Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 janvier 2020, 18-11.842, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 janvier 2020, 18-11.842, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société de Commercialisation de produits industriels, exerçant son activité sous le nom commercial Sifam (la société Sifam), spécialisée dans la vente de consommables et pièces détachées pour motos, s’est vu refuser, par lettre du 21 mai 2002 de la société NGK Spark Plugs France (la société NGK), filiale de la société japonaise NGK Spark Plugs Co Ltd, fabricant de bougies d’allumage de dimension mondiale, la coopération qu’elle souhaitait établir avec la filiale malaise du groupe NGK, au motif que le renforcement du réseau de distribution de cette dernière n’était pas envisagé ; qu’à la suite d’une demande, le 24 mai 2006, de la société Sifam à la société NGK, les conditions d’une commande annuelle de bougies ont été discutées entre ces sociétés ; qu’en 2007, la société NGK, qui avait introduit une action en contrefaçon en Italie en 2006 et obtenu en France un arrêt, devenu irrévocable, jugeant contrefaisantes les bougies importées des Etats-Unis sur le territoire européen par la société Sifam, a refusé d’honorer une commande passée par cette dernière, au motif que la filiale italienne de la société Sifam avait, depuis 2005, importé en contrefaçon sur le marché italien des bougies NGK en s’approvisionnant auprès d’une société américaine ; que le 28 novembre 2008, la société Sifam a assigné la société NGK aux fins de voir reconnaître qu’un contrat avait été conclu entre elles et de la condamner à honorer la commande ; qu’à la suite d’une plainte déposée par la société Sifam auprès de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (la DGCCRF), le rapport d’enquête ayant été versé aux débats, le tribunal a dit que la société NGK avait commis un abus de position dominante en refusant de livrer ses produits à la société Sifam et l’a condamnée au paiement de dommages-intérêts ; que par un arrêt, devenu irrévocable, du 16 décembre 2015, la cour d’appel a infirmé ce jugement et estimé que les refus de vente opposés par la société NGK étaient légitimes du fait des actes de contrefaçon de la société Sifam et qu’ils n’avaient pas pour effet de cloisonner le marché ni d’en évincer la société Sifam, qui pouvait s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs ; que, le 8 avril 2013, la société Sifam a passé une nouvelle commande à la société NGK qui a refusé de lui livrer des marchandises ; que, le 10 juillet 2013, la société Sifam a assigné en référé la société NGK aux fins d’obtenir la livraison de deux commandes et le paiement d’une provision à valoir sur son préjudice ; que le président du tribunal a dit n’y avoir lieu à référé mais a renvoyé l’affaire au fond à bref délai ; que le 30 juin 2014, la société Sifam a adressé une nouvelle commande à la société NGK qui a fait l’objet, le 31 juillet 2014, d’un nouveau refus de vente pour les mêmes motifs ;

Sur le premier moyen, le deuxième moyen, pris en ses troisième, quatrième, sixième, huitième et neuvième branches, et le troisième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société NGK fait grief à l’arrêt de dire que les refus de vente litigieux sont contraires aux articles 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et L. 420-1 du code de commerce et, en conséquence, de la condamner à payer à la société Sifam des dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que méconnaît les termes du litige, le juge qui modifie ou ajoute au fondement juridique de la demande : qu’il ressort expressément des écritures adverses concluant à la confirmation du jugement déféré, sauf sur le quantum du préjudice, que la demande était fondée sur l’abus de position dominante de la société NGK et que, selon les propres énonciations de l’arrêt attaqué, la société Sifam a soutenu que « le fait, pour la société NGK, qui détient une position dominante en France et en Europe et dans le monde, de refuser de livrer, sans raison objective, une entreprise, afin de l’écarter du marché et le refus de collaborer de manière positive avec un nouveau distributeur professionnel solvable, constitue une faute et un abus de position dominante passibles des sanctions visées aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et L. 442-6 du même code » ; qu’en reprochant à la société NGK d’être aussi responsable d’une entente anticoncurrentielle, la cour d’appel a méconnu les termes du litige en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en relevant d’office les moyens tirés d’une application du droit européen de la concurrence et plus encore de l’existence d’une prétendue entente en l’espèce, sans inviter au préalable les parties à s’expliquer sur ces moyens, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’en l’état des conclusions de la société Sifam qui soutenait que « la société NGK opérait un cloisonnement du marché européen des bougies NGK par la voie détournée d’accords tacites avec ses cocontractants », se prévalait de ce que « l’entente ainsi organisée par NGK avec ses distributeurs agréés s’inscrit ainsi dans une politique commerciale non avouée, visant à limiter par tous moyens la concurrence entre les filiales de NGK Japon en Europe et imposer aux distributeurs de chaque Etat membre un seul fournisseur de bougies NGK, l’appelante se réservant ainsi l’exclusivité d’approvisionnement du marché français », faisait valoir que les pratiques de la société NGK affectait le commerce entre Etats membres et réclamait, notamment au visa de l’article L. 420-1 du code de commerce, l’allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les pratiques alléguées, c’est sans méconnaître l’objet du litige ni violer le principe de la contradiction que la cour d’appel a qualifié les pratiques qui lui étaient soumises sur le fondement des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu l’article 101 du TFUE, ensemble l’article L. 420-1 du code de commerce ;

Attendu que pour dire que les refus de vente litigieux sont contraires aux articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce et condamner la société NGK à payer des dommages-intérêts à la société Sifam, l’arrêt retient que les refus opposés à cette dernière ne sont fondés sur aucun des critères prétendument de sélection tenant à la qualité du point de vente et aux seuils d’achat, que ces refus discriminatoires, réitérés au moins une fois dans la période en question, ont eu pour objet et pour effet d’évincer de la distribution des bougies de seconde monte de marque NGK la société Sifam, classée à l’époque comme le cinquième distributeur français de pièces détachées et accessoires pour deux roues, et que si aucun élément du dossier ne permet d’établir que la société NGK verrouille le marché national, chaque distributeur français agréé pouvant librement approvisionner des distributeurs détaillants ou grossistes en Europe, il ressort des déclarations de chacun de ces distributeurs que, de facto, ils ne s’approvisionnent eux-mêmes qu’auprès de la société NGK, et non auprès de la société NGK Italie ou d’autres filiales européennes de la société NGK Spark Plugs Co Ltd, et qu’aucun détaillant ou grossiste situé hors de France ne vient leur acheter des bougies de marque NGK, qu’il en résulte un cloisonnement de fait des marchés nationaux que seuls des opérateurs, tels la société Sifam, sont de nature à remettre en cause, puisqu’en exportant ou important ces bougies, ils font jouer la concurrence inter et intramarques, et que la société NGK est donc responsable d’une entente anticoncurrentielle, enfreignant les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs, impropres à établir l’existence d’une entente, même tacite, imputable au comportement de la société NGK, en l’état de l’absence de prohibition de droit, qu’elle a constatée, des exportations ou importations parallèles par celle-ci et du maintien de la liberté d’approvisionnement et de fourniture laissée par la société NGK à ses distributeurs, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 102 du TFUE, ensemble l’article L. 420-2 du code de commerce ;

Attendu que pour confirmer le jugement en ce qu’il a décidé que la société NGK avait abusé de sa position dominante et la condamner à payer des dommages-intérêts, l’arrêt retient que les refus de vente de la société NGK sur le marché pertinent, constitué par le marché français des bougies d’allumage pour deux roues de seconde monte, sont de nature à exclure du marché un opérateur tel que la société Sifam, qui, par sa politique commerciale d’exportation et d’importation, anime la concurrence en Europe, cependant que le système de distribution mis en place par le groupe NGK cloisonne chaque marché national en implantant une filiale dans chaque Etat membre qui approvisionne des grossistes agréés, ceux-ci ayant déclaré aux services de la Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (la DIRECCTE) qu’ils ne s’approvisionnaient pas auprès des filiales européennes du groupe NGK, qu’il n’existe en effet aucun produit de substitution des bougies NGK et l’achat auprès des distributeurs agréés en France ne peut être réalisé à des tarifs aussi intéressants qu’auprès de la société NGK, ce que la société Sifam démontre, en versant un tableau comparatif des prix unitaires hors-taxes pratiqués par la société NGK et ceux de ses distributeurs agréés, d’où il ressort que les tarifs directement consentis par le fabricant sont beaucoup plus avantageux que ceux opérés par les distributeurs agréés, que les refus de vente sont donc susceptibles d’avoir pour effet de restreindre la concurrence effective sur le marché français des bougies d’allumage de seconde monte de la marque NGK, et de causer finalement un préjudice au consommateur ;

Qu’en se déterminant par ces seuls motifs, impropres à établir un abus de position dominante imputable à la société NGK, affectant la concurrence sur le marché français, en l’état de l’absence de prohibition de droit ou de fait par celle-ci, des exportations ou importations parallèles et du maintien de la liberté d’approvisionnement et de fourniture laissée à ses distributeurs, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il rejette les exceptions de nullité des jugements, l’arrêt rendu le 5 juillet 2017, rectifié le 27 novembre 2017, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant l’arrêt du 5 juillet 2017 et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société de Commercialisation de produits industriels aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société NKG Spark Plugs France la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt, signé par lui, Mme Darbois, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de Mme Champalaune, conseiller rapporteur, empêché et Mme Pontonnier, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l’arrêt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société NGK Spark Plugs France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt du 5 juillet 2017 rectifié par l’arrêt du 29 novembre 2017, d’avoir rejeté les exceptions de nullité des jugements ;

AUX MOTIFS QUE sur les exceptions de procédure, la société NGK prétend que le tribunal de commerce aurait refusé de statuer sur ses exceptions de procédure ; que (cependant), le tribunal de commerce a estimé, dans son jugement du 7 octobre 2014, que les exceptions de litispendance, de connexité, de sursis à statuer et d’irrecevabilité soulevées par la société NGK avaient déjà été jugées par la cour d’appel de Paris et rejetées par elle et en a conclu, de même, à leur rejet, sans juger avoir lieu de statuer lui-même au fond, mais sans le mentionner au dispositif du jugement ; que saisi d’une requête en rectification d’erreur matérielle pour réparer cette omission, le tribunal de commerce l’a rejetée dans un jugement du 17 mars 2015, au motif erroné qu’il s’agissait d’une mesure d’administration judiciaire, le jugement ayant été rectifié dans un jugement du 31 mars 2015 ; que si le jugement du 9 juin 2015 se réfère improprement au jugement du 17 mars pour dire que le tribunal a examiné la recevabilité des exceptions, alors que c’est le jugement du 7 octobre 2014 qui s’y est livré, il résulte de la succession de ces jugements que le tribunal a véritablement examiné ces points et les a, à juste titre, considérés comme déjà tranchés par la cour d’appel ; que ces imprécisions et inexactitudes ne sauraient, dès lors, entraîner la nullité desdits jugements entrepris, la société NGK ne faisant par ailleurs valoir aucun grief ; qu’il Il y a donc lieu de confirmer le jugement du 9 juin 2015 en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à statuer à nouveau sur ces demandes et les a rejetées ;

ALORS QUE seul le jugement qui statue dans son dispositif, sur une exception de procédure a autorité de chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche et dessaisit le juge de cette contestation ; qu’en considérant que les exceptions de litispendance, de connexité, de sursis à statuer et d’irrecevabilité soulevées par la société NGK ont déjà été rejetées par le jugement du 7 octobre 2014, tout en admettant que le dispositif du jugement reste muet sur ce rejet, la cour d’appel a violé les articles 1355 du Code civil et 480 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que les refus de vente litigieux sont contraires aux articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TUE, et d’avoir, en conséquence, condamné la société NGK Spark Plugs France à payer à la société Sifam la somme de 193 246 euros H.T, majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris ;

AUX MOTIFS QUE sur l’appréciation des refus de vente au regard des pratiques anticoncurrentielles, la société NGK reprend l’arrêt de la cour d’appel de céans, du 16 décembre 2015, confirmé par la Cour de cassation le 21 juin 2017, qui a jugé que le refus de vente était justifié par les actions en contrefaçon menées par la société NGK contre la société Sifam et que le refus opposé avant ces actions en contrefaçon n’était pas abusif, dès lors qu’il était dépourvu de tout effet sur le marché, en l’absence de cloisonnement du marché, d’éviction de la société Sifam, d’atteinte aux intérêts des consommateurs et d’affectation du fonctionnement du marché national et intérieur ; que la société Sifam soutient, en page 25 de ses conclusions, que le fait, pour la société NGK, qui détient une position dominante en France et en Europe et dans le monde, de refuser de livrer, sans raison objective, une entreprise, afin de l’écarter du marché et le refus de collaborer de manière positive avec un nouveau distributeur professionnel solvable, constitue une faute et un abus de position dominante passibles des sanctions visées aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et L. 442-6 du même code ;

QUE sur l’application du droit européen de la concurrence, l’article 101, alinéa 1 du TFUE prévoit que « Sont incompatibles avec le marché intérieur et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur, et notamment ceux qui consistent à: a),fixer de ,façon directe ou indirecte les prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction, b)limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement technique ou les investissements, c)répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement, d)appliquer, à l’égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, e)subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats ». ; que l’article 102 du TFUE dispose qu’a est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci » ; que les articles 101 et 102 du TFUE s’appliquent aux accords horizontaux et verticaux et aux pratiques abusives d’entreprises qui sont « susceptibles d’affecter le commerce entre Etats membres », et ce « de façon sensible » ; que l’accord de distribution sélective signé entre la société NGK Spark Plugs France et ses distributeurs est un accord vertical qui ne concerne que les distributeurs français et qui ne couvre que le territoire français ; que (cependant) les systèmes de distribution sélective sont susceptibles en eux-mêmes d’affecter le commerce intracommunautaire, compte tenu de leur nature restrictive de concurrence ainsi que l’a souligné la Commission européenne dans sa décision du 24 juillet 1992 (société Parfums Givenchy S.A – 921428/CEE) ; qu’en outre, en application des paragraphes 86 et suivants des lignes directrices de la Commission relatives à l’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (devenus 101 et 102 du TFUE), la limitation du nombre de distributeurs inhérente au système de distribution sélective et les refus d’agrément discriminatoires, surtout s’ils affectent des opérateurs réalisant des exportations et des importations en Europe, affectent nécessairement les courants d’échanges entre la France et les autres Etats membres. Par ailleurs, « Lorsqu’une entreprise qui occupe une position dominante couvrant l’ensemble d’un Etat membre constitue une entrave abusive à l’entrée, le commerce entre Etats membres peut normalement être affecté » (§ 93) ; que les refus de vente allégués sont le fait d’un opérateur dominant et sont susceptibles d’affecter le commerce entre Etats-membres puisqu’ils contribuent au verrouillage du marché national en empêchant un grossiste exportateur et importateur de bougies sur la totalité du marché européen, d’acheter des bougies de la marque NGK et de faire jouer la concurrence intramarque ; que l’appréciation du caractère sensible de l’affectation du commerce dépend des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de l’accord ou de la pratique, de la nature des produits concernés et de la position de marché des entreprises en cause (§ 45 des lignes directrices).Toutefois, dans les lignes directrices citées plus haut, la Commission a posé le principe selon lequel un accord ne peut affecter sensiblement le commerce entre États membres si la part de marché totale des parties sur le marché communautaire affecté par l’accord n’excède pas 5 % et si le chiffre d’affaires annuel total réalisé dans la Communauté par le fournisseur avec les produits concernés par l’accord n’excède pas 40 millions d’euros : qu’a contrario, les accords affectant plus de 5 % du marché communautaire en cause ou sur lequel le fournisseur réalise au moins 40 millions d’euros de chiffre d’affaires sont présumés affecter sensiblement, sauf preuve contraire à rapporter par les parties, le commerce intra-communautaire ; qu’en l’espèce, les pratiques en cause couvrent la totalité du territoire français, partie substantielle du marché européen. Sur ce marché, la société NGK Spark Plugs France représente plus de 5 % ; qu’en outre, le chiffre d’affaires réalisé par la société NGK Spark Plugs France sur le marché communautaire s’établissait à plus de 40 millions d’euros ; qu’il résulte de ce qui précède que les pratiques en cause sont susceptibles d’avoir affecté sensiblement le commerce intra-communautaire et peuvent donc être qualifiées au regard des articles 101 et 102 du TFUE ; que l’affectation sensible n’est d’ailleurs pas contestée par les parties ; qu’il convient donc de conclure à l’application du droit européen de la concurrence ;

QUE sur la définition du marché pertinent, ainsi que l’a relevé le Conseil de la concurrence dans sa décision 06-D-22, « Tous les moteurs à explosion comportent une ou plusieurs bougies d’allumage. Toutefois, la très grande diversité des moteurs à explosion explique l ‘existence de bougies spécifiques en fonction des types de moteurs considérés. En ce qui concerne les véhicules deux roues, les bougies d’allumage adéquates se distinguent de celles utilisées pour les autres véhicules et notamment les automobiles. Cette distinction se fonde sur des facteurs techniques tels que l’existence de moteurs compacts et de régimes de rotation plus élevés pour les deux roues (généralement moteurs sans soupape, à « 2 temps ») » (§ 2). « On distingue le marché des bougies de « première monte », qui correspond aux bougies qui sont initialement installées sur les véhicules par les constructeurs, du marché de « seconde monte », qui correspond aux bougies de rechange. Lorsque la bougie est usagée, l’utilisateur du véhicule peut changer celle-ci lui-même ou s’adresser à un garage pour effectuer l’opération » (§ 3) ; qu’il n’est donc pas contesté que les pratiques se sont déroulées surie marché national des bougies d’allumage pour deux roues de seconde monte, les bougies d’allumage pour les moteurs deux roues n’étant pas substituables aux bougies conçues pour d’autres moteurs, compte tenu de leur spécificité technique, et les bougies de rechange ou de « seconde monte » n’étant pas substituables aux bougies de « première monte » ; que plus particulièrement, les marchés pertinents affectes par les pratiques examinées sont le marché de gros des bougies d’allumage de rechange pour deux roues sur lequel les fabricants offrent les bougies à des entreprises intermédiaires (grossistes, distributeurs) (marché amont), et celui où les distributeurs les commercialisent aux détaillants (marché aval).

QUE sur l’entente, selon l’article L. 420-1 du code de commerce, « Sont prohibées même par l’intermédiaire direct ou indirect d’une société du groupe implantée hors de France, lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu’elles tendent à: I° Limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ; 2° Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse, 3° Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;4° Répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement » ; qu’un système de vente visant à réserver la distribution des produits commercialisés à certains revendeurs ne peut être admissible, au regard des dispositions de l’article L. 420- 1 du code de commerce que s’il est justifié par les nécessités d’une distribution adéquate des produits en cause, s’il est fondé sur des critères objectifs de nature qualitative, s’il n’a pas pour objet ou pour effet d’exclure par nature une ou plusieurs formes de distribution, s’il n’est pas appliqué de façon discriminatoire et s’il n’entrave pas la liberté des revendeurs de déterminer leur politique commerciale ; que la pratique de discrimination consiste à traiter de manière différente des situations identiques ou de manière identique des situations différentes. ; qu’un réseau de distribution sélective ne peut se fonder, dans le choix des distributeurs agréés, sur une discrimination négative ou positive ; qu’alors que la discrimination négative consiste dans le refus du fournisseur d’agréer un distributeur qui répond aux exigences de sélection, la discrimination positive consiste à livrer des distributeurs qui ne satisfont pas aux critères de sélection ; qu’en droit de l’Union, et le droit national suivant cette solution, les refus d’agrément discriminatoires ou injustifiées, ne constituant pas des « restrictions caractérisées », sont couverts par les seuils de minimis et le règlement d’exemption ; que selon le règlement n°330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, si le fournisseur détient une part de marché inférieure à 30 %, la pratiques est automatiquement exemptée au titre de l’alinéa 3 de l’article 101 du TFUE ; qu’en l’espèce, il n’est pas contesté que la part de marché de la société NGK est supérieure à 50 % ; qu’aucune exemption automatique ne peut donc jouer, qu’il convient donc d’examiner si les pratiques de refus de vente équivalentes à un refus d’agrément de la société NGK à l’égard de la société Sifam constituent une entente anticoncurrentielle ; qu’il ressort de l’instruction que les refus de vente opposés à la société Sifam, non fondés sur des critères objectifs, constituent une discrimination ; qu’en effet, il résulte du rapport administratif d’enquête de la DIRECCTE que la société NGK a mis en oeuvre des pratiques consistant à refuser la vente de bougies NGK à la société Sifam et à refuser de l’agréer, sans justification objective, ni légitime, et, cela, depuis 1994 et jusqu’en 2001 ; que les enquêteurs ont conclu que le réseau mis en place par NGK « (pouvait difficilement être qualifié de sélectif dès lors que la revente des produits à des revendeurs non agréés (était) pratique courante et interv(enait) avec l’assentiment au moins tacite du fournisseur » ; qu’en outre, ils ont relevé que les conditions d’agrément exigées pour entrer dans le réseau de distribution NGK étaient facilement remplies, ainsi que les distributeurs agréés entendus par les enquêteurs avaient tous déclaré, les conditions d’achat minimum paraissant être les seules conditions véritablement importantes ; que les conclusions de ce rapport, relatif à une période antérieure, ne sont pas sérieusement remises en cause par les parties, au titre des années 2013 et 2014 ; que les refus opposés à la société Sifam ne sont fondés sur aucun des critères prétendus de sélection (qualité du point de vente ; seuils d’achat…) ; qu’il s’agit donc d’une discrimination négative ; que ces refus discriminatoires, réitérés au moins une fois dans la période en question, ont eu pour objet et pour effet d’évincer de la distribution des bougies de seconde monte NGK la société Sifam, classée à l’époque comme le cinquième distributeur français de pièces détachées et accessoires pour deux roues, en terme de chiffre d’affaires ; que même si aucun élément du dossier ne permet d’établir que la société NGK verrouille le marché national, chaque distributeur français agréé pouvant librement approvisionner des distributeurs détaillants ou grossistes en Europe, il ressort des déclarations de chacun de ces distributeurs agréés français que de facto, ils ne s’approvisionnent eux-mêmes qu’auprès de NGK France, et non auprès de NGK Italie ou d’autres filiales européennes de NGK, et qu’aucun détaillant ou grossiste situé hors de France ne vient leur acheter des bougies NGK ; qu’il en résulte un verrouillage de fait des marchés nationaux, que seuls des opérateurs, tels Sifam, sont de nature à remettre en cause, puisqu’en exportant ou important ces bougies, ils font jouer la concurrence inter et intramarques ; que la société NGK est donc responsable d’une entente anticoncurrentielle, pour laquelle elle ne tente pas d’obtenir une exemption sur le fondement de l’alinéa 3 de l’article 101 du TFUE ou de l’article L. 420-4 du code de commerce ; qu’elle a donc enfreint les articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce ;

ET AUX MOTIFS ENFIN QUE sur l’indemnisation de la société Sifam (

) la cour disposant des éléments nécessaires pour statuer, il n’y a pas lieu d’ordonner une expertise judiciaire ; que la cour condamne la société NGK à payer à la société Sifam la somme de 193 246 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris ;

1°) ALORS QUE méconnait les termes du litige, le juge qui modifie ou ajoute au fondement juridique de la demande : qu’il ressort expressément des écritures adverses concluant à la confirmation du jugement déféré sauf sur le quantum du préjudice que la demande était fondée sur l’abus de position dominante de NGK et que selon les propres énonciations de l’arrêt attaqué la société SCPI Sifam a soutenu que « le fait, pour la société NGK, qui détient une position dominante en France et en Europe et dans le monde, de refuser de livrer, sans raison objective, une entreprise, afin de l’écarter du marché et le refus de collaborer de manière positive avec un nouveau distributeur professionnel solvable, constitue une faute et un abus de position dominante passibles des sanctions visées aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et L. 442-6 du même code » ; qu’en reprochant à la société NGK d’être aussi responsable d’une entente anticoncurrentielle, la cour d’appel a méconnu les termes du litige en violation de l’article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en relevant d’office les moyens tirés d’une application du droit européen de la concurrence et plus encore de l’existence d’une prétendue entente en l’espèce, sans inviter au préalable les parties à s’expliquer sur ces moyens, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU’un refus d’agrément n’est pas assimilable à un refus de vente ; qu’en affirmant au contraire que « les pratiques de refus de vente sont équivalentes à un refus d’agrément », la cour d’appel a violé les articles 101 TFUE et L 420-1 du code de commerce ;

4°) ALORS QU’en se fondant sur le rapport de la DIRECCTE établi en 2001, pour caractériser les seuls refus de vente dont elle était saisie prétendument commis en 2013 et 2014, après avoir admis que ce rapport était relatif à la période 1994/2001, la cour d’appel qui a statué par des motifs impropres à établir que les refus de vente de 2013 et 2014 pouvaient constituer une entente, a privé sa décision de base légale au regard des articles 101 TFUE et L 420-1 du code de commerce ;

5°) ALORS QU’un refus de vente n’entraine aucun effet anticoncurrentiel par cloisonnement du marché actuel ou potentiel lorsque les distributeurs de la société concernée restent libres de déterminer leur politique commerciale sans subir de contrainte de sa part et peuvent s’approvisionner auprès de ses autres filiales européennes sans qu’elle ait imposé aux distributeurs de chaque Etat membre l’approvisionnement auprès d’un seul fournisseur ; qu’en affirmant « qu’il en résulte un verrouillage de fait des marchés nationaux » après avoir retenu qu’« aucun élément du dossier ne permet d’établir que la société NGK verrouille le marché national, chaque distributeur français agréé pouvant librement approvisionner des distributeurs détaillants ou grossistes en Europe », ce qui excluait nécessairement toute pratique anticoncurrentielle en l’absence de cloisonnement du marché, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 101 TFUE et L 420-1 du


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