Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Besançon, 5 juillet 2016), qu’après avoir fondé la société Techninnov, M. X… et ses associés ont, le 8 avril 2010, conclu avec la société Jeumont Electric un protocole d’accord afin de développer et de commercialiser des équipements électriques ; que ce protocole prévoyait notamment la constitution entre les sociétés Techninnov et Jeumont Electric d’une société commune, la société Jeumont Drives Systems ; que M. X… a été nommé président des sociétés Techninnov et Jeumont Drives Systems ; qu’alléguant l’inexécution par la société Jeumont Electric des engagements prévus par le protocole, M. X… l’a assignée en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices causés par le manque à gagner sur ses rémunérations de président alors, selon le moyen :
1°/ que suivant procès-verbal d’assemblée générale ordinaire de la société Techninnov du 21 décembre 2010, les associés ont fixé à la somme de 6 250 euros brut l’acompte mensuel sur la rémunération de M. X…, président, à compter rétroactivement du 1er octobre 2011 ; que dès lors, en déclarant, pour dire que M. X… ne démontrait pas qu’il avait droit au complément de rémunération revendiqué, que si le terme « acompte mensuel » permet de supposer qu’une rémunération différente pouvait être définie par la suite, il est manifeste que tel n’a pas été le cas, quand le terme « acompte mensuel sur la rémunération » signifiait nécessairement que la somme de 6 250 euros litigieuse n’était qu’un versement partiel à valoir sur la rémunération totale effectivement due à M. X…, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce procès-verbal et a ainsi violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ que dans ses conclusions d’appel, M. X… soutenait qu’en votant en assemblée générale ordinaire du 21 décembre 2011 un acompte sur sa rémunération, les associés de la société Techninnov avaient unanimement reconnu son droit à percevoir un complément de rémunération et reprochait à la société Jeumont Electric, devenue associée majoritaire de la société Techninnov lors de l’assemblée générale du 28 juin 2013, puis présidente de ladite société, d’avoir manqué à ses engagements à son égard en ne votant pas cette rémunération complémentaire ; que dès lors, en se bornant à affirmer que « les associés ayant compétence exclusive pour fixer le montant de la rémunération du président d’une société anonyme, en l’absence de décision en ce sens, M. X… n’est pas fondé à réclamer en justice un complément de salaire », sans répondre à ce moyen pourtant propre à justifier la demande d’indemnisation formée par le demandeur en réparation du préjudice subi du fait du refus de la société Jeumont Electric, en sa qualité d’associé majoritaire et de dirigeant de la société Techninnov, de voter le complément de rémunération lui restant dû, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ; qu’en l’espèce, aux termes de l’article 1.1.2 du protocole d’accord Jeumont Drives Systems conclu le 8 avril 2010 entre MM. X…, A… et B…, d’une part, et la société Jeumont Electric, d’autre part, les parties sont convenues que M. X… sera le président de la société Techninnov pendant quatre années ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que pour autant, à la suite de l’assemblée générale de la société Techninnov du 28 juin 2013 lors de laquelle la société Jeumont Electric est devenue associée majoritaire, le mandat social de M. X… n’a pas été reconduit, de sorte que celui-ci a été démis de ses fonctions de président de la société Techninnov ; que dès lors, en retenant, pour rejeter la demande d’indemnisation formée par M. X… au titre de la perte de revenus résultant de son éviction de la présidence de la société Techninnov avant le terme des quatre années prévues au protocole d’accord du 8 avril 2010, que les désaccords surgis entre lui et les responsables des sociétés membres du groupe Altawest et notamment ceux de la société Jeumont Electric avaient eu pour conséquence de modifier l’intégralité des projets précédemment discutés, sans constater l’existence d’un avenant révoquant d’un commun accord entre les parties les stipulations du protocole du 8 avril 2010, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des conclusions d’appel de M. X… que ce dernier ait soutenu qu’un avenant devait être conclu pour modifier le protocole du 8 avril 2010 ; que le grief de la troisième branche est nouveau, et mélangé de fait et de droit ;
Et attendu, en second lieu, qu’après avoir constaté que les associés de la société Techninnov avaient fixé à une certaine somme l’acompte mensuel de la rémunération du mandat de M. X… en qualité de président de cette société, la cour d’appel a relevé qu’aucun engagement relatif à un complément de rémunération n’avait été souscrit par la société Jeumont Electric au profit de ce dernier et qu’aucune décision n’avait été prise à ce sujet par les associés de la société Techninnov, cependant que M. X… avait la possibilité de mettre à l’ordre du jour d’une assemblée générale la question du complément de sa rémunération ; qu’en cet état, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis et hors toute dénaturation que la cour d’appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions invoquées, a retenu que M. X… ne démontrait pas qu’il avait été privé de la rémunération revendiquée ;
D’où il suit qu’irrecevable en sa troisième branche, le moyen n’est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation de préjudices liés à des pertes résultant de l’absence de la fusion-absorption de la société Techninnov par la société Jeumont Drives Systems et à la rémunération de ses apports et participations financières alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions d’appel, M. X… soutenait que la société Jeumont Electric avait manqué aux engagements souscrits par elle dans le protocole d’accord du 8 avril 2010, en n’investissant pas au capital de la société Jeumont Drives Systems les 1 750 000 euros minimum contractuellement prévus pour en permettre le développement ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, pourtant de nature à voir engager la responsabilité contractuelle de la société Jeumont Electric, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que dans ses conclusions d’appel, M. X… soutenait également que son consentement aux résolutions de l’assemblée générale extraordinaire de la société Techninnov du 7 février 2013 évaluant l’action Techninnov à 1 euro et approuvant l’apport en nature effectué par la société Jeumont Electric avait été vicié par cette dernière ; qu’à cet égard, il se prévalait expressément d’un courriel de M. C…, pour le groupe Altawest, du 2 juillet 2012 l’assurant mensongèrement à la fois du maintien de la dualité des sociétés Techninnov et Jeumont Drives Systems et de ce qu’il demeurerait le président de ces deux entités ; que dès lors, en se bornant à affirmer qu’ayant voté les résolutions adoptées lors de l’assemblée du 7 février 2013, M. X… n’était pas fondé à remettre en cause l’évaluation faite des actions de la société Techninnov ni l’apport en nature effectué par la société Jeumont Electric ayant permis à cette dernière de prendre indirectement le contrôle de la société Techninnov, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le consentement de M. X… à ces résolutions n’avait pas été vicié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;
Mais attendu, en premier lieu, que contrairement aux affirmations du pourvoi, il ne résulte pas des conclusions de M. X… que ce dernier ait soutenu que son consentement aux résolutions de l’assemblée générale extraordinaire du 7 février 2013 avait été vicié ; que la cour d’appel n’avait donc pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée ;
Et attendu, en second lieu, qu’ayant relevé que certaines des opérations prévues par le protocole d’accord, tant à la charge de la société Jeumont Electric qu’à celle des fondateurs de la société Techninnov, n’avaient pas abouti et que les modifications apportées au protocole d’accord au cours de son application avaient donné lieu à de nombreux échanges et pourparlers entre les parties, la cour d’appel en a déduit que le défaut d’exécution du protocole ne résultait pas de la seule volonté de la société Jeumont Electric, répondant par là-même aux conclusions prétendument omises ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer aux sociétés Techninnov, Jeumont Drives Systems et Jeumont Electric la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour M. X…
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté M. Jean-Charles X… de sa demande tendant à voir condamner solidairement les sociétés Jeumont Electric et Techninnov à lui payer la somme de 442.709 € (180.209 € + 262.500 €) à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices causés par le manque à gagner sur ses rémunérations, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 17 avril 2014 ;
AUX MOTIFS QUE, sur les dommages et intérêts réclamés aux SAS Techninnov et Jeumont Electric en réparation du manque à gagner sur ses rémunérations, la demande d’indemnisation globale présentée à hauteur d’appel pour une somme de 442.709 € porte à la fois sur : – les compléments de rémunération dus selon l’appelant au titre de son mandat social de président de la SAS Techninnov exercé entre le 1er mai 2010 et le 30 juin 2013, soit 181.209 € , – la perte de revenus résultant de son éviction couvrant la période du 1er juillet 2013 au 25 mars 2015, soit 262.500 €. Pour obtenir l’indemnisation du préjudice économique dont il sollicite réparation M. X… doit rapporter la preuve de la réalité des pertes financières subies, d’une faute commise par chacune des deux sociétés contre lesquelles il agit en responsabilité, et de l’existence d’un lien de causalité entre son préjudice et les agissements imputables aux intimées. S’agissant du complément de rémunération au titre du mandat social de président, il résulte du procès-verbal des délibérations de l’assemblée générale ordinaire de la SAS Techninnov (pièce n° 25 de l’appelant) tenue le 21 décembre 2011 que les associés ont fixé à 6.250 € brut l’acompte mensuel sur la rémunération de M. Jean-Charles X…, président, et ce rétroactivement à compter du 1er octobre 2011. Si le terme acompte mensuel qui figure sur le procès-verbal permet effectivement de supposer qu’une rémunération différente pouvait être définie par la suite, il est manifeste que tel n’a pas été le cas, l’appelant ne produisant aucun document justificatif en ce sens. Or, comme l’ont rappelé à bon droit les premiers juges, les associés ayant compétence exclusive pour fixer le montant de la rémunération du président d’une société anonyme, en l’absence de décision en ce sens, M. X… n’est pas fondé à réclamer en justice un complément de salaire, sachant par ailleurs qu’il ne justifie pas avoir mis à l’ordre du jour d’une quelconque assemblée générale cette question, durant toute la période où il a exercé son mandat de président de la SAS Techninnov. Les éventuelles promesses qui ont pu lui être faites concernant une perspective de rémunération en 2010, ou une majoration de salaire en 2012, par M. D… responsable au sein du groupe Altawest lors d’échange de courriers électroniques (pièces n° 26 et 27 de l’appelant) sont dénuées de toute valeur à cet égard, dès lors qu’il n’apparaît pas que M. D… était mandaté pour engager la SAS Techninnov, et encore moins qu’il se soit porté fort pour la société Jeumont Electric. Il s’ensuit que M. X… ne démontre pas qu’il avait droit au complément de rémunération qu’il revendique. A la suite de l’assemblée générale tenue le 28 juin 2013, le mandat social de M. Jean-Charles X… n’a pas été reconduit, de sorte que celui-ci a été démis de ses fonctions de président dc la SAS Techninnov (pièce n° 16 de l’appelant) à l’issue de la période initiale de 3 ans prévue par les statuts de la société (pièce n° 7 de l’appelant article 16-2). M. X… ne remettant pas en cause la validité de la résolution rejetant sa demande de renouvellement, la cour doit considérer que son mandat social n’a pas été renouvelé en exécution d’une décision régulièrement prise par les associés, de sorte que la rémunération correspondante n’était plus due à l’appelant. M. X… ne peut en conséquence pas se plaindre de la perte d’une rémunération qui a cessé de lui être versée puisqu’il n’exerçait plus les fonctions qui en représentaient la contrepartie. Même si les projets antérieurement élaborés avaient prévu qu’il demeurerait le président des sociétés Techninnov et JDS, ou qu’il pourrait bénéficier d’un poste de directeur commercial (pièces n° 28 et 39 de l’appelant), en l’absence de documents contractuels dûment établis, M. X… n’a aucun droit acquis à continuer à bénéficier de la rémunération correspondant à un mandat social qu’il n’exerçait plus, pas plus qu’il ne pourrait prétendre percevoir la rémunération due au directeur commercial qu’il n’est jamais devenu. Les désaccords, qui ont surgi entre lui et les divers responsables des sociétés membres du groupe Altawest (pièces n° 13,17 et 30 de l’appelant) et notamment ceux de la société Jeumont Electric, ont en effet eu pour conséquence de modifier l’intégralité des projets précédemment discutés, tout comme ils ont conduit M. X… à démissionner le 14 octobre 2013 de son mandat de président de la société JDS (pièce n° 18 de l’appelant). L’appelant n’est donc pas fondé à réclamer une indemnité compensatrice des rémunérations non perçues ensuite du non renouvellement de son mandat de président de la SAS Techninnov concernant la période du 1er juillet 2013 au 31 mars 2015, ainsi que l’a retenu le jugement déféré. Il résulte de tout ce qui précède que les gains, dont M. X… se prévaut, ne lui étaient pas dus, dc sorte qu’il ne subit aucun préjudice financier. Il doit dès lors être débouté de ses prétentions, sans même qu’il soit nécessaire d’examiner les fautes susceptibles d’avoir été commises à son égard par les sociétés Techninnov et Jeumont Electric ;
1) ALORS, D’UNE PART, QUE suivant procès-verbal d’assemblée générale ordinaire de la SAS Techninnov du 21 décembre 2010, les associés ont fixé à la somme de 6.250 € brut l’acompte mensuel sur la rémunération de M. X…, président, à compter rétroactivement du 1er octobre 2011 ; que dès lors, en déclarant, pour dire que M. X… ne démontrait pas qu’il avait droit au complément de rémunération revendiqué, que si le terme « acompte mensuel » permet de supposer qu’une rémunération différente pouvait être définie par la suite, il est manifeste que tel n’a pas été le cas, quand le terme « acompte mensuel sur la rémunération » signifiait nécessairement que la somme de 6.250 € litigieuse n’était qu’un versement partiel à valoir sur la rémunération totale effectivement due à M. X…, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce procès-verbal et a ainsi violé l’ancien article 1134 du code civil, en l’espèce applicable ;
2) ALORS, D’AUTRE PART, QUE dans ses conclusions d’appel, M. X… soutenait qu’en votant en assemblée générale ordinaire du 21 décembre 2011 un acompte sur sa rémunération, les associés de la SAS Techninnov avaient unanimement reconnu son droit à percevoir un complément de rémunération et reprochait à la société Jeumont Electric, devenue associée majoritaire de la SAS Techninnov lors de l’assemblée générale du 28 juin 2013, puis présidente de ladite société, d’avoir manqué à ses engagements à son égard en ne votant pas cette rémunération complémentaire ; que dès lors, en se bornant à affirmer que « les associés ayant compétence exclusive pour fixer le montant de la rémunération du président d’une société anonyme, en l’absence de décision en ce sens, M. X… n’est pas fondé à réclamer en justice un complément de salaire », sans répondre à ce moyen pourtant propre à justifier la demande d’indemnisation formée par l’exposant en réparation du préjudice subi du fait du refus de la société Jeumont Electric, en sa qualité d’associé majoritaire et de dirigeant de la société Techninnov, de voter le complément de rémunération lui restant dû, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
3) ALORS, EN OUTRE, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ; qu’en l’espèce, aux termes de l’article 1.1.2 du protocole d’accord Jeumont Drives Systems conclu le 8 avril 2010 entre MM. X…, A… et B…, d’une part, et la société Jeumont Electric, d’autre part, les parties sont convenues que M. X… sera le président de la société Techninnov pendant quatre années ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que pour autant, à la suite de l’assemblée générale de la SAS Techninnov du 28 juin 2013 lors de laquelle la société Jeumont Electric est devenue associée majoritaire, le mandat social de M. X… n’a pas été reconduit, de sorte que celui-ci a été démis de ses fonctions de président de la SAS Techninnov ; que dès lors, en retenant, pour rejeter la demande d’indemnisation formée par M. X… au titre de la perte de revenus résultant de son éviction de la présidence de la SAS Techninnov avant le terme des quatre années prévues au protocole d’accord du 8 avril 2010, que les désaccords surgis entre lui et les responsables des sociétés membres du groupe Altawest et notamment ceux de la société Jeumont Electric avaient eu pour conséquence de modifier l’intégralité des projets précédemment discutés, sans constater l’existence d’un avenant révoquant d’un commun accord entre les parties les stipulations du protocole du 8 avril 2010, la cour d’appel a violé l’ancien article 1134 du code civil, en l’espèce applicable.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’avoir débouté M. Jean-Charles X… de sa demande tendant à voir condamner solidairement la société Jeumont Electric à lui payer la somme de 645.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice lié à la perte résultant de l’absence de fusion-absorption de Techninnov par Jeumont Drives Systems, de rémunération de ses apports, participations financières, préjudice moral et violation par la société Jeumont Electric de la clause de non-concurrence, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 17 avril 2014 ;
AUX MOTIFS QUE, sur les dommages et intérêts réclamés à la SAS Jeumont Electric au titre de la perte résultant de l’absence de fusion absorption de la SAS Techninnov par JDS, du défaut de rémunération de ses apports et participation financière, de la violation de la clause de non concurrence et du préjudice moral, il est incontestable que le protocole d’accord signé le 8 avril 2010 entre les fondateurs de la SAS Techninnov et la SAS Jeumont Electric prévoyait la création d’une société commune (JDS), la signature d’un pacte d’associés, une promesse de cession par les fondateurs de l’intégralité de leurs actions Techninnov au profit de la société (JDS) et de l’investisseur (la SAS Jeumont Electric), et la fusion par absorption de Techninnov au sein de JDS dans les deux ans de la création de cette dernière. Si la création de JDS a bien eu lieu, les autres opérations n’ont pas abouti, y compris celles qui relevaient des engagements pris par les fondateurs dont fait partie l’appelant (cession des actions de Techninnov à JDS ou à la SAS Jeumont Electric notamment) et non pas exclusivement les obligations mises à la charge de la SAS Jeumont Electric. Les modifications intervenues ont donné lieu à de nombreux échanges et pourparlers entre les parties (pièces n° 28, 29, 32, 39, 40 et 41 de l’appelant) de sorte qu’il n’est pas possible de considérer que le défaut d’exécution du protocole d’accord résulte de la volonté unilatérale d’une seule partie, Jeumont Electric, ou le groupe Altawest plus globalement, comme le soutient l’appelant. Dans ces conditions, M. X…, qui a été continuellement associé aux modifications successivement débattues, ne peut pas prétendre avoir été victime d’un processus initié pour le dépouiller, et ne rapporte pas la preuve du préjudice moral qu’il invoque. S’agissant du défaut de rémunération de ses apports et participation financière, dès lors qu’il a voté les diverses résolutions qui ont été adoptées à l’unanimité lors de l’assemblée générale extraordinaire de la SAS Techninnov tenue le 7 février 2013 (pièce n° 12 de l’appelant), ainsi que l’a souligné le tribunal de commerce, M. X… n’est pas fondé à remettre en cause l’évaluation qui a été faite des actions de la SAS Techninnov, ni l’apport en nature effectué par la SAS Jeumont Electric (pièce n° 11) qui a permis à cette dernière de prendre indirectement le contrôle de la SAS Techninnov. La clause de non concurrence prévue à l’article 1.6 du protocole d’accord, d’une part, fait référence au pacte d’associé, qui n’a en définitive pas été signé et, d’autre part, pèse non pas sur la SAS Jeumont Electric, mais sur les fondateurs de la SAS Techninnov, qui se sont engagés à ne pas concurrencer directement ou indirectement JDS, moyennant, dans l’hypothèse d’un éventuel licenciement non fautif, le versement d’une indemnité due par la SAS Jeumont Electric. Il s’ensuit que M. X…, qui est tenu vis-à-vis de JDS d’une clause de non concurrence, et qui n’a fait l’objet d’aucun licenciement, ne peut pas reprocher à la SAS Jeumont Electric un quelconque manquement à ce titre, susceptible de lui avoir causé un préjudice financier. S’il est exact que le pacte d’associé annexé au protocole (pièce n° 9 de l’appelant) prévoit à l’inverse une clause de non concurrence à la charge de l’investisseur, soit Jeumont Electric, pendant toute la durée du pacte, cette clause est dépourvue de toute validité du fait du défaut de signature dudit pacte. Enfin les sociétés intimées font observer avec raison que M. X… ne démontre pas avoir pris l’initiative d’initier la fusion entre Techninnov et JDS en exécution du protocole, alors qu’il en avait le pouvoir en sa qualité de président de Techninnov, et que l’échéancier initial prévoyait que l’opération devait intervenir dans les deux ans de la création de JDS (article 1.5 du protocole), soit au plus tard le 23 mars 2013 compte tenu de la date d’immatriculation de cette société (pièce n° 5 de l’appelant) et en conséquence avant l’éviction de l’appelant. En définitive, il résulte de ce qui précède que M. X… ne démontre pas que le défaut d’exécution du protocole d’accord conclu le 8 avril 2010 est exclusivement imputable à la SAS Jeumont Electric ni qu’il a, du fait des agissements de cette intimée, subi un préjudice financier ou moral particulier. Sa demande de dommages et intérêts ne peut donc prospérer ;
1) ALORS, D’UNE PART, QUE dans ses conclusions d’appel, M. X… soutenait que la société Jeumont Electric avait manqué aux engagements souscrits par elle dans le protocole d’accord du 8 avril 2010, en n’investissant pas au capital de la société Jeumont Drives Systems les 1.750.000 € minimum contractuellement prévus pour en permettre le développement ; qu’en ne répondant pas à ce moyen, pourtant de nature à voir engager la responsabilité contractuelle de la société Jeumont Electric, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS, D’AUTRE PART, QUE dans ses conclusions d’appel, M. X… soutenait également que son consentement aux résolutions de l’assemblée générale extraordinaire de la SAS Techninnov du 7 février 2013 évaluant l’action Techninnov à 1 euro et approuvant l’apport en nature effectué par la société Jeumont Electric avait été vicié par cette dernière ; qu’à cet égard, il se prévalait expressément d’un courriel de M. C…, pour le groupe Altawest, du 2 juillet 2012 (cf. pièce n° 28) l’assurant mensongèrement à la fois du maintien de la dualité des sociétés Techninnov et Jeumont Drives Systems et de ce qu’il demeurerait le président de ces deux entités ; que dès lors, en se bornant à affirmer qu’ayant voté les résolutions adoptées lors de l’assemblée du 7 février 2013, M. X… n’était pas fondé à remettre en cause l’évaluation faite des actions de la SAS Techninnov ni l’apport en nature effectué par la SAS Jeumont Electric ayant permis à cette dernière de prendre indirectement le contrôle de la SAS Techninnov, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le consentement de M. X… à ces résolutions n’avait pas été vicié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1116 et 1147 du code civil.
ECLI:FR:CCASS:2018:CO00803