Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 septembre 2009), que la société Eole industries (la société), ayant pour activité la construction de mâts d’éoliennes, a ouvert un compte courant auprès de la Société générale (la banque), qui lui a consenti divers concours, soit un prêt à moyen terme à taux fixe Codevi d’un montant principal de 190 561, 27 euros et un crédit de trésorerie par avances sur marché d’un montant de 650 000 euros, conjointement avec le Crédit d’équipement des petites et moyennes entreprises devenu la société Oseo financement (la société Oseo) ; que ces concours étaient assortis d’engagements de caution solidaire consentis respectivement, le 30 juin 2003, par MM. X…, Gabriel Y… et Z… à concurrence de la somme de 20 000 euros au titre du concours conjoint fourni par la banque et la société Oseo, le 11 octobre 2003, par M. Gabriel Y… à concurrence de 130 000 euros au titre des concours de la banque, enfin, le 8 octobre 2003, par MM. X… et Z… à concurrence de 65 000 euros chacun ; que MM. Gabriel, Patrick et Jean-Marc Y… ainsi que M. X…, principaux actionnaires de la société, ont apporté à celle-ci, en garantie des concours consentis, la somme totale de 381 122, 54 euros, au moyen de découverts consentis par la banque à chacun d’eux sur des comptes courants individuels ouverts à cette fin ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire le 1er mars 2004, la banque et la société Oseo ont assigné les cautions en exécution des engagements souscrits ainsi qu’en paiement des soldes débiteurs de leurs comptes-courants individuels ; qu’après retrait du rôle, prononcé le 29 mars 2005 à la requête de la banque, le greffe a adressé aux parties, le 24 janvier 2007, un avis de réinscription de l’affaire après radiation et de fixation d’audience ; qu’estimant qu’aucun acte de procédure n’avait été effectué pendant deux ans, les défendeurs ont invoqué la péremption de l’instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que MM. X…, Z…, Gabriel Y…, Patrick Y… et Jean-Marc Y… reprochent à l’arrêt d’avoir dit que la péremption n’était pas acquise au 24 janvier 2007, date de la demande de rétablissement de l’instance, retirée du rôle par jugement du 29 mars 2005, alors, selon le moyen :
1°/ que la demande de réinscription d’une affaire au rôle ne constitue pas, à elle seule, une diligence au sens de l’article 386 du code de procédure civile, sauf à être accompagnée, y compris dans le cadre d’une procédure orale, de conclusions ou d’une lettre traduisant la volonté de la partie de poursuivre l’instance ; qu’en décidant qu’une demande de rétablissement de l’affaire avait entraîné l’interruption du délai de péremption, sans constater qu’elle avait été accompagnée de conclusions ou d’une lettre susceptible de caractériser l’intention manifeste d’une partie de poursuivre l’instance, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 386 du code de procédure civile ;
2°/ qu’en se bornant à déduire l’existence d’une demande de rétablissement de l’affaire au rôle d’un avis d’audience du 24 janvier 2007, sans constater que l’une des parties à l’instance avait effectivement demandé la fixation de l’affaire à l’audience, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 386 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’ayant retenu que, s’agissant d’une procédure orale, les parties n’ont pas d’autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l’affaire, et qu’il résulte de l’avis d’audience, adressé par le greffe aux parties le 24 janvier 2007, que le tribunal a été saisi à cette date d’une demande de rétablissement de l’instance, la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’effectuer des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que MM. X…, Z…, Gabriel Y…, Patrick Y… et Jean-Marc Y… reprochent à l’arrêt d’avoir dit que la banque n’était pas tenue à l’égard de MM. X…, Gabriel, Patrick et Jean-Marc Y…, d’une obligation de mise en garde, alors, selon le moyen :
1°/ que la qualité d’emprunteur averti s’apprécie au regard de la finalité du crédit consenti ; qu’en se contentant de déduire des qualités d’actionnaires et des fonctions dirigeantes de MM. Y… et X… qu’ils étaient des emprunteurs avertis, sans rechercher si la spécificité des crédits accordés et le silence de la banque quant à l’étendue des découverts autorisés et l’application des agios ne les avaient pas rendu inaptes à évaluer les conséquences des prêts sur leur situation financière et à apprécier le caractère proportionné de leurs engagements, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;
2°/ qu’en se contentant de se référer aux comptes titres dont étaient titulaires MM. Y… et X… pour en déduire que « leur patrimoine était en tout état de cause suffisant à répondre de leur obligation », sans vérifier l’état de leurs revenus annuels ni l’état de leur endettement et sans tenir compte du caractère indéterminé du montant de l’emprunt résultant des dépassements de découverts et de l’application disparate des agios, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu’après avoir relevé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des pièces et des éléments de preuve, que les intéressés étaient tous membres du conseil d’administration de la société dont M. X… était le président et M. Gabriel Y… le directeur général, l’arrêt retient qu’ils avaient la qualité d’emprunteurs avertis, en mesure d’apprécier, par leur connaissance de la situation de la société, l’opportunité et la portée de leur engagement personnel ; qu’il relève encore que le patrimoine de chacun d’entre eux était en tout état de cause suffisant à répondre de leur obligation, les relevés des comptes-titres dont ils étaient titulaires faisant apparaître des montants respectivement de 1 264 335, 14 euros, 1 298 788, 44 euros, 1 026 426, 08 euros et 1 212 951, 78 euros ; que par ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que MM. X…, Z…, Gabriel Y…, Patrick Y… et Jean-Marc Y… reprochent à l’arrêt d’avoir dit que la banque n’a pas soutenu abusivement la société, alors, selon le moyen :
1°/ que commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité la banque qui continue à soutenir financièrement un débiteur dont elle connaît ou aurait dû connaître la situation irrémédiablement ou gravement compromise ; qu’en écartant la responsabilité de la banque au motif qu’il n’était pas démontré qu’à la date d’octroi des concours, la société se trouvait dans une situation au moins gravement compromise, après avoir relevé que l’évolution du solde du compte de cette société était exclusivement débiteur, la banque ayant elle-même qualifié la « situation débitrice » de la société de « tout à fait exceptionnelle » dans un courrier du 3 juin 2003, ce dont il résultait que la société se trouvait dans une situation gravement compromise, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et partant, a violé l’article 1147 du code civil ;
2°/ que la banque engage sa responsabilité lorsqu’elle accorde un crédit ruineux pour son client, qui provoque une croissance continue et insurmontable, nécessaire et évidente, de ses charges financières ; qu’en considérant, pour écarter la responsabilité de la banque, qu’il n’était pas démontré qu’à la date d’octroi des concours, la société se trouvait dans une situation au moins gravement compromise et que les découverts n’avaient pas participé d’une volonté de donner une apparence de solvabilité de la société aux yeux des tiers, sans rechercher, ainsi qu’il lui était demandé, si eu égard aux conséquences financières subies par la société, la banque, qui avait estimé que la situation débitrice de la société était « tout à fait exceptionnelle, » n’avait pas commis une faute en consentant des crédits manifestement incompatibles avec les facultés de remboursement de la société, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;
Mais attendu que l’arrêt relève, d’un côté, qu’il n’est ni soutenu ni démontré par les intimés, dirigeants et actionnaires de la société, qu’à la date d’octroi des concours, la société se trouvait dans une situation sinon irrémédiablement compromise, du moins gravement compromise, ce que la banque n’aurait pu ignorer, d’un autre côté, que les dépassements ponctuels du découvert autorisé, de même que les avances sur marché consenties par la banque ne peuvent être regardées comme participant de la volonté de donner à la société une apparence de solvabilité aux yeux des tiers ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que les intéressés, professionnels avertis, étaient informés de la situation de la société et que la banque, au moment de l’octroi du crédit, ignorait que la situation financière des sociétés emprunteuses était gravement compromise, à supposer même qu’elle le fût, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes dès lors qu’elles se bornaient à invoquer des dépassements ponctuels des découverts consentis, sur lesquels au demeurant la banque avait immédiatement attiré l’attention de sa cliente, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu que MM. X…, Z…, Gabriel Y…, Patrick Y… et Jean-Marc Y… reprochent à l’arrêt d’avoir dit que la banque et la société Oseo, n’ont pas commis de faute en consentant à la société un crédit de trésorerie sous forme d’avances sur marchés et en portant au crédit du compte de la société les sommes de 219 000 euros et 196. 000 euros, alors, selon le moyen, que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des documents qui lui sont soumis ; que le contrat d’ouverture de crédit du 3 octobre 2002 prévoyait que « les avances sont réalisées sur présentation d’états récapitulatifs périodiques de demandes de paiement accompagnées du double de ces demandes revêtu de la mention « CONFORME A L’ORIGINAL » signée par le bénéficiaire. Elles sont subordonnées à la cession effective des marchés concernés. Notification des bons de commandes. Communication du double des bons de transport validé par les clients de l’entreprise EOLE INDUSTRIESS SA » ; qu’en retenant qu’il résultait du libellé de cette disposition, spécialement de l’absence de conjonction de coordination et de l’utilisation de la ponctuation, que seule la cession effective du marché était une condition de l’octroi d’une avance, cependant que l’utilisation des points de ponctuation traduisait seulement une énumération des conditions requises pour l’obtention du crédit, la cour d’appel a dénaturé le sens clair et précis de la clause du contrat du 3 octobre 2002, en violation de l’article 1134 du code civil ;
Mais attendu que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’interprétation du sens et de la portée de la convention rendue nécessaire par l’ambiguïté de ses termes, que la cour d’appel a retenu qu’il résultait du libellé de cette disposition, et spécialement de l’absence de conjonction de coordination et de l’utilisation de la ponctuation, que si la cession effective du marché était une condition de l’octroi d’une avance, la notification des bons de commande et la communication des bons de transport n’avaient pas été stipulées comme autant de préalables nécessaires au déblocage des fonds, mais comme de simples obligations mises à la charge de la société sans lien avec le propre engagement de la société Oseo ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. X…, Z…, Gabriel Y…, Patrick Y… et Jean-Marc Y… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer respectivement à la Société générale et à la société Oseo financement la somme globale de 2 500 euros chacune et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils pour MM. Y…, X… et Z….
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que la péremption n’était pas acquise au 24 janvier 2007, date de la demande de rétablissement de l’instance, retirée du rôle par jugement du 29 mars 2005 ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur Gabriel Y…, Monsieur Patrick Y…, Monsieur Norbert X…, Monsieur Jean-Marc Y… et Monsieur Félix Z… soutiennent que le délai de préemption a commencé à courir à compter du 13 septembre 2005 date de leurs conclusions n° 3 et était acquise au 20 novembre 2007, date à laquelle la Société Générale a régularisé des conclusions en réplique, les banques s’étant abstenues de diligences interruptives de prescription pendant plus de deux ans ; que le jugement de retrait du rôle du 29 mars 2005, ne pouvant être regardé comme la manifestation de la volonté de poursuivre l’instance et étant par suite dépourvu de tout effet interruptif, le point de départ du délai de péremption doit être fixé à la date d’accomplissement des dernières diligences interruptives de prescription ; qu’à cet égard, les conclusions n° 3 déposées le 13 septembre 2005 par Monsieur Gabriel Y…, Monsieur Patrick Y…, Monsieur Norbert X…, Monsieur Jean-Marc Y… et Monsieur Félix Z… devant être écartées contrairement à ce qu’a décidé le tribunal, dans la mesure où celles-ci n’étaient pas accompagnées d’une demande de fixation de l’affaire à l’audience et où le tribunal était alors dessaisi par le jugement de retrait du rôle, le point de départ du délai de péremption doit être fixé au 29 mars 2005, date de dépôt des conclusions n° 2 sollicitant une mesure d’expertise financière ; qu’en effet, en matière de procédure orale, une demande d’expertise formée par voie reconventionnelle déposée par une partie présente ou représentée, interrompt à sa date, la prescription dès lors qu’il est constant que cette demande a été reprise lors de l’audience de la plaidoirie ultérieure, tenue le 25 mars 2008, ensuite du rétablissement de l’affaire ; que d’autre part la manifestation de la volonté des parties de poursuivre l’instance et de la faire évoluer doit être appréciée au regard des charges qui leur incombent ; qu’en matière de procédure orale, les parties n’ont pas d’autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l’affaire ; qu’il est constant, en l’espèce, ainsi qu’il résulte de l’avis d’audience adressé par le greffe aux parties le 24 janvier 2007 que le tribunal a été saisi à cette date d’une demande de rétablissement de l’affaire précédemment retirée du rôle ; qu’il s’ensuit que c’est à cette date d’accomplissement d’une diligence interruptive de prescription et non au 20 novembre 2007, date de dépôt par les banques de nouvelles conclusions que le délai de péremption s’est trouvé interrompu ; que par suite la péremption n’étant pas acquise à la date du 24 janvier 2007, c’est à tort que celle-ci a été retenue par le tribunal, la décision déférée devant être par suite, infirmée ;
1°) ALORS QUE la demande de réinscription d’une affaire au rôle ne constitue pas, à elle seule, une diligence au sens de l’article 386 du code de procédure civile, sauf à être accompagnée, y compris dans le cadre d’une procédure orale, de conclusions ou d’une lettre traduisant la volonté de la partie de poursuivre l’instance ; qu’en décidant qu’une demande de rétablissement de l’affaire avait entraîné l’interruption du délai de péremption, sans constater qu’elle avait été accompagnée de conclusions ou d’une lettre susceptible de caractériser l’intention manifeste d’une partie de poursuivre l’instance, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 386 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU’en se bornant à déduire l’existence d’une demande de rétablissement de l’affaire au rôle d’un avis d’audience du 24 janvier 2007, sans constater que l’une des parties à l’instance avait effectivement demandé la fixation de l’affaire à l’audience, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 386 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que la Société générale n’était pas tenue à l’égard de Monsieur Gabriel Y…, Monsieur Patrick Y…, Monsieur X… et Monsieur Jean-Marc Y… d’une obligation de mise en garde ;
AUX MOTIFS QUE la circonstance que la banque ait accepté de financer ces apports par une ouverture de crédit en compte accordée à chacun des actionnaires concernés ne peut suffire à caractériser une faute de la banque dès lors que ces derniers étaient personnellement intéressés à l’octroi du concours que leurs engagements propres étaient destinés à garantir ; que Monsieur Norbert X…, président du conseil d’administration de la SA EOLE INDUSTRIES, Monsieur Gabriel Y…, directeur général et administrateur, Monsieur Patrick Y…, Monsieur Jean-Marc Y…, tous deux administrateurs, qui de par leur qualité même, avaient connaissance de la situation de la société, étaient à même d’apprécier l’opportunité d’un tel engagement personnel et d’en mesurer la portée ; que Monsieur Gabriel Y…, Monsieur Patrick Y…, Monsieur Norbert X…, Monsieur Jean-Marc Y… ne sauraient par ailleurs reprocher à la banque d’avoir méconnu le principe de proportionnalité en leur accordant des concours excédant leurs capacités de remboursement dès lors d’une part qu’ayant tous à raison de leurs fonctions dirigeantes et de leur position d’actionnaires, la qualité d’emprunteur averti, la banque n’était pas tenue à leur égard d’une obligation de mise en garde sur les risques pouvant naître de leur endettement d’autre part que leur patrimoine était en tout état de cause suffisant à répondre de leur obligation, les pièces versées aux débats (n° 56 à 59) faisant apparaître que ceux-ci étaient titulaires auprès de USB France SA d’un compte titres d’un montant respectivement de 1. 264. 335, 14 euros, 1. 298. 788, 44 euros, 1. 026. 426, 08 euros et 1. 212. 951, 78 euros,
1°) ALORS QUE la qualité d’emprunteur averti s’apprécie au regard de la finalité du crédit consenti ; qu’en se contentant de déduire des qualités d’actionnaires et des fonctions dirigeantes de MM. Y… et X… qu’ils étaient des emprunteurs avertis, sans rechercher si la spécificité des crédits accordés et le silence de la Société Générale quant à l’étendue des découverts autorisés et l’application des agios ne les avaient pas rendu inaptes à évaluer les conséquences des prêts sur leur situation financière et à apprécier le caractère proportionné de leurs engagements, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil.
2°) ALORS QU’en se contentant de se référer aux comptes titres dont étaient titulaires MM. Y… et X… pour en déduire que « leur patrimoine était en tout état de cause suffisant à répondre de leur obligation », sans vérifier l’état de leurs revenus annuels ni l’état de leur endettement et sans tenir compte du caractère indéterminé du montant de l’emprunt résultant des dépassements de découverts et de l’application disparate des agios, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que la Société générale n’a pas soutenu abusivement la SA Eole Industries ;
AUX MOTIFS QUE les intimés se bornent par seule référence à l’évolution du solde débiteur de la SA EOLE INDUSTRIES au cours de la période du 31 mars 2003 au 17 novembre 2003 et à des transferts de fonds ou paiements effectués aux mois d’avril, juin, septembre et novembre 2003 à soutenir que la SA SOCIETE GENERALE a soutenu abusivement la société dont ils étaient les dirigeants et actionnaires ; que toutefois, les dépassements ponctuels du découvert autorisé qui ont pu être enregistrés de même que les avances sur marché consenties par la banque critiquées par les intimés ne peuvent être regardés comme participant de la volonté de donner à la SA EOLE INDUSTRIES une apparence de solvabilité aux yeux des tiers ; qu’en effet, il n’est pas soutenu ni a fortiori démontré qu’à la date d’octroi de ces concours, la SA EOLE INDUSTRIE se trouvait dans une situation financière sinon irrémédiablement compromise, du moins gravement compromise, ce que la banque n’aurait pu ignorer,
1°) ALORS QUE commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité la banque qui continue à soutenir financièrement un débiteur dont elle connaît ou aurait dû connaître la situation irrémédiablement ou gravement compromise ; qu’en écartant la responsabilité de la Société Générale au motif qu’il n’était pas démontré qu’à la date d’octroi des concours, la SA Eole Industrie de trouvait dans une situation au moins gravement compromise, après avoir relevé que l’évolution du solde du compte de cette société était exclusivement débiteur, la Société Générale ayant elle-même qualifié la « situation débitrice » de la société Eole Industries de « tout à fait exceptionnelle » dans un courrier du 3 juin 2003, ce dont il résultait que la société se trouvait dans une situation gravement compromise, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et partant, a violé l’article 1147 du code civil ;
2°) ALORS QUE la banque engage sa responsabilité lorsqu’elle accorde un crédit ruineux pour son client, qui provoque une croissance continue et insurmontable, nécessaire et évidente, de ses charges financières ; qu’en considérant, pour écarter la responsabilité de la Société Générale, qu’il n’était pas démontré qu’à la date d’octroi des concours, la SA Eole Industrie de trouvait dans une situation au moins gravement compromise et que les découverts n’avaient pas participé d’une volonté de donner une apparence de solvabilité de la société aux yeux des tiers, sans rechercher, ainsi qu’il lui était demandé, si eu égard aux conséquences financières subies par la société Eole Industries, la banque, qui avait estimé que la situation débitrice de la société Eole était « tout à fait exceptionnelle, » n’avait pas commis une faute en consentant des crédits manifestement incompatibles avec les facultés de remboursement de la société, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir dit que la Société Générale et la société Oseo Financement, venant aux droits du Crédit d’Equipement des Petites et Moyennes Entreprises (CEPME), n’ont pas commis de faute en consentant à la société Eole Industries un crédit de trésorerie sous forme d’avances sur marchés et en portant au crédit du compte de la société Eole Industries les sommes de 219. 000 euros et 196. 000 euros ;
AUX MOTIFS QUE par actes sous seing privés du 30 juin 2003, Monsieur Norbert X…, Monsieur GABRIEL Y… et Monsieur Félix Z… se sont portés cautions solidaires à concurrence de la somme de 20. 000 euros de toutes sommes que la SA EOLE INDUSTRIES pourrait devoir en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires au titre du concours apporté conjointement par la SA SOCIETE GENERALE et le CEPME au titre d’une ouverture de crédit de trésorerie par avances sur marchés laquelle ne peut contrairement à ce que soutiennent les intimés s’analyser en une ouverture de crédit documentaire ; que sans contester ni le montant du solde débiteur de la SA EOLE INDUCTRIES à ce titre soit 433. 328, 24 euros ni leur obligation de caution solidaire afférente au concours considéré, Monsieur Norbert X…, Monsieur GABRIEL Y… et Monsieur Félix Z… recherchent à titre reconventionnel la responsabilité des banques pour avoir versé à EOLE INDUSTRIES les sommes de 229. 000 euros et 196. 000 euros sans exiger la production des documents requis pour le déblocage des fonds alors que la commande de la Société JEUMONT INDUSTRIE ne devait jamais être exécutée et partant payée par le débiteur cédé ; qu’à cet égard il est constant que la SA JEUMONT a, le 30 juin 2003, passé commande à la SA EOLE INDUSTRIES, dans le cadre d’un contrat de coopération signé entre les parties le 12 février 2002, de 20 mâts classe 2 et 7 sections de fondations tour classe 2 en acier ; qu’il résulte des stipulations de cette commande normalisée que la livraison des matériels était prévue comme devant être effectuée de manière échelonnée et que le paiement devait intervenir également par fractions successives de 10 %, 35 % et 55 %, le solde devant être réglé au plus tard le 30 juin 2004 après acceptation du matériel par l’inspecteur de la SA JEUMONT ; que ce marché a fait l’objet d’une cession au profit du CEPME qui a notifié cette cession à la SA JEUMONT le 10 juillet 2003 ; qu’en exécution de ce marché, la SA EOLE INDUSTRIES a émis d’une part deux factures globales la première n° 20030902 le 8 septembre 2003 à échéance du 15 décembre 2003 d’un montant de 459. 238, 53 euros TTC la seconde n° 20031102 le 17 novembre 2003 à échéance du 17 janvier 2004 d’un montant de 393. 633, 02 euros TTC d’autre part aux mêmes dates deux autres factures portant le même numéro tenant compte cette fois des règlements effectués
ramenant le solde dû sur chacune à respectivement 286. 493, 11 euros et 245. 526, 92 euros ; que ces factures ayant été remises pour paiement aux banques par la SA EOLE INDUSTRIES, cette dernière a été créditée le 9 septembre 2003 d’une somme de 229. 000 euros et le 18 novembre 2003 d’une somme de 196. 000 euros ; que le contrat d’ouverture de crédit stipule que « les avances sont réalisées sur présentation d’états récapitulatifs périodiques de demandes de paiement accompagnées du double de ces demandes revêtu de la mention « CONFORME A L’ORIGINAL » signée par le bénéficiaire. Elles sont subordonnées à la cession effective des marchés concernés. Notification des bons de commandes. Communication du double des bons de transport validé par les clients de l’entreprise EOLE INDUSTRIESS SA » ; qu’il résulte du libellé de cette disposition et spécialement de l’absence de conjonction de coordination et de l’utilisation de la ponctuation que si la cession effective du marché est une condition de l’octroi d’une avance, la notification des bons de commandes et la communication des bons de transport n’ont pas été stipulée comme autant de préalables nécessaires au déblocage des fonds mais comme de simples obligations mises à la charge de la SA EOLE INDUSTRIE sans lien avec le propre engagement du CEPME ; que d’ailleurs, la dénaturation de cette clause par les intimés aboutirait dans un contrat prévu comme en l’espèce avec paiements échelonnés en fonction de l’état d’avancement de l’usinage du matériel à priver le bénéficiaire de tout recours à un financement par mobilisation de ces créances jusqu’à l’advenue du terme pour la livraison effective ; qu’il s’ensuit que les déblocages de fonds auxquels il a été procédé ne présentent aucun caractère fautif, ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des documents qui lui sont soumis ; que le contrat d’ouverture de crédit du 3 octobre 2002 prévoyait que « les avances sont réalisées sur présentation d’états récapitulatifs périodiques de demandes de paiement accompagnées du double de ces demandes revêtu de la mention « CONFORME A L’ORIGINAL » signée par le bénéficiaire. Elles sont subordonnées à la cession effective des marchés concernés. Notification des bons de commandes. Communication du double des bons de transport validé par les clients de l’entreprise EOLE INDUSTRIESS SA » ; qu’en retenant qu’il résultait du libellé de cette disposition, spécialement de l’absence de conjonction de coordination et de l’utilisation de la ponctuation, que seule la cession effective du marché était une condition de l’octroi d’une avance, cependant que l’utilisation des points de ponctuation traduisait seulement une énumération des conditions requises pour l’obtention du crédit, la cour d’appel a dénaturé le sens clair et précis de la clause du contrat du 3 octobre 2002, en violation de l’article 1134 du code civil.