Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 avril 2016, 14-24.976, Inédit

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Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 avril 2016, 14-24.976, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1441-1 du code de procédure civile et R. 213-5-1 du code de l’organisation judiciaire ;

Attendu, selon l’ordonnance attaquée, rendue en matière de référé, que la société SIA Habitat (la société SIA) a lancé une consultation en vue de la conclusion d’un marché d’assistance à la maîtrise d’ouvrage sur des missions d’entretien et de modernisation des ascenseurs des parcs locatifs ; que la société Sécurité conseil expertises (la société SCE) s’est portée candidate, ainsi qu’un groupement d’entreprises composé des sociétés Bureau Veritas diagnostic et Bureau Veritas registre international de classification de navires et d’aéronefs (la société Bureau Veritas) ; qu’ayant appris qu’elle ne serait pas déclarée attributaire, la société SCE a saisi le juge des référés afin d’obtenir l’annulation de cette décision et la condamnation de la société SIA à lui attribuer le marché ; que celle-ci ayant ultérieurement fait part de sa décision de déclarer la procédure sans suite, la société SCE a demandé au juge de déclarer recevable son recours en référé précontractuel, de constater que, compte tenu de cette décision, ses demandes étaient modifiées et, en conséquence, de condamner solidairement les sociétés SIA et Bureau Veritas à lui verser une provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice ;

Attendu que l’ordonnance décide que le recours précontractuel formé contre la décision de la société SIA d’attribuer le marché à la société Bureau Veritas est recevable par application des dispositions de l’article 1441-1 du code de procédure civile et de l’ordonnance du 7 mai 2009 ;

Qu’en statuant ainsi, alors que seul le président du tribunal de grande instance statuant comme en matière de référé a le pouvoir de connaître du référé précontractuel prévu aux articles 2 et 3 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, le juge des référés a excédé ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;

Et vu l’article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’ordonnance rendue le 25 juillet 2014, entre les parties, par le juge des référés du tribunal de grande instance de Douai ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

DIT la demande de la société Sécurité conseil expertises irrecevable ;

Condamne la société Sécurité conseil expertises aux dépens, incluant ceux afférents à la décision cassée ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sécurité conseil expertises à payer à la société SIA Habitat la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société SIA Habitat

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué D’AVOIR déclaré recevable le recours pré-contractuel formé par la société Sécurité Conseil Expertises sur le fondement des dispositions des articles 2 et suivants de l’ordonnance du 2 mai 2009 relative aux procédures applicables aux contrats de la commande publique, et condamné la société SIA Habitat, solidairement avec la société Bureau Véritas Diagnostic et la société Bureau Véritas Registre International de Classification de Navires et d’Aéronefs au paiement à la société Sécurité Conseil Expertises de la somme de 3.000 € à titre d’indemnité provisionnelle sur le fondement des dispositions de l’article 809 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la recevabilité du recours formé par la société SCE : Le recours pré-contractuel formé par assignation contre la décision de la société SIA HABITAT d’attribué à la société BUREAU VERITAS le marché portant sur l’assistance à maîtrise d’ouvrage sur les missions d’entretien et de modernisation des ascenseurs des parcs locatifs de SIA HABITAT et de Lto HABITAT à l’issue de l’appel d’offres référencés SIA GRPDJUR 2013138, était recevable par application des dispositions de l’article 1441-1 du code de procédure civile et de l’ordonnance du 7 mai 2009. Toutefois, à la suite de la décision de la société SIA HABITAT de déclarer sans suite la procédure d’appel d’offre litigieuse, les demandes initiales de la société SCE sont devenues sans objet et ont été abandonnées par conclusions déposées à l’audience du 16 juin 2014. Ce sont donc les nouvelles demandes formées par ces dernières écritures qu’il convient d’examiner. Sur la demande de provision : L’article 3 de l’ordonnance du 7 mai 2009 relative aux procédures applicables aux contrats de la commande publique dispose que ; « A la demande du requérant, le juge peut prendre les mesures provisoires tendant à ce qu’il soit ordonné à la personne morale responsable du manquement de se conformer à ses obligations et, le cas échéant, à ce que soit suspendue la procédure de passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte, sauf s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts en présence et notamment de l’intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur leurs avantages. Le requérant peut également demander l’annulation des décisions qui se rapportent à la passation du contrat et la suppression des clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent les obligations mentionnées à l’article 2 ». L’article 809 du code de procédure civile dispose, en son second alinéa, que : « Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ». Pour demander le paiement d’une indemnité provisionnelle de 10.000 € à valoir sur son préjudice, la société SCE soutient que : – la société SIA HABITAT a failli à son obligation de vérification en déclarant attributaire du marché une société qui ne pouvait pas l’être à raison d’une incompatibilité expresse prévue à l’article L111-5 du code de la construction et de l’habitation, le Bureau VERITAS ayant une activité de contrôle technique soumise à agrément ; – la société BUREAU VERITAS a également commis une faute en se portant candidate à un appel d’offre dont elle savait qu’elle ne pouvait pas être attributaire ; – l’irrégularité de la procédure d’appel d’offre lui a causé un préjudice puisque si les défendresses avaient respecté leurs obligations, la société SCE, classée deuxième, aurait obtenu le marché et, c’est pour empêcher le tribunal de statuer sur ses demandes que la société SIA HABITAT s’est empressée de déclarer la procédure litigieuse sans suite et de lancer un nouvel appel d’offre fractionné en plusieurs missions dont une mission de contrôle qui permet à la société BUREAU VERITAS de candidater. La société SIA HABITAT conclut qu’il n’y a pas de lésion de la demanderesse pour le vice qu’elle invoque puisque la procéder de passation qu’elle conteste a été abandonnée. Les sociétés BUREAU VERITAS concluent à l’irrecevabilité de la demande en provision aux motifs que : – elle ne ressort pas des compétences du juge saisi sur le fondement de l’article 1441-1 du Code de procédure civile : – à titre subsidiaire, elle n’a aucun lien avec les demandes initialement formées. Elles ajoutent qu’il ne peut leur être reproché d’avoir candidaté mais qu’il appartenait à la société SCE de la déclarer irrégulière et de la rejeter. Elles précisent encore n’avoir aucune responsabilité dans la décision de retrait du marché litigieux qui ne relève que du pouvoir adjudicateur. Elles soutiennent enfin, au titre de l’article 809 du code de procédure civile, qu’il existe des contestations sérieuses quant à l’existence de l’obligation puisqu’il reviendrait au juge des référés d’apprécier l’existence des fautes invoquées, du préjudice allégué et du lien de causalité alors qu’elles les contestent. Il doit être constaté que la société SCE ne précise pas le fondement juridique de sa demande en provision. Sur le fondement de l’article 3 de l’ordonnance du 7 mai 2009 relative aux procédures applicables aux contrats de la commande publique, la demande en indemnité provisionnelle ne peut qu’être déclarée irrecevable, comme n’entrant pas dans les compétences reconnues au juge saisi en application de l’article 2 de ce texte. En revanche, sur le fondement de l’article 809 du code de procédure civile, il convient de constater que : – cette demande se justifie par le retrait de la procédure d’appel d’offre attaquée par l’assignation à laquelle elle se rattache donc suffisamment pour être recevable à ce titre ; – la société SIA HABITAT a attribué le marché à une entreprise qui ne pouvait être retenue ; – le groupement constitué par les société BUREAU VERITAS ne pouvait ignorer qu’il ne pouvait, ayant une activité de contrôle technique, soumis à agrément, obtenir un marché dont l’objet était la maîtrise d’ouvrage sur les missions d’entretien et de modernisation des ascenseurs, et donc, au sens de l’article L111-25 du code de la construction et de l’habitation, la conception, l’exécution ou l’expertise d’un ouvrage, et donc se porter candidates à un tel marché ; – la décision d’attribuer le marché au groupement BUREAU VERITAS prise par la société SIA HABITAT en violation des textes, a été rendue possible par la candidature du groupement, et a sans conteste occasionné un préjudice à la société SCE qui aurait obtenu le marché sans ces fautes, étant arrivée deuxième avec un nombre de points conséquent. Dès lors, les contestations des sociétés défenderesses ne peuvent être considérées comme sérieuses. Il y a donc lieu de faire droit à la demande d’indemnité provisionnelle formée par la société SCE, à hauteur de la somme de 3.000 €. » ;

1) ALORS QUE le référé précontractuel prévu aux articles 2 et 3 de l’ordonnance n°2009-515 du 7 mai 2009 et organisé par les articles 1441-1 et suivants du Code de procédure civile relève exclusivement du pouvoir du président du tribunal de grande instance statuant comme en matière de référé ; que dès lors, au cas présent, en déclarant recevable le référé précontractuel exercé par la société SCE, le juge des référés a excédé ses pouvoirs et violé les articles R213-5-1 du Code de l’organisation judiciaire et 1441-1 du Code de procédure civile ;

2) ALORS QUE, subsidiairement, le juge du référé précontractuel saisi sur le fondement des articles 1441-1 et suivants du Code de procédure civile et des articles 2 et 3 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 n’a pas le pouvoir d’allouer au demandeur une provision sur le fondement de l’article 809, alinéa 2, du Code de procédure civile ; qu’au cas présent, après avoir déclaré que le référé précontractuel exercé devant lui par la société SCE était recevable, le juge a néanmoins alloué à cette dernière une provision sur le fondement de l’article 809 du Code de procédure civile ; qu’en statuant ainsi le juge a excédé ses pouvoirs et violé les articles 2 et 3 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ;

ECLI:FR:CCASS:2016:CO00354


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