Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société par actions simplifiée Société française des chaux et ciments de Saint-Astier (la société SAFA) est détenue par MM. Jean-Louis et Frédéric X… et Mme Y… à hauteur de 28,8 % ; que ces derniers ont assigné la société SAFA, ses filiales les sociétés Industrielle de moules et moulages plastiques (la société Imepsa), Imepsa export et Plastiques injectés du marmandais (la société PIM), et MM. Alain et Laurent Z…, administrateurs de la société SAFA et de la société Imepsa, en désignation d’un expert sur le fondement de l’article L. 225-231 du code de commerce ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter la demande de désignation d’un expert ayant pour mission de présenter un rapport sur l’opération d’acquisition par la société SAFA d’un bien immobilier à […], l’arrêt retient, par motifs adoptés, que les décisions d’investissement prises sont conformes à l’objet social et qu’il n’est pas démontré que les opérations de gestion concernées ont porté un préjudice aux sociétés ;
Qu’en statuant ainsi, sans donner aucun autre motif à sa décision, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de désignation d’un expert avec pour mission de présenter un rapport sur l’opération d’acquisition par la société SAFA d’un bien immobilier à Saint-Astier, l’arrêt rendu le 2 mars 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux, autrement composée ;
Condamne MM. Laurent et Alain Z…, la Société française des chaux et ciments de Saint-Astier – SAFA et les sociétés Industrielle de moules et moulages plastiques – Imepsa, Imepsa export et Plastiques injectés du marmandais aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à MM. Jean-Louis et Frédéric X… et Mme Y… ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour MM. Jean-Louis et Frédéric X… et Mme Y….
Il est fait grief à l’arrêt attaqué D’AVOIR rejeté la demande des consorts X… tendant à voir désigner un expert avec mission de présenter un rapport sur les opérations de gestion concernant les sociétés Safa, Imepsa, Imepsa Export et Pim ;
AUX MOTIFS QUE sur la cession de la propriété à […] lieu-dit […], il résulte des éléments versés aux débats que M. Alain Z… a acquis ce bien de la SAFA en 1984 pour une somme de 38 112,19 € et qu’il a fait procéder à d’importants travaux pour un montant de 274 408 € ; que ce bien a été vendu à la SAFA pour un montant de 410 000 € correspondant à la fourchette basse de l’estimation de l’agence immobilière ; que l’acquisition a été validée à l’unanimité par le conseil d’administration le 20 mai 2003 ; que M. Alain Z… est devenu locataire de cette maison et a versé des loyers à la SAFA pour une somme totale de 213 213,50 € à la SAFA entre 2003 et 2013 ; que des travaux de couverture ont été réalisés pendant cette période sous la maîtrise d’ouvrage de la SAFA ; qu’Alain Z… a proposé de racheter la maison pour un montant de 400 000 € dans la fourchette d’évaluation de l’agence ORPI ; qu’il convient par ailleurs de relever que lors de l’opération de cession, le cabinet AUDIGEC, commissaire aux comptes, était présent lors du conseil d’administration pour évoquer avec les administrateurs, dont les consorts X…, le fait que le projet de cession s’inscrivait dans le cadre des conventions dites réglementées ; qu’en outre, l’estimation de la maison faite par l’agence ORPI a été soumise à l’appréciation du conseil d’administration et a fait l’objet d’un débat comme cela résulte du procès verbal du 8 janvier 2013 (pièce 17) débat à la fin duquel le conseil s’est prononcé favorablement pour la vente de ce bien à M. et Mme Z… pour la somme de 400 000 €, étant précisé que le procès-verbal a été signé par M. Frédéric X… en sa qualité de secrétaire ; qu’enfin la violation des articles L. 225-40 et L. 227-1 du code de commerce ne peut être retenue en l’espèce puisque ces articles ne sont pas applicables aux sociétés par actions simplifiées ce qui est le cas pour la SAS SAFA ; qu’il s’ensuit que la demande d’expertise de gestion sur le fondement de la cession de la propriété du […] n’est pas fondée ;
que sur les revenus locatifs de l’appartement de Méribel, il résulte des éléments versés aux débats que les consorts X… ont toujours été présents aux conseils d’administration à l’exception de ceux des 21 juillet et 19 août 2014 ; qu’ils ont validé le projet d’acquisition de l’appartement de Méribel et ont bénéficié d’une information suffisante sur l’opération critiquée (pièce11-2), étant rappelé dans ce courrier que si les enfants de M. Alain Z… ont passé deux semaines dans cet appartement, il a réglé une somme de 2 000 € en contrepartie locative pour éviter toute polémique et que M. Frédéric X… qui avait lui-même occupé le logement en février 2014 a réglé le même loyer (soit 1 000 € pour une semaine) en juin 2014 ; que la demande d’expertise de gestion au titre de l’appartement de Méribel n’est donc pas justifiée ;
que sur les opérations au sein des filiales Imepsa, les opérations sur lesquelles s’appuient les consorts X… pour leur demande d’expertise de gestion ne peuvent constituer des conventions réglementées au sens de l’article L. 227-10 du code de commerce ; qu’elles n’ont en effet pas été conclues avec une personne physique directement intéressée, ni avec une personne morale contrôlant la société Imepsa ou la société Imepsa Export au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce étant rappelé qu’en tout état de cause, il a été répondu à M. Frédéric X… par M. Alain Z… dans le courrier précité du 4 septembre 2014 ; qu’il s’ensuit que la demande d’expertise de gestion sur ce point n’est pas fondée ;
que sur les jetons de présence, les consorts X… n’ont pas respecté en l’espèce les dispositions de l’article L. 225-231 du code de commerce et n’ont formulé aucune demande écrite préalable ; qu’ils ne sont pas recevables en leur demande d’expertise de gestion sur ce point ; qu’en conséquence, au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que des réponses suffisantes ont été apportées aux consorts X… qui n’ont pas en outre rapporté la preuve de l’existence de présomptions d’irrégularités ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE les sociétés concernées par les questions soulevées ont des résultats ne les mettant pas en péril ; que par ailleurs, il n’apparaît pas que le fonctionnement des sociétés soit menacé par les difficultés entre les actionnaires évoquées ; qu’à la lecture des éléments versés aux débats, les décisions d’investissement prises sont conformes à l’objet social ; qu’en toute hypothèse, il n’est pas démontré que les opérations de gestion concernées ont porté un préjudice aux sociétés ; qu’enfin, la qualité d’administrateur de M. X… lors des décisions lui ont permis d’en connaître les tenants et les aboutissants ;
1) ALORS QUE dans leurs conclusions d’appel (p. 12, §§ 3-10), les consorts X… demandaient à la cour d’appel d’ordonner une expertise de gestion portant notamment sur l’acquisition par la société Safa en 2014 3 du château de […], ancienne propriété de la famille Z… située à […], moyennant un prix de 800 000 € ; qu’en omettant de se prononcer sur le bien-fondé d’une expertise de gestion au regard de cette opération, la cour d’appel a négligé de répondre aux conclusions des consorts X… et méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QU’ à défaut de réponse dans un délai d’un mois ou à défaut de communication d’éléments de réponse satisfaisants, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital peuvent demander en référé la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ; que le juge saisi d’une demande d’expertise de gestion doit rechercher si l’acte litigieux est susceptible de porter atteinte à l’intérêt social ; qu’en se bornant à énoncer, pour rejeter la demande d’expertise de gestion des consorts X… sur les opérations intervenues au sein des filiales Imepsa, que M. Alain Z… avait répondu par courrier à M. Frédéric X… à ses interrogations concernant lesdites opérations, sans rechercher si ces dernières apparaissaient susceptibles ou non de porter atteinte à l’intérêt social, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 225-231 du code de commerce ;
3) ALORS QU’en énonçant qu’en l’espèce, les opérations sur lesquelles s’appuient les consorts X… pour leur demande d’expertise de gestion ne peuvent constituer des conventions règlementées au sens de l’article L. 227-10 du code de commerce, la cour d’appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 225-231 de ce code.
ECLI:FR:CCASS:2018:CO00147