera le tri ; que vous pouvez les envoyer directement à (
) et nous en garantissons l’anonymat : seuls les avocats et moi-même en aurons connaissance ; qu’il est temps de mettre un coup d’arrêt aux fusions illicites et autres débordements financiers asservissant notre profession et les biologistes médicaux. » (mail du 8 mars 2017) ; que force est toutefois de constater que le premier document à l’évidence connu de la société Cerba HealthCare contient l’avis juridique du syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux sur l’interprétation de la loi du 30 mai 2013 par rapport aux opérations de fusion des laboratoires de biologie médicale opérées par des groupes financiers en vue de la défense des intérêts de la profession concernée ; que s’il contient à la fin la mention de ne pas faire suite à une opération de rachat en cours du groupe Cerba HealthCare (Lexobio) il s’agit seulement de l’expression d’un point de vue qui est par ailleurs resté sans effet étant rappelé que le syndicat ne dispose d’aucun pouvoir normatif et ne peut rien imposer aux autorités publiques ; que ce document même s’il reprend en termes identiques le courrier du SDB adressé à l’ ARS d ‘Ile de France le 6 octobre 2016 n’est pas de nature à étayer, en soi, la vraisemblance de l’entente alléguée en vue de faire obstruction à la croissance du groupe Cerba HealthCare dont il faudrait déterminer l’ampleur ; que cette initiative consiste à faire connaître aux interlocuteurs institutionnels une opinion syndicale sur le caractère illégal d’un certain nombre de fusions de SEL de biologistes médicaux qui mettent en cause l’indépendance des biologistes selon l’avis des syndicats professionnels partagé par le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux ; que de même les propos du président du syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux repris dans la presse qui n’incitent personne à adopter un quelconque comportement économique ne font que rapporter l’existence d’une action judiciaire en cours et la divergence d’avis entre le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux et le groupe Cerba Healthcare sur l’interprétation de la réglementation ; qu’en tout état de cause, compte tenu du caractère public d’un article de presse et de ses éventuelles reprises par d’autres organes de presse, un référé probatoire n’apparaît pas utile à la préservation des droits de la société Cerba Healthcare ; que de même encore l’e-mail du 22 mars 2017 du Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux à ses adhérents, évoquant » un front uni contre ces dérives » n’est que l’expression militante de l’action syndicale qui vise l’action au fond engagée en commun avec les syndicats SDB et SBLC à l’encontre de la société Cerba healthCare devant le tribunal de grande instance de Pontoise sans rapporter l’indice d’une autre participation ; il en est de même du mail concomitant du 8 mars 2017 limité aux besoins de l’ action judiciaire engagée au même moment (assignation du 29 mars) qui ne rend pas crédible les suppositions d’entente ou de désorganisation du groupe Cerba ; qu’il s’ensuit que le syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux n’apparaît pas être sorti de sa mission d’information, de conseil et de défense des intérêts professionnels en donnant aux interlocuteurs institutionnels son avis juridique sur la validité des opérations de rachat des laboratoires par la société Cerba HealthCare, cette question étant par ailleurs soumise à l’examen par l’autorité judiciaire de sorte que la mesure d’instruction ordonnée est dépourvue de motif légitime ; qu’au surplus, la mesure d’instruction sollicitée n’apparaît pas utile au procès que la société Cerba HealthCare envisage d’engager contre le Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux à qui elle reproche des faits connus, voire même ouvertement revendiqués par ce dernier comme relevant de sa mission syndicale ; que l’ordonnance entreprise sera donc infirmée en toutes ses dispositions et les ordonnances sur requête rétractée ; que conformément aux articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Cerba HealthCare partie perdante, doit supporter la charge des dépens et ne peut prétendre à une indemnité de procédure mais doit payer à ce titre au Syndicat des Jeunes Biologistes Médicaux la somme indiquée au dispositif ».
1°/ ALORS QUE s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu’en subordonnant l’existence d’un motif légitime à l’établissement, par le requérant, d’un « faisceau d’indices graves et concordants suffisant » (arrêt attaqué, p. 6, §2), lequel faisceau était à lui seul de nature à rapporter la preuve des faits que la mesure d’instruction avait précisément pour objet d’établir de sorte que celle-ci aurait été dépourvue d’objet si ce faisceau d’indice avait été préalablement démontré, la cour d’appel a violé l’article 145 du code de procédure civile.
2°/ ALORS QUE s’il existe un motif légitime d’établir, avant tout procès, la preuve de faits utiles à la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu’en l’espèce, l’exposante soulignait que la mesure était « destinée à lui permettre d’accéder à des éléments de preuve de nature à conforter l’existence de fautes délictuelles » (concl. d’appel Cerba, p. 3, n° 2) et à établir les actes de dénigrement dont elle ignorait l’ampleur comme le nombre réel ; qu’en jugeant toutefois que la mesure sollicitée n’était pas « utile au procès » contre le SJBM dès lors qu’elle lui reprochait des « faits connus, voire même ouvertement revendiqués par ce dernier comme relevant de sa mission syndicale » (arrêt attaqué, p. 8, §3), quand la recherche des fautes comme de l’ampleur du préjudice était décisive pour l’issue de l’action en responsabilité civile projetée, la cour d’appel a violé l’article 145 du code de procédure civile, ensemble l’article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil.
3°/ ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; qu’en l’espèce, si l’exposante avait connaissance de certains actes de dénigrements dont le SJBM était l’auteur, elle soulignait dans ses conclusions qu’elle demeurait dans l’ignorance « de la nature, du nombre et de l’ampleur exacts des actions entreprises par les Syndicats » (concl. d’appel Cerba, p. 41, n° 109), de même que « de la nature et de l’étendue des dommages qui en sont résultés » (ibid.) et dont dépendait l’issue de l’action en responsabilité civile projetée ; qu’ainsi, en relevant que l’exposante se bornait à reprocher des « faits connus » (arrêt attaqué, p. 8, §3) au SJBM qui ne serait pas sorti de sa mission d’information, de conseil et de défense des intérêts professionnels représentés (arrêt attaqué, p. 8, §2), la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de l’exposante en violation du principe en vertu duquel le juge ne peut dénaturer les documents en la cause, ensemble l’article 4 du code de procédure civile.
4°/ ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu’en jugeant que la mesure sollicitée répondait à la nécessité dans laquelle se trouvait la société Cerba HealthCare « d’établir l’ampleur » (arrêt attaqué, p. 5, §2) des actions nocives orchestrées par le SJBM, tout en retenant qu’elle reprochait uniquement audit SJBM des agissements constitutifs de « faits connus » (arrêt attaqué, p. 8, §3), la cour d’appel, qui s’est contredite, a violé l’article 455 du code de procédure civile.
5°/ ALORS QUE s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu’en jugeant que la mesure sollicitée était inutile pour établir la réalité d’une entente anticoncurrentielle à laquelle aurait participé le SJBM dès lors que « le syndicat ne dispose d’aucun pouvoir normatif et ne peut rien imposer aux autorités publiques » (arrêt attaqué, p. 7, §4), quand une entente peut être caractérisée par son seul objet anticoncurrentiel, indépendamment de son effet, la cour d’appel a violé l’article 145 du code de procédure civile, ensemble l’article L. 420-1 du code de commerce.
6°/ ALORS QUE s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu’en relevant que les documents produits par l’exposante en pièces 12 et 11 (prod. 6 et 9) n’émanaient pas du SJBM en sorte qu’ils « ne renseignent pas sur la participation du SJBM » à l’entente considérée (arrêt attaqué, p. 6, §4-5), quand la caractérisation d’une entente peut résulter de documents qui n’émanent pas de la partie adverse mais n’en demeurent pas moins pertinents pour établir la réalité des faits reprochés, la cour d’appel a violé de plus fort l’article 145 du code de procédure civile, ensemble l’article L. 420-1 du code de commerce.
ECLI:FR:CCASS:2021:CO00245