Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 juin 2011, 10-15.643, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 juin 2011, 10-15.643, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Colmar, 9 février 2010), que, le 4 février 2004, la société Alsacienne de santé (la société AS) a été mise d’office en liquidation judiciaire, M. X… étant désigné liquidateur ; que le liquidateur a assigné M. Y… en qualité de dirigeant de la société AS pour lui faire étendre la procédure de liquidation judiciaire avant de le réassigner, le 28 juin 2006, en obligation aux dettes sociales ; que, par jugement du 9 avril 2008, le tribunal a condamné M. Y…, ès qualités, à contribuer aux dettes sociales de la société AS à concurrence d’un million d’euros ;

Attendu que M. Y… fait grief à l’arrêt de l’avoir condamné en sa qualité de dirigeant social à contribuer aux dettes de la société AS à concurrence d’un million d’euros, alors, selon le moyen :

1°/ que le montant de la condamnation d’un dirigeant social, obligé à régler les dettes sociales, ne peut excéder le passif admis et vérifié au jour où le juge statue ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué a constaté que le passif social vérifié de la société s’élevait à un montant de 893 955,40 euros ; qu’en condamnant cependant son dirigeant à contribuer aux dettes sociales à hauteur de un million d’euros, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article L. 651-2 du code de commerce applicable en la cause ;

2°/ que sur le reproche d’avoir, sous couvert de la personne morale, fait des actes de commerce dans un intérêt personnel, M. Y… rappelait qu’aucun « intérêt personnel » ne pouvait à cet égard lui être «imputé » dans la mesure où il « n’avait jamais perçu de rémunération en sa qualité de dirigeant de la (société en liquidation) » et où, en outre, celle qu’il percevait de la société cocontractante de cette dernière avait fait l’objet d’une « réduction de plus de 40 % » ; qu’en délaissant ces écritures propres à démontrer l’absence d’intérêt personnel du dirigeant, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que sur le reproche d’avoir fait des biens ou des crédits de la société un usage contraire à ceux-ci à des fins personnelles pour favoriser une autre personne morale, M. Y… faisait valoir qu’il « n’était en rien le décideur » des faits reprochés, arrêtés par « l’ensemble des associés » de la société en liquidation dans laquelle « il était un actionnaire ultra minoritaire» ; qu’en délaissant ces écritures d’où il ressortait que les faits reprochés n’étaient pas imputables au dirigeant poursuivi, la cour d’appel n’a pas satisfait aux prescriptions de l’article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que sur le grief visant à lui reprocher d’avoir poursuivi abusivement l’exploitation déficitaire de la société en liquidation, M. Y… rappelait explicitement qu’il n’y avait pas d’« intérêt personnel », n’ayant perçu « aucune rémunération directe en sa qualité de représentant légal » ; qu’en ne répondant pas à cette argumentation fondée sur une circonstance de nature à écarter tout intérêt personnel du dirigeant dans la poursuite de l’exploitation, la cour d’appel a derechef méconnu l’article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que le juge doit préciser et analyser, au moins sommairement, les pièces sur lesquelles il fonde sa décision ; qu’en déclarant que l’exposant n’avait eu aucune consigne de la part de ses associés en vue de poursuivre l’exploitation, sans indiquer les documents sur lesquels elle se serait fondée pour procéder à une telle affirmation, ni les analyser, fût-ce succinctement, la cour d’appel a une nouvelle fois méconnu l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’après avoir constaté que l’actif était quasiment nul, l’arrêt relève que le liquidateur, qui s’est borné à vérifier le passif privilégié pour un montant de 893 955,40 euros, a été dispensé de vérifier le passif chirographaire à la suite d’une ordonnance du 28 juin 2005 produisant cependant un état dans lequel il avait déclaré admettre 26 créances chirographaires pour un total de 2 227 003 euros ; qu’il relève que l’activité de M. Y… à la tête de la société AS était purement fictive et que, sous l’apparence d’une gestion sociale, il n’avait fait qu’assurer sa situation personnelle en dépouillant les apporteurs de capitaux et les créanciers qui avaient cru à la réalité de cette structure sociale ; qu’il relève qu’en sa qualité de dirigeant de la société AS, il a consenti des avances sans contrepartie à la société Relais de la fonderie qui lui versait des commissions et a fait verser des commissions à la société Agora Network qui le rémunérait et dont il est devenu le dirigeant après la liquidation de la société AS ; qu’il relève enfin que face à une exploitation de la société AS, qui s’était révélée dès le premier exercice de 2002 désastreusement déficitaire accusant une perte de plus de 1 200 000 euros pour un chiffre d’affaires de moitié moindre, il n’avait fait aucune démarche pour déposer le bilan préférant poursuivre cette exploitation ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations faisant ressortir que le montant de l’insuffisance d’actif, au jour où elle statuait, excédait un million d’euros, la cour d’appel, répondant ainsi aux conclusions prétendument délaissées, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la cinquième branche, légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Y… aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux conseils pour M. Y…

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir condamné un dirigeant social (M. Y…, l’exposant) à contribuer aux dettes de la société en liquidation judiciaire (la Société ALSACIENNE DE SANTE) à hauteur de un million d’euros ;

AUX MOTIFS QUE le tribunal avait prononcé la liquidation judiciaire de la société ALSACIENNE DE SANTE au début de l’année 2004 ; que Me X… s’était borné à vérifier le passif privilégié, pour un montant de 893.955,40 € ; qu’il avait été dispensé de vérifier le passif chirographaire à la suite d’une ordonnance du 28 juin 2005 ; qu’il produisait cependant un état dans lequel il avait déclaré admettre 26 créances pour un total de 2.227.003 € ; qu’il était reproché tout d’abord à M. Y… d’avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel sous l’apparence d’une personne morale destinée à masquer la réalité de ses activités ; que l’activité de M. Y… à la tête de la société était purement fictive, que sous l’apparence d’une gestion sociale il n’avait fait qu’assurer sa situation personnelle en dépouillant les apporteurs de capitaux et les créanciers qui avaient cru à la réalité de la structure sociale ; que M. Y… avait bien donné à des fins personnelles l’apparence d’une activité commerciale ; qu’il était reproché en second lieu à M. Y… d’avoir abusé des biens de la société pour favoriser d’autres entreprises dans lesquelles il était intéressé ; qu’il avait consenti des avances sans contrepartie à la société RELAIS DE LA FONDERIE qu’il avait installée irrégulièrement dans les lieux et qui lui versait des commissions ; qu’il avait fait verser des commissions à la société AGORA NETWORK qui le rémunérait ; qu’il en était devenu le dirigeant après la liquidation de la société ALSACIENNE DE SANTE ; que pour autant, les études faites dans le cadre de diverses sociétés civiles immobilières fondées par M. Y… avaient été payées par cette dernière ; qu’il avait donc abusé des biens de cette société au profit de la société AGORA NETWORK ; que ces études n’étaient d’aucune utilité pour la société ALSACIENNE DE SANTE ; qu’il était enfin reproché à M. Y… d’avoir poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire ; que le bien-fondé de ce grief était naturellement évident au vu des faits précédemment rappelés ; que l’exploitation de la société ALSACIENNE DE SANTE s’était révélée d’emblée désastreusement déficitaire, que le premier exercice de 2002 avait accusé une perte de plus de 1.200.000 € pour un chiffre d’affaires de moitié moindre ; que les solutions envisagées par M. Y… étaient irréalistes ; qu’il avait été rémunéré pendant la durée de l’exploitation par la société AGORA NETWORK dont il était devenu le gérant après la liquidation de la société ALSACIENNE DE SANTE, et qu’il avait perçu des honoraires de la part de la société RELAIS DE LA FONDERIE ; qu’il n’avait fait aucune démarche pour déposer le bilan et que, contrairement à ce qu’il indiquait, il n’avait eu aucune consigne de la part de ses associés en vue de poursuivre l’exploitation ; qu’il avait poursuivi celle-ci dans son seul intérêt personnel ; que les trois griefs articulés par Me X… sur le fondement de l’article L. 652-1 du code de commerce étaient fondés ; que l’obligation de remboursement de M. Y…, au vu du passif vérifié de 893.955 €, et du minimum certain du passif non vérifié, devait être fixée à un million d’euros (arrêt attaqué, p. 4, 6ème attendu, p. 5, attendus 4 et s., p. 6 et p. 7, in limine) ;

ALORS QUE, d’une part, le montant de la condamnation d’un dirigeant social, obligé à régler les dettes sociales, ne peut excéder le passif admis et vérifié au jour où le juge statue ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué a constaté que le passif social vérifié de la société s’élevait à un montant de 893.955,40 € ; qu’en condamnant cependant son dirigeant à contribuer aux dettes sociales à hauteur de un million d’euros, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l’article L. 651-2 du code de commerce applicable en la cause ;

ALORS QUE, d’autre part, sur le reproche d’avoir, sous couvert de la personne morale, fait des actes de commerce dans un intérêt personnel, l’exposant rappelait (v. ses conclusions récapitulatives n° 2, signifiées le 26 octobre 2009, pp. 8 et s., prod.) qu’aucun « intérêt personnel » ne pouvait à cet égard lui être « imputé » dans la mesure où il « n’avait jamais perçu de rémunération en sa qualité de dirigeant de la (société en liquidation) » et où, en outre, celle qu’il percevait de la société cocontractante de cette dernière avait fait l’objet d’une « réduction de plus de 40 % » ; qu’en délaissant ces écritures propres à démontrer l’absence d’intérêt personnel du dirigeant, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, en outre, sur le reproche d’avoir fait des biens ou des crédits de la société un usage contraire à ceux-ci à des fins personnelles pour favoriser une autre personne morale, l’exposant faisait valoir (v. concl. préc., pp. 11 et s.) qu’il « n’était en rien le décideur » des faits reprochés, arrêtés par « l’ensemble des associés » de la société en liquidation dans laquelle « il était un actionnaire ultra minoritaire » ; qu’en délaissant ces écritures d’où il ressortait que les faits reprochés n’étaient pas imputables au dirigeant poursuivi, la cour d’appel n’a pas satisfait aux prescriptions de l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, au surplus, sur le grief visant à lui reprocher d’avoir poursuivi abusivement l’exploitation déficitaire de la société en liquidation, l’exposant rappelait explicitement (v. ses concl. préc., pp. 14 et s.) qu’il n’y avait pas d’« intérêt personnel », n’ayant perçu « aucune rémunération directe en sa qualité de représentant légal » ; qu’en ne répon7 dant pas à cette argumentation fondée sur une circonstance de nature à écarter tout intérêt personnel du dirigeant dans la poursuite de l’exploitation, la cour d’appel a derechef méconnu l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, enfin, le juge doit préciser et analyser, au moins sommairement, les pièces sur lesquelles il fonde sa décision ; qu’en déclarant que l’exposant n’avait eu aucune consigne de la part de ses associés en vue de poursuivre l’exploitation, sans indiquer les documents sur lesquels elle se serait fondée pour procéder à une telle affirmation, ni les analyser, fût-ce succinctement, la cour d’appel a une nouvelle fois méconnu l’article 455 du code de procédure civile.


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