Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 22 avril 2011), qu’à la suite de la mise en liquidation judiciaire, par jugement du 1er décembre 2005, de la société Socodif (la société), M. X…, en qualité de liquidateur, a assigné en paiement des dettes sociales MM. Y… et Z…, pris respectivement en leur qualité de dirigeant de droit et de fait ;
Attendu que M. Y… fait grief à l’arrêt de l’avoir condamné solidairement à payer la somme de 396 430, 20 euros, alors, selon le moyen :
1°/ que l’obligation au paiement de tout ou partie des dettes sociales suppose que soit caractérisé l’un des cas limitativement énumérés par l’article L. 652-1 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l’espèce ; que ne poursuit pas abusivement, dans un intérêt personnel, une activité déficitaire le dirigeant qui apporte des fonds supérieurs à la rémunération qu’il a pu obtenir à l’occasion de l’exécution régulière de son contrat de travail ; qu’en condamnant toutefois M. Y…, solidairement avec M. Z…, à payer une somme de 396 430, 20 euros, sans rechercher ainsi que cela était soutenu, si les fonds apportés par M. Y… à la société Socodif n’avaient pas dépassé le montant des rémunérations, au demeurant tout à fait raisonnables, qu’il avait continué à percevoir, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 652-1 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l’espèce ;
2°/ qu’en cas de pluralité de dirigeants responsables, le tribunal tient compte de la faute de chacun pour déterminer la part des dettes sociales mises à sa charge ; qu’en condamnant solidairement MM. Y… et Z… sans aucunement motiver sa décision sur ce point, la cour d’appel a violé l’article L. 652-2 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l’espèce ;
Mais attendu, d’une part, qu’après avoir constaté que la société était, après seize mois d’activité seulement, redevable d’un passif important à l’égard de ses salariés, des organismes sociaux, de ses fournisseurs et du bailleur, lequel n’avait perçu aucun loyer, ni même le dépôt de garantie, l’arrêt relève que M. Y… a continué à se rémunérer pour l’exercice de ses fonctions de président jusqu’à la déclaration de la cessation des paiements intervenue le 23 novembre 2005 ; que par ces seuls motifs, caractérisant l’intérêt personnel de M. Y… dans la poursuite de l’activité déficitaire, peu important que le salaire attribué ait été maintenu en compte courant, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d’autre part, que c’est par une décision motivée, après avoir relevé que M. Y… avait permis à M. Z… de constituer et d’animer la société cependant que celui-ci était frappé d’une mesure de faillite personnelle en cours d’exécution, que la cour d’appel retient que ces circonstances justifient la condamnation solidaire de chacun d’eux au paiement des dettes sociales ;
D’où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n’est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour M. Y…
Il est fait grief à l’arrêt attaqué :
D’AVOIR condamné Monsieur Y… solidairement avec Monsieur Z… à régler à Maître X…, ès qualités, l’insuffisance d’actif de la société SOCODIF chiffrée à la somme de 396. 430, 20 ;
AUX MOTIFS QUE lorsqu’une juridiction se trouve saisie à la fois d’une demande tendant à ce qu’un dirigeant d’une personne morale, dont la liquidation judiciaire a été ouverte avant le 1er janvier 2006, soit obligé aux dettes sociales sur le fondement de l’article L. 652-1 du Code de commerce et d’une demande tendant à ce qu’il soit condamné à supporter l’insuffisance d’actif sur le fondement de l’article L. 624-3 ancien du Code de commerce, elle doit d’abord se prononcer sur le premier fondement exclusif du second par application du dernier alinéa de l’article L. 652-1 qui prohibe le cumul ; que si elle retient l’existence d’un fait qualifié au sens de ce texte, elle n’a pas à examiner la demande sur le second fondement ; que l’article L. 652-1 dispose qu’au cours d’une procédure de liquidation judiciaire, le Tribunal peut décider de mettre à la charge de l’un des dirigeants de droit ou de fait d’une personne morale la totalité ou une partie des dettes de cette dernière lorsqu’il est établi à l’encontre de ce dirigeant que l’une des fautes ci-après a contribué à la cessation des paiements :- avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;- sous le couvert d’une personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;- avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou une entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;- avoir poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale ;- avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale ; qu’en application de l’article L. 642-2 en cas de pluralité de dirigeants responsables, le Tribunal tient compte de la faute de chacun d’eux pour déterminer la part des dettes sociales mises à sa charge ; que par décision motivée il peut les déclarer solidairement responsables ; qu’en l’espèce, le mandataire liquidateur de la société SOCODIF, dont la procédure de liquidation judiciaire a été ouverte le 1er décembre 2005, a par exploit du 15 octobre 2007 engagé une action dirigée contre Bernard Y…, dirigeant de droit, et contre Gérard Z…, comme dirigeant de fait, en leur reprochant principalement d’avoir abusivement poursuivi, en employant des moyens ruineux, l’exploitation déficitaire de la société SOCODIF ; que le jugement entrepris n’est pas critiqué en ce qu’il a estimé que Gérard Z…, qui n’a pas été intimé par l’appelant, a, comme dirigeant de fait de la société SOCODIF, abusivement poursuivi dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale et en ce que cette décision a ainsi retenu un fait qualifié au sens de l’article L. 652-1 du Code de commerce ; que Bernard Y…, dirigeant de droit de la société SOCODIF, expose qu’il a élaboré un concept de fabrication et commercialisation de vêtements sur mesure avec prise de commande sur le lieu de travail ou à domicile, fait réaliser une étude de marché et établi un business plan avant de rechercher des partenaires pour créer une entreprise dédiée à la mise en oeuvre de ce projet ; que toutefois l’appelant ne produit pas de tels documents ; qu’il ne démontre pas la rentabilité du concept nécessitant selon ses explications l’emploi de nombreux commerciaux et de téléprospecteurs ; qu’il ne s’explique pas non plus sur les conditions dans lesquelles il a été mis en relation avec Gérard Z…, avec lequel il s’est associé pour créer la société SOCODIF, et qui par arrêts du 10 septembre 2003, avait notamment été condamné par la 7ème chambre correctionnelle de la Cour à la peine de deux ans d’emprisonnement dont un an assorti du sursis (mandat de dépôt du 17 janvier 2003) pour des faits d’abus de biens sociaux, de banqueroute et de violation d’une interdiction de gérer ; qu’il résulte de la pièce 39 de l’intimé que le Conseil des Prud’hommes de LYON a définitivement jugé le 17 octobre 2008 qu’il n’existait pas de contrat de travail entre Monsieur Z… et la SAS SOCODIF ; que dans les motifs de sa décision le conseil des Prud’hommes a estimé que Gérard Z… était le gérant de fait de la société SOCODIF « dont il avait à tout moment la possibilité de révoquer le Président Monsieur Y… qui n’avait défini aucune politique commerciale ni fixé d’objectif » ; que cette juridiction a aussi mentionné que Gérard Z… avait signé les devis de la société l’Art de Construire relatifs à l’aménagement des locaux de la société pour un montant de 59. 798, 88 ; que selon la déclaration de cessation des paiements déposée le 23 novembre 2005 par Bernard Y… lui-même, comme Président, la SAS SOCODIF a généré depuis sa création le 26 août 2004 un chiffre d’affaires de 138. 000 HT seulement avec un effectif qui a atteint 30 salariés ; qu’il existait un arriéré de salaires de 178. 201 , des cotisations impayées aux organismes sociaux pour 125. 454 ; que le Président de la société SOCODIF a aussi mentionné dans la déclaration de cessation des paiements des acomptes versés par des clients pour un montant total de 24. 788 (contrairement à ce qu’il soutient dans ses écritures en page 14) et des dettes fournisseurs pour 391. 259, 50 dont les sociétés MANPOWER (au titre de factures à échéance du 23 juin au 30 septembre 2005), RANSTAD (au titre de factures à échéance du 25 juillet au 3 octobre 2005), MAAF Assurances (facture du 12 mai 2005), SADEV (factures à échéances du 29 juin au 29 juillet 2005), ESPACE VICTOR HUGO (factures de loyers à échéance du 31 mars au 30 septembre 2005) et THOMAS COOK (au titre de factures à échéance du 31 juillet au 30 septembre 2005) ; qu’il résulte du jugement rendu le 27 septembre 2005 par le Juge de l’Exécution de LYON (pièce 13 de Maître X…) que la société SOCODIF n’a réglé aucun loyer et pas même le dépôt de garantie depuis le mois de novembre 2004 pour les locaux qui lui étaient d’abord loués 71 rue François MERMET à TASSIN LA DEMI LUNE par la SCI VARENNES ; que le 28 février 2005 la résiliation de ce premier bail a été constatée par le juge des référés qui a condamné la société SOCODIF à payer une provision de 18. 032 arrêtée au 31 mars 2005 ; que la société SOCODIF, représentée par Bernard Y…, a souscrit le 24 mars 2005 avec la SCI ESPACE VICTOR HUGO-un second bail pour des locaux d’une superficie totale de 564 m2 moyennant un loyer annuel de 76. 480 ;- une promesse d’achat portant sur ces locaux ; que la société SOCODIF a fait réaliser dans les lieux des travaux d’aménagement conséquents (59. 798, 88 ) ; qu’aucun élément comptable n’est communiqué par l’appelant concernant le projet d’acquisition de ce bien immobilier, qui a permis d’obtenir un différé de paiement des loyers ; qu’est ainsi caractérisée à l’encontre de Bernard Y…, dirigeant de droit, une poursuite abusive de l’exploitation déficitaire de la société SOCODIF, qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale, à laquelle elle a contribué ; que l’intérêt personnel de la poursuite d’activité déficitaire est retenu lorsque le dirigeant perçoit de la société un salaire ; que peu importe que ce salaire ne soit pas excessif ; que peu importe également que la rémunération soit laissée en compte courant (Cass Com 29 février 2000) ; qu’en l’espèce le Grand Livre pour la période du 26 août 2004 au 15 décembre 2005, produit en pièce 22-2 par Maître X…, mentionne en page 69, que le compte courant de Bernard Y… a, à compter du 30 septembre 2004, régulièrement été crédité d’un salaire mensuel de 3. 525, 38 puis à compter du mois de février 2005 de 3. 490, 13 ; que dès lors l’intérêt personnel de Bernard Y… dans la poursuite abusive de l’exploitation déficitaire de la société SOCODIF est aussi suffisamment caractérisé ; que Maître X… produit encore en pièce 40 l’état des créances privilégiées qui a été déposé au greffe du Tribunal de commerce de LYON le 9 octobre 2006, complété par un état complémentaire déposé le 17 janvier 2007, et qui a été arrêté par le juge-commissaire le 18 janvier 2007 à un montant de 484. 434, 01 ; que Maître X… a aussi été destinataire de déclarations de créances pour un montant de 699. 057 au titre d’un passif chirographaire, qui n’a pas été vérifié ; que le seul actif de la procédure a fait l’objet de la prisée réalisée le 20 janvier 2005 par Maître C…commissaire-priseur, qui mentionne des « matériel et mobilier de bureau » et un stock estimés en valeur d’exploitation à 2. 610 et en valeur de réalisation à 325 ; que Bernard Y… a permis à Gérard Z…, qui faisait alors l’objet d’une faillite personnelle pour une durée de 15 ans par jugement en date du 2 novembre 2005, confirmé le 27 septembre 1996 par un arrêt qui a été publié au BODACC le 13 décembre 1996, de constituer et d’animer la société SOCODIF dont l’exploitation déficitaire a été poursuivie pendant 16 mois par l’emploi de moyens ruineux ce qui a notamment occasionné des dettes privilégiées d’un montant supérieur à 396. 430, 20 ; que les circonstances de l’espèce justifient donc le prononcé une condamnation solidaire à hauteur de ce montant à l’encontre du dirigeant de droit et du dirigeant de fait au titre de l’obligation aux dettes sociales de la société SOCODIF ; que le jugement entrepris sera confirmé dans toutes ses dispositions déférées ;
ET AUX MOTIFS à les supposer adoptés QUE Monsieur Z… a fait l’objet d’un jugement de condamnation pour faillite personnelle pour une durée de 15 ans par jugement du Tribunal de commerce de LYON du 2 novembre 1995 confirmé le 27 septembre 1996 par la Cour d’appel de LYON ; que ces décisions ont été publiées au BODACC le 13 décembre 1996 sous l’annonce n° 1464 ; que lorsque Monsieur Z… a géré de fait la société SOCODIF, il était sous le coup d’une faillite personnelle de 15 ans ; que Monsieur Z… a violé l’interdiction de gérer attachée à la faillite personnelle ; que pour générer 107. 000 de chiffre d’affaires en mois d’activité, la société SOCODIF avait à la date du dépôt de bilan, pas moins de 29 salariés ; qu’au surplus la législation du travail n’a pas été respectée : Absence de représentation du personnel, pas de visite médicale, non paiement des salaires à compter du mois de septembre 2005 et embauche dans cette même période de nouveaux salariés ; qu’à compter du mois d’août 2005, la société SOCODIF France a confié à une société dénommée CAP CALL son marketing téléphonique ; que CAP CALL est une SARL, constituée en août par Monsieur Gérard Z… et Madame Sylvie D…, son dirigeant étant Monsieur Bernard Y… ; qu’elle partageait les locaux de la société SOCODlF France, et a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 1er décembre 2005, Maître X… étant nommé liquidateur ; que son chiffre d’affaires, au jour de la liquidation judiciaire, s’élevait à 133. 101 et avait été réalisé uniquement auprès de la société SOCODlF France ; que les relations entre la société SOCODIF France et la société CAP CALL à compter du mois d’août 2005 démontrent la gestion aberrante mise en oeuvre par Monsieur Z…, dirigeant de fait et actionnaire majoritaire à compter de cette période, qui a multiplié les charges de fonctionnement disproportionnées au regard de l’activité réelle de la société SOCODIF ; que, dès lors il est avéré que Monsieur Z… a poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale ; que, de ce qui précède, le Tribunal dira recevable l’action de Maître X… en contribution aux charges sociales à l’encontre de Monsieur Z…, Monsieur Y… ne possédant à compter du mois d’août 2005 aucune autonomie et étant sous le contrôle tant capitalistique que statutaire de Monsieur Z… ; que cependant Monsieur Y… était dirigeant de droit, le Tribunal retiendra sa responsabilité solidaire ; qu’à la lecture des créances non vérifiées, il apparaît que le passif privilégié et super privilégié au titre des créances salariales et charges sociales afférentes s’élève à la somme 396. 430, 20 ; que le Tribunal constate que l’existence de l’insuffisance d’actif est certaine et est supérieure à ce montant ; qu’en conséquence le Tribunal recevra Maître X…, es qualité de liquidateur judiciaire de la société SOCODlF, dans ses demandes et les jugera fondées ; que le Tribunal condamnera solidairement Monsieur Z… et Monsieur Y… à payer à Maître X… ès qualités, la somme de 396. 430, 20 , au titre des dettes sociales afférentes à la liquidation judiciaire de la société SOCODIF ;
ALORS D’UNE PART QUE l’obligation au paiement de tout ou partie des dettes sociales suppose que soit caractérisé l’un des cas limitativement énumérés par l’article L. 652-1 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à l’espèce ; que ne poursuit pas abusivement, dans un intérêt personnel, une activité déficitaire le dirigeant qui apporte des fonds supérieurs à la rémunération qu’il a pu obtenir à l’occasion de l’exécution régulière de son contrat de travail ; qu’en condamnant toutefois Monsieur Y…, solidairement avec Monsieur Z…, à payer une somme de 396. 430, 20 , ainsi que cela était soutenu, si les fonds apportés par l’exposant à la société SOCODIF n’avaient pas dépassé le montant des rémunérations, au demeurant tout à fait raisonnables, qu’il avait continué à percevoir, la Cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 652-1 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à l’espèce ;
ALORS D’AUTRE PART et en tout état de cause QU’en cas de pluralité de dirigeants responsables, le tribunal tient compte de la faute de chacun pour déterminer la part des dettes sociales mises à sa charge ; qu’en condamnant solidairement Monsieur Y… et Monsieur Z… sans aucunement motiver sa décision sur ce point, la Cour d’appel a violé l’article L. 652-2 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à l’espèce.