Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 septembre 2020, 18-21.615, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 septembre 2020, 18-21.615, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 16 septembre 2020

Cassation

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 441 F-D

Pourvoi n° S 18-21.615

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 SEPTEMBRE 2020

La société Orange, société anonyme, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° S 18-21.615 contre l’arrêt rendu le 8 juin 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l’opposant à la Société française du radiotéléphone (SFR), société anonyme, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de la société Orange, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Société française du radiotéléphone, et l’avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l’audience publique du 9 juin 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 8 juin 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 12 avril 2016, pourvoi n° 14-26.815), la société Orange, opérateur historique de télécommunications en France, a publié une offre de vente en gros d’accès au service téléphonique dite « offre VGAST », à laquelle la Société française du radiotéléphone (la société SFR) a souscrit. Cette dernière, devenue le premier opérateur alternatif en téléphonie fixe, a envisagé de lancer une offre concurrente de l’offre dite « offre Résidence secondaire » (l’offre RS) proposée par la société Orange, qui permet à l’occupant d’une résidence secondaire de bénéficier d’un abonnement à une ligne téléphonique fixe et d’obtenir la suspension de sa ligne lorsque la résidence est inoccupée, moyennant le paiement d’une somme minime. Estimant que les modalités tarifaires mises en œuvre par la société Orange, qui ne permettent pas, en cas de suspension temporaire de la ligne fixe par le client final, de suspendre parallèlement le paiement des redevances mensuelles de l’offre VGAST, l’empêchaient de lancer une telle offre dans des conditions économiques viables et que le comportement de la société Orange était constitutif d’un abus de position dominante, la société SFR l’a assignée en réparation du préjudice subi.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La société Orange fait grief à l’arrêt de dire qu’elle s’est rendue coupable d’abus de position dominante et de la condamner à payer à la société SFR, d’une part, la somme de 32,25 millions d’euros au titre du préjudice subi de 2010 à 2013, assortie des intérêts légaux et, d’autre part, celle de 20,7 millions d’euros au titre du préjudice subi de 2014 à 2016, assortie des intérêts légaux, alors :

« 1°/ qu’au stade de la délimitation du marché pertinent, le juge ne peut conclure à l’absence de substituabilité du côté de l’offre en prenant en compte des éléments relevant de l’appréciation de l’abus reproché ; qu’en retenant, pour considérer que la téléphonie fixe interruptible et la téléphonie fixe non interruptible ne sont pas substituables du côté de l’offre, qu’en l’absence de suspension de l’offre de gros, les fournisseurs ne peuvent pas commercialiser d’offre interruptible concurrençant l’offre RS d’Orange dans des conditions économiques acceptables, la cour d’appel, qui s’est fondée sur une circonstance relevant de la caractérisation de l’abus, a violé l’article L. 420-2 du code de commerce ;

2°/ que deux produits sont substituables du côté de l’offre lorsque les fournisseurs d’un des produits peuvent commencer à produire l’autre sans avoir à subir des coûts importants de modification de leur appareil de production ; qu’en se fondant, pour conclure à l’absence de substituabilité du côté de l’offre, sur la circonstance inopérante que la réplication de l’offre RS d’Orange se heurterait, pour les opérateurs alternatifs, à l’obstacle financier tenant à l’obligation de payer la location de la ligne téléphonique pendant toute l’année, sans constater que les opérateurs auraient nécessairement, pour commencer à fournir une offre fixe interruptible concurrençant l’offre RS d’Orange, à subir des coûts importants de modification de leur appareil de production, la cour d’appel, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 420-2 du code de commerce ;

3°/ que la substituabilité du côté de la demande doit être examinée au regard d’un faisceau d’indices ; que le constat d’un besoin spécifique ne suffit pas à établir l’existence d’un marché pertinent limité aux seuls clients exprimant ce besoin ; qu’en déduisant l’existence d’un marché pertinent limité à la téléphonie fixe résidentielle secondaire interruptible du seul constat, chez les clients ayant souscrit l’offre RS d’Orange, d’un besoin spécifique de désactivation de la ligne téléphonique, la cour d’appel a violé l’article L. 420-2 du code de commerce ;

4°/ que pour déterminer la substituabilité de deux produits du côté de la demande, le juge doit rechercher si, du point de vue des consommateurs, et en raison de l’usage qu’ils en font, les deux produits ne sont pas interchangeables ; que la société Orange faisait valoir qu’environ 40 % des clients de l’offre RS n’utilisaient pas la faculté d’interruption ; qu’une telle circonstance devait conduire la cour d’appel à rechercher si, pour ces clients notamment, la faculté d’interrompre leur abonnement faisait bien de l’offre RS d’Orange un produit non substituable ; qu’en refusant de procéder à cette recherche, selon elle inopérante, la cour d’appel a violé l’article L. 420-2 du code de commerce ;

5°/ que la charge de la preuve de l’existence d’un marché pertinent pèse sur le demandeur ; qu’en relevant, pour considérer qu’il importait peu qu’une forte proportion des clients ayant souscrit à l’offre RS d’Orange n’utilisent pas la faculté d’interrompre leur ligne, qu’aucun élément ne permettait de déterminer les raisons personnelles des clients de ne pas recourir à cette faculté, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé l’article 1315, devenu 1353, du code civil ;

6°/ qu’en affirmant que, dans le cas d’une augmentation légère mais significative et permanente du prix de l’offre RS d’Orange, même les clients de cette offre n’ayant pas eu recours l’année précédente à la faculté d’interruption ne se tourneraient pas nécessairement vers l’offre de téléphonie fixe classique, après avoir relevé qu’aucun élément ne permettait de déterminer les raisons personnelles de ces clients de ne pas recourir à cette faculté, la cour d’appel, qui n’a pas expliqué comment elle en arrivait à cette conclusion, qui ne résultait pas du test SSNIP, s’est contredite et a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

7°/ qu’en considérant que l’existence d’un marché pertinent limité à la téléphonie fixe résidentielle secondaire interruptible était établi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance, non contestée, que, chaque année depuis 2014, plus de 11 % des clients de l’offre RS d’Orange résiliaient leur abonnement interruptible au profit d’une offre non interruptible ne démontrait pas que, pour ces clients, les deux produits étaient interchangeables, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 420-2 du code de commerce ;

8°/ que le test SSNIP, qui doit être mis en relation avec d’autres indices, ne suffit pas à établir à lui seul l’existence d’un marché pertinent, laquelle peut être prouvée par tous moyens ; qu’en considérant que, si une hausse légère mais significative et durable du prix du produit testé ne conduit pas à une déportation suffisamment importante de clients vers un autre produit et reste rentable pour son fournisseur, le produit testé constitue nécessairement à lui seul un marché pertinent, la cour d’appel, qui a conféré au test SSNIP une valeur probatoire que la loi ne lui confère pas, a violé l’article L. 420-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

3. L’arrêt relève que l’offre de la société Orange à destination des occupants de résidences secondaires présente des caractéristiques contractuelles distinctes de l’offre à destination des résidences principales, comme la possibilité d’interruption de l’abonnement pendant une certaine durée et les tarifs. Il précise à ce sujet que l’option de suspension de l’abonnement, qui n’est pas proposée pour les résidences principales, est propre à l’offre RS, qu’elle fait l’objet de dispositions contractuelles et d’un tarif spécifiques, puisque, pendant l’interruption, l’abonné n’est tenu à aucun paiement. Il relève encore que la société Orange, bien qu’elle soutienne le faible succès du service en cause, a néanmoins développé, en plus de l’offre standard initialement proposée, deux offres à forfaits, depuis l’année 2015. Il en déduit que, même s’il est justifié par la société Orange que, dans 90 % des cas en 2013, les propriétaires de résidences secondaires n’ont pas opté pour une offre de téléphonie fixe interruptible, ce pourcentage étant néanmoins réduit à 9 % en 2016, il n’est pas contestable que les clients ayant souscrit à l’offre Orange RS ont bien exprimé un besoin spécifique de suspension de l’abonnement téléphonique.

4. Après avoir, ensuite, écarté les moyens de la société Orange contestant la validité de l’expertise ayant mis en œuvre le test dit « du monopoleur hypothétique » ou « SSNIP » pour « Small but significant and non-transitory increase in price », produite par la société SFR, l’arrêt constate, d’un côté, que ce test démontre que, si le taux de marge est inférieur à 57 %, une hausse de prix de 10 % est profitable à la société Orange, et, de l’autre, qu’il est établi que le taux de marge pratiqué par cette société est un taux moyen de 34 %, donc inférieur à 57 %. Répondant à une critique de la société Orange portant sur la prise en compte, dans les revenus générés par l’ensemble des clients de cette offre, de clients qui seraient susceptibles de renoncer à l’offre RS, l’arrêt énonce encore que le comportement adopté par le consommateur une année n’est pas nécessairement reproduit l’année suivante et retient que le moyen soutenu par la société Orange, selon lequel 15 % des clients de l’offre RS, qui n’ont pas utilisé leur faculté de suspension de l’abonnement au cours de l’année 2015, quitteraient nécessairement cette offre pour une offre classique si le prix augmentait, n’est pas fondé.

5. L’arrêt retient enfin que la société SFR établit que, compte tenu de l’obligation d’acquitter auprès de la société Orange la totalité de l’abonnement, l’offre de vente en gros de l’abonnement au service téléphonique commercialisée par celle-ci ne lui permettrait pas de commercialiser auprès de sa clientèle une offre interruptible dans des conditions économiques acceptables.

6. En l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a fait ressortir qu’il résultait d’un faisceau d’indices, et non de la seule spécificité de l’offre ou de la seule mise en œuvre du test du monopoleur hypothétique, d’une part, que l’offre était spécifique contractuellement, techniquement et en termes de prix par rapport à l’offre classique et répondait à une demande elle-même spécifique, d’autre part, que compte tenu de son taux de marge, une augmentation faible mais significative et non transitoire du prix de l’offre RS restait profitable à la société Orange, a pu, sans qu’importe que certains clients ayant souscrit à cette offre n’utilisent pas la faculté de suspension qu’elle contient, dès lors qu’ils se sont déterminés au regard de la spécificité du service proposé, sans avoir à procéder à la recherche inopérante invoquée par les deuxième et septième branches, et abstraction faite des affirmations erronées mais surabondantes critiquées par les première, troisième et huitième branches, retenir qu’il existait, à l’époque des faits dénoncés, un marché pertinent de la téléphonie fixe résidentielle secondaire interruptible.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société Orange fait le même grief à l’arrêt, alors « qu'[elle] faisait valoir qu’en application de la décision de l’ARCEP du 4 mai 2006, les tarifs de l’offre VGAST devaient refléter les coûts et que, sauf à supporter elle-même les coûts afférents aux lignes interruptibles utilisées par les clients des autres opérateurs lorsqu’elles sont interrompues, elle ne pouvait rendre interruptible l’offre VGAST qu’en renchérissant les tarifs de cette offre ; qu’elle ajoutait, sans être contredite, que tous les fournisseurs, y compris SFR, s’étaient opposés à la proposition de l’ARCEP de procéder à une telle modification de l’offre VGAST ; qu’en considérant que la société Orange avait commis un abus en refusant de rendre interruptible l’offre VGAST, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’opposition de SFR à la proposition de l’ARCEP ne retirait pas à ce refus tout caractère fautif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 420-2 du code de commerce et de l’article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 420-2 du code de commerce :

9. Pour considérer que la société Orange a commis une pratique abusive, l’arrêt relève que la décision n° 06-0840, du 28 septembre 2006, de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (l’ARCEP) proscrit la pratique des tarifs d’éviction et qu’aux termes de la décision n° 2014-1102 du 30 septembre 2014 de cette autorité, l’obligation de non-discrimination implique que la société Orange s’assure du caractère reproductible de ses offres de détail, sur la base des produits de gros qu’il lui est imposé de fournir, et ce, afin de ne pas avantager ses propres services de détail par les moyens qu’elle lui fournit. Il ajoute qu’une pratique de ciseau tarifaire est constituée lorsque les coûts des prestations de gros sous-tendant la fourniture d’une prestation de détail sont trop élevés pour maintenir pour les clients un espace économique viable. Il en déduit qu’en refusant la suspension du paiement de la redevance dans la proportion de la désactivation de l’offre RS, la société Orange a commis un acte fautif d’abus de position dominante.

10. Répondant à plusieurs moyens développés par la société Orange, l’arrêt relève encore que celle-ci ne prend pas clairement position sur le paiement effectif, par elle-même, du coût d’accès à l’offre VGAST. Il indique qu’il résulte d’une pièce du 29 septembre 2010 intitulée « sur la réplicabilité de l’offre résidence secondaire (RS) de France telecom » que le paiement serait en réalité mentionné comme une inscription comptable, sans plus de précision, et il ajoute qu’il résulte de ce document que, si l’offre RS est réplicable d’un point de vue technique, car les conditions de fourniture sont identiques pour l’opérateur historique et pour un opérateur alternatif, en revanche, la question de la rentabilité pour un opérateur autre que la société Orange, n’est pas abordée. Après avoir précisé que l’inscription en comptabilité n’est pas suffisante pour établir la réalité du paiement par la branche aval, l’arrêt conclut que, qu’il s’agisse d’une pratique de ciseau tarifaire, établie, ou d’une vente à perte, l’une et l’autre entrant dans la catégorie des pratiques anticoncurrentielles, l’empêchement de répliquer l’offre RS caractérise l’abus de position dominante sur le marché pertinent de la téléphonie résidentielle RS.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’opposition de la société SFR à la proposition de l’ARCEP formulée en avril 2010, qui, constatant que l’offre RS de la société Orange était réplicable mais ne permettait qu’une marge faiblement positive, envisageait de modifier les tarifs de l’offre VGAST afin d’améliorer cette marge, n’excluait pas que le refus opposé par la société Orange de suspendre le paiement de la redevance en cas de désactivation de l’abonnement par un client d’un opérateur alternatif soit qualifié de fautif, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 8 juin 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;

Condamne la Société française du radiotéléphone aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société française du radiotéléphone et la condamne à payer à la société Orange la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize septembre deux mille vingt. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour la société Orange.

PREMIER MOYEN DE CASSATION (Marché pertinent)

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la société Orange s’est rendue coupable d’abus de position dominante et de l’avoir condamnée à payer à la société SFR, d’une part, la somme de 32,25 millions d’euros au titre du préjudice subi de 2010 à 2013, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 février 2014 et, d’autre part, la somme de 20,7 millions d’euros au titre du préjudice subi de 2014 à 2016, assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

AUX MOTIFS QUE, selon l’article 102 du TFUE, « Est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à : a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables, b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs, c) appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, d) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats » ; qu’aux termes de l’article L. 420-2 du Code de commerce, « Est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1 du Code de commerce l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées (…) » ; que la société appelante soutient à bon droit qu’il appartient à la société intimée, qui prétend que l’appelante s’est rendue coupable d’abus de sa position dominante sur le marché de gros de la VGAST et sur le marché de détail de la téléphonie fixe à destination des résidences secondaires, et que l’intimée précise expressément limiter aux termes de ses dernières conclusions aux propriétaires de résidences secondaires souhaitant être équipés d’une offre interruptible et non celui de l’ensemble des résidences secondaires, de définir le marché pertinent, de démontrer la position dominante de la société appelante sur le marché de gros et de détail et enfin d’établir des pratiques de prix prédateurs, de ciseaux tarifaires et des ventes liées, constitutifs d’abus qui lui ont causé un préjudice indemnisable ; que, sur l’existence d’un marché pertinent des offres de téléphonie fixe interruptibles à destination des résidences secondaires, le Conseil de la concurrence a défini la notion de marché pertinent « comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique », définition reprise par l’Autorité dans ses décisions ; qu’aux termes de la décision 2011-0926 en date du 26 juillet 2011 de l’ARCEP, versée aux débats, portant sur la définition des marchés pertinents de la téléphonie fixe, la désignation d’opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre : « Le périmètre du marché pertinent du point de vue des produits et services repose sur l’analyse des éléments suivants : – les caractéristiques objectives, le prix et les services du produit en cause, éléments cités par les lignes directrices 2002/C165/03 de la Commission européennes du 11 juillet 2001 sur l’analyse du marché et l’évaluation de la puissance sur le marché en application du cadre réglementaire communautaire pour les réseaux et les services de communications électroniques, permettant de définir l’ensemble des services qui peuvent appartenir au même marché, en particulier les marchés de détail, mais aussi des conditions de concurrence et de structure de la demande et de l’offre. – la substituabilité du côté de la demande : deux produits ou services appartiennent à un même marché s’ils sont suffisamment interchangeables pour leurs utilisateurs, du point de vue de l’usage qui en est fait, de leurs caractéristiques, de leur tarification, de leurs conditions de distribution, des coûts de migration d’un produit vers l’autre, etc. Afin d’apprécier cette notion d’interchangeabilité, l’analyse doit en particulier prouver que la substitution entre les deux produits est rapide et prendre en compte les coûts d’adaptation qui en découlent. – la substituabilité du côté de l’offre : un produit B peut appartenir au même marché que le produit A en cas de substituabilité du côté de l’offre, c’est-à-dire lorsque les fournisseurs du produit B peuvent commencer à produire le produit A en cas de hausse du prix de marché de ce produit, sans qu’ils aient à subir des coûts importants de modification de leur appareil de production. Pour établir l’existence d’une substituabilité éventuelle entre services du point de vue de la demande ou de l’offre, l’analyse peut également impliquer la mise en oeuvre de la méthode dite du « monopoleur hypothétique » ainsi que le suggèrent les « lignes directrices » de la Commission européenne. Du point de vue de la demande, ce test consiste à étudier qualitativement les effets sur la demande d’une augmentation légère, 5 à 10 % par exemple, mais réelle et durable, du prix pratiqué par un hypothétique monopoleur sur un service donné, de manière à déterminer s’il existe des services considérés comme substituables par les demandeurs, vers lesquels ils seraient susceptibles de s’orienter. Du point de vue de l’offre, il s’agit de savoir si, face à une telle hausse de prix, des entreprises commercialisant d’autres services seraient en mesure de fournir, rapidement et facilement, un service équivalent à celui du monopoleur hypothétique. Ainsi que le mentionnent les « lignes directrices », l’utilité essentielle de cet outil réside dans son caractère conceptuel ; sa mise en oeuvre n’implique pas une étude économétrique » ; que, sur la méthode d’analyse selon les Lignes directrices de la Commission Européenne, sur le marché des services, l’intimée soutient que le marché en cause est celui des consommateurs propriétaires de résidences secondaires intéressés par une offre de téléphonie fixe qui peut être suspendue ; que, s’agissant de la caractéristique du produit en cause, SFR souligne que l’offre de téléphonie fixe réservée aux propriétaires de résidence secondaires ayant une résidence principale en France ou à l’étranger (« Conditions Spécifiques » de l’offre RS), sans engagement de durée, et pouvant être suspendue à tout moment à la demande du client pour une durée maximum d’un an dans la limite de six suspensions maximum sur une période de douze mois, offerte par Orange alors en situation de monopole jusqu’en 2006 date d’ouverture du marché de l’abonnement téléphonique à la concurrence, et lancée le 14 août 2000, présente la caractéristique principale de pouvoir être suspendue, avec en contrepartie de la suspension de la ligne, la suspension des payements lorsque la résidence est inoccupée, à la différence de l’offre classique qui ne peut être suspendue ; que chaque interruption est payante ; que l’intimée établit que l’offre interruptible de Orange à destination de résidences secondaires répond à des caractéristiques contractuelles distinctes de l’offre à destination des résidences principales : possibilité d’interruption de la ligne et tarifs ; que l’option de désactivation de la ligne est propre à l’offre RS ; qu’elle est l’objet de dispositions contractuelles spécifiques ; que la souscription d’une offre RS interruptible à destination d’une résidence principale n’est pas contractuellement proposée ; qu’il est suffisamment démontré par l’intimée que la faculté d’interruption ne représente pas une simple modalité tarifaire mais une caractéristique essentielle de cette offre, l’appelante échouant à combattre utilement le caractère non substituable de l’offre classique à l’offre RS du point de vue des services et des tarifs ; qu’en effet, il n’est pas sérieusement contestable qu’à la date où l’appelante a lancé l’offre résidence secondaire interruptible, celle-ci l’a fait en considération de besoins spécifiques d’une clientèle déterminée et en proposant des tarifs différenciés des tarifs de l’offre classique, à telle enseigne que, alors qu’elle soutient le faible succès du produit (baisse du nombre d’abonnés RS de 2011 à 2016 et forte proportion des propriétaires de résidences secondaires qui n’utiliseraient pas la faculté d’interruption entre 2014 et 2016), elle a développé en plus de l’offre standard initialement proposée, deux offres à forfaits, depuis l’année 2015, l’offre proposée par Orange à sa clientèle dans les conditions rappelées ci-dessus, ne pouvant s’entendre que par l’existence d’un marché correspondant ; que, selon les « lignes directrices de l’Autorité de la concurrence », point 351, lorsque les produits sont commercialisés à des clientèles dont les besoins ou les préférences diffèrent, les autorités de concurrence peuvent être amenées à considérer des marchés distincts par type de clientèle ; que, l’offre faite aux seuls propriétaires de résidences secondaires, propose une option d’interruption que le client peut valoriser en fonction de son temps d’occupation des lieux et de ses préférences, ce qui ne peut être ignoré, et de tarifs différenciés, aucun payement n’étant dû pendant la période de suspension de la ligne par le consommateur, le client final trouvant nécessairement un intérêt pécuniaire le conduisant à souscrire à l’offre proposée par Orange ; que SFR établit que le temps moyen d’occupation (44 nuitées l’an aux termes de l’assignation et des productions de l’intimée chiffre INSEE) est créateur d’un besoin de téléphonie spécifique de payement d’un prix proportionnel au temps d’occupation de la résidence secondaire ; qu’ainsi, même s’il est justifié par l’appelante que dans 90% des cas en 2013, les propriétaires de résidences secondaires, n’ont pas opté pour une offre de téléphonie fixe interruptible, ce pourcentage étant réduit à 9% en 2016, il n’est pas contestable que les clients ayant souscrit à l’offre Orange RS ont bien exprimé un besoin spécifique de désactivation de la ligne téléphonique ; que le caractère réduit du nombre de consommateurs ayant opté pour l’offre interruptible ne fait pas obstacle à la détermination d’un marché pertinent pendant une certaine période de temps, dès lors que l’offre rencontre la demande et répond à un besoin spécifique de la clientèle ; que, s’agissant des prix de l’offre, SFR expose que lorsqu’un opérateur alternatif loue l’utilisation de la ligne téléphonique à Orange, l’opérateur alternatif acquitte des redevances de location mensuelle toute l’année ; que, dès lors que l’opérateur alternatif propose une offre interruptible similaire à l’Offre RS de Orange, le coût financier n’est pas soutenable puisque le client ne paye son abonnement que pendant une fraction de l’année alors que l’opérateur alternatif doit s’acquitter du montant de la redevance d’abonnement pendant l’année entière ; que, peu importe que parmi les clients qui ont fait le choix d’une Offre RS, il existe une forte proportion de propriétaires de résidences secondaires qui n’utilise en réalité pas la faculté d’interrompre leur ligne, aucun élément ne permettant de déterminer les raisons personnelles des clients de ne pas recourir à la faculté de suspendre la ligne, SFR démontrant que l’obstacle à ce qu’il propose une offre interruptible équivalente étant d’ordre financier à savoir le coût financier supporté, partant, un coût économique tel pour l’entreprise qu’il peut faire obstacle à la réplication de l’offre ; que, l’Autorité ayant imposé à France Télécom devenue Orange, exerçant sur le marché de la téléphonie fixe résidentielle une influence significative, l’obligation de reflet des coûts aux tarifs des offres de gros, dans le respect des principes d’efficacité, de non-discrimination et de développement d’une concurrence effective et loyale, objectif proportionné à notamment l’exercice d’une concurrence effective et loyale, c’est à bon droit que SFR soutient que la société Orange, propriétaire et exploitant du réseau téléphonique , tenue au respect des règles de la concurrence, doit lui permettre de répliquer, dans des conditions tarifaires satisfaisantes, l’offre RS interruptible ; que le moyen soutenu par Orange selon lequel l’ARCEP a retenu en 2010 que l’offre Orange RS était réplicable et qu’il suffisait de la faire évoluer ce qui entraînerait mécaniquement une augmentation du prix du tarif applicable à tous les opérateurs téléphonique, effectivement refusée par l’ensemble des opérateurs téléphoniques en septembre 2010 et non contesté par SFR auprès de l’Autorité, doit être écarté dans la mesure où il est établi que l’appelante commercialise l’offre interruptible depuis 2000 sans justifier, alors qu’elle soutient s’appliquer les tarifs de l’offre VGA, comment acquitter le coût spécifique de l’offre VGA sans percevoir les revenus avals correspondants, l’intimée rappelant à juste titre que ces pratiques constituent soit une prédation soit un ciseau tarifaire ; que l’appelante n’a pas apporté de réponse satisfaisante à la demande présentée par l’intimée le 21 avril 2010 d’apporter des aménagements à l’offre de gros VGAST, à savoir « la suspension de la facturation de l’abonnement à SFR lorsque le client final sur le marché de détail suspend son abonnement auprès de SFR; la mise en oeuvre des outils SI qui permettent une gestion, en temps réel et fluide, des commandes de suspension et de mise en service », l’intimée rappelant à Orange, gestionnaire de l’infrastructure essentielle qu’est la boucle de cuivre, qu’elle ne peut avantager son entité commerciale de détail, et qu’elle dispose de surcroît d’une position dominante sur le marché de détail ; que l’influence significative de Orange sur le marché de la téléphonie fixe résidentielle sur le territoire français ne fait en effet pas débat ; que la seule proposition par l’ARCEP d’augmenter les prix du prix du tarif applicable à tous les opérateurs téléphoniques pour financer le coût de la redevance annuelle et ainsi permettre à tout autre opérateur, de pratiquer une offre interruptible, ne peut exonérer Orange d’une responsabilité qu’elle peut encourir à raison de ses p


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