Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, qu’à partir du 13 août 1990, la Banque du Gothard, aux droits de laquelle vient la société Banque BSI (la banque), a consenti à la société E… foies gras (le débiteur) plusieurs prêts pour lesquels les sociétés Center Yser IV et Canard SA (les garants) ont consenti diverses garanties ; que le débiteur n’ayant pu rembourser les prêts à leur échéance, les garants ont, en exécution de leurs engagements, opéré des virements que, pour des raisons comptables et informatiques, la banque a inscrits au crédit du compte courant du débiteur et qui ont permis le remboursement du solde des prêts par quatre paiements des 4 février, 4 avril, 28 juin et 29 juillet 1991 ; que, par jugement du 16 septembre 1991, le débiteur a été mis en redressement judiciaire, M. X… étant nommé représentant des créanciers, et la date de cessation des paiements reportée au 13 mars 1990 par jugement du 7 février 1992 ; que M. X…, commissaire à l’exécution du plan de cession arrêté le 20 mars 1992, a demandé, sur le fondement de l’article 108 de la loi du 25 janvier 1985, la nullité des quatre paiements faits à la banque ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la banque fait grief à l’arrêt d’avoir retenu comme éléments de preuve les deux rapports de MM. Y… et Z… ainsi que celui de MM. A…, B… et C… et de l’avoir condamnée payer à M. X…, ès qualités, la somme de 747 000, 18 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 1995 et jusqu’à parfait paiement, alors, selon le moyen, que le juge doit en toute circonstance faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’une expertise judiciaire ne peut être opposée à une partie qui ne participait au procès au cours duquel elle a été effectuée que dans la mesure où il est établi que cette partie a eu une possibilité réelle de commenter efficacement cette expertise ; qu’il est constant en l’espèce que les différents rapports produits par M. X… ont été établis lors de poursuites pénales auxquelles la banque n’était pas partie ; qu’en retenant la valeur probatoire de ces expertises, sans justifier son constat, aux motifs que ces rapports ayant été produits et qu’ainsi la banque a été mise en mesure d’en discuter la pertinence, pour refuser leur rejet des débats, la cour d’appel a manqué de base légale au regard de l’article 16 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
Mais attendu qu’ayant relevé que les trois rapports d’expertise ont été versés aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, c’est sans méconnaître les dispositions de l’article 16 du code de procédure civile et celles de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que la cour d’appel a considéré que ces rapports pouvaient être admis comme éléments de preuve ; que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en ses première et troisième branches :
Vu l’article L. 621-108 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu qu’en se déterminant par tels motifs, sans rechercher si les virements effectués par les garants au profit de la banque en exécution de leurs engagements et inscrits au crédit du compte courant du débiteur avaient fait l’objet d’une affectation spéciale, ni si les paiements émanaient du débiteur et non pas d’un tiers, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y a ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a annulé les paiements intervenus les 28 juin 1991 et 26 juillet 1991, au profit de la Banque du Gothard, des sommes de 3 370 000 francs (544 242, 99 euros) et de 1 330 000 francs (202 757, 19 euros), l’arrêt rendu le 11 décembre 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;
Condamne M. X…, ès qualités, aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Tiffreau-Corlay, avocat aux Conseils pour la société Banque BSI, venant aux droits de la société Banque du Gothard.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR retenu les éléments des rapports d’expertise comme ayant valeur de renseignements pouvant, avec toutes autres indications relevant des écritures des parties et des pièces produites, être pris en considération à titre d’éléments de preuve et en conséquence annulé les paiements intervenus les 28 juin 1991 et 26 juillet 1991 au profit de la BANQUE DU GOTHARD, ayant porté respectivement sur les sommes de 3. 570. 000 FF (544. 242, 99 ) et de 1. 330. 000 FF (202. 757, 19 ) et condamné la BANQUE DU GOTHARD à payer à Me X… ès qualités la somme de 747. 000, 18 avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 1995 et jusqu’à parfait paiement ;
AUX MOTIFS QUE « Maître Gilles X… fonde pour l’essentiel la démonstration qu’il entend faire sur diverses indications tirées de trois rapports d’expertise qui ont été établis par Messieurs Y… et Z… (rapports des 12 avril 1995 et 28 octobre 1996) et par Messieurs A…, B… et C… (rapport du 3 août 1998), dans le cadre des poursuites pénales, comme encore des indications de l’arrêt de la Cour du 21 mai 2002 par lequel il a été statué sur ces poursuites pénales ; que la BANQUE DU GOTHARD invoque au premier chef le caractère non opposable desdits rapports d’expertise ; qu’il doit être relevé à cet égard que le BANQUE DU GOTHARD n’était effectivement pas partie dans l’instance qui a été suivie devant les juridictions pénales et qu’elle n’a de ce fait pas été associée de ce chef aux travaux des experts ; que toutefois, du fait même que ces rapports aient été produits devant les premiers juges, comme ils le sont en appel et alors que la BANQUE DU GOTHARD a été mise ainsi en mesure d’en discuter la pertinence, les éléments de ces rapports peuvent être retenus comme ayant tout au moins valeur de renseignements, susceptibles d’être pris en considération, entre autres indications relevant des écritures des parties et des pièces produites, à titre d’éléments de preuve admissibles en matière commerciale »
ALORS QUE le juge doit en toute circonstance faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’une expertise judiciaire ne peut être opposée à une partie qui ne participait au procès au cours duquel elle a été effectuée que dans la mesure où il est établi que cette partie a eu une possibilité réelle de commenter efficacement cette expertise ; qu’il est constant en l’espèce que les différents rapports produits par Maître X… ont été établis lors de poursuites pénales auxquelles la BANQUE DU GOTHARD n’était pas partie ; qu’en retenant la valeur probatoire de ces expertises, sans justifier son constat, aux motifs que ces rapports ayant été produits et qu’ainsi la BANQUE DU GOTHARD a été mise en mesure d’en discuter la pertinence, pour refuser leur rejet des débats, la Cour d’appel a manqué de base légale au regard de l’article 16 du Code de procédure civile ensemble l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR annulé les paiements intervenus les 28 juin 1991 et 26 juillet 1991 au profit de la BANQUE DU GOTHARD, ayant porté respectivement sur les sommes de 3. 570. 000 FF (544. 242, 99 ) et de 1. 330. 000 FF (202. 757, 19 ) et condamné la BANQUE DU GOTHARD à payer à Maître X… ès qualités la somme de 747. 000, 18 avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 1995 et jusqu’à parfait paiement ;
AUX MOTIFS QUE « La matière est régie par les dispositions de l’article L. 621-108 du Code de commerce en sa rédaction issue de la codification de l’article 108 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, applicables en la cause selon lesquelles : » les paiements pour dettes échues effectués après la date de la cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis après cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements » ; qu’il appartient à Maître Gilles X… qui sollicite l’application de cet article d’établir que les conditions de cette application sont réunies et ainsi que des paiements ont été effectués par la SA E… FOIES GRAS au profit de la BANQUE DU GOTHARD, postérieurement au 13 mars 1990 et alors que la BANQUE DU GOTHARD aurait connu l’état de cessation des paiements de la SA E… FOIES GRAS ; ( ) ; Sur les paiements litigieux et la connaissance que pouvait avoir la BANQUE DU GOTHARD de la cessation des paiements de la SA E… FOIES GRAS au temps où ils ont été effectués ; Des rapports d’expertise ci-dessus mentionnés mais aussi de manière identique des écritures de la BANQUE DU GOTHARD et pièces qu’elle produit il s’évince que les relations, en nature d’opérations et remboursements qui ont été établies entre cette banque et la SA E… FOIES GRAS comme avec les sociétés CANARD SA et YSER IV, entrées dans son capital, ont été comptabilisées en compte courant de la SA E… FOIES GRAS suivent les tableaux des opérations comptabilisées avec montant de l’encours et total des crédit tableau 1, et avec montant de l’encours et total des remboursements tableau 2 ; qu’il en ressort que ce sont 5. 160. 000, 00 FF (786. 636, 93 ) qui ont été prêtés par tranches successives, dont certaines ont fait l’objet de renouvellements, que le montant maximum de l’encours a toutefois été maintenu dans la limite de la somme de 4. 950. 000, 00 FF (754. 622, 64 ), que la totalité des crédits a été remboursée en principal et en intérêts, lesdits remboursements étant tous intervenus postérieurement au 13 mars 1990 date retenue comme étant celle de la cessation des paiements ; que la validité des opérations doit donc être appréciée relativement aux remboursements intervenus ayant porté sur les sommes de 210. 000 FF (32. 014, 29 ) le 4 février 1991 ; 50. 000 FF (7. 622, 45 ) le 4 avril 1991 ; 3. 570. 000, 00 FF (544. 242, 99 ) le 28 juin 1991 ; 1. 330. 000, 00 FF (202. 757, 19 ) le 29 juillet 1991 ; ( ) S’agissant du remboursement de la somme de 3. 570. 000, 00 FF (544. 242, 99 ) intervenu le 28 juin 1991 : Doivent être prises en considération à cet égard les indications des rapports d’expertise mais aussi ce qui ressort suffisamment dans le même sens des pièces produites et notamment des documents comptables, courriers divers, procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire, compte rendu de réunion du conseil d’administration, ordre de paiement, relevés de comptes et ainsi ;
– le fait que le bilan arrêté le 31 mars 1991 ait fait état d’une perte de 8. 133. 118 FF (1. 239. 885, 85 ) avec un passif s’élevant au total à 24. 000. 000 FF (3. 658. 776, 41 ) ;
– l’instruction donnée par Monsieur D…, le gérant de la SA E… FOIES GRAS, le 11 avril 1991 par laquelle il a entendu voir différer les paiements des charges sociales et assimilées ainsi que la TVA due par l’entreprise ;
– la décision prise le 17 mai 1991, par l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la SA E… FOIES GRAS de procéder à une annulation des actions par voie de réduction du capital et à une nouvelle augmentation de capital de 4. 636. 500 FF (706. 524, 97 ) à « souscrire au pair et à libérer intégralement à la souscription par versement d’espèces ou par compensation avec des créances liquides et exigibles sur la société » ;
– l’appel opéré par la BANQUE DU GOTHARD le 29 mai 1991 de la garantie à première demande donnée par la société Générale de Banque qui lui en a adressé le montant soit la somme de 2. 047. 000, 00 FF (312. 063, 14 ) suivant ordre de paiement du 6 juin 1991, tel que produit aux débats ;
– la comptabilisation de cette somme sur le compte courant de la SA E… FOIES GRAS dont 2. 000. 000 FF (304. 898, 03 ) en ont été débités le 6 juin 1991 pour être portés en compte à terme ce jusqu’au 28 juin 1991 ;
– le versement opéré par la SA CANARD le 17 juin 1991 sur le compte courant de la SA E… FOIES GRAS dans les livres de la BANQUE DU GOTHARD de la somme de 750. 000 FF (114. 336, 76 ), ce en exécution de l’instruction expresse qui en avait été donnée par la SA CANARD d’« avance en compte courant associés CANARD SA en vue d’augmentation de capital », l’avis d’opération émanant de la BANQUE DU GOTHARD reprenant ces mêmes indications ;
– le versement opéré de même par la SA CANARD le 18 juin 1991 de la somme de 1. 203. 000 FF (183. 396, 17 ) encore au titre d’une « avance en compte courant associés CANARD SA en vue d’augmentation de capital » ;
– le débit du compte courant avec dépôt de la somme de 1. 570. 000 FF (239. 344, 96 ) effectué le 19 juin 1991 sur un second compte bloqué à terme au 28 juin 1991 ;
– le remboursement opéré le 26 juin 1991, par la SA E… FOIES GRAS, de la somme de 3. 570. 000 F (544. 242, 99 ), par prélèvement sur son compte courant crédité ce même jour des fonds libérés des deux comptes à terme de 2. 000. 000 F (304. 898, 03 ) et de 1. 570. 000 F (239. 344, 96 ) ;
– la décision du conseil d’administration du 26 juin 1991 limitant le montant de l’augmentation de capital à la somme de 4. 500. 000 FF (686. 020, 58 ), entièrement libérée ainsi qu’il suit : par libération en espèces à concurrence de 100 F (15, 24 ) par M. Jean D… ; 100 F (15, 24 ) par M. Jean F… ; 100 F (15, 24 ) par M. Philippe E… ; 500. 000 FF (76. 224, 51 ) par la Société IDIA SA ; par compensation avec la créance détenue par la Société CANRAD envers la SA E… FOIES GRAS pour 3. 999. 700 FF (609. 750, 33 ) ;
– l’attestation du commissaire aux comptes de la SA E… FOIES GRAS du 27 juin 1991 certifiant exact l’arrêté par le conseil d’administration du compte ouvert au nom de la SA CANARD et présentant un solde créditeur de 4. 003. 000 FF (610. 253, 42 ) et indiquant que cette somme résultait des dépôts effectués sur le compte ouvert à la BANQUE DU GOTHARD en trois versements ; 1er versement du 6 juin 1991 pour 2. 047. 000 FF (312. 063, 14 ) ; 2e versement du 17 juin 1991 pour 750. 000 FF (114. 336, 76 ) ; 3e versement du 18 juin 1991 pour 1. 203. 000 FF (183. 396, 17 ) ; du reliquat disponible après l’augmentation de capital décidée par l’AGE du 17 mai 1991 pour 3. 000 FF (457, 35 ) ; précisant encore que ces avances avaient été portées au crédit d’un compte courant (compte courant d’associé dans la comptabilité de la SA E… FOIES GRAS) ouvert au nom de la Société CANARD SA et présentaient un caractère liquide et exigible ;
– le courrier émanant de la BANQUE DU GOTHARD confirmant « le transfert des montants suivants en faveur du compte n° 255. 367 de la société Domaine de Laguille dans nos livres : 2. 047. 000 FF ; 750. 000 FF ; 1. 203. 000 FF effectué par la SA CANARD en vue d’augmentation de capital ;
– l’écriture en compte courant de la SA E… FOIES GRAS dans les livres de la BANQUE DU GOTHARD du 26 juillet 1991 en suite de l’instruction donnée par la SA CANARD le 16 juillet 1991 de virer la somme de 1. 330. 000 FF (202. 757, 19 ) du compte de la SA CANARD au profit du compte de la SA E… FOIES GRAS ayant permis de couvrir l’écriture de même montant par laquelle le compte des crédits accordés et le virement opéré par la BANQUE DU GOTHARD avait été ramené à zéro ;
– le désengagement ainsi opéré par la BANQUE DU GOTHARD de tout financement de la SA E… FOIES GRAS ;
qu’il ressort de l’ensemble de ces documents que le remboursement intervenu le 26 juin 1991 (date de valeur au 28 juin 1991) a procédé, à hauteur de la somme de 2. 000. 000 F (304. 898, 03 ) et au terme d’un différé de paiement rendu possible par le dépôt de cette somme sur un compte à terme jusqu’à l’échéance du crédit renouvelé, de la mise en jeu de la garantie qui avait été donnée par la Générale de Banque, pour le compte de la Société CENTRE YSER IV, au profit de la BANQUE DU GOTHARD, à l’ordre de laquelle avait été établi le versement de la somme de 2. 047. 000 » (en réalité 312. 063, 14 correspondant à 2. 047. 000 F) « et qui l’avait comptabilisé sur un compte de la SA E… FOIES GRAS, après l’avoir fait transiter par le compte courant ouvert au nom de cette société ; qu’il s’en évince encore que le paiement intervenu de la somme de 1. 570. 000 F (239. 344, 96 ) a été opéré, lui, à partir des fonds qui avaient été virés sur le compte de la SA E… FOIES GRAS en provenance de la SA CANARD et ce, aux diligences de la BANQUE DU GOTHARD, qui avait encore bloqué ces fonds sur un compte à terme, pour être libérés au jour où le crédit renouvelé allait venir à son terme ; qu’il en ressort encore que, tandis que les ordres de virement qui lui avaient été adressés par la SA CANARD relativement aux deux versements de 750. 000 F (114. 336, 76 ) et 1. 203. 000 F (183. 396, 17 ) l’avaient été expressément en vue de l’augmentation de capital et alors encore que la BANQUE DU GOTHARD a elle-même indiqué que la transmission qu’elle avait faite à la SA E… FOIES GRAS de la somme de 2. 047. 000, 00 F (312. 063, 14 ) avait eu le même objet, la BANQUE DU GOTHARD s’était ainsi trouvée directement impliquée dans la réalisation de cette opération d’augmentation de capital ; qu’il peut être apprécié aussi que, tandis qu’elle avait été la bénéficiaire du versement de 2. 047. 000 F (312. 063, 14 ), qu’elle avait néanmoins transmis à la SA E… FOIES GRAS, et alors encore qu’elle n’avait pas exigé paiement direct des sommes dues par les garants (aucune preuve matérielle d’une demande en ce sens n’étant produite), il ressort des dispositions qui ont effectivement été prises et alors que toutes ces sommes ont transité par les comptes de la SA E… FOIES GRAS qui en a elle-même fait emploi au travers des paiements effectués que la BANQUE DU GOTHARD a ainsi voulu rendre possible une augmentation de capital qui ne revêtait pas pour elle une caractère de nécessité, au temps où elle allait mettre un terme à ses relations avec la SA E… FOIES GRAS et tandis que ses créances se trouvaient couvertes par les divers garants ; que la certitude de sa décision d’ores et déjà prise de se désengager totalement ressort en effet suffisamment du fait que si elle a accepté de proroger d’un mois l’exigibilité du solde des crédits, soit de la somme de 1. 330. 000 F (202. 757, 19 ) elle n’a plus consenti un nouveau crédit et cela alors même que la société ne pouvait normalement fonctionner sans nouveaux apports extérieurs selon ce que démontreront les versements qui devront encore être faits par la SA CANARD à cette fin ; que si cependant la SA E… FOIES GRAS et ses actionnaires pouvaient quant à eux fonder encore quelqu’espoir utopique dans une nouvelle restructuration de son capital et une recapitalisation qui aurait conduit à l’entrée de nouveaux actionnaires dans le capital selon ce qui constituait une persistante fuite en avant, le réalisme bancaire attaché à l’exercice de sa profession par la BANQUE DU GOTHARD ne pouvait manquer de lui faire prendre conscience de ce que, nonobstant le fait que l’augmentation de capital dont elle favorisait la réalisation soit de nature à donner meilleur aspect au bilan après recapitalisation et suppression de ses concours soit plus équilibrée par des apports nouveaux des actionnaires, son propre désengagement qui ne pouvait qu’exercer une influence négative sur l’opinion que les autres banques pouvaient avoir du risque au temps où la situation de la société s’avérait être des plus critiques, obérait définitivement l’avenir pour une société dont l’activité générait sur plusieurs années des pertes importantes (4, 4 MF au 31 mars 1989, 2, 8 MF au 31 mars 1990, 2, 8 MF au 31 décembre 1990 sur les 8 premiers mois de l’exercice et ce dont elle ne pouvait avoir manqué d’avoir obtenu à tout le moins quelques éléments d’appréciation, de 8, 1 MF au 31 mars 1991 ; que la situation considérée ne laissait en effet aucune faculté effective de trouver encore au jour où les résultats complets de l’exercice seraient officiellement arrêtés de nouveaux partenaires financiers susceptibles de lui fournir des financements ou de s’engager eux-mêmes dans le capital à hauteur de besoins qui s’avéraient être sans limite et sans issue envisageable favorable ; la BANQUE DU GOTAHRD qui avait ainsi été associée à l’augmentation de capital et ne pouvait avoir ignoré les raisons pour lesquelles elle était opérée alors même qu’une restructuration du capital venait déjà d’être effectuée en avril 1991 et qui ne pouvait qu’avoir pris toute la mesure de ses résultats dont l’essentiel avait été de couvrir l’essentiel de sa propre créance, sans apporter de liquidités nouvelles suffisantes 500. 300 F, (76. 270, 24 ), seulement de nature à couvrir les autres dettes à court terme et exigibles de la société, tandis encore qu’elle savait que cette augmentation de capital avait été couverte pour une part conséquente par l’appel d’une garantie bancaire, ne saurait être considérée comme ayant pu alors ignorer que les paiement qui lui étaient faits en juin 1991 par la Société laisseraient celle-ci exsangue et qu’elle était en fait déjà en état de cessation des paiements, alors même que ces évènements se produisaient en début de période estivale caractérisée dans ce secteur d’activité par une quasi inexistence des ventes ; que cette situation s’est d’ailleurs vérifiée puisque dès le 30 août 1991, la Banque CIB (Compagnie Internationale de Banque) a notifié sa décision de mettre fin à ses concours et que la SA E… FOIES GRAS a déposé une déclaration de cessation des paiements dès le 5 septembre 1991 ; qu’il sera en définitive retenu que se faisant payer ce 28 juin 1991, la somme de 3. 570. 000 F (544. 242, 99 ) la BANQUE DU GOTHARD a ainsi contrevenu aux dispositions de l’article L. 621-108 du Code de commerce sous la sanction qui doit être appliquée à l’annulation de ce paiement ; qu’elle sera donc condamnée de ce chef à répéter et payer à Maître Gilles X… ladite somme de 3. 570. 000 FF (544. 242, 99 ) avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 1995 ; S’agissant du remboursement de la somme de 1. 330. 000 FF (202. 757, 19 ) intervenu le 26 juillet 1991 : Sur ce point encore doit être rappelée l’écriture en compte courant de la SA E… FOIES GRAS dans les livres de la BANQUE DU GOTHARD, du 26 juillet 1991, en suite de l’instruction donnée par la SA CANARD, le 25 juillet 1991, de virer la somme de 1. 330. 000 F (202. 757, 19 ) du compte de la SA CANARD au profit du compte de la SA E… FOIES GRAS et ayant permis de couvrir l’écriture de même montant par laquelle le compte des crédits accordés et le virement opéré par la BANQUE DU GOTHARD avait été ramené à zéro ; que c’est donc en faisant transiter les fonds par le compte courant de la SA E… FOIES GRAS que ce paiement est intervenu ; qu’il n’est pas justifié qu’une demande ait été formulée par la banque à cette fin sur le fondement de l’engagement de garantie pris par la SA CANARD, qui aurait donné logiquement lieu à un paiement direct entre la SA CANARD et la BANQUE DU GOTHARD, avec établissement d’une quittance subrogative ; qu’il doit donc être retenu qu’en versant les fonds à la Société, la SA CANARD, actionnaire très largement majoritaire, n’a ainsi fait qu’effectuer un apport en compte courant, pour permettre à celle-ci de payer une dette exigible ; que le paiement obtenu dans ces conditions par la BANQUE DU GOTHARD, par voie d’imputation de ce montant dans le compte courant de la SA E… FOIES GRAS et ayant eu pour effet de ramener l’encours des crédits à zéro, doit donc, lui encore, être tenu comme effectué au temps où la BANQUE DU GOTHARD connaissait l’état de cessation des paiements de la SA E… FOIES GRAS et, partant, atteint par la nullité de l’article L. 621-108 du Code de commerce »
ALORS QUE 1°) le paiement d’une dette échue pendant la période suspecte ne peut être annulé que s’il émane du débiteur ; que le paiement doit être considéré comme fait par un tiers lorsque, bien que transitant par le compte courant du débiteur, il a été spécialement affecté au remboursement de la dette litigieuse ; qu’en l’espèce, s’agissant de la somme de 544. 242, 99 (3. 570. 000 FF), la Cour d’appel a constaté (p. 12) : « Il ressort de l’ensemble de ces documents que le remboursement intervenu le 26 juin 1991 (date de valeur au 28 juin 1991) a procédé, à hauteur de la somme de 2. 000. 000 F (304. 898, 03 ) et au terme d’un différé de paiement rendu possible par le dépôt de cette somme sur un compte à terme jusqu’à l’échéance du crédit renouvelé, de la mise en jeu de la garantie qui avait été donnée par la Générale de Banque, pour le compte de la Société CENTRE YSER IV, au profit de la BANQUE DU GOTHARD, à l’ordre de laquelle avait été établi le versement de la somme de 2. 047. 000 » (en réalité 312. 063, 14 correspondant à 2. 047. 000 F) « et qui l’avait comptabilisé sur un compte de la SA E… FOIES GRAS, après l’avoir fait transiter par le compte courant ouvert au nom de cette société ; qu’il s’en évince encore que le paiement intervenu de la somme de 1. 570. 000 F (239. 344, 96 ) a été opéré, lui, à partir des fonds qui avaient été virés sur le compte de la SA E… FOIES GRAS en provenance de la SA CANARD et ce, aux diligences de la BANQUE DU GOTHARD, qui avait encore bloqué ces fonds sur un compte à terme, pour être libérés au jour où le crédit renouvelé allait venir à son terme ; qu’il s’évinçait donc de ces constatations que les sommes litigieuses avaient été spécialement versées par les garants de la banque en vue du paiement de la créance de la BANQUE DU GOTHARD ; qu’en considérant néanmoins que le paiement avait été effectué par la SA E… FOIES GRAS au profit de la BANQUE DU GOTHARD, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et partant violé l’article L. 621-108 (ancien) du Code de commerce
ALORS QUE 2°) la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu’en l’espèce, la Cour d’appel a constaté, d’une part, que ce serait la SA E… FOIES GRAS qui aurait été à l’origine du « remboursement opéré le 26 juin 1991 » et qui aurait « elle-même fait emploi au travers des paiements effectués », d’autre part, que ce serait la BANQUE DU GOTHARD qui serait à l’origine de l’ensemble des paiements intervenus en remboursement de sa dette par la mise en oeuvre des garanties qui lui étaient dues (« qu’il ressort de l’ensemble de ces documents que le remboursement intervenu le 26 juin 1991 (date de valeur au 28 juin 1991) a procédé, à hauteur de la somme de 2. 000. 000 F (304. 898, 03 ) et au terme d’un différé de paiement rendu possible par le dépôt de cette somme sur un compte à terme jusqu’à l’échéance du crédit renouvelé, de la mise en jeu de la garantie qui avait été donnée par la Générale de Banque, pour le compte de la Société CENTRE YSER IV, au profit de la BANQUE DU GOTHARD, à l’ordre de laquelle avait été établi le versement de la somme de 2. 047. 000 » (en réalité 312. 063, 14 correspondant à 2. 047. 000 F) « et qui l’avait comptabilisé sur un compte de la SA E… FOIES GRAS, après l’avoir fait transiter par le compte courant ouvert au nom de cette société ».) ; que ce faisant la Cour d’appel a violé les articles 455 et 458 du Code de procédure civile
ALORS QUE 3°) le paiement d’une dette échue pendant la période suspecte ne peut être annulé que s’il émane du débiteur ; que le paiement doit être considéré comme fait par un tiers lorsque, bien que transitant par le compte courant du débiteur, il a été spécialement affecté par le tiers garant au remboursement de la dette litigieuse ; qu’en l’espèce, s’agissant de la somme de 202. 757, 19 (1. 330. 000 FF), la Cour d’appel a constaté (p. 14) que la SA CANARD a spécialement viré le 25 juillet 1991 la somme de 1. 330. 000 FF (202. 757, 19 ) ; qu’il s’agissait là de la somme exacte encore due à la BANQUE DU GOTHARD et dont celle-ci avait accepté de reporter l’échéance au 29 juillet 1991 ; que la Cour d’appel a effectivement constaté (p. 14) que cette somme avait « permis de couvrir l’écriture de même montant par laquelle le compte des crédits accordés et le virement opéré par la BANQUE DU GOTHARD avait été ramené à zéro » ; qu’il s’évinçait de ces constatations que la somme, bien que transitant par le compte courant de la SA E… FOIES GRAS dans les livres de la BANQUE DU GOTHARD, avait bien été versée par la SA CANARD, garante de la BANQUE DU GOTHARD, en vue de rembourser celle-ci de sa dette ; qu’en considérant que le simple fait que la somme ait transité par les comptes de la SA E… FOIES GRAS devait conduire à analyser ce versement comme un apport en compte courant pour permettre à celle-ci de payer une dette exigible, la Cour d’appel a violé l’article L. 621-108 (ancien) du Code de commerce
ALORS QUE 4°) les conclusions de l’exposante faisaient valoir (conclusions d’appel signifiées le 2 avril 2008, pp. 17 et 18) que « le 26 juin 1991 s’est tenue une réunion du Conseil d’Administration de la SA E… ; l’ordre du jour de cette réunion était le suivant ; » Clôture des souscriptions relatives à l’augmentation de capital décidée par l’Assemblée Générale Extraordinaire du 17 mai 1991, à la date du 14 juin 1991 ; Arrêté des comptes des personnes ayant déclaré libérer leur souscription par compensation avec une créance liquide et exigible sur la société ; Certification par le Commissaire aux comptes de la société de ces arrêtés » ; que c’est dans ces conditions que le Conseil d’Administration a constaté « que la Société CANARD SA a souscrit 39. 997 actions dont 14. 743 à titre irréductible et 25. 254 à titre réductible, en déclarant libérer la souscription de ces actions par voie de compensation avec une créance liquidée exigible sur la société ( ) ; le Conseil constate alors qu’au jour de la souscription, il était dû par la société E… FOIE GRAS à la Société CANARD une somme de 4. 003. 000 FF supérieure au montant de sa souscription ci-dessus rappelée et que cette créance est liquide et exigible ; que le Conseil arrête en conséquence le compte de la Société CANARD et constate la possibilité effective d’opérer par compensation ; Cet arrêté de compte est certifié exact par le Commissaire aux comptes » ; qu’ainsi il apparaît que les Investisseurs / actionnaires de la SA E… avaient décidé de compenser les sommes réglées en application de leurs engagements de garants, devenues des créances sur la SA E… avec le montant de la souscription de l’augmentation de capital ; qu’en effet en vertu des règlements effectués auprès de la BANQUE DU GOTHARD, les actionnaires se trouvaient créanciers par voie de subrogation de la SA E… pour des montants équivalents ; que cette qualité de créanciers détenant une créance certaine et exigible, ainsi que le confirmait le Commissaire aux Comptes de la SA E…, les autorisait à procéder à une telle compensation » ; et encore (p. 22) « que les sommes créditées soit correspondent à un renouvellement regroupement de crédit, soit proviennent des différents actionnaires ou de banque (ayant reçu instruction de ces derniers) ayant fourni une garantie à la BANQUE DU GOTHARD pour couvrir le montant des sommes empruntées » et que (p. 25) « la SA E… ne pouvant pas immédiatement rembourser ce prêt sans risquer de déséquilibrer ses comptes, les actionnaires, cautions personnelles et solidaires, avaient donc été appelés en garantie par la BANQUE DU GOTHARD ; qu’ils ont eux-mêmes (directement par leur banquier la Générale de Banque également caution) remboursé la BANQUE DU GOTHARD ; que contrairement à ce qui est écrit dans le rapport de Messieurs Y… ET Z…, ce n’est donc pas la SA E… qui a remboursé ces crédits mais bien les actionnaires par leurs apports de juin et juillet 1991, spécifiquement destinés à cette fin ; que les Assemblées Générales Extraordinaires de la SA E… des 29 avril et 17 mai 1991 avaient décidé d’augmenter le capital sociétal p