Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Poitiers, 7 novembre 2017), que par ordonnance du 6 juillet 2016, un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé des agents de l’administration fiscale à procéder à des visites domiciliaires avec saisie dans des locaux et dépendances situés […], susceptibles d’être occupés par les sociétés Transports XV… et cie (la société Transports XV…), Garage du grand pré, les sociétés de droit polonais Tracpol SP Zoo (la société Tracpol),Transpol Frigo SP Zoo (la société Transpol), Intertrac SP Zoo (la société Intertrac), la société de droit portugais Transestra Actividades Transitarias Internacionais LDA (la société Transestra), les sociétés XV… HS… Immobilier dite AAI, Anfor, XV… S… immobilier ou ABI, l’entreprise individuelle GU… XV…, les SCI Bocagim, XV…, CG…, M. X…, les sociétés Transports de Saint-Michel en L’Herm (TSM), TSM Esport, ITAL’TSM, Entrepôt frigorifique de Bressuire (EFB), Européenne de diffusion technologique (EDT), d’exploitation des Transports …, Sofripa, Sotraver et plus généralement toutes sociétés du groupe XV…, et dans des locaux et dépendances situés […] , susceptibles d’être occupés par les sociétés TSM Esport, Tracpol, Transpol, Intertrac, Transestra, TSM, XV… distribution, Services conseils assistance aux entreprises, Spécialités du Monde (SM), Noe Logistique, MG Finances et toutes sociétés du groupe XV…, afin de rechercher la preuve de la soustraction des sociétés Tracpol, Intertrac, Transpol Frigo et Transestra à l’établissement et au paiement de l’impôt sur le bénéfice et des taxes sur le chiffre d’affaires ; que les sociétés Transports XV…, Garage du grand pré, TSM Esport, Intertrac, Tracpol, Transpol et Transestra ont relevé appel de l’ordonnance d’autorisation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Transports XV…, Garage du grand pré, TSM Esport et Transestra font grief à l’ordonnance de confirmer l’ordonnance d’autorisation de visite et de saisie du juge des libertés et de la détention alors, selon le moyen :
1°/ que le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser l’administration fiscale à effectuer une visite domiciliaire que s’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires ; que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu’il doit motiver sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ; qu’en décidant que les éléments produits par la direction nationale d’enquêtes fiscales établissaient l’existence de présomptions de fraude fiscale de la société Tracpol, sans répondre aux conclusions de la société Transports XV…, de la société Garage du grand pré et de la société TSM Esport, aux termes desquelles elles faisaient valoir que l’administration fiscale avait sciemment omis de présenter au juge des libertés et de la détention la réponse qu’elle avait reçue des autorités polonaises dans le cadre d’une demande d’assistance administrative concernant la nature des relations commerciales entretenues par la société Bresse Inter Frigo avec les sociétés polonaises, en soulignant que cette réponse était de nature à remettre en cause les éléments qui avait été retenus par le juge des libertés et de la détention à titre de présomption de fraude fiscale, le premier président de la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser l’administration fiscale à effectuer une visite domiciliaire que s’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires ; que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée; qu’il doit motiver sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ; qu’en se bornant à énoncer, pour décider qu’il existait des présomptions de fraude fiscale de la société Tracpol, qu’il résultait des pièces produites par la direction nationale d’enquêtes fiscales que le siège social de cette société, situé en Pologne, pouvait être un siège sans établissement ou ne disposant que de moyens très limités peu compatibles avec les données chiffrées justifiées, sans rechercher quels étaient les besoins concrets de la société Tracpol pour l’exercice de son activité de transport depuis la Pologne, le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 ;
3°/ que le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser l’administration fiscale à effectuer une visite domiciliaire que s’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires ; que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu’il doit motiver sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ; qu’en énonçant qu’il existait des présomptions que la société Tracpol soit dirigée par la société Bresse Inter Frigo, pour en déduire qu’il convenait d’autoriser une mesure de visite domiciliaire dans les locaux de sociétés tierces, les sociétés Transports XV…, Garage du grand pré et TSM Esport, sans indiquer en quoi ces dernières étaient susceptibles de détenir des éléments permettant de présumer que la société Tracpol serait dirigée par la société Bresse Inter Frigo, le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 ;
4°/ que le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser l’administration fiscale à effectuer une visite domiciliaire que s’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires ; que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu’il doit motiver sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ; qu’en se bornant à énoncer, pour débouter la société Transports XV…, la société Garage du grand pré, la société TSM Esport et la société Transestra de leur demande tendant à voir infirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, qu’il ne pouvait être exigé de l’administration fiscale une vérification approfondie des éléments soumis par elle au juge des libertés et de la détention, sans rechercher, comme il y était invité, si la direction nationale d’enquêtes fiscales avait fait preuve de déloyauté dès lors que la demande d’autorisation qu’elle avait présentée au juge des libertés et de la détention contenait de nombreuses inexactitudes sur des éléments qui étaient pourtant facilement vérifiables préalablement au dépôt de cette demande, le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 ;
5°/ que le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser l’administration fiscale à effectuer une visite domiciliaire que s’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires ; que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu’il doit motiver sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ; que l’exercice habituel d’une activité en France peut résulter de la réalisation d’opérations formant un cycle commercial complet ; qu’en se bornant à énoncer, pour débouter la société Transports XV…, la société Garage du grand pré, la société TSM Esport et la société Transestra de leur demande tendant à voir infirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, qu’entre 2011 et 2014, la société Tracpol avait réalisé principalement son chiffre d’affaires en France, sans avoir relevé d’éléments laissant présumer la réalisation de prestations de transport exclusivement sur le territoire français, de sorte que la société Tracpol serait présumée y réaliser un cycle commercial complet, le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 ;
6°/ que le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser l’administration fiscale à effectuer une visite domiciliaire que s’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires ; que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu’il doit motiver sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ; que l’exercice habituel d’une activité en France peut résulter de la réalisation d’opérations formant un cycle commercial complet ; qu’en se bornant à énoncer, pour débouter la société Transports XV…, la société Garage du grand pré, la société TSM Esport et la société Transestra de leur demande tendant à voir infirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, que les pièces établissaient de manière suffisante que la société Tracpol avait adopté une maîtrise de ses coûts en ayant recours à des prestations de la société Garage du grand pré, le premier président de la cour d’appel, qui s’est prononcé par un motif impropre à établir que la société Tracpol serait présumée réaliser en France un cycle commercial complet, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 ;
7°/ que le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser l’administration fiscale à effectuer une visite domiciliaire que s’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires ; que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu’il doit motiver sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ; que l’exercice habituel d’une activité en France peut résulter de l’exploitation en France d’un établissement ; qu’en se bornant à énoncer, pour débouter la société Transports XV…, la société Garage du grand pré, la société TSM Esport et la société Transestra de leur demande tendant à voir infirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, qu’entre 2011 et 2014, la société Tracpol avait réalisé principalement son chiffre d’affaires en France et qu’elle avait adopté une maîtrise de ses coûts en ayant recours à des prestations de la société Garage du grand pré, le premier président de la cour d’appel, qui s’est prononcé par des motifs impropres à établir que la société Tracpol serait présumée exercer une activité de manière habituelle en France en y exploitant un établissement, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 ;
8°/ que tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ; qu’en énonçant, pour décider que la direction nationale d’enquêtes fiscales établissait l’existence de présomptions de fraudes fiscales de la société Tracpol et de la société Intertrac et l’autoriser en conséquence à pratiquer des mesures de visites domiciliaires, qu’il résultait des motifs qui précédent, confortés par les pièces correspondantes, que les liens entre les deux groupes restent pertinents à l’égard des autres sociétés polonaises, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de détailler la situation spécifique des sociétés Transpol et de la société Intertrac, le premier président de la cour d’appel a privé sa décision de motifs, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
9°/ que le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser l’administration fiscale à effectuer une visite domiciliaire que s’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires ; que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu’il doit motiver sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ; que l’exercice habituel d’une activité en France peut résulter de l’exploitation en France d’un établissement ; qu’en se bornant à énoncer, pour débouter la société Transports XV…, la société Garage du grand pré, la société TSM Esport et la société Transestra de leur demande tendant à voir infirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, que la société Transestra avait, pour les années 2010 à 2015, réalisé la quasi-totalité de son chiffre d’affaires annuel en développant de manière habituelle une activité de transport routier de fret avec les sociétés du groupe XV…, le premier président de la cour d’appel, qui s’est prononcé par des motifs qui ne sont pas de nature à établir que la société Transestra serait présumée réaliser en France un cycle commercial complet, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 ;
10°/ que le juge des libertés et de la détention ne peut autoriser l’administration fiscale à effectuer une visite domiciliaire que s’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires ; que le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d’autorisation qui lui est soumise est bien fondée ; qu’il doit motiver sa décision par l’indication des éléments de fait et de droit qu’il retient et qui laissent présumer, en l’espèce, l’existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ; que l’exercice habituel d’une activité en France peut résulter de l’exploitation en France d’un établissement ; qu’en se bornant à énoncer, pour débouter la société Transports XV…, la société Garage du grand pré, la société TSM Esport et la société Transestra de leur demande tendant à voir infirmer l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, que la société Transestra avait conclu avec la société Garage du grand pré un contrat portant sur la vente de dix-huit tracteurs, que la société Transestra et la société TSM Esport avaient conclu un contrat en vertu duquel la seconde sous-traitait à la première des prestations et que ce même contrat prévoyait le volume des prestations demandées, ainsi que les moyens matériels, à savoir les dix-huit tracteurs sus-évoqués, le premier président de la cour d’appel, qui s’est prononcé par un motif impropre à établir que la société Transestra serait présumée exercer une activité de manière habituelle en France en y exploitant un établissement, a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 ;
Mais attendu, en premier lieu, que, contrairement aux allégations de la première branche, la société Transports XV… n’a pas soutenu, dans ses conclusions d’appel, que la réponse incomplète reçue par l’administration fiscale des autorités polonaises en exécution de la demande d’assistance administrative qui leur avait été adressée, relative aux relations entretenues par la société Bresse Inter Frigo avec les sociétés Tracpol, Intertrac et Transpol, était de nature à modifier l’appréciation par le juge des libertés et de la détention des présomptions de fraude ;
Attendu, en deuxième lieu, que, par motifs propres et adoptés, l’ordonnance relève que la société Tracpol, dont le siège était en Pologne, n’y disposait que de moyens limités peu compatibles avec son activité telle qu’établie par les données chiffrées, qu’elle exerçait la même activité et avait le même dirigeant que la société Bresse Inter Frigo qui lui avait sous-traité 2 939 opérations de transport entre le 1er septembre 2013 et le 1er septembre 2014 pour des trajets effectués exclusivement sur le territoire national et qu’il existait des présomptions de l’existence d’un centre décisionnel en France ; qu’elle relève ensuite que la première réalisait un cycle commercial complet sur le territoire national, y ayant réalisé entre 2011 et 2014 l’essentiel de son chiffre d’affaires en recourant en outre, pour la maîtrise de ses coûts, aux prestations de la société Garage du grand pré ; qu’elle constate encore que la société Bresse Inter Frigo faisait partie d’un groupe de sociétés dont la société mère était la société Transports XV… et que ce groupe comprenait notamment les sociétés TSM Esport, XV… distribution et transports Saint-Michel ainsi que Garage du grand pré ; qu’elle retient enfin que l’objet de l’autorisation de visite étant la recherche de la preuve de la soustraction des sociétés visées par l’ordonnance à l’établissement et au paiement de l’impôt sur les bénéfices et le chiffre d’affaires, il ne pouvait être exigé de l’administration des vérifications approfondies pour l’établissement de simples présomptions de fraude ; que par ces constatations et appréciations, caractérisant l’existence d’une activité habituelle de transport en France, le premier président, qui a procédé à un examen concret des éléments de preuve qui lui avaient été loyalement présentés et dont il a souverainement apprécié la portée, sans être tenu de procéder aux recherches inopérantes visées à la deuxième branche, a légalement justifié sa décision de retenir l’existence de présomptions de fraude dont les sociétés Transports XV…, Garage du grand pré et TSM Esport étaient susceptibles de détenir la preuve ;
Attendu, en troisième lieu, que, par motifs propres et adoptés, l’ordonnance relève que les sociétés Transpol Frigo et Intertrac étaient unies par les mêmes liens que la société Tracpol avec les sociétés du groupe Transports XV…, que les constatations opérées quant au siège de cette dernière et à l’absence de détention de moyens adaptés en Pologne étaient également pertinentes quant aux sièges et moyens des premières ; qu’elle relève ensuite que les sociétés Transpol Frigo et Intertrac développent une argumentation identique à celle de la société Tracpol puis constate que l’ensemble des pièces produites par l’administration ont été présentées loyalement ; que le premier président, qui a analysé l’ensemble des pièces produites, sans être tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire, qu’il existait des présomptions de fraude à l’encontre des sociétés Transpol Frigo et Intertrac ;
Et attendu, en dernier lieu, que l’ordonnance relève, par motifs propres et adoptés, que M. XV… a expliqué que le groupe XV… s’était diversifié en Europe et qu’à cette fin, il avait créé une entité pour l’Espagne et le Portugal, la société TSM Esport, laquelle avait conclu, le 1er juillet 2014, un contrat de sous-traitance avec la société Transestra, contrat déterminant la nature, le volume des prestations demandées et garantissant la réalisation d’un chiffre d’affaires hors taxes mensuel par véhicule ; qu’elle constate encore que les moyens matériels mentionnés à ce contrat, soit dix-huit tracteurs, ont été vendus par la société Garage du grand pré et financés par un crédit de cette dernière ; qu’elle ajoute que la société Transestra, dont la société Transports XV… était l’actionnaire majoritaire, a réalisé, au cours des années 2010 à 2015, l’essentiel de ses livraisons intracommunautaires en France à destination des sociétés XV…, Garage du grand pré et TSM Esport et que le pourcentage de livraisons faites au profit de cette dernière a évolué de 86,9 % à 100 % ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, dont il ressort que la société Transestra exerçait habituellement son activité en France, le premier président, qui a procédé à un examen concret des éléments de fait et de droit qui lui étaient soumis, a légalement justifié sa décision de retenir l’existence de présomptions de fraude ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que les sociétés Transports XV…, Garage du grand pré, TSM Esport et Transestra font grief à l’ordonnance de rejeter leur demande d’annulation des opérations de visite et de saisie intervenues dans leurs locaux du […] et […] alors selon le moyen, que la cassation entraîne, sans qu’il y ait lieu à une nouvelle décision, l’annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l’application ou l’exécution du jugement cassé ou qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que la censure, à intervenir sur le premier moyen de cassation, du chef du dispositif de l’ordonnance attaquée autorisant les visites domiciliaires entraînera, par voie de conséquence, l’annulation des opérations de visite et de saisies effectuées sur le fondement de cette ordonnance et ce, en application de l’article 625 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le rejet du premier moyen rend le second sans portée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Transports XV… et Cie, Garage du grand pré, TSM Esport et Transestra Actividades Transitarias Internacionais LDA aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale d’enquêtes fiscales, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques, la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour les sociétés Transports XV… et Cie, Garage du grand Pré, TSM Esport et Transestra LDA (Transestra Actividades Transitarias Internacionais LDA)
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’ordonnance attaquée d’avoir déclaré mal fondé l’appel formé par la Société TRANSPORTS XV… ET CIE, la Société GARAGE DU GRAND PRE, la Société TSM ESPORT et la Société TRANSESTRA LDA tendant à l’infirmation de l’ordonnance du Juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de La Roche-Sur-Yon du 6 juillet 2016 ;
AUX MOTIFS QU’il résulte de l’article L 16 Bis du livre des procédures fiscales dans sa version applicable à la date de l’ordonnance rendue à la suite de la modification résultant de l’ordonnance du 27/06/2013 (applicable jusqu’au 01/01/2017) que » I-Lorsque l’autorité judiciaire, saisie par l’administration fiscale, estime qu’il existe des présomptions qu’un contribuable se soustrait à l’établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d’affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, (
), autoriser les agents de l’administration des impôts (
), à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s’y rapportant sont susceptibles d’être détenus ou d’être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu’en soit le support. » ; que le juge apprécie souverainement l’existence d’une présomption de fraude, sans être tenu de s’expliquer sur les éléments qu’il écarte, ni de justifier autrement de la proportionnalité de la mesure qu’il confirme (Com 08/12/2009 précité) ; qu’il n’est pas tenu de constater l’existence de ces agissements frauduleux ; qu’il s’agit donc, ainsi que l’administration fiscale le soutient, non pas d’apprécier des preuves au vu des éléments remis dans le cadre de l’appel mais d’apprécier, au vu des moyens soulevés par les appelantes et des pièces qu’elles produisent à l’appui, si les documents remis par l’administration fiscale au juge des libertés et de la détention établissent des présomptions suffisamment sérieuses de soustractions au paiement de l’impôt en France pour que soit autorisée une atteinte aux données privées par la mesure domiciliaire autorisée ; que les présomptions fournies par l’administration s’apprécient globalement ; qu’en application de l’article 209 du code général des impôts (CGI), seuls les bénéfices « réalisés dans les entreprises exploitées en France » sont en principe imposés à l’impôt sur les, sociétés ; que dès lors, les sociétés étrangères sont soumises à l’impôt sur les sociétés à raison des bénéfices tirés de leurs exploitations en France ce qui suppose l’exercice habituel d’une activité en France ; que l’exercice habituel d’une activité peut être établi notamment :
– par la présence d’un établissement au sens fiscal présentant un certain degré de permanence et une autonomie propre ;
– en l’absence d’établissement, par l’intermédiaire de représentants permanents sans personnalité professionnelle indépendante ; qu’il faut donc que le représentant soit dépendant de la société qui l’envoie, soit du fait d’un lien de subordination juridique, soit économiquement, du fait notamment de ses modalités de rémunération ;
– par le biais de la réalisation d’opérations formant un « cycle commercial complet » ; qu’ainsi, dans l’hypothèse où une société étrangère exploite exclusivement des établissements en France, réalise toute son activité commerciale en France et n’a à l’étranger que son siège social, la jurisprudence rattache l’ensemble des bénéfices de cette société à l’activité imposable en France ;
que si l’un de ces cadres est établi en France, les bénéfices de la société étrangère sont imposables en France ; que les conventions fiscales bilatérales peuvent cependant faire référence à la notion d’établissement stable pour déterminer le lieu d’imposition comme suit : « Les bénéfices d’une entreprise d’un État contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre État contractant par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé. Si l’entreprise exerce son activité d’une telle façon, les bénéfices qui sont attribuables à l’établissement stable conformément aux dispositions du paragraphe 2 sont imposables dans l’autre État. » ; que les sociétés concernées, quand l’activité est partiellement exercée à l’étranger, ne sont pas pour autant dispensées d’obligations déclaratives ; qu’en matière de TVA, il est recouru à la notion de siège économique et dans certains cas à celle d’établissement stable, spécifique à ce type d’imposition ; que pour apprécier le lieu du siège de l’activité économique d’un assujetti, il est nécessaire de prendre en considération un faisceau d’indices, tels que le siège statutaire de la société, le lieu de son administration centrale, le lieu de réunion de ses dirigeants sociaux et celui, habituellement identique, où est arrêtée la politique générale de cette société ; que d’autres éléments, tels que le domicile des principaux dirigeants, le lieu de réunion des assemblées générales, le lieu où sont tenus les documents administratifs et comptables ou celui du déroulement principal des activités financières, notamment bancaires, peuvent également être pris en compte ; qu’en cas de contradiction d’indices, le lieu du siège de l’activité économique peut être retenu là où sont adoptées les décisions essentielles concernant la direction générale de la société, ou encore là où sont exercées les fonctions d’administration centrale de celle-ci ; qu’il en résulte que la présence d’une société « boîte aux lettres » ou « écran », ne saurait conférer à un lieu le statut de siège d’une activité économique d’un assujetti s’il ne satisfait pas aux conditions précitées ; que la notion d’établissement stable spécifiquement applicable en matière de TVA, peut être utilisée dans certains cas ; que l’établissement stable est alors caractérisé notamment par un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l’équipement humain et technique (CJCE, 20 février 1997, aff. C 260/95, « DFDS A/S » ; CJCE, 17 juillet 1997, aff. C 190/95, « Aro Lease »), à rendre possible :
– soit la fourniture par cet établissement d’un service au sens de l’article 259-2°du CGI,
– soit l’utilisation par cet établissement des services qui lui sont rendus au sens de l’article 259-1° du COI ;
qu’en l’espèce, l’activité, s’agissant cette fois de la TVA, obéit à des règles particulières relatives aux transports internationaux, l’imposition dépendant notamment du critère d’assujettissement et du caractère ou non intracommunautaire du transport ; que le fait pour un assujetti de disposer d’un numéro d’identification à la TVA en France n’est pas suffisant en soi pour considérer qu’il y dispose d’un établissement stable ; que dès lors qu’un assujetti a son siège dans un Etat, il n’y a, pas lieu de considérer l’existence d’un établissement stable distinct dans ce même Etat ; que c’est donc principalement au regard des règles susvisées qu’il y a lieu d’examiner l’existence des présomptions permettant à l’administration de procéder aux visites domiciliaires prévues par l’article L 16B du LPF ; que le type précis d’imposition (IS ou TVA) est, pour l’application de l’article L 16B du LFF, peu déterminant ; que les éléments précédemment rappelés montrent que les présomptions de fraude sur l’IS ou la TVA ou les taxes sur le chiffre d’affaires vont principalement dépendre du lieu d’activité économique réel de la société étrangère, qu’il soit un siège économique effectif, un lieu d’établissement stable au sens des conventions internationales ou du droit applicable en matière de TVA ou encore un lieu d’exploitation au sens de l’imposition des IS ; [
] que les présomptions alléguées concernent en l’espèce les trois sociétés polonaises et la société portugaise dans le cadre d’activités de transports internationaux routiers de fret ; que les liens des 3 sociétés polonaises appelantes avec le groupe XV… ne sont pas contestés par les appelantes puisqu’elles précisent elle mêmes que :
– elles sont « l’émanation d’une diversification à l’international du groupe XV… » ;
– elles sont constituées de capitaux français ;
– leur principal associé est M TZ… XV…, par ailleurs actionnaire du groupe XV… ;
– M MR… …, président de TRACPOL est fiscalement domicilié en France à titre personnel au moins