Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 septembre 2010, 09-69.160, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 septembre 2010, 09-69.160, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 455, alinéa 1er, du code de procédure civile ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Sonodesign est agréé par la société Bang & Olufsen France (la société B & O France) dans son réseau de distribution sélective ; que soutenant, notamment, que cette société avait commis une faute en lui refusant son accord pour l’ouverture d’un magasin avenue de la Motte-Piquet à Paris, 7e arrondissement, dans lequel elle souhaitait transférer les activités jusqu’alors développées dans un magasin situé rue du Commerce dans le 15e arrondissement, la société Sonodesign l’a assignée en responsabilité et demandé qu’elle soit condamnée à lui verser des dommages-intérêts ;

Attendu que l’arrêt prononçant la condamnation de la société B & O France ne vise pas les conclusions des parties, n’indique pas leur date et n’expose que les prétentions et moyens de la société Sonodesign ;

Attendu qu’en statuant ainsi la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 18 juin 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Sonodesign aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société B & O France la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Bang & Olufsen France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la société B & O France avait commis des fautes à l ‘ égard de la société Sonodesign et de l’avoir condamnée à lui payer la somme de 150. 000 euros à titre de provision,

1° / ALORS QUE le juge doit exposer succinctement les moyens et prétentions de toutes les parties à l’instance ; que la cour d’appel, qui s’est bornée à exposer les moyens et prétentions de la société Sonodesign, sans rappeler, fût-ce succinctement, ceux de la société B & O France, a violé l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 455, alinéa 1er, du code de procédure civile ;

2° / ALORS QU’en toute hypothèse, s’il n’expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l’indication de leur date ; que la cour d’appel, qui n’a pas rappelé, fût-ce succinctement, les prétentions et moyens de la société B & O France et qui n’a pas visé ses conclusions en indiquant leur date, a violé les articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéa 2, du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la société B & O France avait commis une faute en refusant à la société Sonodesign son agrément pour l’ouverture d’un magasin 34 avenue de La Motte-Picquet dans le 7e arrondissement de Paris et de l’avoir condamnée à payer à la société Sonodesign la somme de 150. 000 euros à titre de provision,

AUX MOTIFS QU’il est constant que, début 2003, Sonodesign a souhaité céder le droit au bail de son magasin situé rue du Commerce à Paris ; qu’il est vain de rechercher les motivations (sans incidence sur le présent litige) qui ont pu conduire Sonodesign à ce projet, dans la mesure où il résulte des courriers échangés entre cette société et B & O France que cette dernière société, informée du projet, a indiqué ne pas entendre s’y opposer et a indiqué qu’il serait « nécessaire de bien gérer cette fermeture vis-à-vis de (la) clientèle comme un transfert de magasin vers une autre localisation du 15ème arrondissement » (courrier B & O France du 22 avril 2003) et où cette société a envisagé ensuite que ce transfert puisse s’effectuer non pas nécessairement au sein même du 15ème arrondissement de Paris, mais « dans les 7ème et 15ème arrondissements de Paris » (courrier de la même en date du 29 décembre 2003) ; qu’au demeurant, surabondamment, il résulte des attestations versées aux débats par Sonodesign (B…-D…, pièce 50 et Z…, pièce 70, l’un et l’autre des attestants occupant alors des fonctions au sein de B & O France) que le magasin de la rue du Commerce était notamment « devenu trop petit pour accueillir de façon qualitative l’extension de la gamme Bang & Olufsen » ; qu’il n’est pas contesté que le choix de Sonodesign s’est porté sur l’ouverture d’un magasin au 34 avenue de La Motte-Picquet ; qu’il résulte des attestations B…-D…, d’une part, et de Z…, d’autre part, que B & O avait donné son accord, « selon les règles habituelles » en vigueur chez B & O France, pour l’ouverture d’un magasin sous enseigne Bang & Olufsen à cette adresse et que le dossier de Sonodesign en vue de l’obtention de cet accord était complet ; que Régis Z… atteste notamment de ce que « Bernard et Agnès A… » (Sonodesign) « possédai (en) t un magasin situé rue du Commerce dans le 15ème arrondissement mais il était devenu assez urgent de relocaliser le magasin, notamment devenu trop petit pour accueillir de façon qualitative l’extension de la gamme Bang & Olufsen. En charge du développement de la distribution pour toute la France, nous avons alors entrepris des recherches et visité de nombreux locaux. A l’issue de ces démarches, j’ai donné un accord verbal à Agnès et Bemard A… pour se porter acquéreurs du magasin à l’enseigne Cool Island situé au 34 avenue de La Motte Picquet. Pascale B… (alors RDM sur Paris-Ile de France) et Frédéric C… (architecte décorateur) nous avaient aidés dans nos recherches » ; qu’il précise explicitement que « ce magasin correspondait à nos différents critères de sélection, aussi bien en termes de qualité d’emplacement, de surface, d’aménagement que de visibilité. Lors de l’ultime RDV en juin 2003, notre nouveau directeur général, M. Alberto G…, a souhaité se joindre à nous pour se rendre compte  » de visu  » des différents éléments que nous lui avions rapportés et, contre toute attente, M. G… a refusé d’implanter Bang & Olufsen dans ce magasin et par conséquent, n’a pas autorisé M. et Mme A… à l’exploiter commercialement à cette enseigne. Il considérait que, dans ce quartier, il était possible de trouver mieux pour B & O et nous a demandé d’entamer une nouvelle procédure de recherches de locaux » et conclut son attestation en estimant que « sans l’intervention in extremis de M. G… », M. et Mme A… exploiteraient aujourd’hui ce magasin puisque je leur avais donné l’accord selon nos règles habituelles » ; que B & O France ne justifie pas de ce que les règles normalement suivies pour l’accord, par elle, sur l’ouverture d’un magasin  » B1  » seraient différentes de celles au terme desquelles l’accord d’ouverture a été donné, par Régis Z…, alors responsable du développement de la distribution de B & O France, Frédéric C…, architecte interne B & O France et Pascale B…-D…, alors responsable du secteur Ile-de-France, Paris, Nord et Normandie B & O France ; que, dans ces conditions, le refus d’agrément, par B & O France, de l’ouverture du magasin du 34 avenue de La Motte-Picquet à Paris, sans motif autre que celui, pris de l’insuffisance de vitrine, qui est en contradiction avec les éléments pris en considération pour l’accord donné par les trois responsables précités de B & O France, est dès lors fautif ; que les motifs aujourd’hui développés pour tenter de justifier le refus alors opposé n’ont jamais, à l’époque, été invoqués ; que la dissolution de la société Cool Store était sans effet sur la possibilité, pour Sonodesign, de réaliser l’opération avec les époux E…, qui demeuraient titulaires du droit au bail sur les locaux, comme cela résulte du fait que Cool Store a été dissoute en novembre 2003, entraînant la transmission universelle de son patrimoine à la société Lilas Bleu, son actionnaire unique, comme cela résulte des extraits du registre du commerce concernant ces deux sociétés, le bail étant ainsi resté dans le patrimoine des mêmes actionnaires personnes physiques, les époux E…, respectivement gérants des deux sociétés ; qu’ainsi, l’opération était engagée de façon tout à fait sérieuse, selon un schéma classique et aurait normalement abouti, en septembre 2003 ou peu après, s’il n’y avait eu le refus d’agrément de B & O France ; que l’allégation selon laquelle il n’est pas certain que les autorisations administratives nécessaires eussent été obtenues demeure à l’état de pétition de principe et n’est appuyée sur aucun élément concret ; qu’il résulte de ces éléments que seul le refus fautif de B & O France d’agréer le local de l’avenue de La Motte-Picquet a fait échec au transfert du magasin de la rue du Commerce, transfert sur lequel elle avait donné son accord par son courrier du 24 avril 2003, préalablement à la cession par Sonodesign de son droit au bail du local de la rue du Commerce ; que, par ailleurs, il n’apparaît pas que B & O France ait, comme elle s’y était engagée, consulté Sonodesign en priorité pour tout projet visant à l’ouverture d’un magasin B1 dans les 15ème et 7ème arrondissements de Paris ; qu’au contraire, il apparaît que la consultation faite par elle, à propos de l’hypothèse d’ouverture d’un magasin avenue de Suffren n’a été faite à Sonodesign qu’après que d’autres distributeurs eussent préalablement décliné cette proposition ;

1° / ALORS QU’une société jouit, à compter de son immatriculation, de la personnalité morale et d’un patrimoine distinct de celui de ses associés ; qu’ayant relevé que le patrimoine de la société Cool Store, titulaire du droit au bail sur le local commercial situé 34 avenue de La Motte-Picquet dans le 7ème arrondissement de Paris, avait été universellement transmis à la société Lilas Bleu à la suite de sa dissolution, la cour d’appel, qui a retenu, pour affirmer que la société B & O France avait fautivement refusé d’agréer une opération « engagée de façon tout à fait sérieuse selon un schéma classique », qui « aurait normalement abouti en septembre 2003 ou peu après », que le droit au bail était demeuré « dans le patrimoine des mêmes actionnaires personnes physiques, les époux E…, respectivement gérants des deux sociétés », bien que la société Lilas Bleu eût un patrimoine propre et distinct de celui de ses associés, a violé les articles 1842 du code civil et L. 210-6 du code de commerce ;

2° / ALORS QUE la prise à bail, par la société Sonodesign, du local commercial situé 34 avenue de La Motte-Picquet était subordonnée, d’une part, à l’acquisition du droit au bail détenu par la société Cool Store et, d’autre part, à la conclusion d’un accord sur le montant du loyer et la durée de l’engagement avec la compagnie Allianz, propriétaire des murs ; que la société B & O France faisait précisément valoir, pour démontrer que le projet de la société Sonodesign n’était pas sérieux, que le bailleur avait exigé un loyer de 77 % supérieur à ce qui lui avait été offert, outre un engagement d’une durée de 12 ans, dérogeant au statut des baux commerciaux (conclusions récapitulatives de la société Sonodesign signifiées le 4 mars 2009, p. 14, 15, 16 et 17) ; qu’en se fondant exclusivement, pour affirmer que la société B & O France avait fautivement refusé son agrément, sur le fait que les négociations avec le cédant du droit au bail étaient sur le point d’aboutir, sans répondre aux conclusions de la société B & O France tirées de l’absence d’accord entre la société Sonodesign et la compagnie Allianz sur les conditions essentielles du bail, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

3° / ALORS QU’en toute hypothèse, la société par actions simplifiée est représentée, à l’égard des tiers, par son président et, si ses statuts le prévoient, par son directeur général, seuls investis du pouvoir d’agir en son nom ; qu’en affirmant que MM. Z… et C… et Mme B…-D…, simples préposés, avaient pu agréer, au nom de la société B & O France, le local commercial situé 34 avenue de La Motte-Picquet, pressenti pour accueillir un magasin à l’enseigne Bang & Olufsen, pour en déduire que le refus qu’aurait ultérieurement opposé le directeur général de la société B & O France était fautif, la cour d’appel a violé les articles L. 227-6 du code de commerce et 1382 du code civil.


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