Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 janvier 2021
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 25 F-D
Pourvoi n° P 19-14.256
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 13 JANVIER 2021
1°/ M. G… O…,
2°/ Mme R… W…, épouse O…,
domiciliés tous deux […],
ont formé le pourvoi n° P 19-14.256 contre l’arrêt rendu le 21 janvier 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige les opposant au directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques, domicilié […] , dont le siège est […] , défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de M. et Mme O…, de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques, et l’avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l’audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 21 janvier 2019), M. O… et Mme W… épouse O…, (M. et Mme O…) ont, dans leur déclaration d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour l’année 2013, déclaré leurs parts dans la SCI Grenouille, qui avait acquis, le 5 janvier 2010, une villa située à Cannes, laissée gratuitement à leur disposition, en leur appliquant un abattement de 30 % pour occupation du bien à titre de résidence principale.
2. Estimant que M. et Mme O… ne pouvaient, pour déterminer la valorisation des parts sociales détenues dans la SCI, bénéficier de cet abattement sur la valeur de l’actif immobilier détenu par cette société, réservé par les dispositions du deuxième alinéa de l’article 885 S du code général des impôts aux propriétaires du bien qui l’occupent à titre de résidence principale, l’administration fiscale leur a notifié une proposition de rectification et a admis, en réponse à leurs observations, un abattement de 10 % de la valeur vénale corrigée du bien, pour tenir compte des contraintes juridiques et contractuelles. Après mise en recouvrement des droits et rejet de leur réclamation, M. et Mme O… ont assigné l’administration fiscale en décharge de l’imposition réclamée.
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
3. M. et Mme O… font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que le deuxième alinéa de l’article 885 S du code général des impôts est contraire aux principes d’égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 ; qu’en effet, en réservant le bénéfice de l’abattement de 30 % aux propriétaires directs de l’immeuble, à l’exclusion des propriétaires indirects de l’immeuble détenu par le biais d’une SCI dont ils sont associés, la disposition législative contestée a institué une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi et retenu un critère sans lien objectif et rationnel avec le but visé par le législateur ; que la censure de cette disposition par le Conseil constitutionnel, à la suite du renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct et motivé, privera l’arrêt attaqué de fondement légal et entraînera, en conséquence, son annulation pour perte de fondement juridique. »
Réponse de la Cour
4. La Cour de cassation a, par un arrêt n° 882 du 17 octobre 2019, renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 885 S du code général des impôts soulevée par M. et Mme O….
5. Par décision 2019-820 QPC du 17 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a décidé que les mots « par son propriétaire », figurant à la première phrase du second alinéa de l’article 885 S du code général des impôts dans sa rédaction résultant de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, étaient conformes à la Constitution.
6. Le moyen est donc sans portée.
Et sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et cinquième branches
Enoncé du moyen
7. M. et Mme O… font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes, alors :
« 1°/ qu’il résulte du second alinéa de l’article 885 S du code général des impôts qu’un abattement de 30 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire ; que la cour d’appel a retenu que cet article « ne distingue nullement la détention directe de la détention indirecte de l’immeuble » ; qu’il s’en déduit que le droit à l’abattement de 30 % sur la valeur vénale réelle de l’immeuble occupé à titre de résidence principale est ouvert aussi bien au propriétaire direct qu’au propriétaire indirect de cet immeuble ; que, par suite, l’associé porteur des parts d’une SCI qui possède un immeuble doit, en tant que propriétaire indirect de l’immeuble, se voir reconnaître le droit à l’abattement de 30 % ; qu’en l’occurrence, la cour d’appel a constaté que « le couple détient l’intégralité des parts » de la SCI, laquelle est propriétaire de la villa, de sorte que M. et Mme O… détiennent indirectement cette villa ; qu’en jugeant néanmoins que ceux-ci ne pouvaient pas bénéficier de l’abattement de 30 %, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé le second alinéa de l’article 885 S du code général des impôts ;
2°/ qu’il résulte du second alinéa de l’article 885 S du code général des impôts qu’un abattement de 30 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire ; qu’à supposer que la Cour de cassation estime que la cour d’appel ait, contrairement à ce qu’elle a énoncé, entendu juger que l’article 885 S du code général des impôts réserve le bénéfice de l’abattement de 30 % sur la valeur de l’immeuble occupé à titre de résidence principale à son propriétaire direct et en exclut son propriétaire indirect, la cour d’appel aurait ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas ; qu’en effet, le second alinéa de l’article 885 S accorde le bénéfice de l’abattement en cause au « propriétaire » de l’immeuble occupé à titre de résidence principale, sans distinguer selon que ce propriétaire détient l’immeuble de manière directe ou indirecte ; qu’à cet égard, il résulte de la jurisprudence qu’il n’y a pas lieu de traiter différemment l’occupant d’un bien selon qu’il est le propriétaire direct de ce bien ou qu’il détient les parts d’une SCI à laquelle ce bien appartient ; qu’en outre, dans le cadre de régimes de faveur comparables, telle que l’exonération de la plus-value réalisée lors de la cession d’une résidence principale prévue à l’article 150 C du code général des impôts , il a été jugé que les associés d’une SCI dont les parts donnent droit à l’attribution gratuite en jouissance d’un bien immobilier appartenant à ladite société doivent être regardés comme étant eux-mêmes propriétaires de ce bien ; que, dès lors, en jugeant que « les époux O… ne pouvaient bénéficier de l’abattement de 30 % prévu à [l’article 885 S du code général des impôts] pour le calcul de la valeur de leurs parts sociales » au motif qu’en leur qualité d’ »associés d’une société civile immobilière », ils ne pouvaient être regardés comme les « propriétaire[s] de l’immeuble » acquis par la SCI dont ils détenaient la totalité des parts, la cour d’appel a violé le second alinéa de l’article 885 S du code général des impôts ;
3°/ qu’aucune disposition législative ni aucun principe de droit ne permettent au juge de l’impôt de maintenir une imposition contestée, lorsque celle-ci est dépourvue de base légale, en se fondant sur ce que cette imposition trouve sa justification dans une instruction administrative, elle-même dépourvue de base légale ; que la cour d’appel a pourtant fondé sa définition restrictive du champ d’application de l’abattement prévu par le second alinéa de l’article 885 S du code général des impôts sur le paragraphe n° 120 de l’instruction administrative publiée le 21 janvier 2014 au Bulletin officiel des finances publiques – Impôts sous la référence BOI-PAT-ISF-30-50-10, selon lequel ce dispositif « concerne également les parts de sociétés mentionnées à l’article 1655 ter du code général des impôts , dont les associés sont réputés être directement propriétaires des logements correspondant à leurs droits. En revanche, sont exclus de ce dispositif les titres de sociétés civiles de gestion ou d’investissement immobilier, alors même que l’immeuble détenu par le redevable constituerait sa résidence principale » ; qu’en retenant, pour rejeter la demande de M. et Mme O…, qu’il n’est pas contesté que la SCI dont ils détiennent les parts est « une société de gestion ordinaire dont le but est de détenir et gérer un patrimoine immobilier en commun », la cour d’appel a violé le second alinéa de l’article 885 S du code général des impôts et l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
5°/ qu’à supposer même que le bénéfice de l’abattement de 30 % prévu par le deuxième alinéa de l’article 885 S du code général des impôts doive être réservé au seul propriétaire direct de l’immeuble occupé à titre de résidence principale, il n’en demeure pas moins que, dans le cadre du premier alinéa du même article, il incombe à l’administration fiscale d’établir le bien fondé de ses évaluations par le recours à des éléments de comparaison tirés de la cession de biens intrinsèquement similaires ; que c’était donc à l’administration de démontrer le caractère excessif de l’abattement effectué par M. et Mme O… et de déterminer, à partir de termes de comparaison pertinents, la décote applicable ; qu’en revanche, ce n’était pas à M. et Mme O… d’apporter des éléments de comparaison pour établir l’insuffisance de la décote de 10 % appliquée par l’administration et la pertinence d’une décote supérieure ; que, dès lors, en se bornant à relever que les appelants n’indiquent pas plus en cause d’appel qu’en première instance, en quoi la décote appliquée par l’administration fiscale à hauteur de 10 % pour contraintes juridiques et contractuelles sur la valeur des parts de la SCI tenant compte de la circonstance de fait résultant de cette occupation, serait insuffisante, alors même que le couple détient l’intégralité des parts et que l’immeuble est occupé par eux même et non par un tiers », la cour d’appel a méconnu les règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve et, ce faisant, les exigences des articles 885 S du code général des impôts et L. 17 du livre des procédures fiscales. »
Réponse de la Cour
8. Dans sa décision précitée, le Conseil constitutionnel a précisé que « les dispositions de l’article 885 S du code général des impôts font obstacle à ce que le redevable de l’impôt de solidarité sur la fortune puisse prétendre au bénéfice de cet abattement forfaitaire lorsque l’immeuble qu’il occupe à titre de résidence principale appartient à une société civile immobilière dont il détient des parts, sauf dans le cas particulier, prévu à l’article 1655 ter du code général des impôts, où cette société a pour unique objet la construction ou l’acquisition d’immeubles, en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance ».
9. Ayant constaté que le deuxième alinéa de l’article 885 S du code général des impôts ne distinguait pas la détention directe ou indirecte de l’immeuble mais retenait son occupation à titre de résidence principale par les seuls propriétaires de l’immeuble, la cour d’appel en a exactement déduit que les porteurs de la totalité des parts de la SCI, propriétaire de l’immeuble litigieux, ne pouvaient, pour déterminer la valeur de ces parts, évaluer l’actif de cette société en appliquant, sur la valeur de ce bien, un abattement de 30 %.
10. Et c’est sans inverser la charge de la preuve qu’après avoir relevé que la SCI ne s’était pas réservé l’usage du bien et l’avait mis à la disposition gratuite de ses associés, la cour d’appel a retenu que M. et Mme O… n’indiquaient, pas plus en cause d’appel qu’en première instance, en quoi la décote appliquée par l’administration fiscale à hauteur de 10 % pour contraintes juridiques et contractuelles sur la valeur des parts de la SCI, tenant compte de la circonstance de fait résultant de cette occupation, serait insuffisante et qu’elle en a déduit que cet abattement était justifié.
11. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. O… et Mme W…, épouse O…, aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. O… et Mme W…, épouse O…, et les condamne à payer au directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l’autorité du directeur général des finances publiques, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme O….
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir rejeté l’ensemble des demandes de M. et Mme O… et d’avoir confirmé la décision de rejet de l’administration fiscale du 29 février 2016 ;
Aux motifs propres que « l’instruction BOI-PAT-ISF-30-50-10 admet que l’abattement prévu à l’article 885 S du code général des impôts (abattement de 30 % effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire) concerne également les parts des sociétés civiles d’attribution mentionnée à l’article 1655 ter du même code, dont les associés sont réputés être directement propriétaires de logements correspondants à leurs droits, excluant en revanche de ce dispositif les titres des sociétés civiles de gestion ou d’investissement immobilier alors même que l’immeuble détenu par la SCI dont le redevable est titulaire des parts constituerait la résidence principale de ce dernier ; qu’il n’est pas contesté que la SCI Grenouille est une société de gestion ordinaire dont le but est de détenir et gérer un patrimoine immobilier en commun et non une société d’attribution ; que M. et Mme O… considèrent que lorsqu’un immeuble appartient à une société civile immobilière de gestion relevant de l’article 1655 ter du CGI, et que les associés de cette société en ont la jouissance, il convient de distinguer selon que la SCI s’est réservée ou pas l’usage du bien et que dans les deux cas, après application d’un abattement de 30 % dans le premier cas et de 20 % dans le second cas, la valeur des parts de la SCI Grenouille reste négative ; qu’ils soutiennent que la doctrine administrative, en distinguant les sociétés civiles de l’article 1655 ter des sociétés civiles de gestion ou d’investissement immobilier ajoute à l’article 885 S une distinction qui n’a pas lieu d’être alors et cela, alors que la jurisprudence admet que d’autres exonérations d’impôt s’appliquent indifférent aux propriétaires directs ou aux associés d’une société civile immobilière comme l’exonération d’impôt sur le revenu des recettes de logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ou l’exonération de l’impôt sur la plus-value issue de la cession d’un immeuble constituant la résidence principale de son propriétaire ; que ceci étant exposé, ainsi que le soutient l’administration fiscale et comme l’a retenu le tribunal, l’article 885 S du code général des impôts ne distingue nullement la détention directe de la détention indirecte de l’immeuble mais prévoit l’occupation à titre de résidence principale du propriétaire de l’immeuble, ce que ne sont pas les associés d’une société civile immobilière qui a acquis l’immeuble et que les époux O… ne pouvaient bénéficier de l’abattement de 30 % prévu à cet article pour le calcul de la valeur de leurs parts sociales ; que si l’on considère que la société civile immobilière ne s’est pas réservé l’usage du bien et l’a mis à la disposition gratuite de ses associés, les appelants n’indiquent pas plus en cause d’appel qu’en première instance, en quoi la décote appliquée par l’administration fiscale à hauteur de 10 % pour contraintes juridiques et contractuelles sur la valeur des parts de la SCI tenant compte de la circonstance de fait résultant de cette occupation, serait insuffisante, alors même que le couple détient l’intégralité des parts et que l’immeuble est occupé par eux même et non par un tiers ; que le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions » (pp. 3 et 4 de l’arrêt attaqué) ;
Et aux motifs réputés adoptés que « en application de l’article 885 E du code général des impôts, l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes physiques qui y sont assujetties ; qu’aux termes de l’article 885 S du même code, la valeur des biens pour le calcul de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès ; que l’article 761 du même code précise que pour les immeubles dont le propriétaire a l’usage à la date de transmission, la valeur vénale réelle est réputée égale à la valeur libre de toute occupation ; que par dérogation aux dispositions de l’article 761 précitées, l’article 885 S alinéa 2 prévoit qu’un abattement de 30 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire ; que conformément à l’article 1655 ter de ce même code, les sociétés qui ont, en fait, pour unique objet soit la construction ou l’acquisition d’immeubles ou de groupes d’immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance, soit la gestion de ces immeubles ou groupes d’immeubles ainsi divisés, soit la location pour le compte d’un ou plusieurs des membres de la société de tout ou partie des immeubles ou fractions d’immeubles appartenant à chacun de ces membres, sont réputées, quelle que soit leur forme juridique, ne pas avoir de personnalité distincte de celle de leurs membres pour l’application des impôts directs, des droits d’enregistrement, de la taxe de publicité foncière exigible sur les actes qui donnent lieu à la formalité fusionnée en application de l’article 647, ainsi que des taxes assimilées ; que notamment, les associés ou actionnaires sont personnellement soumis à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, suivant le cas, pour la part des revenus sociaux correspondant à leurs droits dans la société ; que l’instruction BOI-PAT-ISF-30-50-10, publiée au bulletin officiel des finances publiques le 21 janvier 2014, admet que l’abattement prévu à l’article 885 S concerne également les parts de ces sociétés civile d’attribution mentionnées à l’article 1655 ter précité, dont les associés sont réputés être directement propriétaires des logements correspondant à leurs droits, excluant en revanche de ce dispositif les titres de sociétés civiles de gestion ou d’investissement immobilier, alors même que l’immeuble détenu par la SCI dont le redevable est titulaire des parts constituerait la résidence principale de ce dernier ; qu’en l’espèce, il est constant que la SCI Grenouillle est une société de gestion ordinaire dont le but est de détenir et gérer un patrimoine immobilier en commun, et non une société d’attribution dont le but est la construction ou l’acquisition d’un bien immobilier pour le diviser ensuite entre les associés, l’achat en commun étant facilité par l’intermédiaire de la SCI ; qu’elle n’appartient donc pas à la catégorie de sociétés citées à l’article 1655 ter précité ; que les demandeurs considèrent que la doctrine administrative, en distinguant les sociétés civiles de l’article 1655 ter des sociétés civiles de gestion ou d’investissement immobilier, ajoute à l’article 885 S une distinction qui n’a pas lieu d’être, alors que la jurisprudence admet que d’autres exonérations d’impôts s’appliquent indifféremment aux propriétaires directs ou aux associés d’une société civile immobilière, comme c’est le cas de l’exonération d’impôt sur le revenu des recettes de logements dont le propriétaire se réserve la jouissance, prévue à l’article 15-II du code général des impôts, ou encore l’exonération d’impôt sur la plus-value issue de la cession d’un immeuble constituant la résidence principale de son propriétaire prévue à l’article 150 U II 1° du même code ; que néanmoins, c’est à tort que les demandeurs soutiennent que la lettre de l’article 885 S du code général des impôts ne distingue nullement la détention directe de la détention indirecte de l’immeuble ; qu’en effet, ce texte prévoit l’occupation à titre de résidence principale du propriétaire de l’immeuble, ce que ne sont pas les associés d’une société civile immobilière qui a acquis un immeuble ; que c’est donc à bon droit que l’administration a considéré que M. et Mme O… ne pouvaient bénéficier de l’abattement de 30 % prévu à l’article 885 S pour le calcul de la valeur de leurs parts sociales ; que les demandeurs soutiennent encore que si l’on considère que la société civile immobilière ne s’est pas réservée l’usage du bien et met l’immeuble à la disposition gratuite de ses associés, les dispositions de l’article 761 du code général des impôts, qui disposent que pour les immeubles dont le propriétaire a l’usage à la date de transmission, la valeur vénale réelle est réputée égale à la valeur libre de toute occupation, ne trouvent pas à s’appliquer et qu’une décote pour occupation effective à titre d’habitation principale par le contribuable et sa famille doit être appliquée à hauteur de 20 %, le bien devant être évalué en fonction de cette circonstance ; qu’or, l’administration a déjà appliqué une décote de 10 % pour contraintes juridiques et contractuelles sur la valeur des parts de la SCI, de sorte qu’elle a tenu compte de la circonstance de fait résultant de cette occupation, et les demandeurs n’indiquent pas en quoi cette décote serait insuffisante, compte tenu des contraintes rendant difficiles la vente de l’immeuble ou des parts sociales, alors même que le couple détient l’intégralité de ces parts et que l’immeuble est occupé par eux-mêmes et non par un tiers ; que dès lors, la décision de rejet de l’administration fiscale sera confirmée » (pp. 3 à 5 du jugement du TGI de Paris du 6 mars 2017) ;
1°) Alors que, d’une part, il résulte du second alinéa de l’article 885 S du CGI qu’un abattement de 30 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire ; que la cour d’appel a retenu que cet article « ne distingue nullement la détention directe de la détention indirecte de l’immeuble » (p. 4, § 5, de l’arrêt attaqué) ; qu’il s’en déduit que le droit à l’abattement de 30 % sur la valeur vénale réelle de l’immeuble occupé à titre de résidence principale est ouvert aussi bien au propriétaire direct qu’au propriétaire indirect de cet immeuble ; que, par suite, l’associé porteur des parts d’une SCI qui possède un immeuble doit, en tant que propriétaire indirect de l’immeuble, se voir reconnaître le droit à l’abattement de 30 % ; qu’en l’occurrence, la cour d’appel a constaté que « le couple détient l’intégralité des parts » de la SCI (p. 4, § 6, de l’arrêt attaqué), laquelle est propriétaire la villa, de sorte que M. et Mme O… détiennent indirectement cette villa ; qu’en jugeant néanmoins que ceux-ci ne pouvaient pas bénéficier de l’abattement de 30 %, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé le second alinéa de l’article 885 S du CGI ;
2°) Alors que, d’autre part, il résulte du second alinéa de l’article 885 S du CGI qu’un abattement de 30 % est effectué sur la valeur vénale réelle de l’immeuble lorsque celui-ci est occupé à titre de résidence principale par son propriétaire ; qu’à supposer que la Cour de cassation estime que la cour d’appel ait, contrairement à ce qu’elle a énoncé, entendu juger que l’article 885 S du CGI réserve le bénéfice de l’abattement de 30 % sur la valeur de l’immeuble occupé à titre de résidence principale à son propriétaire direct et en exclut son propriétaire indirect, la cour d’appel aurait ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas ; qu’en effet, le second alinéa de l’article 885 S accorde le bénéfice de l’abattement en cause au « propriétaire » de l’immeuble occupé à titre de résidence principale, sans distinguer selon que ce propriétaire détient l’immeuble de manière directe ou indirecte ; qu’à cet égard, il résulte de la jurisprudence qu’il n’y a pas lieu de traiter différemment l’occupant d’un bien selon qu’il est le propriétaire direct de ce bien ou qu’il détient les parts d’une SCI à laquelle ce bien appartient ; qu’en outre, dans le cadre de régimes de faveur comparables, telle que l’exonération de la plus-value réalisée lors de la cession d’une résidence principale prévue à l’article 150 C du CGI, il a été jugé que les associés d’une SCI dont les parts donnent droit à l’attribution gratuite en jouissance d’un bien immobilier appartenant à ladite société doivent être regardés comme étant eux-mêmes propriétaires de ce bien ; que, dès lors, en jugeant que « les époux O… ne pouvaient bénéficier de l’abattement de 30 % prévu à [l’article 885 S du CGI] pour le calcul de la valeur de leurs parts sociales » au motif qu’en leur qualité d’« associés d’une société civile immobilière », ils ne pouvaient être regardés comme les « propriétaire[s] de l’immeuble » acquis par la SCI dont ils détenaient la totalité des parts (p. 4, § 5, de l’arrêt attaqué), la cour d’appel a violé le second alinéa de l’article 885 S du CGI ;
3°) Alors qu’aucune disposition législative ni aucun principe de droit ne permettent au juge de l’impôt de maintenir une imposition contestée, lorsque celle-ci est dépourvue de base légale, en se fondant sur ce que cette imposition trouve sa justification dans une instruction administrative, elle-même dépourvue de base légale ; que la cour d’appel a pourtant fondé sa définition restrictive du champ d’application de l’abattement prévu par le second alinéa de l’article 885 S du CGI sur le paragraphe n° 120 de l’instruction administrative publiée le 21 janvier 2014 au Bulletin officiel des finances publiques – Impôts sous la référence BOI-PAT-ISF-30-50-10, selon lequel ce dispositif « concerne également les parts de sociétés mentionnées à l’article 1655 ter du CGI, dont les associés sont réputés être directement propriétaires des logements correspondant à leurs droits. En revanche, sont exclus de ce dispositif les titres de sociétés civiles de gestion ou d’investissement immobilier, alors même que l’immeuble détenu par le redevable constituerait sa résidence principale » ; qu’en retenant, pour rejeter la demande de M. et Mme O…, qu’il n’est pas contesté que la SCI dont ils détiennent les parts est « une société de gestion ordinaire dont le but est de détenir et gérer un patrimoine immobilier en commun » (v. p. 4 in fine à p. 5, § 2 de l’arrêt attaqué), la cour d’appel a violé le second alinéa de l’article 885 S du CGI et l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales (LPF) ;
4°) Alors que, à titre subsidiaire, le deuxième alinéa de l’article 885 S du CGI est contraire aux principes d’égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration de 1789 ; qu’en effet, en réservant le bénéfice de l’abattement de 30 % aux propriétaires directs de l’immeuble, à l’exclusion des propriétaires indirects de l’immeuble détenu par le biais d’une SCI dont ils sont associés, la disposition législative contestée a institué une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi et retenu un critère sans lien objectif et rationnel avec le but visé par le législateur ; que la censure de cette disposition par Conseil constitutionnel, à la suite du renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par mémoire distinct et motivé, privera l’arrêt attaqué de fondement légal et entraînera, en conséquence, son annulation pour perte de fondement juridique ;
5°) Alors que, à titre très subsidiaire, à supposer même que le bénéfice de l’abattement de 30 % prévu par le deuxième alinéa de l’article 885 S du CGI doive être réservé au seul propriétaire direct de l’immeuble occupé à titre de résidence principale, il n’en demeure pas moins que, dans le cadre du premier alinéa du même article, il incombe à l’administration fiscale d’établir le bien fondé de ses évaluations par le recours à des éléments de comparaison tirés de la cession de biens intrinsèquement similaires ; que c’était donc à l’administration de démontrer le caractère excessif de l’abattement effectué par M. et Mme O… et de déterminer, à partir de termes de comparaison pertinents, la décote applicable ; qu’en revanche, ce n’était pas à M. et Mme O… d’apporter des éléments de comparaison pour établir l’insuffisance de la décote de 10 % appliquée par l’administration et la pertinence d’une décote supérieure ; que, dès lors, en se bornant à relever que « les appelants n’indiquent pas plus en cause d’appel qu’en première instance, en quoi la décote appliquée par l’administration fiscale à hauteur de 10 % pour contraintes juridiques et contractuelles sur la valeur des parts de la SCI tenant compte de la circonstance de fait résultant de cette occupation, serait insuffisante, alors même que le couple détient l’intégralité des parts et que l’immeuble est occupé par eux même et non par un tiers » (p. 4, § 6, de l’arrêt attaqué), la cour d’appel a méconnu les règles gouvernant l’attribution de la charge de la preuve et, ce faisant, les exigences des articles 885 S du CGI et L. 17 du LPF ;
ECLI:FR:CCASS:2021:CO00025